Cette saison 2021-2022 est une saison particulière en Europe car elle accueille pour la première fois une toute nouvelle compétition qui déchire déjà de nombreux fans : la Ligue Europa Conférence. Vous remarquerez que cette troisième coupe d’Europe, dont les tours de qualification ont déjà commencé, a pris le nom de C4. Elle vient donc compléter la C3 (Ligue Europa) et bien sûr la C1 (Ligue des champions). Mais alors où est la C2 ? Nulle part, pour la simple et bonne raison que c’est une compétition aujourd’hui éteinte, mais qui a enflammé les fans pendant quarante ans : la Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe, ou CVC.
Une difficile éclosion
Dans l’Europe d’après-guerre, le football est en plein expansion et les compétitions européennes naissent les unes après les autres. On pense bien sûr à l’ancêtre de la Ligue des champions, la Coupe des clubs champions européens (CCC), qui réunit les champions des pays européens depuis 1955, et la Coupe des villes de foires, compétition très populaire qui donnera naissance à la Coupe du l’UEFA puis la Ligue Europa, créée en 1955 également.

Dans le même temps, l’idée émerge de rassembler les vainqueurs de coupe nationale sous une même compétition. Quelques années plus tard, lors de la saison 1960-1961, un tournoi de test est créé, mais pas par l’UEFA, qui ne reconnaîtra cette édition qu’en 1963. C’est le comité d’organisation de la Coupe Mitropa (autre compétition rassemblant des équipes d’Europe centrale) qui s’y collent.
Cette édition ne rassemble que 10 équipes, car de nombreux pays n’avaient pas encore de coupe nationale et certains clubs ont tout simplement refusé d’y participer dont l’Atlético de Madrid et l’AS Monaco. Finalement, si le premier vainqueur est la Fiorentina, c’est la compétition qui sort grande gagnante : l’accueil du public et des médias est bon, et la compétition devient officielle, organisée par l’UEFA, dès la saison 1961-1962.

35 ans d’évolution et de prestige
Très vite, la compétition s’étoffe aussi bien en quantité (la plupart des pays se dotent d’une coupe nationale) qu’en qualité. La C2 permet aux clubs huppés non qualifiés en Coupe des clubs champions européens de participer à d’intenses joutes européennes. Avec le nombre d’équipes, le format va également évoluer.
Dès le début, l’idée est simple : des tours à élimination directe, avec matchs aller-retour, emmènent les clubs jusqu’en finale. Cette dernière va subir de nombreuses modifications. Lors de sa première édition en 1960-1961, la finale se joue en match aller-retour. Dès la saison suivante en 1961-1962, elle se joue en match unique, bien qu’un match nul donne lieu à un match d’appui. Plus tard, le ce dernier sera remplacé par des prolongations et une séance de tirs aux buts si besoin.
Chaque pays n’a le droit qu’à un représentant, le vainqueur de sa coupe nationale, à une exception près : le vainqueur de la précédente C2 est également qualifié, s’il ne l’est pas déjà via sa coupe nationale. Dans le cas d’un club vainqueur de sa coupe et champion de son pays (donc qualifié pour la C1), il est alors remplacé par le finaliste de la coupe nationale.
Un tour préliminaire est assez vite mis en place, où les clubs des pays au moins bon indice UEFA s’affrontent pour intégrer le tableau principal. La Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe va petit à petit devenir une compétition prestigieuse, incontournable dans le paysage européen, et qui permettra à certains clubs d’écrire leur légende, le FC Barcelone en tête, vainqueur 4 fois.

Fin de l’histoire et un coupable : l’arrêt Bosman
Encore et toujours ce fameux arrêt Bosman de 1995. A l’origine notamment de l’abolition des quotas de joueurs, permettant leur libre-échange, il ouvre la porte à une Europe du foot centrée sur quelques pays. Comme expliqué dans divers articles, la Ligue des champions s’ouvre dès 1997 au second des championnats les mieux classés à l’indice UEFA.

Les conséquences sont terribles pour la C2 : de moins en moins de clubs huppés y participent, car déjà qualifiés en Ligue des Champions. Deux ans plus tard, en 1999, le coup de massue est assené : la Ligue des champions devient accessible aux troisièmes voire quatrièmes des meilleurs championnats. La même année, il est décidé que l’édition 1998-1999 de la C2 sera la dernière. Plus de trois décennies de compétition enterrées en quatre ans.
L’histoire retiendra que le dernier vainqueur de la C2 est italien, en la personne de la Lazio Rome, comme pour boucler la boucle, 38 ans après la victoire initiale de la Fiorentina.

Des vainqueurs variés mais peu de Français
La C2 était une compétition dont « diversité » était le maître mot. On compte pas moins de 32 vainqueurs différents issus de 11 pays, pour un total de 39 éditions. Le FC Barcelone compte 4 victoires (sur 6 finales), loin devant le RSC Anderlecht, le Milan AC, le Dynamo Kiev et Chelsea, double vainqueurs de la compétition. On compte également des vainqueurs portugais (Sporting CP), écossais (Aberdeen FC et Glasgow Rangers), ou encore slovaque (Slovan Bratislava).

Côté français, les résultats sont mitigés. À défaut de pouvoir l’exprimer pour la C1, les supporters parisiens sont et resteront « à jamais les premiers » à avoir remporté la C2 en 1996 face au Rapid Vienne. Ils atteignent même la finale l’année suivante, défaits par le FC Barcelone. Monaco avait auparavant eu l’occasion de l’emporter en 1992 face au Werder Brême (défaite 0-2).

Ces résultats placent la France 8e au palmarès, loin derrière l’Angleterre (8 titres), l’Espagne et l’Italie (7 titres). Egalement derrière la Belgique (3 titres) et l’Ecosse (2 titres). Mais devant l’Autriche qui aura vu ses clubs perdent leurs 3 finales disputées.

Des records à la hauteur de la compétition
Tant qu’à parler des records, évoquons le hollandais Rob Rensenbrink, meilleur buteur de la compétition avec 25 buts (pour le FC Bruges puis Anderlecht) devant notamment Gerd Müller et Gianluca Vialli (20 buts chacun). Le recordman de matches est également hollandais : Ed De Goey avec 44 matches entre le Feyenoord et Chelsea. Le joueur le plus titré est espagnol et possède 3 coupes : Francisco José Carrasco.

C’est lorsqu’on aborde la question des entraîneurs les plus titrés qu’on se rend compte du prestige de la C2, car ils sont 4 à avoir remporté deux fois le trophée : Johan Cruyff (Ajax puis FC Barcelone), Valeri Lobanovsky (Dynamo Kiev), Nereo Rocco (Milan AC) et Alex Ferguson (Aberdeen puis Manchester United). Rien que ça.

Des anecdotes croustillantes
Certaines éditions nous ont apportées de petites histoires assez étonnantes. En premier lieu celle de l’édition de 1981. Le Dinamo Tbilissi (alors membre de l’URSS) bat 2-1 le FC Carl Zeiss léna (RDA) en finale devant à peine 8 000 personnes. Aujourd’hui, la Géorgie compte autant de C2 que la France.

Si aucun club n’a réussi à conserver son titre en C2, Anderlecht a réussi l’exploit d’enchaîner trois finales consécutives, avec deux victoires en 1976 et 1978 pour une défaite en 1977. En revanche, en 38 éditions, chaque finale a proposé un duo d’équipes différent. Seule une finale s’est étirée jusqu’aux tirs aux buts, opposant Valence à Arsenal en 1980 pour une victoire espagnole (0-0, 5-4 tab).
Beaucoup ont tendance à penser que Manchester City est un club sans histoire, et pourtant, la C2 a permis au club de remporter son premier titre européen, en 1970. D’ailleurs, la C2 est aussi le premier titre européen du Bayern Munich avec l’édition 1967.

Pas de victoire mais 14 participations en C2 pour Cardiff City, un record qui s’explique par la participation du club au championnat anglais, bien plus relevé que la coupe galloise que Cardiff remporte à de nombreuses reprises.
Enfin, l’histoire la plus insolite nous vient des Pays-Bas, qui ont fait face à un casse-tête pour l’édition 1998-1999 de la C2, la dernière. En effet, l’Ajax a remporté la coupe des Pays-Bas en 1998 face au PSV Eindhoven. L’Ajax est également champion et cède donc sa place en C2 au PSV… qui est également qualifié en ligue des champions via la réforme de 1997 !
Un match pour la troisième place, une première, est organisé entre le SC Heerenveen et le FC Twente. SC Heerenveen s’impose 3-1 et valide son ticket pour la C2 1998-1999 ! Ils s’arrêteront en Huitième de finale.
La Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe, c’est peut-être un des plus tristes symboles de la « modernisation » du football, entre business et réformes. Éteinte depuis plus de 20 ans, cette compétition a pourtant déchaîné les foules pendant des décennies avec un concept simple : réunir les vainqueurs de coupes dans un format de coupe. Un format et une histoire suffisamment uniques pour expliquer que son acronyme de “C2” ne pourra sûrement plus jamais être utilisé pour une compétition européenne.