Face aux autres championnats du Big 5, il devient de plus en plus difficile pour le championnat français de se faire une place économiquement parlant. Problème d’attractivité, niveau de jeu régressif, “Farmer’s League”, la réputation de notre beau championnat prend un sacré coup depuis quelques années. Alors, comment la Ligue 1 peut-elle se moderniser mais aussi améliorer son statut européen ?
Nous sommes à une époque où il est impératif de dépenser beaucoup, beaucoup d’argent. Depuis la fin des années 2000, les prix des joueurs ont flambé, mais de manière croissante avec les revenus intégrés par les clubs. Les droits TV, les goodies, etc… de nouvelles formes de ressources monétaires débarquent dans le but de pouvoir mieux dépenser après en fonction des besoins. Les clubs français doivent faire avec leurs moyens, bien moins considérables que ceux des clubs anglais ou espagnols par exemple. Il faut donc trouver de nouveaux moyens d’attractions, sans se faire trop mal au portefeuille.
Dépenser pour mieux attirer (ou garder)
S’il y a bien quelque chose qu’on ne peut pas retirer à beaucoup de clubs, c’est d’avoir sorti le chéquier et de ne pas avoir manqué d’idées. L’arrivée de nouvelles têtes en Ligue 1 (Bosz à l’OL, Petkovic à Bordeaux) montre la volonté des clubs à vouloir faire plus confiance à des entraîneurs étrangers (pour plus de détails, lire La Ligue 1 à un tournant idéologique ?). L’objectif étant de se tourner vers un football plus offensif, plus spectaculaire, certains dirigeants n’hésitent pas à mettre le prix pour s’acheter de jeunes “pépites”.
Il est parfois reproché aux clubs français de ne pas assez chercher de joueurs dans les championnats hors du “Big 5” qui regorgent pourtant de très bons joueurs. L’arrivée de directeurs sportifs étrangers, comme Pablo Longoria ou Luis Campos, a commencé à pousser les autres clubs à en faire de même. Ces dernières années des joueurs d’Eredivisie, Liga NOS, ou de Jupiler League ont réussi à s’installer en tant que titulaires en Hexagone. Ces prises de risque, de tenter des joueurs parfois inconnus du grand public peuvent s’avérer être de grandes réussites. Cet été, des clubs comme Marseille, Nice, Rennes se sont lancés dans des achats de joueurs comme Sulemana (Nordsjaelland, Danemark) ou Gerson (Santos, Brésil).
En 2019, le CIES (Centre International d’études du sport) a recensé sur la décennie 2010-2019 les transferts des cinq grands championnats (achats et ventes) vers les autres championnats (dans le monde).
En millions € (CIES)
On remarque bien que la Liga NOS est le championnat où la Ligue 1 a le plus dépenser (221 M€), devant la Serie A (201 M€) et le championnat brésilien (138 M€). Dans le sens des départs, la Premier League est celui qui a le plus dépensé vers… la Ligue 1 (1246 M€). Cela explique en partie, pourquoi la France est le seul pays en positif sur les transferts à cette période (+359 M€) et que 10 clubs français font partis du top 20 des meilleurs bilans transferts dans le big 5. Lille est le club ayant fait le plus gros bénéfice (+249 M€) juste devant l’AS Monaco (+215 M€).
Le manque de liquidités pour la majorité des clubs français les obligent à vendre leurs jeunes talents dès que la valeur marchande commence à croître. La majorité de ces jeunes refusent surtout de rester en France, car dès qu’un club du Big 4 fait une offre, le joueur en fera sa préférence (pour raison de visibilité et/ou économique). Pour un championnat qui a pour surnom “La Ligue des Talents”, malheureusement on assiste plus à une fuite des talents ces dernières années… Bien sûr, les clubs français doivent faire face à la concurrence étrangère et montrer que leur projet est plus convaincant. Mais l’appât du gain est parfois difficile à refuser.
Le championnat le moins attractif du Big 5
Que ce soit au niveau du jeu produit ou de l’argent rémunéré, la Ligue 1 est le championnat qui attire le moins parmi le Big 5 (les cinq grands championnats européens).

Avec les problèmes rencontrés l’an dernier avec Telefoot/Mediapro, la LFP n’avait pas le droit à l’erreur quand l’appel d’offre pour la diffusion de la Ligue 1 s’est tenu en janvier dernier. Amazon a raflé la mise avec la diffusion de 80% des matchs chaque journée de championnat, ne laissant que deux matchs pour Canal +. Le montant total des droits TV représente 663 millions d’euros. A titre de comparaison, le deuxième championnat avec le moins de droits TV, la Serie A, le montant est de 927.5 millions d’euros (+264.5 M€). “L’effondrement des droits TV officialise un décrochage de long terme pour la Ligue 1 “ précise dernièrement Antoine Feuillet, Maître de Conférences à l’Université Paris-Saclay et Spécialiste de la question des droits audiovisuels. En effet, l’écart ne cesse de se creuser entre les revenus audiovisuels du football professionnel français et ses (grands) voisins européens.
La Premier League par exemple n’a même pas eu besoin de faire un appel d’offres et a conclu un arrangement avec ses trois diffuseurs (Sky, BT et Amazon) pour prolonger les accords en cours sur la période 2022-25. Cet accord leur permet d’empocher 1,5 Md£ de recettes TV domestiques par exercice pour trois saisons supplémentaires.
Au niveau international non plus, le championnat français n’est pas en bonne posture. Engagé dans un contrat au long cours avec son partenaire BeIN Sports, le groupe qatari s’est engagé à verser un montant global de 480 M€ pour la période 2018-24. Soit 80 M€ par exercice sous forme de minimum garanti. Le montant est trop faible comparé aux autres championnats comme la Série A qui perçoit près de 371 M€ par exercice ou la Liga avec Médiapro qui a droit à 900 M€. Espérons pour le championnat français qu’Amazon puisse devenir un partenaire de poids à l’international s’il veut rattraper son retard sur ses concurrents. L’un des gros problèmes étant également que la majorité des revenus de certains clubs proviennent de ces droits TV. Ces derniers sont donc cruciaux pour la survie des clubs, mais les clubs français ne sont pas avantagés face à leurs concurrents, le championnat français étant le plus taxé d’Europe (pour en savoir plus, allez lire Foot français et droits TV : De la modernité à la dépendance).
L’aspect économique ne fait pas tout dans le football. L’intelligence, la combativité, la malice, peuvent permettre aux clubs de grandir et devenir meilleurs. Cela passe par une remise en question des objectifs chaque année.
Une évolution des mentalités
Le football français n’est pas le plus beau à voir, ni le plus efficace. Il a aussi beaucoup de mal à s’exporter et cela est visible par le nombre d’entraîneurs présents dans les clubs du Big 5 (un seul, Patrick Vieira à Crystal Palace). Les coachs français ne sont pas gages de résultats, que ce soit en club ou en sélection. Le fait que l’équipe de France Espoirs n’est pas gagné un titre lors des Euros 2019 et 2021, alors qu’elle possède l’une des générations les plus prometteuses de son histoire est inexplicable. Pour beaucoup, le modèle tactique français a touché le fond durant l’été 2021. Les schémas trop restrictifs et sans véritable fond de jeu entrevues à l’EURO ou aux JO sont symboliques de cet échec. Ce qu’il s’est passé aux JO doit servir de leçon. Surtout vu que la France organisera les prochains Jeux en 2024 avec son équipe qualifiée directement au tournoi.

Le football français à également beaucoup de mal à se remettre en question, surtout s’il n’est pas français lui-même. En avril dernier, le président de l’Olympique de Marseille, Pablo Longoria, avait ce constat, étant surpris de la huitième place au classement UEFA de la France en 2020, et regrettant qu’il n’y a pas de modèle de jeu. Objectivement, si l’on analyse l’ensemble du globe, c’est l’un des pays qui exporte le moins d’entraîneurs.” Il explique également qu’il trouve que le football français manque d’identité de jeu et que les joueurs sont “très individualistes”.
Raymond Domenech était monté au créneau pour défendre ses collègues et critiquer en retour l’espagnol qui “reprend le flambeau de la critique envers les entraîneurs français chère à tous nos détracteurs […] En tant qu’ex-recruteur, vous êtes bien placé pour le savoir, nous sommes avec les Brésiliens les plus grands exportateurs de joueurs au monde. Ces mêmes joueurs qui pourtant ont l’air de s’adapter rapidement dans les clubs où le concept concret de jeu est mis en avant”. Ce qui montre une nouvelle fois que le problème porte plus sur le jeu développé que les joueurs en eux-mêmes.
L’arrivée de nouvelles têtes comme Julien Stéphan, Franck Haise, Laurent Battles ou encore la présence d’anciens comme Christophe Galtier va peut-être permettre à la Ligue 1 de se moderniser. Le championnat étant sur la bonne voie pour se défaire de cette étiquette d’un niveau de jeu “médiocre”: la moyenne de buts par match de la saison dernière (2.76) étant la plus élevée depuis 1982/83.
La Ligue 1 concède un gros retard sur les autres championnats du Big 5 et est en passe de se faire doubler par le Portugal au classement UEFA. Il n’y a que le PSG qui sauve les meubles du championnat en coupe d’Europe, insuffisant pour avoir une image positive de la Ligue 1. Le championnat français est obligé d’évoluer sur plusieurs dimensions si elle veut rester dans le Big 5 mais aussi ne pas rester sur le carreau dans les années à venir.
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