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Happy birthday, Pierre !

Le 6 Septembre 2020, Julien Fébreau, commentateur pour Canal+, nous offrait une phrase désormais légendaire et connue de tout amateur francophone de Formule 1, « Accélère ! Accélère ! Oui, il va aller la chercher. Ne lâche pas… La victoire de Pierre Gasly ! il l’a fait ! ».

Cette ode, vous vous en doutez, était destinée à Pierre Gasly, ex-pilote Red Bull et désormais représentant de l’écurie AlphaTauri. Cette victoire, la première pour un pilote français depuis 1996 et Olivier Panis à Monaco, vient récompenser un pilote vaillant, courageux et faisant preuve d’une force de caractère hors du commun, qui a su rebondir et saisir les opportunités qui s’offraient à lui.

Avec ce weekend victorieux en Italie, Pierre Gasly vient donc s’ajouter à la liste déjà assez longue de vainqueurs français en Formule 1. Ils étaient 12, ils sont devenus 13 et sont depuis peu 14 !

De Maurice Trintignant à Pierre Gasly, retour sur 65 ans de victoires françaises en Formule 1

Il aura fallu tout de même attendre un long moment avant d’entendre résonner la Marseillaise pour un pilote français, un quart de siècle quasiment. L’attente a pu sembler longue pour certains, plus courte pour d’autres, mais le miracle de Monza est enfin arrivé et avec, la genèse d’une génération de pilotes plus décomplexés et surtout vainqueurs. Depuis cette épopée italienne, le statut de Pierre Gasly a évidemment changé, mais pour en arriver là, le natif de Rouen n’a pas chômé, bien au contraire.

Dix-huit mois de montagnes russes

Pilote de la filière Red Bull, Pierre Gasly découvre la F1 en 2017, au Grand Prix de Malaisie avec Toro Rosso, en remplacement de Daniil Kvyat. Le russe, bien que talentueux et rapide, n’arrive pas à confirmer et c’est donc le jeune rookie français qui sera chargé de terminer la saison dans l’écurie soeur de Red Bull. Cette opportunité d’accéder à la F1, le Français va la saisir, si bien qu’il sera confirmé pour la saison 2018, puis promu dans la foulée chez Red Bull en 2019. Sa carrière est, on peut penser, enfin lancée, après avoir rejoint un « top team » après seulement une saison complète en F1, mais le rêve va rapidement tourner au cauchemar pour le pilote au numéro 10.

Gasly aux côtés de Max Verstappen avant le début de la saison 2019. (Crédit : Getty Images)

Ce n’est un secret pour personne, la Red Bull est réglée pour Max Verstappen, le deuxième pilote n’étant, lui, qu’un testeur de réglages, un pilote “satellite » mais cela, Pierre Gasly le découvrira par lui-même, amèrement. Après seulement neuf courses relativement décevantes, Red Bull, ayant jugé les prestations du français insuffisantes, décide de le remplacer par Alex Albon, pilote Toro Rosso et rookie. Gasly prend donc le chemin inverse, et se retrouve de retour chez l’écurie italienne. Cet évènement terni sa réputation et casse son moral, cependant, le pire reste à venir.  Au retour de la pause estivale, pour sa seconde aventure chez Toro Rosso, l’un de ses meilleurs amis, Anthoine Hubert, trouve la mort lors de la course de F2 à Spa. À cet instant, Pierre est au plus bas, sa confiance n’est plus, son talent est remis en question.

Mais le Normand n’est pas du genre à se décourager et après plusieurs courses convaincantes, il signe, quelques mois plus tard, son premier podium en F1 après un course folle au GP du Brésil. Sa confiance est retrouvée, l’environnement dans lequel il évolue est beaucoup plus sain et lui permet d’exprimer clairement son potentiel, Pierre Gasly remonte doucement mais surement la pente.

Confirmé chez AlphaTauri (ex-Toro Rosso) pour la saison 2020, il espère convaincre à nouveau Red Bull et tout le paddock de sa vitesse et de ses capacités, par de nombreuses arrivées dans les points, sa modeste monoplace ne pouvant lui permettre beaucoup plus en temps normal. Son début de saison est prometteur, laissant supposer une bonne saison dans un midfield resserré, composé des Renault, Mclaren, Racing Point et Ferrari. Le français fait jeu égal avec toutes ces écuries, se bat régulièrement pour rentrer en Q3 et marquer des points le dimanche.

Le miracle Monza

Vient alors Monza, temple de la vitesse et circuit historique, s’il en est. Les essais sont prometteurs, 6e en FP1*, 4e et devant Verstappen en FP2, il termine à une décevante 12e place lors des FP3. L’objectif pour les qualifications est donc de passer en Q3. Cet objectif sera atteint, laissant les Ferrari et la Renault d’Esteban Ocon hors des 10 meilleurs temps, Pierre Gasly partira donc de la 10eme position sur la grille, Hamilton, Bottas et Sainz trustant les trois premières places. Le dimanche son départ en soft lui permet de se retrouver rapidement aux côtés d’Alex Albon et de Lance Stroll, lui donnant par ailleurs une belle frayeur au premier virage, lors d’un contact roue contre roue avec la Red Bull d’Alex Albon.

L’événement qui aurait pu faire tourner court la course de Gasly : le roue contre roue avec Albon au premier virage. (Crédit : formula1.com)

Sa première partie de course est relativement discrète, 9e après le premier tour, il s’accroche à ses deux points précieux pour le championnat. Ce n’est qu’au 21e tour que la magie opère. Magnussen stoppe sa voiture à l’entrée de la voie des stands, pour cause de souci mécanique. Flairant le bon coup et alors que son coéquipier (Daniil Kvyat) commence à le menacer, Pierre Gasly et son ingénieur, Pierre Hamelin, décident de rentrer pour chausser des pneus durs, dans l’optique d’aller au bout. Malheureusement la stratégie semble ratée. En effet, le Français ressort en fond de peloton, les autres pilotes ne s’étant pas encore arrêtés. Puis vint l’élément déclencheur favorable à Pierre Gasly : la direction de course, jugeant l’emplacement de la Haas comme dangereux, décide de sortir la voiture de sécurité et de fermer la voie des stands, les pilotes ne peuvent s’arrêter chausser de nouvelles gommes, Gasly, lui, l’a déjà fait.

Un autre événement favorable au Normand arrive quelques instants plus tard. Malgré cette interdiction de passer aux stands, Lewis Hamilton, pourtant leader de la course, commet l’erreur d’y rentrer, ce choix lui coutera un stop and go de 10 secondes. La Haas évacuée, les pilotes se jettent tous aux stands, Gasly grimpe ainsi à la 3e place, Hamilton et Stroll (seul pilote à ne pas s’être arrêté) devant, l’espoir d’un podium refait surface. Une fois la voiture de sécurité rentrée, la course peut reprendre son cours, c’est alors qu’un dernier fait de course va définitivement faire basculer ce Grand Prix : après seulement deux tours, Charles Leclerc perd le contrôle de sa voiture à la sortie de “la Parabolica” et encastre sa monoplace dans la rangée de pneus situé derrière les graviers. Plus de peur que de mal pour le Monégasque, mais la course doit être stoppée pour remettre les éléments de sécurité dans leur état initial.

La course est donc arrêtée, les pilotes peuvent changer de pneus “gratuitement”, ce qui fait les affaires de Lance Stroll. Ça gamberge dans les têtes, notamment dans celle du pilote AlphaTauri, qui a là une chance peut être unique d’aller chercher une victoire en Formule 1 en prenant en compte la future pénalité du leader de la course, Lewis Hamilton.

La course reprend près de trente minutes après l’accident de Leclerc ; Stroll se loupe au départ et se fait déborder de toute part, Gasly, les deux Alfa Romeo de Kimi Raïkkönen et d’Antonio Giovinazzi et Carlos Sainz doublent le pilote canadien. Pierre Gasly se retrouve derrière Hamilton, contraint de s’arrêter pour subir sa pénalité, le français prend les rennes de la course, il lui reste 24 tours à couvrir, et derrière lui, un Carlos Sainz déchaîné se lance à sa poursuite après avoir passé les deux Alfa Romeo de Kimi Raïkkönen et d’Antonio Giovinazzi qui faisait “bouchon”.

Cette fin de course est insoutenable, tant pour les membres des écuries que pour les téléspectateurs, français comme espagnols. 24 tours durant, l’écart fond, la McLaren se rapprochant tour après tours de l’AlphaTauri, moins véloce. Lors des 3 derniers tours, l’écart est réduit à la seconde, Sainz bénéficie du DRS et envisage clairement la victoire, mais Pierre tiendra bon, démontrant sa force de caractère et sa capacité à gérer la pression. Malgré quelques tentatives lors du dernier tour, Sainz ne parvient à trouver l’ouverture et permet ainsi à Gasly de s’offrir sa première victoire en F1, la première depuis Monaco 1996. Il entre ainsi dans le cercle très fermé des vainqueurs de Grand Prix, et gagne avec, le respect des membres de la communauté F1. Son podium, sur lequel il restera un moment seul après la cérémonie, est chargé en émotions, mêlant fierté, nostalgie et bonheur, les interviews d’après course le sont également.

“Énormes félicitations à Pierre […] Il le mérite. Et il mérite une place dans un top team.”

Lewis Hamilton

De nombreux autres pilotes lui rendent hommage, comme son ami Charles Leclerc, Max Verstappen ou encore Lewis Hamilton, désormais légende de ce sport, congratulant Gasly et se réjouissant de sa victoire  “Énormes félicitations à Pierre ( … )je l’apprécie beaucoup. Je crois qu’il a été rétrogradé injustement l’année dernière. Mais il est passé dans l’écurie B et a battu l’écurie A. Il le mérite. Et il mérite une place dans une top team.”

Et depuis cette victoire ?

Depuis ce week end italien complètement fou, Pierre a gagné le respect et la reconnaissance qu’il mérite.

Entretiens téléphoniques avec le Président de la République, reportages sur sa victoire, statut à confirmer, les semaines suivantes ont été intenses pour le natif de Rouen. Ses prestations tout au long de la saison lui ont tout de même permis de terminer à la 10e place au championnat des pilotes, performance inespérée en début de saison avec sa modeste AlphaTauri et donc ainsi de prolonger son aventure comme leader au sein de l’écurie.

Pierre Gasly fêtant son troisième podium en trois saison lors du GP d’Azerbaïdjan, à Bakou. (Crédit : @redbull)

Depuis le début de la saison 2021, sa monoplace semble plus compétitive, lui permettant plus régulièrement d’intégrer la Q3 en qualifications et d’inscrire de nombreux points le dimanche en course. Pour preuve, lors des 14 séances déjà effectuées, Pierre Gasly s’est qualifié 11 fois dans le top 6, signant également un nouveau podium à Bakou, en juin dernier. L’an prochain, pour la nouvelle réglementation, le Normand pourra à nouveau continuer de briller au sein de l’écurie italienne, qui grandit en même temps que son protégé. Cela lui laissera le temps de choisir les meilleures opportunités pour 2023, que ce soit chez AlphaTauri, Williams ou bien une autre top écurie.

Pierre Gasly, la métamorphose

Alors, bien qu’une victoire semble difficile à obtenir cette année, on espère tous dans un coin de notre tête que cela arrivera de nouveau pour lui, que ce soit à Monza ou ailleurs.

Crédit photo d’illustration : JENNIFER LORENZINI / AFP

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