La Section Paloise n’est pas passée loin de la correctionnelle à la fin de l’exercice 2020-2021 du Top 14. Un essai salvateur au bout du bout du dernier match de la saison, donnait définitivement le maintien aux Béarnais. Pourtant les ambitions étaient autres que de jouer la relégation à l’aube de la dernière campagne. La solution lors de cette intersaison fut radicale : au revoir les trop vieux, les canards boiteux et les déceptions, bienvenue à la jeunesse, le panache et les coups de poker. C’est ainsi qu’au pied du pic du midi d’Ossau, l’arrière australien Jack Maddocks pose ses valises.
Rugby, situation amoureuse : c’est compliqué
Jack Maddocks n’aurait jamais dû être un joueur de rugby. Depuis tout petit, le natif de la banlieue de Sydney impressionnait tout son monde en tapant dans la balle, avec une batte, au cricket. Son destin semblait d’ailleurs tout tracé, avec deux titres de meilleur joueur de cricket du New South Wales dans sa catégorie et une bourse sportive à l’université de Sydney pour continuer son parcours dans son sport, sa passion.

Mais pour autant, Jack n’a pas découvert le rugby sur le tard. Son père entrainait à l’école de rugby dans le prestigieux Easts Junior Beasties, et Jack, lui, ramassait les ballons pour les plus âgés dont Matt Toomua. Naturellement, en parallèle du cricket, il s’adonna donc aux joies du rugby, dans son école, le Scots College. Joies qui fanèrent lors de ces deux dernières années. Le cadre rugby que proposait l’école était trop restrictif, sans liberté et place pour l’épanouissement des adolescents avec une doctrine forte tournée vers l’absence totale d’erreurs en match comme aux entraînements, alors que de l’avis du joueur, « faire des erreurs et apprendre de celles-ci, c’est comme cela que l’on grandit ». Le jeune australien ne voulait plus jouer au rugby pour plutôt se concentrer sur ses études et le cricket, mais, poussé par ses amis, il accepta de venir tâter le ballon ovale dans l’équipe C de l’école pour sa dernière année. Il y fit quelques matchs, que l’on peut compter sur les doigts de la main, et porta l’eau pour ses coéquipiers la plupart du temps. Il ne reçut pas non plus de médaille après que l’équipe C remporta son championnat scolaire. L’histoire d’amour entre le rugby et Maddocks connut alors une rupture.
« Ils avaient (son école) une structure très professionnelle. Je n’étais pas d’accord avec ça. On nous disait de quel côté du terrain rester et à côté de qui on devait rester ; il n’y avait aucune liberté pour s’exprimer sur le terrain. Je me sentais comme un pion. […] Je ne ressentais pas cela comme un bon environnement pour de jeunes joueurs. »
Jack Maddocks pour Athletes Voice
Les montagnes russes australiennes
L’arrière australien n’arrêta pas le rugby après cet épisode. Il reprit du plaisir en jouant « juste pour le fun » dans son équipe des quartiers Est de Sydney. Cependant, ce que personne n’avait vu venir, et surtout pas le Scots College, c’était que Jack allait performer, beaucoup. Il reçut alors une convocation pour jouer pour l’équipe U20 de sa province du New South Wales, chose qu’il refusa… Avant de revenir sur sa décision, bien encouragé par Gary Whittaker, son coach… de cricket à l’université. Et à partir de là tout s’enchaîna très rapidement pour le jeune ¾.
Ses performances avec l’équipe U20 de NSW lui ouvrirent les portes de celle de l’Australie U20 (5 sélections). Avec cette équipe il battit pour la première fois de l’histoire leurs homologues kiwis. Cheika assista au match et prit Maddocks sous son aile, l’emmenant en stage avec l’Australie A puis lui permettant de connaître ses premières sélections (7 au total). Tout cela lui assura aussi une place de choix avec les Melbourne Rebels franchise du Super Rugby dans laquelle il s’émancipa à l’aile, marquant énormément d’essais. Puis en 2020 sa carrière connut un premier coup de frein, Cheika son protecteur fut remplacé par Dave Rennie à la tête de la sélection et Jack se rapprocha de ses racines en signant chez les Waratahs. La saison 2021 de la franchise de Sydney fut catastrophique enterrant avec elle ses meilleurs joueurs. Flairant le coup la Section Paloise poussa dans l’ombre pour attirer le talentueux Maddocks en désuétude avec sa sélection et miné par une saison décevante. Le 9 Juin dernier le transfert était acté.
Homme à tout faire, surtout à marquer
Jack Maddocks a une étiquette de « ¾ polyvalent ». Pourtant le joueur de 24 ans n’a joué pour le moment qu’à deux postes au meilleur niveau national et international, Ailier (34 fois) et Arrière (22 fois). C’est à première vue les postes les plus naturelles chez le joueur qui peut gagner en vitesse comme en puissance sur des ballons lancées ou des relances. Le natif de Sydney peut faire parler ses atouts physiques, il culmine à 1m94 pour 96kg, un profil atypique mais qui lui offre des garanties non négligeables sous les ballons hauts et pour finir les actions. Sa défense s’est aussi améliorée en engrangeant de l’expérience, son placement est meilleur et tout cela l’a mené à occuper plus fréquemment le poste d’arrière. Le 15 semble lui coller à la peau, néanmoins, certains voit en Jack Maddocks un potentiel de 10. C’est le cas de Stephen Larkham intimement convaincu à une époque que Jack allait être l’ouvreur titulaire des Wallabies. Ou encore Michael Cheika qui fit travailler Maddocks sur un rôle de 5/8 si cher à l’Australie.
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Nombre d’essais marqués par Jack Maddocks en club depuis le début de sa carrière professionnelle – 55 matchs
Cette polyvalence potentielle, Maddocks l’a malgré lui grâce à son passé de « cricketer ». Dans ce sport, le joueur a travaillé et acquis des capacités physiques et techniques différentes qui lui procurent aujourd’hui un avantage dans certains secteurs par rapport à des rugbymen au parcours classique. Ainsi sa coordination œil-main est meilleure, ses gestes s’en trouvent plus vifs, sa lecture du jeu aussi. Sa technique de batteur lui permettant de frapper des balles sans force mais tout en timing et en jouant avec la vitesse dans la balle lui donne aussi des atouts dans son jeu de passe. Les itérations de rugbymen ayant pratiqués du cricket à haut niveau sont assez nombreuses en Océanie. Kieran Read aurait pu être un professionnel dans ce sport, Israel Dagg et Beauden Barrett sont aussi doués avec une batte entre les mains.
« Il y a certains des rugbymen les plus doués techniquement dans le monde et je n’ai aucun doutes que cela vient en majorité de ce qu’ils ont appris au cricket. Je le sens dans mon propre jeu. »
Jack Maddocks pour Athletes Voice
Pau cible
Comme indiqué précédemment, la Section Paloise a fortement négocié avec le joueur pour arriver à le faire venir en France. Le détacher de ses racines de Sydney qui lui tiennent tant à cœur n’a pas été chose aisée. Si Maddocks était l’un des choix n°1 du mercato vert et blanc c’est parce que le joueur coche toutes les cases. A 24 ans, il s’inscrit dans la politique de rajeunissement de l’effectif dans le cadre du nouveau cycle insufflé par Sébastien Piqueronies. De plus, le poste d’arrière était laissé vacant après les départs de Jesse Mogg, Hugo Bonneval et Charly Malié. La venue de Jack comble donc un besoin, apporte de la jeunesse et de la qualité. Sur le papier, Pau a bien fait les choses en signant le 15 international australien.
Pour le joueur, cette signature fait aussi sens ; d’un point de vue économique, comme pour beaucoup d’Australiens qui viennent en France ces derniers temps au dépend de la sélection, mais aussi sportivement, avec une expérience forcément positive pour l’arrière. En effet, le Top 14 est, très probablement, le championnat le plus demandant physiquement, le plus usant aussi. Techniquement, le rugby plus pragmatique pratiqué dans l’hémisphère Nord apportera une nouvelle corde à l’arc de Jack. Enfin Sébastien Piqueronies n’est pas étranger à la décision du joueur, l’entraîneur français, formateur de talent par excellence (2X Champions du Monde à la tête de France U20) pourrait définitivement permettre à Jack Maddocks d’exploiter tout son talent, en 15, en 14, en 12 ou en 10.
Cela ressemble à un pari pour les deux parties de cette signature. Entre l’arrière et le club tous deux à la relance tout est à gagner. Les infrastructures, le staff, la jeunesse pourrait permettre à Jack Maddocks de prendre, enfin, son envol en emmenant avec lui tout une Section Paloise avide de victoires. Une « success story » sauce béarnaise qui nous mettrait l’eau à la bouche.
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