Au milieu des vacanciers tristes de voir l’été s’achever, les fans de biathlon doivent passer pour des fous. Car pour ces derniers, fin de l’été rime avec approche de l’hiver et le retour de nos tireurs d’élite préférés pour une saison qui connaîtra son point d’orgue en Février avec les Jeux Olympiques d’Hiver. Un premier avant goût a lieu ce week-end avec le Martin Fourcade Nordic Festival, troisième du nom, qui verra les athlètes se battre sur des skis à roulettes en attendant la neige. C’est d’ailleurs devenu un rituel pour les amateurs ou professionnels de troquer les skis de fond pour des ski-roues pendant l’été. Mais concrètement, quelle différence entre le ski-roues et le ski sur neige ?
Une discipline récente et méconnue
Si le ski sur neige est une pratique assez ancienne (plusieurs millénaire avant J.-C. puis des évolutions à travers les siècles), celle du ski à roulettes remonte au début du XXème siècle, dans les années 30. Le rollerski (autre nom du ski-roues ou ski à roulettes) prend bien évidemment ses racines… en Scandinavie, mais aussi en Italie et en Allemagne. Le sport ne se démocratise en France que dans les années 70.

En parallèle du rollerski, les patins à roulettes vont également se développer et vite faire de l’ombre à son homonyme, mais pas partout. Si la pratique du ski-roues est peu démocratisée en France, elle l’est beaucoup plus en Italie par exemple. Aujourd’hui, c’est aussi une pratique qui permet aux stations de ski d’avoir une activité supplémentaire à proposer pendant l’été.
Un matériel et une technique qui diffèrent
En rollerski comme en ski de fond, on distingue bien deux techniques qui impliquent deux types de ski. Nous avons échangé avec Gianni Giachino, champion de France junior de ski-roues et membre de l’équipe de ski de fond Savoir Nordique pour la saison 2021-2022. Les paragraphes suivants reprennent ses réponses.

Il y a d’abord la technique classique appelée « pas alternatif » qui ressemble à la marche. Les skis ont alors des roues assez larges et un système anti-recul pour imiter les sensations d’accroches procurées par les skis de fond. La principale différence avec le style classique du ski de fond réside dans l’accroche ressentie. Le système anti-recul des ski-roues simule une accroche totale, alors qu’en hiver, en fonction des farts utilisés, l’accroche ressentie diffère. Ainsi, le style classique en ski-roues est plus facile à l’usage que son homologue hivernal.

Il y a ensuite le skating, surnommé « pas du patineur », qui ressemble donc au mode de déplacement des patineurs. C’est la technique utilisée par les biathlètes. Le ski ici n’a pas d’anti-recul, les roues sont plus étroites et plus hautes, améliorant la maniabilité et la glisse. Ici, la ressemblance avec le skating en fond est frappante et les sensations sont similaires.

La plupart des ski sont composés de poutres en alliage d’aluminium, de fibre de verre ou de carbone sur lesquelles on pose des fixations de ski de fond, permettant d’utiliser les mêmes chaussures. Quand aux bâtons, ils sont légèrement différents : les points sont renforcées (en carbure de tungstène) pour limiter l’usure du goudron. Enfin, pas de fart en rollerski, mais des roues. Ces dernières sont dites “lentes”, c’est-à-dire construite afin de limiter la vitesse du coureur, notamment dans les descentes.
Pour résumer, si les différences en termes de matériel sont visibles, les sensations en rollerski sont quant à elles de plus en plus ressemblances à celles du ski de fond, particulièrement pour la technique du skating. L’apprentissage en ski-roues paraît néanmoins plus difficile qu’en ski de fond, et les chutes sont souvent plus nombreuses et plus dangereuses pour le corps qu’en ski de fond, en témoigne les traces sur le corps de Tarjei Boe lors du City Biathlon 2021.

Entre préparation et spécialisation : deux mondes s’opposent
Il existe aujourd’hui deux mondes dans la pratique du ski-roues. D’un côté, les coureurs de ski de fond, biathlon et combiné nordique qui voient le rollerski comme une pratique d’été pour travailler sa technique et faire une préparation physique. De l’autre, les spécialistes du rollerski s’entraînent toute l’année pour avoir un pic de forme pendant l’été. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ces deux mondes ne se croisent que rarement.
Les spécialistes de la glisse multiplient les sorties en ski-roues pendant l’été, comme nous l’expliquait Gianni Giachino, puisque les sensations sont sensiblement les mêmes. Quentin Fillon-Maillet l’évoquait également lors d’un reportage de la FFS, il passe plus de temps sur les ski-roues que sur les skis. La légère différence entre les deux pratiques concerne les conditions : il existe différents types de neiges alors que la route goudronnée est sensiblement la même partout.
Les meilleurs biathlètes se retrouvent principalement sur des exhibitions pour valider leur préparation estivale. On pense forcément au Martin Fourcade Nordic Festival, mais il en existe bien d’autres. Son équivalent en Allemagne est le City Biathlon, organisé à Wiesbaden, et remporté cette année par Johannes Boe chez les hommes et Dorothea Wierer chez les dames (devant Julia Simon).

Certains décident également de participer aux mondiaux d’été de biathlon, qui avaient lieu cette année à Nove Mesto du 25 au 29 août, un site bien connu des biathlètes en République Tchèque. C’est d’ailleurs la locale de l’étape, Marketa Davidova, qui s’est illustrée avec deux titres (Sprint et Poursuite) et une médaille d’argent (Super-Sprint) dans des courses où on trouvait notamment Yuliia Dzhima, Paulina Fialkova ou encore Svetlana Mironova. Chez les hommes, l’autre local de l’étape, Michal Krcmar, s’est également illustré avec deux titres (Super-Sprint et Poursuite) alors que Florent Claude est allé cherché deux médailles (Argent et Bronze).

Les spécialistes du ski-roues s’affrontent quand à eux sur un circuit coupe du monde, créé par le Fédération Internationale de Ski en 1993 chez les hommes et en 2000 chez les femmes. Un championnat du monde vient souvent ponctuer la saison en septembre. Ce circuit est rarement emprunté par les fondeurs et biathlètes, si bien que les meilleurs du rollerski sont souvent peu connus du grand public : connaissez-vous les vainqueurs des dernières coupes du monde en 2019 (la coupe du monde 2020 étant annulée à cause du covid) ? Ce sont la slovaque Alena Prochazkova et l’italien Matteo Tanel.

N’y voyons pas un boycott de la discipline par les fondeurs ou biathlètes, mais simplement une conséquence du fait que le ski-roues est vu comme un outil de préparation. On peut d’ailleurs noter que les mondiaux d’été du biathlon (25-29 août) avaient lieu en même temps qu’une étape de coupe du monde de rollerski (27-29 août à Madona en Lettonie, calendrier présenté plus bas), preuve que ces deux mondes vivent bien en parallèle.
Des formats variés
La coupe du monde 2021 s’étale du 23 juillet au 19 septembre, fera étape en Slovaquie (Banska Bystrica), en Estonie (Otepää), en Lettonie (Madona), en Russie (Khanty-Mansiysk) pour s’achever avec les mondiaux à Val Du Fiemme en Italie. Les destinations sont légèrement plus atypiques que celles des disciplines d’hiver. Au même titre qu’en ski de fond, le circuit coupe du monde de rollerski offre des formats divers et variés, alternant entre styles classique et skating.

On retrouve des formats connus par les fans de ski de fond : le sprint (de 200m ou 1,3km), l’individuelle (entre 10 et 15 km seul(e) face au chronomètre), la Mass-Start (départ groupé pour une distance entre 10 et 27km) et une particularité, l’individuelle en montée, dans les épreuves solitaire. On retrouve également le team sprint aux championnats du monde.
A l’inverse, les exhibitions de rollerski présentent des formats plus atypiques dans des sites plus connus, comme la France ou l’Allemagne, non visités par la coupe du monde de ski-roues. Le City Biathlon se compose par exemple de qualification puis d’une course en 6 boucles entre-coupées de 5 passages au tir.
Quant au Martin Fourcade Nordic Festival (MFNF), il tente de se faire une place dans la préparation des biathlètes et est un rendez-vous pour les francophones, dans un cadre magnifique à Annecy. Les meilleurs biathlètes pourront s’affronter dans deux formats : une Mass-Start avec 4 tirs et une course de ski de fond de 16 tours en deux parties (élimination du dernier pendant les 6 premiers tours puis les concurrents restants courent pendant 10 tours).
L’évènement se veut également plus large qu’une simple course entre spécialistes, avec une course amateur de biathlon running, des concerts et des ateliers d’initiation au biathlon, étalés sur 3 jours.

Le ski-roues est à l’honneur en cette fin d’été avec les différents évènements d’exhibition qui regroupent les meilleurs fondeurs et biathlètes. Discipline finalement assez récente, le rollerski s’est beaucoup développé pour offrir des sensations très proches du ski de fond, permettant une préparation plus poussée pour les sportifs d’hiver. Le revers de la médaille est que cette discipline en tant que telle se retrouve trop peu médiatisée, avec une circuit coupe du monde et des spécialistes méconnus. Il ne reste plus qu’à espérer que ces deux mondes se croisent à l’avenir et que l’élan des fondeurs et biathlètes permette de démocratiser le ski-roues, sport atypique et spectaculaire.
Source de l’image titre : Nordic Mag
Très bon article sur un sujet que peu de gens connaissent ! Merci ! En effet, j’espère que le ski-roues sera plus médiatisé.