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Ian Evatt, le nouvel entraîneur frisson à suivre en Angleterre

Depuis trois ans, outre-Manche, Barrow, en National League (D5), et Bolton, en League Two (D4), sont les témoins privilégiés de l’éclosion d’un technicien prometteur. Grâce à ses idées de jeu, aussi attrayantes que peu répandues dans ces divisions, Ian Evatt commence à se faire connaître au sein des échelons inférieurs du football britannique.

Barrowcelona. Voici le surnom donné au Barrow AFC (BAFC) lorsque l’ancien défenseur officiait sur le banc des pensionnaires d’Holker Street. Pourtant, quand le néo-entraîneur signe chez les Bluebirds à l’été 2018, ces derniers vivent une période compliquée : “Le club venait d’éviter la relégation juste parce que Woking avait fait une plus mauvaise saison. Evatt a hérité d’un effectif de quatre joueurs, dont deux ont été placés sur la liste des transferts gratuits, sans équipe médicale. Une reconstruction massive était nécessaire sur et en dehors du terrain, car beaucoup de personnes avaient perdu l’amour du club dans la ville“, relate Adam Johnson, reporter pour BBC Radio Cumbria. Matt Wright a couvert les Ziggers pour The Mail pendant la période Evatt et partage ce constat : “Les supporters avaient presque laissé tomber. Ils n’avaient pas été en Football League depuis longtemps, ils avaient arrêté d’y croire.

Le technicien n’attend pas pour bouleverser le fonctionnement et la mentalité du club : “Dès qu’il a pris le poste, il voulait que les gens parlent de Barrow comme d’une équipe capable de monter. Ses méthodes, son style de football n’avaient jamais été vus. Il détestait que les gens parlent du “petit et vieux Barrow“, affirme Adam Johnson. Ian Evatt profite aussi d’un changement de direction. En janvier 2019, des hommes d’affaires locaux et des fans, avec le Bluebirds Supporters Trust (BST), prennent le contrôle du BAFC. Comme relayé par Jamie Moore, directeur du BST : “Ian était mécontent de la gestion de l’ancien propriétaire. Je pense qu’une mentalité de petit club isolé de Non League était enracinée et Evatt n’aimait pas ça.” Ces évolutions favorisent le début d’une nouvelle ère : “Ça a modifié l’atmosphère au club. Ian a obtenu le soutien qu’il demandait pour mettre en œuvre ses idéaux“, poursuit l’admirateur de la formation du nord-ouest de l’Angleterre.

En effet, sur le pré, l’ancien arrière central prône des principes marqués. Il s’inspire de Guardiola ou de Ian Holloway, son entraîneur à Blackpool, adepte d’un jeu “offensif, expansif et courageux”, selon les mots utilisés par Ian Evatt lui-même. Conformément à ces modèles, en février 2020, Barrow affiche “une moyenne de possession de 59%, un nombre moyen de 507 passes par match, le meilleur temps de récupération du ballon de la National League et le plus grand temps d’utilisation de la sphère”, d’après les données relayées par Tifo Football dans un podcast pour The Athletic. Tout cela avec l’un des plus faibles budgets du championnat.

Un projet de jeu ambitieux, une exigence et une ténacité sans faille

Avant d’en arriver là, le Barrow AFC de Ian Evatt gravit les marches une à une. Lors de la première saison (18/19), l’équipe progresse et termine 10ème. Un résultat jugé insuffisant par le coach : “Il avait un slogan célèbre dans les interviews. Il disait ne pas vouloir se contenter de la médiocrité. Ian Evatt n’était pas satisfait de la 10e place et estimait que son équipe n’avait pas atteint son objectif“, assure Adam Johnson. Puis, les Ziggers débutent l’exercice 19/20 avec six revers en neuf rencontres. “Ils n’ont pas mal joué, mais ils ont fait des erreurs défensives“, se rappelle Matt Wright. Un nouveau central, Matt Platt, est appelé en renfort. Les effets sont immédiats. Le reporter évoque le geste décisif de la recrue pour son premier match contre Aldershot Town. Cette intervention avait permis aux Bluebirds d’arracher un court succès (2-1) avant d’enchaîner six autres victoires.

La philosophie de Ian Evatt s’infuse et Barrow s’installe en tête de la D5. Si le championnat est suspendu à cause du Covid, la promotion en League Two est entérinée en juin. Le club réintègre le monde professionnel pour la première fois depuis 1972. Les supporters du BAFC retrouvent également le sourire. Un objectif annoncé par le coach dès son arrivée. En témoignent ces paroles rapportées par Tifo Football : “Je crois que le football est là en tant qu’industrie du divertissement. Les supporters travaillent dur de 9 h à 17 h, cinq ou six jours par semaine pour venir aux matchs. Si mon équipe se prépare à gagner avec des coups de pied arrêtés ou des longs ballons, je ne voudrais pas dépenser mon argent pour regarder cela”.

Classement de Barrow à l’issue de la saison 19/20 (Crédit : mondefootball.fr)

Néanmoins, les fans ont dû s’adapter. “Ils ne savaient pas quoi penser de ce style de jeu au début. Je les entendais crier : mettez le ballon dans la surface !” se souvient Matt Wright. Mais les idées et l’engagement de Ian Evatt finissent par séduire les foules. Pour preuve, Holker Street enregistre des records d’affluence en 19/20. Jamie Moore raconte ce plaisir ravivé : “C’était une période très agréable. Lorsque les victoires ont commencé à affluer, il n’y avait pas grand-chose de plus à demander.” Même son de cloche chez Adam Johnson : “Il fallait se pincer, c’était incroyable d’en être témoin. Il a redonné le club aux supporters et nous a emmené dans un voyage que beaucoup croyaient impossible.”

Un schéma répété du côté de Bolton

Problème pour Barrow, ces accomplissements attirent l’attention. Après deux saisons en Cumbria, Ian Evatt s’envole pour Bolton. Les Ziggers ne semblent pas lui tenir rigueur de ce départ et retiennent surtout la promotion : “Nous lui en serons éternellement reconnaissant” déclare le journaliste de BBC Radio Cumbria. Tout juste arrivé sur les lieux de sa nouvelle aventure, le technicien utilise la même méthode et initie vite la mue des Trotters, rongés par les difficultés sportives et financières : “Il a changé le style de jeu, l’attitude et la croyance de tout le monde au club“, souligne Shane Stopforth, membre du Bolton Supporters Trust. Cependant, les premiers pas ne sont pas évidents. Le 8 février 2021, le huitième de finaliste de la Coupe de l’UEFA 2008 occupe la 20ème place de League Two. Bousculé par les fans, Ian Evatt conserve la confiance des dirigeants. Une décision saluée par le suiveur des Wanderers : “Les propriétaires méritent beaucoup de crédits pour l’avoir fait venir et l’avoir maintenu alors que les fans voulaient qu’il parte.”

Possession de Bolton en League Two à l’issue de la saison 20/21 (Crédit : totalfootballanalysis.com)
Répartition des offensives de Bolton lors d’un match de League Two en 20/21 (Crédit : totalfootballanalysis.com)

Pour sortir de cette spirale négative, Ian Evatt effectue des changements, avec un passage en 4-2-3-1, détaillé par Totalfootball Analysis. Si le dispositif varie, l’esprit conquérant demeure. Au terme de l’exercice, Bolton présente le troisième plus grand pourcentage de possession. En phases offensives, les latéraux participent à la construction des actions, en montant d’un cran (évolution en 2-4-3-1) pour protéger les relances des centraux. Une fois la ligne médiane franchie, les débordements se multiplient pour apporter de la créativité sur les ailes délaissées par des ailiers faux pieds qui rentrent à l’intérieur.

Passage de Bolton en 2-4-1-2 (Crédit : totalfootballanalysis.com)
Exemple du débordement d’un latéral de Bolton (Crédit : totalfootballanalysis.com)
Autre exemple du débordement d’un latéral de Bolton (Crédit : totalfootballanalysis.com)

Ces idées et ces ajustements font de Bolton l’une des formations les plus séduisantes du royaume lors de la deuxième moitié de la saison 20/21. Entre fin janvier et début avril, les Wanderers enchaînent quatorze matchs sans défaite (onze victoires). Une forme étincelante, pas même tenue par Manchester City. À l’échelle de la League Two, les Trotters réalisent une formidable remontée. Au soir de la 46ème journée, le club se classe 3ème et obtient son ticket pour la League One. Shane Stopforth revient sur les sentiments alors éprouvés : “C’était génial. Nous allions à chaque match en étant sûrs de gagner, ce que nous n’avions pas ressenti depuis que Big Sam (Allardyce) était manager (en 2007).”

Déjà en championship dans quelques années ?

Comme à Barrow, Ian Evatt a rallumé la flamme. Outre ses principes, l’ancien central a montré d’autres qualités lors de ses deux expériences. Adam Johnson mentionne sa gestion humaine : “Il est très attaché à la santé mentale, il prenait le temps de parler quand les gens en avaient besoin et je pense que c’est pour cela que les joueurs réagissent ainsi.” De son côté, Jamie Moore retient sa détermination : “Son absence de compromis a été l’influence la plus positive sur le club. Il a posé des exigences pour des choses que nous n’avions pas : des analystes, des traqueurs GPS, des logiciels de scouting. Il voulait que nous soyons aussi professionnels que possible. En tant que supporters qui donnent de leur temps, c’était très motivant, car nous avions l’impression que tout le monde tirait dans la bonne direction.”

Évidemment, le jeune entraîneur peut encore s’améliorer. Ses équipes semblent avoir du mal à démarrer leur saison. Les Trotters viennent d’enchaîner cinq matchs de D3 sans victoire (quatre défaites) et sont 16ème, à quatre points de la zone rouge. Cependant, Shane Stopforth n’est pas inquiet : “Les derniers résultats n’ont pas été bons, mais nous avons joué contre certaines des meilleures formations du championnat. Nous allons bientôt gagner à nouveau et nous allons dans la bonne direction avec ces propriétaires et ce manager.” Un optimisme partagé par le Bluebird Jamie Moore : “Je ne vois pas pourquoi, dans les deux ou trois prochaines années, Ian n’aura pas ramené Bolton en Championship, ou ne dirigera pas un club de Championship.”

(Crédit photo de couverture : nwemail.co.uk)

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