Porté par leur insouciance, c’est le sourire aux lèvres que les deux joueuses rentrent sur l’Arthur Ashe Stadium pour disputer une finale de rêve. La Britannique fait son entrée en première sur le court acclamée par la foule new-yorkaise. La 150e mondiale, à peine majeure était déjà dans sa bulle. Excitée par l’enjeu comme elle le déclara dans les couloirs, c’était une Emma Raducanu sûre de ces forces qui salua la foule. De l’autre côté, la Canadienne pleine d’espoir va s’installer à droite de l’arbitre de chaise, Marijana Veljovic. Leylah Fernandez, lancée comme une lionne sur cette quinzaine a enchaîné les prestations de haut vol en éliminant trois joueuses du top 5. Son leitmotiv pour cette finale était simplement de continuer à s’amuser sur le court tout en profitant de l’ambiance d’une finale de Grand Chelem. L’enjeu maintenant est de savoir qui de ces deux jeunes femmes réalisera son rêve à la fin de ce match, celui d’être consacrée sur un Majeur.
Gros rythme d’entrée
C’est Raducanu qui lance cette finale inédite et au combien attendue par le monde tennistiques. La Britannique très concentrée et appliquée termine son premier jeu avec un revers croisé qui transperce son adversaire. Elle peut se le dire, son match a bien débuté. Confiante et très agressive sur les échanges, elle met la pression sur Fernandez qui ne parvient pas à se sortir d’un jeu acharné qu’elle perd au bout de 10 minutes. Le ton est donné, ici à New York.
Vexée, la Canadienne ne compte pas la laisser s’échapper et démontre toute sa force de caractère pour recoller à 2-1. Très adroite et avec un profil de joueuse complète, Fernandez offre de magnifiques échanges et sème le trouble dans la tête de la Britannique. Perturbée par l’immédiate réactivité de son adversaire, elle ne cesse de s’encourager pour continuer le combat. C’est à ce moment qu’un « COME ON » lâché par Raducanu résonne dans le stade. Juste après, Fernandez recolle à 2-2.
Pleine de volonté, cette joueuse charismatique semble être transfigurée. Plus démonstrative et avec des yeux de mort de faim, Emma a la hargne qui monte en elle. Mais en face, son adversaire, en pleine réussite, continue de jouer dans le bon tempo.
Deux princesses à la baguette
Les échanges se poursuivent et le public américain se régale sur chaque point. Ce duel s’intensifie. Les deux princesses jouent le tennis qu’on adore voir en finale. Par moments, elles donnent l’impression de jouer avec des baguettes magiques et plus des raquettes. Mais c’est Miss Raducanu qui reprend la main sur l’échange.
Avec leurs coups droits si puissant et précis le show est au rendez-vous. Leur incroyable couverture de terrain laisse entrevoir des retournements de situations sur chaque point. Le public en est tout ébloui.
C’est lors de ce 9e jeu, que la pression monte d’un cran, la fin de set approche et les deux joueuses savent au combien il est important d’empocher ce premier set pour la confiance. La jeune britannique propose un excellent jeu de service et pousse Leylah Fernandez à servir pour rester dans le set.
Tout d’un coup, une question revient avec insistance, Emma Raducanu encaissera t-elle pour la première fois de ces trois semaines un premier set ?
Emma ne le désire pas et veut continuer cette incroyable série entamée depuis les qualifications.
Sur un retour revers imparable, Raducanu se procure ses deux premières balles de set. Mais c’est sans compter sur la résistance de la Canadienne qui a le don de jouer très juste quand elle se doit de serrer le jeu. À ce moment, Fernandez commet une énième faute directe qui arrive au pire des moments, c’est la 15e du set, sûrement celle de trop.
La Britannique saisit sa chance
Sous pression et n’arrivant pas à prendre les devants sur les échanges, Leylah en délicatesse sur son service, doit sauver une quatrième balle de set. Mais à cet instant, Raducanu qui vient de passer à côté des 3 précédents comptes bien prendre le temps de construire ce point au combien important.
Libérée, elle réalise deux coups droits croisés pour faire sortir la Canadienne du court puis termine ce point du set de toute beauté. Dans sa position fétiche, qui la voit se baisser à mi-hauteur, sort de sa raquette un coup de canon coup droit imparable. Set empoché, la jeune britannique regarde son clan puis harangue la foule en délire.
Ce premier set s’est joué à peu de choses. Connaissant plus de réussite sur son service, avec 70% de points gagnés sur le premier service contre 61% pour son adversaire, la Britannique prend logiquement les commandes de ce match. 6-4
Un début de seconde manche à deux vitesses
De retour sur le court pour disputer ce deuxième set, Leylah Fernandez fait face à une adversaire qui joue en toute confiance. Revigorée par ses trois balles de breaks parfaitement sauvés, la Canadienne, prend enfin le match à son compte. Appliquée, elle harcèle Emma Raducanu avec réussite jusqu’à la pousser à la faute pour empocher le premier break. 2-1
La Britannique faisant course inverse dans ce second set ne s’affole pas. Sûre de ces forces, elle rend la vie difficile à Fernandez. Avec brio, Raducanu a su se remettre directement à hauteur de son adversaire en se montrant très percutante et chirurgicale pour conclure. En témoigne l’angle qu’elle trouve sur sa balle de debreak. Revenue à hauteur, Raducanu reprend les rênes de ce set en s’appuyant sur un excellent service qui la met dans de parfaites conditions pour dominer l’échange et enchaîner les points.
La tornade Raducanu déchaînée
La dynamique relancée, le poing serré et la tête haute, la nouvelle coqueluche du tennis féminin laisse transparaître une confiance déconcertante.
Avec un mélange de coup droit et revers gagnants, Raducanu foudroie son adversaire avec une panoplie de coups grandioses. Fernandez se retrouve étouffé et sans solutions. Elle perd petit à petit le fil du match et commet de plus en plus de fautes. À cause de sa délicatesse au service, elle doit batailler à chacune de ses mises en jeu. Et quand elle croit avoir réalisé le service parfait, Raducanu trouve la lucidité pour lui porter le coup fatal et lui montrer que c’est elle la patronne. Break en poche, obtenu sur un passing coup droit qui laisse sur place la pauvre Leylah, la messe est presque dite.
Fernandez se retrouve sous l’eau tant, son adversaire est un cran au-dessus dans cette deuxième manche. Face à la future reine de New York, Fernandez n’y arrive plus, comme si elle avait compris que la gloire de soulever le trophée ne serait pas pour cette année À 5-2 contre elle, la Canadienne ne trouve toujours pas la stratégie pour faire redescendre la Britannique de son piédestal.
Leylah et le dernier espoir
En face d’elle, Raducanu, pleines d’audace et une nouvelle fois pas malheureuse avec ses balles prenant la ligne quand elle était sur la défensive, fonçait vers le titre.
Mais d’un coup, se sentant s’éloigner de son rêve, la tendance bascule en faveur de la Canadienne. Alors que Raducanu avait la main mise sur cette manche, le réveil tant attendu et espéré de Fernandez arrive.
Après une première occasion non conclue grâce au courage de la merveilleuse Fernandez qui se lâche totalement, Raducanu se procure une nouvelle occasion après un coup droit dévastateur. Ce même coup qui restera dans le filet quelques secondes plus tard. À égalité 40-40, Fernandez tient l’échange et envoie des missiles avec son coup droit de gauchère et pousse Raducanu à servir pour le match. 5-3
L’enjeu est là, 4 points et Raducanu sera couronnée, Reine, ici à Flushing Meadows. En utilisant son service à l’extérieur, la Britannique s’ouvre parfaitement le court pour tenter de finir en beauté cette quinzaine.
Mais la pépite canadienne n’a pas dit son dernier mot. À 30-30, elle se lâche et fait parlé sa puissance. Impressionnante quand elle est dos au mur, La 73e mondiale se procure une balle de debreak. Elle devra attendre 5 longues minutes pour la disputer, car Raducanu qui s’est ouvert le tibia sur sa défense, doit bénéficier d’un temps mort médical. Frustrée et se sentant vexée de la décision de l’arbitre d’accorder un peu de répit à son adversaire, elle garde espoir.
Malheureuse qu’elle soit, Fernandez ne la convertit pas, mais se procure très vite une deuxième opportunité au bout d’un magnifique échange. Son adversaire résiste et pousse pour remporter ce jeu si important. En alternant ses coups, Raducanu crée le déséquilibre et met fin aux chances de revenir pour Fernandez.
Bouquet finale d’une partition exceptionnelle
La donne a changé, Emma Raducanu, touchée par la grâce, se procure sa 3e balle de match sur son service. Le conte de fée new-yorkais s’achève pour elle avec un ace en or. Ça y est, elle s’écroule, à 18 ans Emma Raducanu, le nouveau joyau du Royaume-Uni devient la nouvelle Reine de Flushing Meadows. De son côté, la malheureuse Fernandez n’en revient pas, elle a conscience qu’elle est tombée sur plus forte et que son rêve n’aboutira pas aujourd’hui. Déçue, son visage se ferme et les larmes coulent.
Le point clé de la finale : le service
Le service a été l’un des éléments clé de cette finale. Face à une excellente relanceuse, Leylah Fernandez a parfois été en difficulté sur son engagement dans les moments accrochés. Elle n’a pas réussi à s’en servir tout au long de la finale comme une arme, à défaut de son adversaire qui sur ce point était un cran au-dessus.
La stat’ qui donne le tourni
1 : Emma Raducanu est la seule et unique joueuse à avoir remporté un Grand Chelem après être sortie tout droit des qualifications. En un mot : MYTHIQUE.
Est-ce un coup d’éclat sans lendemain ?
La réponse est non. Deux joueuses d’un tel niveau, qui sortent chacune d’un tournoi tonitruant ne seront pas sans lendemain. Tout d’abord de par leur mentalité, mais aussi et surtout leur style de jeu. Ce sont des styles qui se rapprochent de ce qui est vu sur le circuit masculin. Elles sortent clairement du lot sur ce circuit féminin et auront leur mot à dire. Aussi bien attaquante que défenseuses, ceux sont deux grandes combattantes agressives qui possèdent chacune un large panel de coups. Peut-être que Raducanu part avec un léger avantage, car elle semble plus stable dans son jeu. À côté, l’une des grandes forces de Leylah Fernandez réside dans son attitude, très à l’aise et toujours avec le sourire, c’est une joueuse très positive. Impressionnante quand elle se retrouve dos au mur, elle a cette faculté à se sublimer. Un chemin s’ouvre devant elles, il faudra que leur insouciance continue de les mener vers les sommets du tennis.
Il faut aussi souligner leur jeune âge. Nées l’une et l’autre en 2002, elles débutent leur carrière et sont des morts de faim. Cela tombe bien, le circuit féminin cherche ses nouvelles têtes d’affiche. Et le grand plus, c’est qu’elles n’aient pas l’air effrayées par la pression, ce qui les fait partir avec un sacré atout en leur possession.
Pourquoi a-t-on hâte de les revoir ?
Car elles enchantent les fans de tennis. Que ce soit leur mentalité de vouloir profiter avant de se soucier d’une quelconque pression. De leur manière d’être, de leur rapport au tennis où toutes deux, dégage cette même envie si profonde de vouloir gagner. Mais c’est surtout leur confiance en elle et leur tennis qui est impressionnant. Car pour réaliser une finale de Grand Chelem de ce standing pour leur grande première, il faut en avoir de l’assurance. Mais c’est bien leur insouciance qui les rend si attachantes.
Les deux nouvelles coqueluches du tennis féminin ont su insufflé un vent de fraîcheur inattendue sur le circuit WTA. Insouciantes et pleines de vie, elles ont fait le bonheur des New-yorkais durant cet US Open. Cette finale marque le premier acte d’une nouvelle ère même si elles s’étaient déjà rencontrées par deux fois en junior. Aujourd’hui la planète tennis n’a qu’une hâte, les revoir très vite.