Au terme de phases finales complètement folles, marquées par l’essai salvateur de Gavin Stark à Vannes et par ce derby dont on parlera encore dans des décennies, le Biarritz olympique a signé son retour en Top 14. Pour espérer rivaliser avec les mastodontes du championnat, le club basque devait se renforcer durant l’intersaison. Ce fut chose faite, avec le recrutement de plusieurs internationaux dont un certain Tevita Kuridrani. Présentation.
Wallaby des Fidji
Tevita Kuridrani naît en 1991 à Suva, capitale des Fidji, et passe son enfance dans le petit village de Namatakula. Dans sa famille, on retrouve Lote Tuqiri, ancien treiziste et quinziste à succès, et les frères Nemani Nadolo et Chris Kuridrani, qui ne sont autres que ses cousins. On dira qu’il vaut mieux les avoir en photo qu’en pension ! À 16 ans, Tevita part pour l’Australie avec sa famille. À l’été 2010, il prend part au championnat du monde junior en Argentine sous la bannière des Fidji, qui seront éliminés par la France (9-44). L’année suivante, il se tourne vers son pays d’adoption en portant les couleurs de l’Australie aux Sevens World Series et en équipe des moins de 20 ans à XV.
Il devient un Wallaby le 17 août 2013. Ewen McKenzie lui offre sa première sélection à Sydney contre les All Blacks, pour la première journée du Rugby Championship (défaite 29-47). Au milieu des années 2010, Tevita Kuridrani, déjà incontournable dans sa franchise des Brumbies, finaliste du Super Rugby en 2013, devient incontournable en sélection nationale. Michael Cheika l’associe à la légende vivante Matt Giteau. C’est avec cette paire de centres que les Wallabies se hissent en finale de la Coupe du monde. Ils sont défaits par une équipe de Nouvelle-Zélande restée dans l’histoire, mais Kuridrani se signale par un essai qui entretient l’espoir.
Un dénouement cruel pour K-Train, qui aurait aimé conclure son année exceptionnelle par le trophée suprême. En mars 2015, le grand Stephen Larkham déclarait : “Kuridrani est peut-être le meilleur 13 du monde.” Le Fidjien d’origine reste fidèle aux Brumbies après le Mondial mais ses performances manquent de régularité. En 2017, L’Équipe révèle des contacts avancés avec l’Union Bordeaux-Bègles mais il prolonge finalement avec la Fédération australienne, avec en ligne de mire la Coupe du monde au Japon. Tevita Kuridrani retrouve de l’allant quand se profilent les échéances internationales, et sa saison 2019 est de très bonne facture.
Son association avec le jeune Irae Simone, dont le profil le complète à merveille, se révèle fructueuse pour les Brumbies. La franchise de Canberra remporte la première édition du Super Rugby Australia devant les Reds (28-13), portée par son jeune ouvreur Noah Lolesio et par un Kuridrani de feu. Pour la saison 2021, il décide de quitter la capitale australienne, après 131 matchs de SR, pour intégrer la Western Force, de retour dans la compétition. Il y dispute une saison pleine (11 matches dont 10 comme titulaire, 1 essai) mais fait le choix de l’exil. Annoncé au Japon et dans plusieurs clubs de Top 14, Kuridrani rallie finalement Biarritz pour un contrat de trois ans. Selon RMC Sport, le RC Toulon, en quête de renfort au centre, a tenté sa chance mais l’Australien avait déjà donné son accord au BO.
Un vrai numéro 13
Souvent ailier en début de carrière, Tevita Kuridrani s’est stabilisé au poste de centre depuis plusieurs années. Plus précisément au poste de second centre. Si le géant (1,96 m, 102 kg) s’avère particulièrement agile ballon en main pour un joueur de son gabarit, il n’est pas un créateur. Peu intéressé par le rôle de triage conféré au premier centre, Kuridrani est plus à l’aise dans un rôle de perforateur. Athlétique, rapide, puissant, il est fréquemment utilisé pour briser le rideau défensif et a appris au fil des années à faire jouer derrière lui. De l’autre côté du terrain, Tevita Kuridrani n’est pas en reste pour distribuer des caramels.
Sa force de pénétration et sa capacité à effectuer des franchissements sera un atout important pour le promu. Faut-il rappeler qu’il a longtemps été une pièce maîtresse de l’attaque des Wallabies ? Sous l’ère Cheika et notamment quand Bernard Foley était à l’ouverture, K-Train aimait se proposer à l’intérieur de son 10 et s’engouffrer dans les intervalles, principalement sur les seconds temps de jeu. Sa faculté à prendre le ballon lancé sans perdre de vitesse est intéressante pour casser la ligne et – comme il sera surveillé par les défenses – pour l’utiliser en leurre. Plus complet qu’auparavant, il lui reste néanmoins des lacunes telles que le jeu au pied.
Un point d’ancrage pour le BO
Dans l’élite, les Biarrots vont avoir fort à faire. Toutes les semaines, un adversaire de taille se trouvera sur leur chemin. Pour être à même d’exister à ce niveau, aucun relâchement n’est permis et aucune faille ne doit être dévoilée. La saison dernière, les Rouge et Blanc pouvaient compter sur des cadres extrêmement réguliers (Lucas Peyresblanques, Guy Millar, John Dyer, Steffon Armitage, Francis Saili, Steeve Barry, etc.). Cette saison, le staff comptera sur leur fiabilité mais attendra une montée en puissance de leurs coéquipiers. Justement, les mutations réalisées cet été doivent permettre d’atteindre une plus grande homogénéité. En ce sens, un partenaire a été trouvé à Francis Saili. Généralement associé à Brieuc Plessis-Couillaud (19 matchs, 17 débutés) en début de saison, c’est aux côtés du jeune François Vergnaud (14 matchs, 13 débutés) que le All-Black a terminé l’exercice, tandis que Lucas Lebraud (14 matchs, 9 débutés) a eu sa chance.
Tevita Kuridrani doit devenir indiscutable à ce poste. C’est lui que l’on doit voir avec le maillot floqué du n°13 à chaque sortie. Sur le papier, la paire qu’il va former avec Francis Saili n’a rien à envier à ses concurrentes du Top 14, et on attendra beaucoup d’elle dans l’impact physique et dans l’agressivité. Au sein des lignes arrières du BOPB, Kuridrani retrouvera un vieil ami en la personne d’Henry Speight. On dit que l’ailier a pesé dans les négociations pour convaincre son compatriote de venir le rejoindre sur la côte basque. Comme Kuridrani, Speight a vu le jour à Suva, aux îles Fidji. Comme lui, il a disputé le championnat du monde junior avec ce pays avant de choisir l’Australie. Les deux hommes ont longtemps été coéquipiers chez les Brumbies et en sélection. Ils étaient tous deux du voyage en Angleterre pour la Coupe du monde 2015.
Henry Speight et Tevita Kuridrani vont à nouveau porter le même maillot, et ça promet des étincelles ! Cependant, si ce dernier a toujours eu beaucoup de temps de jeu ces dernières saisons, les observateurs ont noté une certaine baisse de motivation qui s’est largement ressentie dans ses performances. En Australie, on accuse Kuridrani de ne se montrer sous son meilleur jour qu’à l’approche des rassemblements des Wallabies. On dit qu’il est un joueur à réaction, qui répond sur le terrain quand il est critiqué. Motivé par son orgueil.
30 ans, c’est l’âge auquel Tevita Kuridrani a décidé de tenter sa chance en Europe. Ce sera à Biarritz, qui retrouve le Top 14 après sept ans de purgatoire. Le trois-quarts centre australien tire ainsi un trait sur sa carrière internationale, riche de 61 sélections et 22 essais. Son expérience et sa connaissance du haut niveau seront-elles un ajout de taille pour le BO ? Aux côtés des James Cronin, Elliot Dixon et Tomás Cubelli, on attendra de Kuridrani qu’il montre la voie.
Épisodes précédents :
Lima Sopoaga pour ramener le LOU en playoffs
Julien Blanc veut apporter du sang neuf sur la Rade
Paolo Garbisi, néo-fuoriclasse de Montpellier