Le 20 Août prochain, les championnats du monde élite de hockey féminin s’ouvriront à Calgary. D’ici là, nous allons vous faire découvrir les grands moments de cette discipline. Parler des grandes championnes mais aussi de l’avenir du hockey au féminin. Car l’histoire du hockey sur glace féminin, c’est également l’histoire d’une ambition: Celui d’atteindre le firmament mondial.
C’est une révolution née un siècle après les premiers coups de patins d’Isobel Stanley et ses camarades. Une révolution qui à vu nombres de luttes victorieuses et d’espoirs déçus. Pourtant le hockey féminin, a su se redresser. Avec l’instauration des compétitions locales et universitaires, les joueuses ont prouvé qu’elles sont capables de prendre leur destin en main. Faisant naître l’ambition d’obtenir enfin la reconnaissance à l’échelle mondiale.
Le tournoi qui change tout

En ce 26 Avril 1987, sur la glace de la North York Centennial Arena, le Canada affronte en finale l’équipe de l’Ontario. Si, sur le papier, cette affiche peut surprendre. Cette rencontre parachève une semaine historique pour le hockey féminin. Celui du 1er tournoi mondial féminin de hockey sur glace.
Dans les travées, l’organisatrice Fran Rider est fière du chemin parcouru. 5 longues années, depuis les premières discussions entre les nations. A faire du lobbying vis-à-vis de la Fédération Internationale de Hockey sur glace (IIHF). L’idée de Rider et de l’Association du hockey féminin de l’Ontario, est celui d’organiser un tournoi international, qui pourra démontrer que le hockey féminin est désormais prêt à entrer sur la scène mondiale. Afin d’obtenir la mise en place d’un championnat du monde féminin et peut-être, un jour, d’ouvrir enfin les portes de l’olympisme.
Lors d’une réunion, en Juin 1986. l’IIHF répond que le projet est intéressant mais qu’il va falloir du temps pour le concrétiser. La raison principale est que le hockey féminin souffre d’un manque de bases solides et de moyens mais ils encouragent les organisateurs d’utiliser le terme “Tournoi mondial”.
Fran Rider se remémore “Au bout de trois mois, si nous avions les équipes, nous aurions l’argent, et si on avait l’argent, nous aurions les équipes”. avant d’ajouter “On s’est battues, on s’est vraiment battues. On se savait pas si on serait capable d’organiser, tout ce qu’on avait c’était la motivation sincère des joueuses.”
Une organisation compliquée
Les premières nations invitées sont le Canada représentés par l’équipe des Golden Hawks de Hamilton (avec quelques renforcements), les Pays-Bas, le Japon, la Suisse, les Etats-Unis, la Suède et l’équipe des Warriors de Mississauga, qui elles, représenteront la province de l’Ontario. Quelques semaines avant le tournoi la RFA (l’Allemagne de l’Ouest) se retire. La raison est une dispute, au sujet de l’interdiction des mises en échec corporelles.
Ce revirement menace l’organisation de l’évènement. Fran Rider, questionnée par les joueuses, lors d’un match de la Ligue féminine de l’Ontario, sur le maintien ou pas du tournoi, se remémore: “Je les ai regardés dans les yeux, je ne pouvais pas leur dire non.”.
Par manque de moyens, la Suède menace de se retirer. C’est Börje Salming, le défenseur vedette des Maple Leafs de Toronto, qui leur permet de participer en les soutenant financièrement.

Le saut dans l’inconnu
Avant le début du tournoi, Lee Trempe, entraineur des Warriors, déclare dans le Toronto Star: “C’est la meilleure chose qui arrive au hockey féminin depuis 6 ans” (NDLR – En 1981, le championnat national canadien de hockey féminin a été lancé). Il ajoute “Je n’ai aucune idée du niveau des autres nations, ni a quoi nous attendre. Autant je peux appréhender les Américaines, car on joue le même style de jeu, mais les autres c’est clairement l’inconnu“.
Le niveau des équipes est très disparate. Les Nord Américaines dominent clairement leurs adversaires. Le Canada, les Etats-Unis et l’Ontario obtiennent, en cumulé, une différence de buts de +158 (174 buts pour et seulement 11 buts contre).
Un premier titre pour le Canada

Au delà de la compétition, cet évènement est avant tout un succès populaire. En effet, 1000 personnes se bousculent dans la petite patinoire de North York. Sur le plan sportif, le tableau final voit le Canada remporter la Hazel McCallion World Cup, (nommé en honneur de Hazel McCallion, maire de Mississauga et grand soutien au hockey féminin). Les finalistes sont la Province de l’Ontario. Sur la troisième marche du podium sont les Américaines et quatrième, les Suédoises.
L’autre grande victoire est le bilan positif du tournoi, présenté à l’IIHF. Ce tournoi a offert la légitimité nécessaire au hockey féminin pour se voir octroyer un championnat du monde officiel. L’IIHF annonce la création du premier championnat du monde officiel pour 1990.
Les mondiaux: une affaire nord américaine
En 1990, le premier championnat du monde organisé par l’IIHF à lieu à Ottawa. Ce mondial voit le Canada remporter le premier titre mondial officiel face aux USA. Mais un détail fait que ces mondiaux sont entrés dans la légende: Les canadiennes jouent avec des maillots roses. Ce détail a provoqué une certaine réticence de la part des joueuses. Mais depuis, ces maillots roses entreront la légende du hockey féminin.
Source Image: CBC.ca – L’equipe Canadienne de 1990 Source Image: Reuters – En 2007, les Canadiennes jouent avec un chandail rose en hommage a celui de 1990 (ici Charline Labonté)
A la suite de ces mondiaux, une nouvelle règle est introduite: les charges sont interdites, car la différence de gabarit entre les nord-américaines et les autres compétitrices augmente le risque de blessures.
Les mondiaux sont tout d’abord organisés une fois tous les 2 ans, jusqu’en 1994 avant une pause de 3 ans. De 1997 à 2018, le Canada et les USA se retrouvent à chaque fois en finale. Ces deux nations trustent les titres (10 titres pour le Canada et 9 pour les USA).
En 2019, l’hégémonie des finales nord américaine aux championnats du monde tombe, le Canada sera éliminé en demi-finale par la Finlande ! Mais en remportant la finale (dans des conditions louches), les USA gardent la série en cours toujours en vie.
Un rêve enfin devenu réalité
Le rêve de voir le hockey féminin aux jeux, ne date pas d’hier. En 1934, la chroniqueuse et athlète olympique Myrtle Cook prédit la présence du hockey féminin aux Jeux. Il a fallu 64 ans d’attente, pour que cette prédiction devienne réalité.
Au mois de Juillet 1992, une nouvelle barrière est franchie. Au cours de la 99ème session du Comité International Olympique, le statut de sport olympique est enfin attribué au hockey féminin (le hockey sur glace masculin a été intégré en 1924). Afin “d’augmenter le nombre d’athlètes féminines aux jeux d’hiver“. De ce fait, il est décidé que le premier tournoi olympique féminin aura lieu en 1998, au Japon, à Nagano.
Comme souvent avec le hockey féminin, tout le monde n’est pas conquis par cette décision. Le comité d’organisation des jeux de Nagano est tout d’abord hésitant quant au fait d’inclure le hockey féminin. Parmi les raisons avancées, le coût supplémentaire pour organiser le tournoi féminin. Mais aussi les grandes difficultés que connait leur équipe nationale.
L’Histoire vaut bien quelques compromis

Un compromis sera toutefois trouvé, le tournoi ne regroupera que 6 équipes : Canada, USA, Suède, Finlande, Japon et Chine. Aucune nouvelle infrastructure ne sera nécessaire et l’Association Canadienne de Hockey Amateur, avant sa fusion avec Hockey Canada, aidera le Japon à monter et entrainer une équipe compétitive pour les jeux.
Ces jeux Olympiques de Nagano resteront historique pour le hockey sur glace. Le tournoi masculin s’ouvre, pour la première fois, aux stars de la LNH. Pour le hockey féminin, ce premier tournoi olympique marque la chute de “l’empire” Canadien. Pour la première fois, les joueuses à la feuille d’érable, connaissent le goût amer de la défaite en finale. Leurs bourreaux ne sont autres que les Américaines. Qui remportent le premier tournoi olympique sur la marque de 4-1. De cette rencontre, naitra une des rivalités les plus musclées du hockey.
Naissance d’une rivalité brutale
Le hockey sur glace, connait de grandes rivalités. Chez les hommes, on peut citer, entre autres, l’URSS/la Russie contre le Canada, ou les Canadiens de Montréal contre les Bruins de Boston. Chez les femmes, aucune rivalité ne sera aussi forte qu’entre les USA et le Canada.
Cette rivalité prend sa source dès le premier championnat du monde de hockey, en 1990. Les USA sont dominés par le Canada. L’histoire se répète lors des compétitions internationales. Le Canada et les USA se rencontrent en finale et les Canadiennes sortent victorieuses. Le tournant aura lieu lors des jeux de Nagano, quand les Américaines font tomber les joueuses à la feuille d’érable de leur piédestal.
Les Canadiennes prendront leur revanche 4 ans plus tard. Sur la glace de l’E-Center de Salt Lake City avec une victoire de 2-1 sur les américaines.
Dès lors, le Canada dominera les tournois olympique. Récoltant 4 médailles d’or consécutives (à Turin en 2006 , à Vancouver en 2010, et à Sotchi en 2014). Leur hégémonie sera brisée en 2018 lors des jeux de PyeongChang quand les Américaines remportent le titre olympique lors des tirs de barrage.
Les mondiaux sont une autre affaire. Depuis 2004, les Canadiennes n’ont remporté que 3 championnats du monde quand les Américaines remportent 8 titres.
Une autre raison qui fait que cette rivalité existe, c’est que ces deux nations ont les meilleures joueuses au monde.
Des joueuses mythiques
Des noms comme Cammi Granato, Angela Ruggiero, Julie Chu, Hilary Knight ou encore les sœurs Monique et Jocelyn Lamouroux pour les USA.
Manon Rhéaume, Hayley Wickenheiser, Marie-Philip Poulain, Shannon Szabados, Kim St. Pierre, Angela James ou encore France Saint-Louis pour le Canada sont entrés dans l’histoire du hockey féminin.
Et évidemment la qualité apporte son lot de duels. Avec ces deux nations, les matchs sont de très haut niveau. Ce sont les matchs où l’on vit des moments qu’on voit rarement dans le hockey féminin. Par exemple, les joueuses en viennent aux mains, comme lors de ce match de préparation en 2013
Mais également en 2014
Malgré tout, cette rivalité est surtout le moteur d’une discipline, elle permet à chaque équipe de s’améliorer, et de servir de maitre étalon aux autres nations. Oui, le talent existe dans le hockey féminin. Les joueuses font preuve de courage, d’abnégation et de travail et aujourd’hui elles continuent à écrire les pages d’une œuvre, qui depuis plus un siècle aura connu des hauts et des bas, mais qui ne n’acceptera plus de se faire dicter sa façon d’exister. Cette attitude rebelle est une de ses forces que les joueuses cherchent à transmettre aux générations futures.
Le hockey féminin a réussi son pari: enfin obtenir la reconnaissance mondiale et olympique. Certaines franchissent le plafond de verre et tentent leur chance dans les ligues masculines. D’autres rêvent de créer une ligue professionnelle féminine.