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Preview Fury vs Wilder 3 : once and for all ?

Un peu plus d’un an et demie après leur deuxième confrontation (qui avait vu l’anglais surclasser l’américain et ainsi s’emparer de la ceinture WBC de la catégorie des Lourds), Tyson Fury et Deontay Wilder vont s’apprêter à, ce weekend au T-Mobile Arena de Paradise (Nevada), croiser le fer pour la troisième fois. Affrontement qui ressemble au combat de trop, d’un relatif inintérêt, tant les choses semblent une fois pour toutes avoir été posées entre les deux hommes. Mais pourrait, néanmoins, s’avérer (un peu) plus intriguant, sinon indécis, quand on prend connaissance des réelles forces en présence et, surtout, de l’actuel état d’esprit des protagonistes.

C’est un fait, Fury avait, ce 22 février 2020, donné la leçon à Wilder. Le dominant dans absolument tous les compartiments, y compris – grande première concernant le Bronze Bomber – celui de la force de frappe et de la pure puissance physique. Imposant sa boxe, sa maîtrise technique, son QI fight et donc cet énorme gabarit (ayant en ce sens pris du poids pour, le soir des hostilités, se présenter à près de 130 kilos sur le ring) qui lui avait permis de notamment fortement peser sur son adversaire dans les phases de clinch, effritant lentement son moral en plus de son endurance. Jusqu’à ce septième round voyant, en une quasi-parfaite simultanéité, l’arbitre et le coin de Wilder préférer clore les débats, ne pouvant que constater l’impuissance manifeste d’un champion en pleine détresse, incapable de trouver la moindre solution à l’énigme posée par le Gypsy King.

Performance si impressionnante que la suite, de l’avis de tous (à commencer par celui de Fury lui-même), ne pouvait qu’aboutir à ce fameux combat tant attendu contre Anthony Joshua, ce duel 100% british destiné à, enfin, réunifier des titres depuis trop longtemps éparpillés et couronner le meilleur Poids Lourd de l’époque. C’était sans compter la clause du contrat accordant à Wilder la possibilité d’une revanche immédiate. Clause qu’il décida, à la surprise générale (et, faut-il l’avouer, au grand désappointement de presque tout le monde), de faire jouer, renvoyant aux calendes grecques l’éventuelle tenue d’un affrontement entre Fury et AJ – la récente défaite de ce dernier face à Usyk rendant le tout encore moins concret qu’auparavant…

Pour tout dire, on ne parvient pas à saisir pourquoi Wilder tient à ce point à, de nouveau, rencontrer sa némésis. Lui qui a déjà tant été dominé, et ce par deux fois (étant entendu que seuls sa team et deux des juges n’avaient pas vu Fury l’emporter lors de leur premier affrontement du 1er décembre 2018 qui s’était soldé par un résultat nul qu’on qualifiera de “généreux”), qu’on ne voit guère ce qu’il pourrait proposer à même d’inverser le cours des choses. Car l’américain fait figure d’anomalie au sein de sa division. Boxeur frustre et techniquement très limité, il affiche comme principaux – voire uniques – atouts une admirable condition physique, une droite nucléaire (considérée comme l’une des plus dévastatrices de l’Histoire de la discipline) et, surtout, une confiance absolue en cette dernière. Lui qui se fiche de “mal” boxer ou d’être baladé aux quatre coins du ring pendant la quasi-intégralité d’un combat, tant qu’il parvient, à un moment ou un autre, à placer ce coup mortel qui lui a permis d’abréger quarante-et-un (!) de ses affrontements. Ayant à ce sujet déclaré de manière on ne peut plus claire : “Mes adversaires ne doivent commettre aucune erreur et rester concentrés durant la totalité d’un fight. Tandis que je n’ai besoin que d’une seconde d’inattention, une ouverture, une opportunité pour les punir”.

Stratégie des plus basiques mais qui lui a, néanmoins, permis de devenir champion (WBC) puis garder son titre durant plus de cinq ans. Mais qui a aussi montré de douloureuses limites, dès qu’il fut confronté à quelqu’un de non seulement largement supérieur sur le plan technique mais également en rien intimidé sur celui de la confrontation physique et, en plus, capable d’encaisser ses coups de massue – jusqu’à, chose impensable avant que ça arrive, se relever d’un knock-down qui aurait envoyé n’importe qui d’autre en enfer.

Qu’est-ce qui pourrait alors faire penser que les choses allient, samedi, dans une autre direction ? En fait, rien ou presque. Wilder a, certes, changé d’entraîneur et en ce sens limogé une partie de son équipe. Mais sans qu’on soit certain qu’il l’ait fait pour les meilleures raisons. Sachant que s’il s’est, par exemple, séparé de Mark Breland (ancien champion olympique qui le suivait depuis des années), c’est parce qu’il reproche à ce dernier d’avoir jeté l’éponge lors du dernier combat – et qu’importe si ce dernier lui a, sans doute, épargné quelques précieuses années d’existence. C’est désormais Malik Scott, ancien poids lourd de modeste niveau (dont les deux plus hauts faits d’armes restent des défaites contre Ortiz et… Wilder), qui occupe la place de head coach, sans qu’on puisse, au juste, dire en quoi consiste exactement son poste, ni quelles améliorations il va bien pouvoir apporter à la panoplie de son poulain. Et s’il a affirmé, en plusieurs occasions, remettre ce dernier dans le droit chemin en se concentrant sur les fondamentaux, il est permis de se demander s’il est seulement envisageable que l’américain puisse rattraper deux décennies de lacunes pugilistiques en seulement quelques mois (qui plus est à la veille d’affronter un monstre du niveau de Fury).

On a, en fait, l’impression, que Wilder n’est, sur ce coup, mu que par un ego si débordant que sa défaite lui a complètement fait perdre le sens des réalités, étouffant ce qui lui restait de lucidité et ne lui faisant chercher qu’à laver l’affront subi, au mépris du plus élémentaire bon sens. En témoignent, si besoin était, les consternantes – mais hilarantes – excuses (allant du costume trop lourd porté durant son walkout aux gants truqués de son adversaire, en passant par l’eau empoisonnée ingurgitée entre les rounds, l’arbitre honteusement partial ou encore ses hommes de coin corrompus) qu’il égrène depuis ce funeste soir de février 2020. Comme s’il lui était strictement impossible d’admettre qu’il a simplement été battu par plus fort que lui, qu’il n’est pas le guerrier invincible qu’il se croyait être. Et que la simple idée qu’il ne soit pas (ou plus) le mâle dominant trônant au sommet de la chaîne alimentaire se révèle vérité trop cruelle à envisager…

Pour autant et si on aura compris qu’on ne donne, sur le papier, pas cher de la peau du Bronze Bomber, sa plus grande chance (en plus de sa fameuse droite) tient peut-être, de manière paradoxale, en la personnalité de son adversaire. Ce Tyson Fury à la gouaille sortie d’un film de Guy Ritchie, pour qui semble avoir été inventé le mot “fantasque” et dont le mental reste la plus grande inconnue. Car s’il a donc, par deux fois, démontré sa nette supériorité sur Wilder, se présentant notamment lors du rematch comme s’il partait à la guerre, il ne fait aujourd’hui pas mystère du peu d’intérêt qu’il accorde à ce nouveau combat. N’évoquant, en interview, guère qu’Anthony Joshua ou Oleksandr Usyk et ne consentant à parler de son prochain adversaire qu’en termes fort peu respectueux – loin du trashtalk taquin de leurs précédentes rencontres. À même se demander à quel point il a la tête à la bagarre et s’il prend autant au sérieux qu’il le devrait un nom pour qui il ne semble pas nourrir grande estime.

Fury, on le sait, doit lutter avec ses démons dépressifs et une tendance bipolaire qui font de son quotidien un permanent grand-huit émotionnel. Tempérament qui le fait naviguer d’un extrême à l’autre et, s’il lui permet de se sublimer en cas de surmotivation, menace également de l’envoyer par le fond si ses idés noires commencent à le submerger. Et sans tirer de trop hâtives conclusions, ce qu’il a montré depuis l’annonce officielle du combat (que soit à travers ses déclarations, sa silhouette peu affûtée, les rumeurs de récentes fêtes ou le peu d’empressement qu’il met à s’entraîner) ne rassure pas sur son état d’esprit. Sachant que son talent a de quoi lui permettre de sortir de situations compromises et l’emporter, même en se présentant avec une infime partie de ses capacités. Étant également entendu que l’Histoire du noble art est jonchée de gens talentueux mis au tapis par des adversaires qui avaient, pour un soir, juste plus d’envie qu’eux. Illustrant en ce sens l’un des préceptes du grand Cus D’Amato (notamment coach d’un certain Mike Tyson) selon lequel “la volonté de vaincre est plus grande que la capacité de vaincre” – sentence que le natif de Brownsville n’avait, durant son prime, vraisemblablement pas pris le temps d’intégrer.

Ici se trouve, sans doute, la principale interrogation concernant le champion en titre, tant sa supériorité concernant le strict côté sportif ne fait aucun doute. Lui dont le style atypique, le sens tactique, la surprenante agilité (surtout pour un boxeur de sa corpulence), la puissance de frappe ou la capacité à plus ou moins modifier son gabarit lui donnent loisir de s’adapter en fonction de l’adversité, jusqu’à parvenir à changer de style d’un combat sur l’autre (Wilder peut douloureusement en témoigner). S’il arrive motivé, la tête à l’endroit, décidé à faire son travail de la façon la plus sérieuse possible, l’issue des débats ne devrait pas être différente des fois précédentes – qu’il choisisse de plutôt verser dans la tactique (comme lors du premier combat) ou de carrément plonger dans la brutalité (comme lors du second). Dans le cas contraire, qui sait alors ce qui pourrait advenir ? Surtout si se mêle l’éternel facteur X, l’arme fatale de l’américain, ce marteau de Thor qu’il brandit en guise de poing droit. Constant danger, capable de plier le combat à tout instant, qui fera qu’on restera tendu du début à la fin, conscient que n’importe quoi peut à tout moment arriver. Soit ce pour quoi, en fin de compte, on aime aussi la boxe.

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