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The Q Factor : Kyler Murray, la fourmi atomique

Le Quarterback est, sans conteste, le joueur le plus important sur un terrain de football. Bien qu’il ne peut pas faire à lui tout seul, il est très difficile d’aspirer aux grands honneurs sans avoir un excellent QB pour dicter l’attaque. Cette excellence reste cependant une rareté en NFL puisque il est difficile de retrouver 32 QB pouvant performer au très haut niveau. C’est pourquoi plusieurs équipes espèrent chaque année dénicher la perle rare à la Draft, quitte à se méprendre sur le potentiel réel d’un joueur. Tel qu’illustré dans le livre The Q Factor, cette capacité à trouver un « franchise quarterback » est une science inexacte, même si certains facteurs pourraient permettre d’analyser et de comprendre ce qui a fait le succès, ou non, d’un QB. C’est pourquoi nous vous proposons d’étudier le parcours des quarterbacks repêchés en 1ère ou 2ème ronde les saisons dernières.

Étant donné que le livre The Q Factor s’attarde sur la classe du repêchage de 2018, nous commençons donc notre série d’articles avec la classe de 2019 et celui qui a été sélectionné au tout premier rang par les Cardinals de l’Arizona: Kyler Murray.

👨‍🎓 Carrière universitaire

Originaire du Texas, Kyler Murray débarque au niveau universitaire, en 2015, avec l’étiquette de prospect 5 étoiles, soit le plus haut grade pour un joueur. Malgré son 1m78, il est en effet un joueur très dynamique sur le terrain et surtout très athlétique puisqu’il est également un prospect très convoité par les franchises du baseball majeur.

Pour ses débuts, il choisi de rester au Texas et d’intégrer l’université de Texas A&M, là où son père avait également occupé le poste de quarterback dans les années 80. Dans une équipe aux ambitions limitées, il doit se battre pour le poste de partant face à Kyle Allen. Bien qu’il n’obtient pas les premiers départs, il fini cependant la saison avec 8 parties jouées et des performances moyennes: 686 yards pour 5 TD et 7 interceptions + 335 yards à la course et 1 TD. Malgré des statistiques peu flatteuses, on peut néanmoins y percevoir son style de jeu, se présentant ainsi comme un quarterback double-menace. Le fait qu’il obtienne quelques départs, malgré qu’il soit à sa première année universitaire, laisse également entrevoir le potentiel qu’il dégage.

Source: Troy Taormina-USA TODAY Sports

Dans un contexte où la place de partant ne lui semble jamais acquise, il décide cependant de quitter le Texas et de tenter un pari audacieux en rejoignant les Sooners d’Oklahoma, la saison suivante. Bien qu’il puisse s’agir d’une belle opportunité, ce choix est également risqué puisqu’il implique de passer une année sans pouvoir jouer un seul match. En effet, lorsque un joueur choisi décide de changer d’université, si celle-ci n’est pas dans la même conférence, le joueur n’a pas le droit de jouer l’année suivante (à noter que ce règlement est en voie de disparaitre). Ceci étant dit, la perte de temps de jeu n’est pas si grande puisque le poste de quarterback numéro 1 est déjà occupé par un jour de 3ème année, un certain Baker Mayfield. Il devra donc attendre 2017 pour rejouer en match officiel. Toujours derrière Mayfield, il obtient des opportunités de jouer au cours de 7 rencontres, totalisant 359 yards pour 3 TD et 0 interception + 142 yards à la course, aucun TD. Maigre échantillon pour se mettre en valeur, mais cela lui permet de se préparer à la saison suivante alors que le poste de « QB1 » lui tend les bras.

Source: abc News

Éligible à la Draft NFL à l’issue de l’année, la saison 2018 est le moment tant attendu pour Murray afin de briller aux yeux des recruteurs. Malgré son talent, la pression est sur ses épaules puisque c’est maintenant ou jamais pour prouver qu’il a fait le bon choix en venant à Oklahoma. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il n’a pas failli à la tâche! En 14 matchs, il totalise 4361 yards pour 42 TD et 7 interceptions + 1001 yards à la course et 12 TD, en plus de remporter le titre de champion de la conférence Big 12 avec les Sooners. Pour couronner le tout, il remporte le trophée Heisman remis au meilleur joueur universitaire de l’année. Au delà des chiffres, c’est la force mentale de Murray qui impressionne puisqu’il a parfaitement répondu aux attentes, tout en conservant son style de jeu athlétique et spectaculaire.

Malgré d’impressionnantes statistiques, certains relèvent cependant quelques inquiétudes dans son jeu, principalement dues à son gabarit et son style de jeu « dual-threat ». En effet, malgré son très bon taux de passes complétées de 69%, on remarque une certaine difficulté à compléter ses passes en milieu de terrain. Une situation assez fréquente pour les quarterbacks de petit gabarit, tout comme la difficulté à lire parfaitement la défense adversaire. Ce dernier point s’amplifie d’autant plus avec les QB qui ont tendance à courir et qui se limitent trop souvent à leur première lecture. Finalement, certains détracteurs pointent le fait qu’il était entouré de l’une des meilleures équipes au pays tout en étant dans une conférence dont les défenses ne sont pas les plus réputées.

Dernier facteur d’inquiétude et non des moindres, Murray est également un excellent joueur de baseball. Son potentiel est tel que les A’s d’Oakland le repêche au 9ème rang de la Draft de la MLB en 2018. S’il n’est pas le premier joueur repêché en MLB et NFL, il deviendra le premier à l’être lors du premier tour de chaque ligue. Bien qu’il décide de jouer au football pour les Sooners cette année là, il faudra attendre quelques semaines avant la Draft NFL pour qu’ils déclarent sont intention de jouer au football professionnel plutôt qu’au baseball. De quoi donner bien des maux de têtes à tous les recruteurs!

📅 La Draft

En dépit de ses performances et de son potentiel énorme, Kyler Murray se présente donc à la Draft avec une étiquette de « One year wonder » ou de « Boom or Bust ». Si cela peut s’expliquer par les raisons citées précédemment, le risque de blessures lié à son gabarit et son style de jeu semble également refroidir certains recruteurs, bien que Russel Wilson (1m80) soit le parfait contre exemple puisqu’il n’a jamais manqué un seul match en NFL. Finalement, pour ne pas aider à plaider sa cause, il ressort du traditionnel NFL Combine dans une certaine controverse. En effet, il choisit de ne pas participer aux divers ateliers et plusieurs échos laissent entendre que certaines équipes n’aurait pas été très emballées à l’issue de leur entretien avec lui. L’histoire ne dit pas s’il s’agissait de vrais ressentis ou de l’intox pour faire peur aux autres franchises.

Quoiqu’il en soit, Murray est définitivement l’attraction de la draft 2019 et la question n’est pas de savoir quand il sera repêché mais plutôt, le sera-t-il au tout premier rang? En effet, ce sont les Cardinals de l’Arizona qui détiennent le premier choix mais ils ont déjà utilisé leur 10ème choix la saison précédente pour sélectionner Josh Rosen (QB). Certes, la saison rookie de Rosen a été loin d’être bonne (2278 yards, 11 TD pour 14 interceptions) mais c’est l’ensemble de l’équipe, attaque comme défense, qui a été médiocre avec une fiche de 3 victoires pour 13 défaites. Il n’est donc pas improbable que les Cardinals décident de donner une chance supplémentaire à Rosen et utiliser leur choix pour améliorer un autre secteur de l’effectif.

Avec du recul, bien que toutes ces interrogations étaient pertinentes, il s’agissait probablement plus d’un débat médiatique plutôt qu’un réel casse-tête pour les Cards. La raison? Kliff Kingsbury. Alors coach avec l’université de Texas Tech, ce dernier s’est vu offrir son premier poste de head coach dans la NFL, par Arizona, en janvier 2019. Réputé pour son style très offensif, il a fait brillé un certain Patrick Mahomes entre 2014-2017 et un joueur comme Kyler Murray pourrait parfaitement correspondre au système qu’il souhaite mettre en place. Et la connivence avec Murray ne s’arrête pas là puisque Kingsbury scrute déjà son évolution depuis sa carrière au lycée. Profitant de sa proximité géographique, il lui arrive en effet de se rendre au lycée rencontrer et observer ce joueur au potentiel énorme à ses yeux. Malheureusement, le mariage entre les deux hommes au niveau universitaire ne se présentera jamais. Ce n’est donc que parti remise alors que les étoiles semblent aligner en cette année 2019. Dans ce contexte, qui de mieux placer que les Cardinals de Kingsbury pour sélectionner et développer Murray au plus haut niveau?

Source: Mark Humphrey / AP

La réponse? Personne. Les Cardinals de l’Arizona sélectionnent, sans réelle surprise, Kyler Murray avec leur premier choix et échangent, dès le lendemain, Rosen aux Dolphins. Murray aura donc le champs libre pour s’exprimer dès sa saison rookie, dans un système offensif pensé et dessiné pour lui.

🏈 NFL – Année 1

À l’aube de sa première saison, les attentes envers Kyler Murray sont très hautes, autant par ses fans que par ses détracteurs. Situation classique pour un quarterback repêché au premier rang vous me direz, mais les Cardinals en sont à leur deuxième QB repêché au premier tour en deux ans donc il serait bien malvenu que cela se traduise par un nouvel échec. Ceci étant dit, les attentes sont tous aussi élevées envers Kliff Kingsbury, ce qui peut éventuellement permettre de ne pas mettre toute la pression sur les épaules du jeune quarterback.

Pour ses grands débuts, Murray a la chance de jouer à domicile et face à un adversaire à priori à sa portée, les Lions de Detroit. Sans être catastrophiques, il fini son premier match avec des performances mitigées: 308 yards, 2 TD pour 1 interception et un taux de complétion de 53.7%. Il a néanmoins le mérite de ne pas perdre le match puisqu’il se termine sur un score nul de 27-27. Dans l’ensemble, sa prestation est donc honorable pour un premier match NFL. À titre comparatif, pour un premier match, il fait mieux que les trois derniers quarterbacks repêchés au premier rang avant lui: Baker Mayfield (2018), Jared Goff (2016) et Jameis Winston (2015).

Source: Darryl Webb / AP

Au fur et à mesure que la saison avance, il arrive à mieux développer son jeu, autant à la passe qu’à la course. Ses performances restent cependant en dents de scie, à l’image des résultats de l’équipe qui finira avec une fiche de 5-10-1. Ce qui n’est pas si surprenant lorsqu’on parle d’une équipe qui avait fini au dernier rang la saison précédente. Mais au delà des résultats, les statistiques globales de Murray sont plutôt encourageantes. En effet, il fini avec 3722 yards, 20 TD pour 12 interceptions et un taux de complétion de 64.4%, en plus d’ajouter 544 yards et 4 TD à la course. Ce n’est pas parfait mais il semble parfaitement avoir répondu aux attentes, tout en conservant son style de jeu double-menace. Jouant l’ensemble des 16 rencontres, il a également démontré qu’il pouvait se tenir loin de l’infirmerie malgré son petit gabarit. En dépit d’une plus grande exposition lorsqu’il décide de courir, on découvre à quel point il est rapide et qu’il possède une excellente technique (développée en jouant au baseball) pour glisser au sol et se protégeant ainsi des assauts des défenseurs.

Une première année généralement réussie donc et qui laisse entrevoir son potentiel de développement et ce même au plus haut niveau.

🏈🏈 NFL – Année 2

Comme tout joueur n’ayant pas trop mal réussi sa première année, la deuxième année de Murray se doit être celle de la confirmation. Qui plus est, l’équipe s’est améliorée, notamment avec l’arrivée de l’un des meilleurs receveurs de la ligue, DeAndre Hopkins. Une arme offensive de premier plan qui devrait permettre au quarterback sophomore de passer un cap. L’objectif pour la saison est donc simple: ramener les Cardinals en playoffs, et ce malgré leur présence dans la NFC Ouest, l’une des divisions les plus compétitives de la ligue.

Malheureusement, l’équipe de l’Arizona échoue aux portes des playoffs avec une fiche de 8-8. Une amélioration par rapport à l’année précédente mais une déception par rapport à l’objectif fixé. S’il n’a pu suffisamment faire la différence, Murray s’est encore amélioré et présentent d’excellentes statistiques: 3971 yards, 26 TD pour 12 interceptions et un taux de complétion de 67.2%, en plus d’ajouter 819 yards et 11 TD à la course. Cette fois, il n’y a plus de doute, Kyler Murray est bel et bien le joueur auquel on s’attendait et représente le futur des Cardinals.

Source: Billy Hardiman-USA TODAY Sports

Menace dans les airs comme à la course, il est capable de faire changer le cours d’un match à lui tout seul. Mais tout n’est pas parfait. Avec ses 12 interceptions et ses 9 fumbles, dont 4 perdus, il a en effet encore tendance à rendre un peu trop souvent la balle à l’adversaire. Un axe de progression à améliorer donc s’il veut notamment permette à son équipe de franchir un nouveau pallier.

Après 2 saisons, on peut donc affirmer que les Cardinals ne se sont pas trompés en sélectionnant Kyler Murray au tout premier rang. Il rentre donc aisément dans la liste de ces quarterbacks repêchés en première ronde qui n’ont pas déçu au plus haut niveau. Certes, il avait le potentiel et les capacités athlétiques, mais l’un des principaux facteurs de son succès est sans aucun doute le système de jeu offensif, conçus entièrement autour de ses qualités. À l’image d’un Lamar Jackson à Baltimore, il a en effet profité d’un coach capable d’adapter le plan de jeu en se basant sur ses forces.

🎯 À quoi peut-on s’attendre pour la suite?

Tel qu’illustré lors de la saison 2020, Kyler Murray a prouvé qu’il avait le niveau pour être un excellent quarterback de la NFL, voir plus. Il se doit maintenant de continuer sa progression et de corriger les erreurs encore perceptibles dans son jeu. Bien que cela soit une de ses forces, il devra également arriver à tempérer ses courses s’il veut perdurer longtemps dans la ligue sans se blesser.

Sur le plan collectif, autre chose qu’une qualification en playoffs sera une déception pour la saison 2021, d’autant que l’effectif semble s’être amélioré des deux côtés du terrain. À lui donc de s’élever comme un leader afin d’atteindre cet objectif.

Si le premier match de la saison face aux Titans (victoire 38-13) est un aperçu de ce que Murray et les Cards sont capables de faire cette année, alors ils peuvent aspirer à de belles choses. Avec un total de 5 TD (4 à la passe, 1 au sol), serait-ce le signe d’une année dorée pour Murray?

D’après Brian Billick dans The Q Factor, on peut estimer à 50% de chance de repêcher un quarterback au premier tour qui répondra aux attentes en NFL. Kyler Murray entre définitivement dans ce 50%. Lors du prochain article, nous nous attarderons sur Daniel Jones, 6ème choix au total des Giants, qui pour le moment semble faire parti de la moitié non-concluante de cette statistique.

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