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Vit-on la fin des « classiques » ?

Ce week-end, deux « classiques » se jouent. Mais alors que la confrontation entre le Real et le FC Barcelone et celle entre le PSG et l’OM sont des monuments du football national, nous nous posons ici la question de leur longévité. Avec l’évolution du football moderne, tous les classiques sont-ils amenés à perdurer ? Voici quelques pistes de réflexion sur les impacts que cela pourrait avoir sur le football national mais également les supporters de chaque club à partir des enjeux de 4 classiques : le français, le néerlandais, l’espagnol et l’allemand.

Le Classique : OM-PSG, le médiatique

PSG-OM est l’un des plus récents classiques. En effet, contrairement à ceux qui vont être décrits par la suite, le PSG apparaît sur la scène nationale bien après le club marseillais. Alors que l’OM est au sommet dans les années 90 son président lui cherche un rival. Canal + alors détenteur du club de la capitale va sauter sur l’occasion. Les médias vont créer une rivalité. Celle-ci va permettre une envolée des audiences autour du match. Le public fonce, les deux clubs bataillant à plusieurs reprises pour la tête du championnat sur la période. Avec une rivalité fortement présente pendant les matchs, la rencontre prend une grande importance dans le championnat.

Pourtant, l’intérêt  pour celle-ci a tendance à baisser lors du règne lyonnais dans les années 2000. C’est à ce moment-là que le terme Classique ressort. Par-là, il s’agit d’une nécessité de faire de la publicité pour une rencontre ne déchainant plus les foules. Il s’agit pourtant de la rencontre de 2 des 3 plus gros clubs de France. En effet, seul Saint-Etienne fait mieux que leurs 9 victoires en championnat chacun, dont une bonne partie acquise depuis 1990, mais également d’excellents résultats au niveau européen sur la période. La domination nationale est d’autant plus vrai pour l’Olympique de Marseille, celle parisienne arrivant plus tardivement.

Des coups mais peu de spectacle : le résumé du PSG-OM
Le Classique de septembre 2020 remporté par l’Olympique de Marseille (0-1) et au cours duquel les esprits s’étaient échauffés (Eurosport)

Mais malgré cette création, l’animosité entre les supporters est réelle. Si la situation tend à se calmer, elle a connu son apogée lors du décès d’un supporter parisien en 2010. Seul le derby entre Lyon et Saint-Etienne peut être classé au même niveau d’antipathie dans le pays. Même pour le reste de la population, OM-PSG compte comme l’une des rencontres les plus importantes. En effet, les deux clubs appartiennent aux grands clubs de Ligue 1. Ainsi, leurs rencontres ont souvent un enjeu sportif pour la suite du championnat.

Alors que l’enjeu avait diminué de nouveau depuis l’ère QSI au PSG, un regain d’intérêt semble présent depuis 2020 suite à la victoire de Marseille dans un contexte chaud.

De Klassieker : Ajax-Feyenoord, le violent

La rivalité entre l’Ajax Amsterdam et le Feyenoord Rotterdam s’est construite sur presque un centenaire. Dès 1921, on trouve une trace de la première rencontre entre les deux clubs. Déjà à cette époque, le match avait posé les préludes de la rivalité. En effet, alors que l’Ajax aurait dû s’imposer 2-3 chez ses rivaux, une protestation de l’équipe adverse a vu le score être modifié pour que la rencontre finisse sur un match nul 2-2. Par la suite, les deux clubs dominent la scène nationale, puis internationale. Ils vont atteindre leur apogée dans les années 1970 lorsqu’ils vont s’imposer 5 fois en finale européenne entre 1970 et 1974 (3 fois l’Ajax, 2 fois Feyenoord). En parallèle, les Pays-Bas composés pour moitié de joueurs des 2 clubs rivaux vont atteindre la finale de la coupe du monde en 1974.

David Neres en Steven Berguis vorig seizoen tijdens Ajax - Feyenoord.
David Neres et Steven Berguis lors d’un Klassieker (ANP)

Mais depuis la fin des années 1970, le Feyenoord subit des problèmes de gestion. Depuis 1974, ils ont gagné uniquement 4 titres. Sportivement, le plus gros rival est désormais le PSV (20 titres depuis 1975). Cela vaut au choc qui va se dérouler ce week-end entre le PSV et l’Ajax le nom de « Topper » ou nouveau Klassieker.

Malgré tout, la baisse de l’enjeu sportif n’a pas arrêté l’importance de cette rencontre. Séparés uniquement d’une centaine de kilomètres, Ajax-Feyenoord a toutes les caractéristiques d’un derby avec les deux villes situées très proches l’une de l’autre tout en étant très opposées. Preuve du risque encouru lors des Ajax-Feyenoord, les supporters sont interdits de déplacement dans l’une ou l’autre des villes depuis 2005 et une énième confrontation. De plus pour éviter tout risque les matchs se déroulent en milieu de journée. La situation ne semble pas sur le point de changer. En effet, la décision portant sur une interdiction de 5 ans prononcée à l’époque s’éternise. Les Pays-Bas font en effet encore régulièrement face à des problèmes de hooliganisme. Mais cela ne les empêche pas de s’affronter indirectement, en brûlant les locaux des supporters adverses par exemple. Alors que du côté de l’Ajax on aimerait que les choses bougent, les supporters ne seront pas admis une nouvelle fois cette année à De Kuip. C’est une décision du club de Rotterdam. La raison : des affrontements lors du mini-Klassieker opposant les équipes U19 des deux clubs.

El Clásico : Barcelone-Real, le politique

La rivalité entre le FC Barcelone et le Real-Madrid est celle entre les deux plus gros clubs d’Espagne. En effet, ils totalisent 60 victoires en Liga à eux deux. Il s’agit également de la rencontre la plus fréquente dans le football espagnol. Mais au-delà de l’aspect sportif, cette rencontre tient sa rivalité dans les deux villes au niveau politique.

En 1936, la guerre civile fait rage en Espagne. Elles opposent les catalans aux forces nationalistes de Franco. Au cours de celle-ci, le président du FC Barcelone est fusillé. Par la suite, la Catalogne sera la cible du gouvernement en place tandis que Madrid est le siège du gouvernement espagnol de Franco. Alors qu’il veut une Espagne forte et unie, Barcelone lutte en même temps pour son indépendance. Oppressée, le combat pour la Catalogne continue dans le Camp Nou, rare lieu où les chants catalans s’élèvent. Les luttes intérieures du pays se retrouvent donc à chaque rencontre entre les deux clubs. En effet, bien que le Real Madrid ne partage pas forcément ses idéaux, Franco voit en lui le moyen de montrer sa supériorité sur la Catalogne.

Depuis, le climat espagnol a changé, mais cette opposition entre Madrid et la Catalogne reste présente lors de certains matchs. Il n’est pas rare de voir des drapeaux et chants catalans dans le stade barcelonais lors des Clasico. Alors que Joan Laporta était président dans les années 2000, il n’a pas apaisé ces tensions avec certaines de ses déclarations. En effet, il est l’un des créateurs du parti indépendantiste catalan. Il se sert donc du club pour ce dessein d’indépendance. Il a, par exemple, retiré le drapeau espagnol de la Masia lors de son arrivée à la tête du club.

« Je n’ai jamais fait mystère, quand je suis arrivé au club, de vouloir lui rendre sa catalanité »

Joan Laporta, président du FC Barcelone

Le Clasico est au plus haut dans les années 2010 car c’est au cours de celui-ci que s’affrontent Lionel Messi et Cristiano Ronaldo. Les deux clubs enchainent également les finales et victoires au niveau européen sur la période. Néanmoins, depuis le départ de Ronaldo pour la Juventus Turin, il a perdu une partie de son intérêt pour certains suiveurs. Ainsi, c’est désormais vers la Premier League qu’il faut se tourner pour le match le plus suivi à l’international.

Barça - Real Madrid : un duel entre deux cracks pour oublier Messi - Cristiano Ronaldo ?
Ronaldo et Messi, un duel au sein du duel pendant presque une décennie (Icon Sport)

Der Klassiker : Bayern-Dortmund, le sportif

Contrairement aux trois précédents, le Klassiker n’est pas réellement lié à une rivalité des supporters, ni même à une grosse rivalité entre équipes. Il réfère à un match entre deux cadors du championnat, et c’est actuellement le Borussia Dortmund et le Bayern Munich. En effet, depuis 1994, ils ont été sacrés à 23 reprises sur les 27 derniers championnats (5 fois Dortmund, 18 fois Munich). Et sur la dernière décennie, le club de Ruhr est le seul à avoir réussi à s’emparer de quelques titres (2011-2012).

Le nom apparaît lors de la finale de la Ligue des Champions 2013 les opposant. Pour cette rencontre, synonyme d’apothéose de la montée en puissance des deux équipes depuis 10 ans, on parle alors de Clasico allemand. Mais ce terme créé de toutes pièces pour vendre le match notamment à l’international par les médias n’est en rien équivalent avec les autres classiques. En effet, ce match n’a qu’un enjeu sportif.

Le Klassiker au sommet de l’Europe lors de la finale de Ligue des Champions 2013 (Panoramic)

Dans le Klassiker, les deux plus gros clubs d’Allemagne s’affrontent, mais ça s’arrête là. En effet, si les bavarois ont perdu leur derby face à Munich 1960 depuis plusieurs années, ce n’était pas le cas à Dortmund. Pour eux, une victoire face à Schalke au cours du Revierderby restait jusqu’à la saison dernière, et leur chute en 2. Bundesliga, plus importante aux yeux des supporters. Le match face au Bayern est important, mais pas beaucoup plus qu’un autre ou que pour un autre club, pour lesquels il est tout aussi important de battre le « Rekordmeister ».

L’inverse est également vrai, pour les supporters munichois une victoire face au Borussia est un moyen d’asseoir sa domination sur leur dauphin, comme ça pourrait être le cas lorsque Leipzig est 2nd ou encore comme c’était le cas la semaine dernière face au Bayer Leverkusen (même nombre de points avant le match entre le Leverkusen et le Bayern). La différence avec ces deux autres équipes est que l’enjeu est plus important et surtout plus récurrent. Les jaunes et noirs restent tout simplement ceux leur tenant le plus la tête ces dernières années. Mais malgré tout, le derby de Munich reste un match important pour les supporters allemands. En 2019, 15 000 supporters assistaient au derby entre Munich 1960 et le Bayern Munich II en 3. Liga, deux ans plus tôt, ils étaient 12 500 pour ce même derby mais cette fois en Regionaliga (4ème division allemande).

« Tout d’abord ce n’est pas un classique, mais pour moi historiquement le Klassiker. Pas quelque chose comme Dortmund contre le Bayern. »

Lothar Matthäus, ancien international allemand et joueur du Bayern Munich et du Borussia Mönchengladbach, à propos de la rencontre Gladbach-Bayern en janvier 2021 en interview pour Bild.

Le Klassiker est sportif, c’est le choc du haut de tableau, mais il n’est pas lié particulièrement à deux noms. Il pourrait être plus communément décrit par le match Bayern – {insérer le 2ème club d’Allemagne sur les 2 dernières décennies}. Il y a quelques dizaines d’années, c’était ainsi que le match opposant le Bayern et son concurrent principal de l’époque le Borussia Mönchengladbach était nommé. Encore maintenant, beaucoup considèrent cette rencontre comme le « vrai Klassiker ». L’Hambourg SV ainsi que le Werder Breme ont également eu droit à leur Klassiker face au Bayern dans une époque qui pourrait sembler désormais lointaine. Pourtant déjà à l’époque, les derbys Cologne-Mönchengladbach ou celui Hambourg-Brême comptaient bien plus pour les supporters que le Klassiker. Si demain le RB Leipzig devient le réel prétendant au titre, il n’est pas impossible qu’il vienne à remplacer Dortmund dans le choc.

Va-t-on vers la disparition de l’enjeu sportif dans les classiques ?

Les classiques n’ont donc pas tous les mêmes enjeux sportifs et politiques. Ils n’ont également pas la même importance aux yeux des supporters en fonction des pays. Mais ce sont des matchs importants pour chaque championnat car ils sont pour certains leur vitrine et une part de leur histoire.

Nombre de victoires dans chaque classique depuis 2010

Or, l’enjeu sportif des matchs tend à disparaître au fur et à mesure des années. Sur les 10 dernières années, les matchs sont de plus en plus à sens unique dans 3 des 4 classiques. Seul le Barça-Real semble garder une concurrence intéressante. Dans une moindre mesure, cela peut également s’appliquer au Klassiker. Mais lorsque l’on creuse, les victoires des jaunes et noirs remontent pour beaucoup au début de la dernière décennie. Elles coïncident avec l’ère Klopp, où Dortmund dominait la Bundesliga. Depuis 2015, ils n’ont remporté que 2 matchs en championnat et les bavarois ont par plusieurs fois montré leur domination dans les scores (6-0, 5-0).

On retrouve le même phénomène de scores « fleuves » en France, où si l’OM a dominé à certaines périodes de l’histoire, il ne gagnait pas aussi régulièrement avec autant d’écart. Alors que les 2 clubs ont le même nombre de matchs remportés en championnat, la tendance s’est complétement inversée depuis 2012, avec une unique victoire marseillaise. Et si le football reste fait de cycles, chaque équipe dominant sur une période, jamais auparavant la domination de l’un ou l’autre club français n’avait duré 8 ans.

Aux Pays-Bas, contrairement aux autres pays, cela fait bien plus longtemps que le phénomène est présent. Feyenoord n’apporte pas de réelle concurrence. En effet, l’Ajax a gagné 89 fois dans l’histoire contre 56 pour Feyenoord. On retrouve au global la même domination en Allemagne, où le Bayern domine nettement le championnat : 64 victoires pour Munich contre 33 pour Dortmund. Ces résultats montrent que la concurrence au sein du Klassiker est belle et bien récente, tout comme celle de Klassieker disparue depuis longtemps.

L’augmentation des écarts économiques

Malgré des positions dominantes de la plupart des clubs dans leurs championnats respectifs, les écarts entre les 2 protagonistes de chaque classiques ne cessent d’augmenter. L’une des principales raisons reste les budgets et revenus souvent très différents et s’amplifiant. En effet, si l’on prend l’exemple des deux clubs allemands, le Borussia Dortmund a des revenus inférieurs de 283 millions d’euros à celui du Bayern Munich. L’écart est presque équivalent aux revenus du 2ème club.

Evolution de l’écart de revenu entre les 2 clubs allemands.

Et si l’argent ne fait pas tout sur un terrain de foot, il aide quand même beaucoup. Quand Dortmund n’arrive pas à garder ses joueurs, Sancho étant le dernier exemple en date, ne pouvant pas s’aligner avec d’autres propositions salariales, ce n’est pas une problématique pour le Bayern. En effet, le club bavarois compte dans ses rangs tous les joueurs du top 5 au niveau salaire d’Allemagne.

Les écarts de masse salariale entre les différents clubs sont importants. Ainsi dans le top 10, exceptés les deux clubs espagnols, on ne retrouve toujours qu’un des deux clubs du classique. Et si la masse salariale du FC Barcelone a baissé cet été, elle reste dans le top 10 et en concurrence directe avec celle du Real Madrid. Ces budgets resserrés entre les deux clubs espagnols peuvent être une des raisons de la compétitivité des deux équipes dans le Clasico.  

Top 10 des masses salariales en mai 2021 (Gazzetta Dello Sport)

Et avec la compétitivité diminuant, la qualité du spectacle proposé baisse également. L’année dernière, le choc entre le haut de tableau de la Premier League a rassemblé bien plus de spectateurs que le Clasico. Si l’impact des chiffres d’audiences sur le supporter n’est pas direct, il peut retomber sur les clubs avec les droits TV. Mais comment s’intéresser à un match dont on connaît presque le résultat à l’avance ?

Alors que les écarts se creusent entre toutes les équipes de différents championnats, ce n’est pas pour autant que nous allons voir prochainement la fin des classiques. En effet, la rivalité entre les clubs est pour certain bien trop profonde pour qu’elle disparaisse même si l’enjeu venait à être moins important. Néanmoins, sans perdre de l’intérêt pour les supporters de chaque club, ils en perdront nécessairement sur le visionnage au niveau national et encore plus à l’international. C’est déjà le cas par exemple avec un PSV-Ajax plus suivi que l’opposition entre le club de la capitale et Feyenoord. Néanmoins, il est possible que cela apporte du désintérêt au match même pour les suiveurs des deux clubs, que ce soit du côté de ceux gagnant à chaque fois ou de ceux sachant qu’ils n’ont pratiquement aucune chance de gagner. Pour l’instant, seuls les clubs espagnols semblent garder un rythme équivalent, mais les problèmes d’endettement actuels du FC Barcelone pourraient apporter des problèmes à plus ou moins long terme. Il n’y a certainement qu’en Allemagne que la disparition du Klassiker ne sera vécu que comme une perte que d’un point de vue sportif. En effet, si Dortmund-Bayern venait à ne plus être considéré comme tel, cela voudrait dire que le club de la Ruhr n’est plus le 2ème club d’Allemagne. C’est certainement ce statut qui serait plus compliqué à admettre par ses supporters que la perte d’un nom de match vu comme commercial par beaucoup. Mais malgré tout on ne sait pas exactement de quoi l’avenir de ces rencontres sera fait. Il faut donc espérer que les classiques restent au maximum compétitifs car ils sont des morceaux de l’histoire des différents championnats importants à préserver.

Crédits image titre : Getty images

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