Le 14 septembre dernier, le groupe immobilier chinois Evergrande annonce qu’il est en grand danger financier. L’entreprise, qui pèse 30% de l’économie du pays, dont Xi Jiayin est à la tête, affiche une dette colossale de 260 milliards d’euros. Son empire est sur le point de s’effondrer et tout le monde en pâtirait : la population chinoise, l’état, ainsi que le football. Depuis 2010, Xi Jiayin, l’homme le plus riche de Chine en 2017 et 2019, est propriétaire du célèbre club de football du Guangzhou FC (anciennement Guangzhou Evergrande), qui vacille fortement. Le meilleur club chinois de la dernière décennie pourra-t-il être sauvé ?

Tout a changé avec la crise sanitaire liée au Covid, la Chine a souffert et son économie également, notamment dans le domaine immobilier. C’est donc logiquement que Xu Jiayin a vu son empire s’effondrer. Ce dernier misait sur la vente d’habitations, mais les Chinois n’ont que très peu investis ces derniers mois. Ainsi, Evergrande est aujourd’hui en danger, tout comme le club de Guangzhou FC.
“Mais l’empire Evergrande est bâti sur du sable : beaucoup de dettes, d’ingénierie financière et de promesses” selon un article du Monde datant du lundi 4 octobre. Dès que les banques ont arrêté de suivre financièrement le groupe Evergrande, à cause du Covid et de ses conséquences, l’entreprise de Xu Jiayin a commencé à s’effondrer. Le CCS veut tenter de vous montrer que le football chinois risque d’en payer les conséquences si une solution n’est pas trouvée pour empêcher la faillite du Guangzhou FC. D’autant qu’il ne serait pas le premier – le Jiangsu Suning a été dissous en février dernier.
Le football chinois qui tente de progresser à vitesse exponentielle depuis une dizaine d’années (dans le but de devenir à terme l’un des pays majeurs du ballon rond), voit aujourd’hui sa croissance ralentir. Celle-ci semble relativement conditionnée à la bonne santé de l’économie du pays. Élément encore plus instable depuis le printemps 2020. Avant de faire l’état de santé du football dans l’Empire du Milieu, tentons de revenir sur le lien qui unit Evergrande et le Guangzhou FC.
2010, le début du rêve
Xu Jiayin crée le groupe Evergrande en 1996 – qui signifie “grand pour toujours” -, et s’enrichit très rapidement, jusqu’au point de pouvoir s’offrir un club de football, lui qui en est un amateur. Son dévolu se jette sur le club de Guangzhou FC, qui vient d’être relégué en deuxième division à la suite d’un scandale à propos de matchs truqués. Le club est alors renommé en Guangzhou Evergrande Football Club et l’investissement est immédiat. De nombreux joueurs étrangers arrivent et le club remonte en première division, la Chinese Super League.
En 2011, le premier trophée est remporté. Le Guangzhou est couronné champion de Chine à quatre journées de la fin. À l’époque, un certain Dario Conca – ancienne promesse du football argentin -, est la nouvelle star du championnat et permet à Evergrande de briller directement. En 2012, Marcelo Lippi débarque et y restera deux ans. Sous sa direction, le club remporte trois championnats, une Ligue des Champions de l’AFC et une Coupe de Chine. Il dirige des joueurs comme Lucas Barrios, Elkeson, Alessandro Diamanti (ex-crack italien) et Alberto Gilardino.

Le succès ne s’arrête pas là, puisque Fabio Cannavaro prend la suite, mais ne reste que quelques mois – il n’était pas encore prêt à entraîner – et Luiz Felipe Scolari continue sur la même lancée que son ancien homologue en sélection. Le championnat est remporté en 2015, 2016 et 2017, sept d’affilés donc, une vraie razzia. De nouveaux joueurs arrivent comme Paulinho (qui ira au Barça ensuite), Robinho en prêt de l’AC Milan, Ricardo Goulart (alors grand espoir brésilien et qui deviendra le meilleur buteur de l’histoire du club) en 2015. Cette même année, Scolari et ses hommes parviennent à remporter une nouvelle Ligue des Champions asiatique, une réussite grandiose pour le rayonnement du football chinois. Jusqu’en 2013, aucune n’avait été remportée par un club du pays, la Chine en a désormais deux (en 1990, le Liaoning FC l’avait remporté, mais la compétition se disputait sous un autre format).
En 2016, c’est Jackson Martínez qui arrive pour la somme de 42 millions d’euros. Cette année-là, le football chinois bat tous les records. De 2016 à 2018, des sommes astronomiques sont dépensées pour des joueurs en provenance d’Europe. On se rend compte aujourd’hui que ces quelques années constituent la période dorée de la Chinese Super League. Hulk (56 millions), Oscar (60 M), Alex Teixeira (50), Ramires (28) ou encore Anthony Modeste (35) arrivent en Chine. Les salaires sont démesurés, les investissements sont déraisonnables. Avec du recul, on se dit peut-être que le football chinois paye aujourd’hui les pots cassés – moins de joueurs étrangers arrivent désormais, les joueurs locaux sont davantage poussés sur le devant de la scène.

Dans le même temps, le Guangzhou Evergrande poursuit sa marche en avant avec un titre de champion national en 2019, mais sans le savoir, il constitue le dernier. Cela n’empêche pas en 2018 et 2019 de débourser près de 75 millions d’euros sur Paulinho et Anderson Talisca. Tous les gros noms sont partis depuis, sauf quelques-uns dont certains ont même été naturalisés, comme Elkeson (parti entretemps dans un autre club chinois) et Alan. Ricardo Goulart est toujours là, mais peut-être pour plus très longtemps.
En somme, le Guangzhou FC a eu sa période dorée, son ancien nom en témoigne, car depuis 2020, Evergrande ne fait plus parti de l’appellation du club. Signe que le partenariat entre les deux entités touche à sa fin. De très gros investissements ont été faits, dont un particulièrement, qui pose un gros problème financier : le projet du futur stade du club.
Des investissements massifs qui font désormais défaut au football chinois
Depuis une dizaine d’années, des sommes énormes ont été investies dans le football chinois et on se rend compte aujourd’hui que les bénéfices n’ont profité qu’à court, voire moyen terme. Une solution peu fiable pour un pays qui veut rivaliser avec les plus grands d’Europe et du monde dans les années à venir. Il ne faut pas être catégorique, car certaines améliorations ne seront visibles que dans plusieurs années encore, comme l’arrivée d’éventuels jeunes chinois prometteurs. En attendant, la Chinese Super League, par l’intermédiaire de ses grands clubs, ne rayonne plus autant qu’avant. Evergrande ne peut plus investir autant qu’avant, comme Suning l’a montré il y a quelques mois en faisant disparaître le Jiangsu Suning – aucun repreneur ne s’est manifesté au début de l’année 2021 alors que le club venait de gagner le championnat quelques mois auparavant.
Selon les derniers échos, l’Etat chinois serait en passe de laisser couler le groupe d’Evergrande afin d’en faire un exemple afin que les grandes entreprises du pays reviennent à la raison, surtout que le secteur immobilier traverse une grave crise dans le pays, entre autres, et le groupe de Xu Jiayin n’est pas le seul à être en danger. Certains observateurs craignent même un scénario semblable à 2008 avec la crise qui a découlé de la faillite de la banque Lehman Brothers. Qu’on se rassure, c’est encore loin d’arriver. Ainsi, il est aujourd’hui quasi sûr que Guangzhou devrait changer de main, mais le futur propriétaire devra rembourses les dettes et les futures dépenses, du futur stade.
Il faut savoir d’ailleurs que le club de Guangzhou FC a été autorisé à continuer d’exister et de jouer les différentes compétitions dans lesquelles il est engagé, en attendant qu’un rachat s’opère. Actuellement, le champion 2019 n’est certainement pas la priorité de Xu Jiayin, qui possède beaucoup de biens dans plusieurs secteurs d’activités comme l’eau minérale, la voiture électrique et les parcs d’attractions. Il doit aussi faire face au gouvernement qui l’a mis sur liste noire des grands dirigeants du pays.
On sait aujourd’hui que tous ces investissements privés survenus après 2008 ont été relativement commandés par l’Etat chinois, à la suite des Jeux olympiques d’été. C’était une façon de surfer sur la vague sportive du pays, et le monde entier avait les yeux rivés sur la Chine. Elle en paye aujourd’hui le prix fort.

Fabio Cannavaro, l’entraîneur du club depuis novembre 2017, a dû être remercié il y a deux semaines. La faute vraisemblablement aux soucis économiques actuels. C’est une nouvelle tête d’affiche qui s’en va, lui qui avait réussi à s’installer durablement au Guangzhou FC. Il ne verra donc sans doute pas le nouveau stade prévu pour 2022. Mais alors quel est donc ce projet de nouveau stade ?
Imaginé comme le plus beau et le plus grand stade chinois, il ferait plus de 100 000 places, le Guangzhou Evergrande Football Stadium dans son nom initial, aurait la forme d’un lotus et serait la nouvelle vitrine des infrastructures sportives chinoises. Prévu pour décembre 2022, la construction a commencé en avril 2020, mais elle est aujourd’hui arrêtée, comme plus de 800 chantiers menés par le groupe Evergrande. Aujourd’hui, ce stade ne peut plus être financé. Secrètement, ce stade était prévu pour accueillir des matchs d’une éventuelle Coupe du Monde en Chine, en 2030. Basé sur le fonctionnement des très grands stades européens (on pense à la rénovation du Santiago Bernabéu), ce futur stade aurait pour but de fonctionner comme un mini village. Le coût serait démentiel et les futurs acquéreurs vont devoir dépenser énormément pour finaliser le projet. Une belle épine dans le pied.
Selon les dernières informations sorties, Pékin tenterait donc de faire en sorte que le Guangzhou FC survive afin d’aller au bout du projet du nouveau stade. Autrement, les pertes seraient immenses et signeraient l’aveu d’un échec retentissant, même si le scandale n’est pas loin. Ainsi, l’issue la plus probable serait un rachat par un consortium d’entreprises locales dont les fonds seraient publics, appuyé par l’Etat. Ce dernier ne va peut-être pas sauver Evegrande, mais il est décidé à sauver le Guangzhou FC pour montrer que la conquête du football n’est pas terminée.
Ces multiples problèmes financiers au sein de la Chinese Super League montrent que la stratégie employée n’était pas la bonne. Aujourd’hui, les décideurs du football chinois, ont mis en place de nouvelles règles depuis quelques mois déjà : faire jouer davantage les joueurs chinois en championnat. Ainsi, le nombre de places allouées aux extra-communautaires a été réduit drastiquement. Cela peut les aider à améliorer le niveau de leurs joueurs nationaux, mais cela prendra du temps.

La Chine est très ambitieuse dans le développement de son football, mais aujourd’hui, il semble qu’elle ne se donne pas les bons moyens pour réussir. On sait qu’elle a investi énormément dans la formation à travers tout le pays depuis plus de dix ans. Elle a fait venir des techniciens du monde entier, beaucoup d’Espagnols notamment. Elle a amélioré ses infrastructures, ses clubs également. L’idée est de pouvoir remporter une Coupe du monde dans les prochaines décennies, mais elle est en encore loin. Elle espère également en organiser une, peut-être celle de 2030. Malheureusement, les objectifs sont loin d’être remplis, la Chinese Super League ne brille pas assez et l’équipe nationale est actuellement cinquième de son groupe du troisième tour des éliminatoires à la Coupe du Monde 2022. L’échec ne sera pas toléré encore longtemps.