Le Quarterback est, sans conteste, le joueur le plus important sur un terrain de football. Bien qu’il ne peut pas faire à lui tout seul, il est très difficile d’aspirer aux grands honneurs sans avoir un excellent QB pour dicter l’attaque. Cette excellence reste cependant une rareté en NFL puisque il est difficile de retrouver 32 QB pouvant performer au très haut niveau. C’est pourquoi plusieurs équipes espèrent chaque année dénicher la perle rare à la Draft, quitte à se méprendre sur le potentiel réel d’un joueur. Tel qu’illustré dans le livre The Q Factor, cette capacité à trouver un “franchise quarterback” est une science inexacte, même si certains facteurs pourraient permettre d’analyser et de comprendre ce qui a fait le succès, ou non, d’un QB. C’est pourquoi nous vous proposons d’étudier le parcours des quarterbacks repêchés en 1ère ou 2ème ronde les saisons dernières.
Après notre première analyse sur Kyler Murray, on discute aujourd’hui du second quarterback de la Draft 2019. Il s’agit bien évidemment de Daniel Jones, repêché au 6ème rang par les Giants de New York.

👨🎓 Carrière universitaire
Natif de Caroline du Nord, Daniel Jones choisi de rester dans son État d’origine pour réaliser sa carrière universitaire. C’est donc chez les Blue Devils de l’université de Duke qu’il débarque en 2015. Malgré sa présence dans la relevée conférence ACC, l’université de Duke n’est pas une puissance et est plutôt reconnue pour son équipe de basket. Néanmoins, il s’agit d’une belle opportunité pour Jones puisqu’il sera coaché par David Cutcliffe dont sa réputation auprès des quarterbacks n’est plus à faire après avoir coaché Peyton Manning (Tennessee) et son frère Eli (Ole Miss) auparavant. Un mentor idéal pour un Daniel Jones donc, dont les mensurations ne sont justement pas sans rappeler celles de frères Manning avec ses 1m96 pour 100kg. Grâce à ses qualités athlétiques, Jones se démarque cependant de ces deux Hall of Famers puisqu’il est aussi capable d’être une menace à la course, au besoin.
Comme dans la plupart des joueurs dans cette situation (redshirt freshman), Jones ne prend part à aucun match lors de sa toute première saison au sein des Blue Devils. Il apprend donc du quarterback partant cette année là, Thomas Sirk. Alors que Jones ne devait pas nécessairement devenir le numéro 1 l’année suivante, Sirk se blesse en fin de saison, laissant la place de partant vacante pour la saison 2016. Sans grande concurrence, Daniel Jones obtient donc le poste et une belle opportunité pour briller. Pour sa première saison, il participe aux 12 parties de son équipe et totalise 2836 yards pour 16 TD et 9 interception (taux de complétion de 62.8%) + 486 yards à la course pour 7 TD. Des statistiques modestes mais correctes pour une saison recrue, d’autant qu’on retrouve les capacités athlétiques attendu chez Jones.

Daniel Jones débute son année sophomore (2ème année) avec l’objectif évident de s’améliorer et de bâtir sur ce qui a fonctionné la saison précédente. Chose qu’il réussi assez bien avec une séquence de 4 victoires d’entrée, inscrivant 8 TD, dont 2 au sol. Malheureusement, ça se complique par la suite avec notamment 6 défaites de rang. En sauvant les meubles lors des trois derniers matchs, il permet néanmoins aux Blue Devils de finir avec une fiche positive de 7-6 et d’obtenir un billet pour un bowl game, le Quick Lane Bowl, face à Northern Illinois. Jones s’y illustre en inscrivant 3 TD, menant les siens à la victoire (36-14) et décrochant le titre de MVP. Malgré cette belle reconnaissance, la saison de Daniel Jones est en deca des attentes avec des statistiques moins bonnes qu’à sa saison recrue. En effet, bien qu’il aie joué un match de plus (13 vs 12), il a régressé ou stagné dans les principales catégories: 2691 yards pour 14 TD et 11 interceptions (taux de complétion de 56.7%) + 518 yards à la course pour 7 TD.
Bien qu’il ne soit pas entouré d’un effectif élite, ses performances restent inquiétantes, notamment lorsque l’on observe une telle régression dans des statistiques comme le ratio TD-INT et le taux de complétion, qui sont souvent révélatrices du potentiel de progression d’un quarterback.

À l’aube de la saison 2018, Daniel Jones n’est pas nécessairement dans les pourparlers pour être un choix de première ronde lors de la prochaine Draft NFL. S’il a l’avantage d’être un peu sous les lumières des projecteurs grâce au coach Cutcliffe, il doit surtout montrer une progression significative pour créer un réel engouement des recruteurs. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Jones a su parfaitement présenter le meilleur de lui-même au meilleur moment. En seulement 11 matchs, on constate une nette progression avec une fiche de 2674 yards pour 22 TD et 9 interceptions (taux de complétion de 60.5%) + 319 yards à la course pour 3 TD. Au delà des chiffres, on remarque une certaine modification de son style de jeu. En effet, il affiche une nette amélioration dans son jeu à la passe et une réduction du jeu au sol, bien que cela reste un de ses atouts si besoin. Ainsi, grâce à une technique de lancer améliorée, une bonne précision dans les zones intermédiaires et sa capacité à sortir de la poche pour se libérer ou courir, il est capable de prendre des décisions rapides et dicter un bon rythme entre chaque jeu. À l’image de la saison précédente, il conclue à nouveau sa campagne avec une belle prestation lors d’un bowl (Independence Bowl), où il inscrit 5 TD et décroche le titre de MVP (victoire 56-27 face à Temple). Seul ombre au tableau durant cette belle saison, il a raté deux parties en raison d’une blessure à la clavicule. Si son niveau de jeu n’a pas été impacté lors de son retour, une blessure de ce type n’est jamais un bon présage.
En finissant en trombe, il n’est donc pas surprenant de commencer à entendre le nom de Jones comme possible choix de premier tour à la Draft, d’autant que la cuvée 2019 n’est pas des plus fournies à ce poste, mis à part Kyler Murray qui sort du lot. Ceci étant dit, avec un ratio de 52 TD – 29 Interceptions et une moyenne de taux de passes complétées de 59.9% en trois saisons, les performances de Jones ne sont pas stratosphériques pour un joueur universitaire. En plus des 29 interceptions, Jones comptabilise également 19 fumbles dont 13 perdus. Une donnée qui semble ne pas avoir eu un grand impact lorsque l’on sait à quel rang il a été repêché, mais qui pourrait expliquer bien des maux observables depuis son arrivée en NFL…
📅 La Draft
Nous venons de le voir, Daniel Jones a réalisé une carrière universitaire plus que respectable mais sans exceptionnelle. Pourtant, en réalisant sa meilleure lors de son année d’éligibilité à la Draft, il est arrivé à créer une vraie effervescence autour de lui, pour ne pas dire une réelle hype. Il faut dire qu’il a su toujours très bien saisir les opportunités de briller lors des “grandes” occasions comme les bowl games et son dernier fait d’armes et son titre de MVP au Senior Bowl. Évènement qui peut s’apparenter à un match all-star (bien que les meilleurs joueurs ne sont pas nécessairement présents), il est une occasion parfaite pour s’illustrer aux yeux des recruteurs et des coachs NFL retenues pour diriger les deux équipes qui s’y affrontent. S’illustrer lors d’un tel évènement n’est évidemment pas gage de succès dans la NFL, mais c’est à coup sûr une façon de hyper son statu auprès des franchises.
Parlant des franchises justement, celles en recherche d’un nouveau quarterback et les plus susceptibles d’être intéressées par Jones sont les Giants de New York, les Jaguars de Jacksonville et les Dolphins de Miami. On pouvait déjà exclure les Cardinals tant il était évident qu’ils sélectionneraient Kyler Murray. Parmi la liste des intéressés, les Giants apparaissent les plus probables. Tout d’abord parce qu’ils ont tout simplement la priorité sur les deux autres avec le 6ème rang mais aussi parce qu’ils possèdent trois choix de repêchage au premier tour. Ils peuvent donc se permettre de prendre un risque et aller chercher leur possible quarterback du futur, tout en ayant d’autres munitions pour sélectionner des joueurs de qualité sur d’autres postes. Finalement, le quarterback des Giants est encore Eli Manning. On peut donc facilement s’imaginer que sa proximité avec le coach David Cutcliffe a permis à l’organisation new yorkaise de développer un lien plus facile avec le joueur.

En résumé, lorsque l’on regarde la situation de Daniel Jones pré-Draft avec du recul, on parle d’un joueur en pleine hype cette année là, qui possède une physique élancé et athlétique comme les recruteurs les aiment et qui a été sous la tutelle, pendant 3 saisons, d’un coach ayant formé les frères Manning. A priori, le genre de situation où le cœur peut rapidement dépasser la raison pour une franchise cherchant désespérément son futur franchise quarterback. Preuve en est, Daniel Jones est repêché au 6ème rang par les Giants de New York bien qu’on peut lire la citation suivante de la part de Lance Zierlein, analyste Draft pour NFL Média: “Jones possède un bon QI football et est relativement mobile, mais il semble plus être un game manager qu’un franchise quarterback. Il s’apparente plus à un choix du jour 2 de la draft (2ème tour ou au delà) que du jour 1”.
🏈 NFL – Année 1
Daniel Jones débarque donc à New York en 2019 avec les espoirs qu’il devienne le quarterback du futur pour la franchise. Ceci dit, Eli Manning est toujours là avec une dernière année à écouler à son contrat. Ce n’est donc pas surprenant que le coach décide de choisir ce dernier comme le QB partant lors de la semaine 1, et ce même d’excellents matchs présaison pour Jones. Une situation qui en soit parait idéale pour une recrue, lui permettant ainsi d’apprendre d’un quarterback d’expérience et double MVP du Superbowl.
Pourtant, après seulement deux matchs se concluant par des défaites, Pat Shurmur décide d’envoyer son jeune poulain dans la mêlée pour son premier départ en carrière, face aux Buccaneers. Il réalise alors une très belle performance avec 336 yards à passe et 2 TD – 0 interception, en plus d’ajouter 2 TD à la course. Le tout avec la manière puisqu’il comble un retard de 18 points qui permet de l’emporter 32-31 à la toute fin. Une prestation idéale pour emmagasiner de la confiance et faire taire les critiques concernant sa position au repêchage. Durant ce match, il enregistre néanmoins ses 2 premiers fumbles perdus, laisse entrevoir ce problème qui va s’avérer récurrent. Fort de cette victoire à Tampa Bay, il réitère une semaine plus tard face à Washington avec une victoire nette de 24-3 et une fiche de 225 yards à la passe pour 2 TD et 1 interception. Malgré une prestation plus modeste, il semble confirmer les espoirs entrevus lors de son premier match.

Malheureusement, la séquence de victoires est de courte victoire et Daniel Jones devra finalement attendre le 22 décembre avant de décrocher une troisième victoire face, une nouvelle fois, à Washington. Avec une performance de 5 TD à la passe, il rentre d’ailleurs dans un club très fermée de recrues ayant réalisé un tel exploit.
Avec deux matchs manqués pour blessures au début du mois de décembre, Jones fini donc sa première saison en ayant joué 12 matchs complets. Il totalise ainsi une fiche de 3027 yards pour 24 TD et 12 interceptions (taux de complétion de 61.87%) + 272 yards à la course pour 2 TD. Une prestation plus que respectable pour une première saison chez les pros et qui laisse entrevoir de bonnes choses pour la suite. Néanmoins, même si ses 12 interceptions ne sont pas dramatiques pour une recrue, il faut y ajouter 19 fumbles dont 11 perdus. Avec un total de 33 revirements, il est donc facile d’entrevoir la principale faiblesse de l’ancien de Duke et on attend de lui qu’il corrige cet aspect du jeu dès la saison suivante.
🏈🏈 NFL – Année 2
Eli Manning ayant pris sa retraire, Daniel Jones se voit officiellement donner les clés de l’attaque ainsi qu’un titre de capitaine. Mais Manning n’est pas le seul départ notable du côté des Giants puisque Pat Shurmur est congédié après deux saisons infructueuses à la barre de l’équipe. Joe Judge est appelé à la remplacer, lui qui obtient un premier poste de coach principal. Si un tel changement se veut toujours pour le bien d’une équipe, ce genre de situation n’est jamais idéale pour un jeune quarterback. Ceci est d’autant plus vrai en cette saison 2020 puisque, au cœur de la pandémie, la préparation d’avant saison est tronquée, limitant ainsi les opportunités de développer une chimie entre Jones et son nouvel entraineur.
Conséquence directe ou non, les Giants débute la saison avec une défaite face au Steelers (16-26) où Jones connait un match sans éclat avec 279 yards à place, lançant 2 TD et 2 interceptions. Certes, il s’agissait de l’une des meilleures défenses de la ligue, mais New York ne fait pas mieux lors des 4 matchs suivants alors que l’attaque est anémique, à l’image de Jones qui ne lance aucun TD lors de cette période.

Malgré ce départ catastrophique, les Giants se ressaisissent un minimum par la suite et accroche presque une place en playoffs, bénificiant du très faible niveau de la NFC Est. Mais ces résultats sont surtout obtenus grâce à une solide défense et non par une performance améliorée de Daniel Jones. En effet, ce dernier termine la saison en ayant joué 14 matchs, soit deux de plus qu’en 2019, mais ses statiques ont lourdement chuté: 2943 yards pour 11 TD et 10 interceptions (taux de complétion de 62.5%) + 423 yards à la course pour 1 TD. À cela on peut ajouter à nouveau 11 fumbles pour 6 perdus. Des chiffres bien loin de ce qu’on peut attendre de la part d’un quarterback de deuxième année et qui soulève forcément des questions sur le réel niveau que Jones peut réellement atteindre.
À sa défense, plusieurs éléments peuvent expliquer une telle prestation. Nous avons déjà abordé la situation du coach mais on peut aussi noter la blessure de Saquon Barkley dès le 2ème match de la saison, et ce pour toute la saison. Sans ce joueur élite dans le backfield offensif, les défenses adversaires ont donc pu se focaliser un peu plus sur Daniel Jones. Le manque d’un receveur élite est également un facteur qui pourrait expliquer certaines limitations dans sa progression.
🎯 À quoi peut-on s’attendre pour la suite?
Après une saison sophomore difficile, Jones est déjà sous pression pour sa troisième année et avec une obligation de prouver son vrai visage. Avec l’arrivée d’une cible de choix, en la personne de Kenny Golladay, et le retour de Barkley, il devrait être mieux entouré et n’aura donc pas d’excuse concernant ses coéquipiers, bien que la ligne offensive est loin d’être ce qui se fait de mieux dans la NFL. Finalement, s’il veut surtout passer un autre niveau, il devra réduire significativement son nombre de revirements et essayer de rester en santé sur une saison au complet. Voilà d’ailleurs deux facteurs entrevus dès sa carrière universitaire mais qui ne semble pas avoir eu beaucoup d’influence lors du jour du repêchage.
Sur le plan collectif, il semble difficile d’espérer une qualification en playoffs cette saison. Néanmoins, dans une division NFC Est toujours remplie de surprises, rien n’est impossible. Dans ce contexte, Daniel Jones sera définitivement un facteur X dans les succès de son équipe.
Malheureusement, la saison semble bien mal embarquée avec trois défaites en trois parties. Avec 4 TD (2 à la passe, 2 au sol), Jones n’est pas le seul à blâmer mais n’est toujours pas transcendant pour le moment. La saison risque donc d’être longue du côté de New York s’ils ne se ressaisissent pas rapidement et les partisans pourraient commencer à s’impatienter envers Daniel Jones.
D’après Brian Billick dans The Q Factor, on peut estimer à 50% de chance de repêcher un quarterback au premier tour qui répondra aux attentes en NFL. Au regard de ses deux premières saison, Daniel Jones semble être ce qu’on pourrait considérer comme un joueur moyen qui se situerait donc tout juste en-dessous de cette barre des 50%. Lors du prochain article, nous nous attarderons sur Dwayne Haskins, 15ème choix au total de Washington.