Après une saison 2020 à part dans l’histoire du cyclisme mondial professionnel du fait de la pandémie mondiale, la saison 2021 a vu un retour quasiment à la normale de son calendrier. A travers une série d’articles, le CCS vous propose en cette fin de saison de revenir statistiques à l’appui sur l’année écoulée à l’aide de différentes thématiques permettant de comparer les réussites individuelles, collectives et nationales du peloton international. Place aux monuments et aux principales classiques dans ce deuxième état des lieux.
Une année monumentale
Si chaque fan de cyclisme qui se respecte à ses préférences et donc des coureurs qu’il affectionne moins – notamment dans leur style – parmi l’ensemble des coureurs, il demeure un constat qui fait l’unanimité chez tous les suiveurs du peloton professionnel en 2021 : nous avons vécu une saison des classiques hors-norme. Et cela se vérifie dans les scenarii de course des 5 monuments habituels.
Milan-San Remo, 20 mars dernier. Après des attaques successives du champion du monde Julian Alaphilippe et du vainqueur sortant Wout Van Aert dans le Poggio, un groupe d’une dizaine de costauds s’est isolé à l’avant. Mais cela se regarde beaucoup dans la descente menant à l’arrivée. La raison ? La présence du meilleur sprinteur du monde, l’australien Caleb Ewan, qui a fait mieux que résister sur les différentes accélérations de ses concurrents puisqu’il s’est même payé le luxe de sauter dans la roue de Van Aert sur sa dernière banderille. Cet instant d’accalmie relative est le moment choisi par le belge Jasper Stuyven de la Trek-Ségafredo pour jouer son va-tout et fausser compagnie à tout ce petit monde en attaquant “en facteur” assis sur sa selle au bas de la descente. Rejoins par le danois de la Team DSM Soren Kragh Andersen à un peu plus d’un kilomètre du but, il ne comptera jamais plus d’une centaine de mètres d’avance sur le groupe des favoris lancé à sa poursuite. Mais le dernier relais très appuyé de son allié de circonstance – qui se fera sauter lui-même dans l’affaire pour finalement finir 9ème – permet au belge de lever les bras quelques tours de roue avant la meute à ses trousses réglée par Ewan et WVA dans cet ordre. Une victoire majuscule d’un coureur souvent outsider, toujours placé mais rarement gagnant sur des épreuves d’un jour qui lui correspondent pourtant à merveille.
Ronde van Vlaanderen, 2 semaines plus tard. Après des attaques répétées de leur part dans les 60 derniers kilomètres, dont celle de l’ultime ascension du Vieux Quaremont fatale à Wout Van Aert à 17 kilomètres d’Oudenaarde, le vainqueur sortant Mathieu Van der Poel et le tout frais vainqueur du GP E3 Harelbeke Kasper Asgreen se dispute le Tour des Flandres au sprint. Et à la surprise générale, c’est le danois qui sort triomphant de ce choc des mutants, et ce alors qu’il a relayé plus qu’à son tour son adversaire dans les derniers kilomètres.
Liège-Bastogne-Liège, 3 semaines plus tard. Après une course que l’équipe Ineos-Grenadier a tenté de dynamiter notamment par l’intermédiaire de l’équatorien Richard Carapaz, qui deviendra champion olympique trois mois plus tard, un groupe de 5 costauds se dispute la Doyenne des Classiques. Un quarantenaire espagnol multiple vainqueur de l’épreuve qui joue son va-tout en lançant le sprint à un demi-kilomètre de la ligne, un puncheur canadien qui aurait pu sortir du bois, un petit prince breton très connu dans le twitch game qui aurait pu s’imposer en este domingo, un champion du monde en quête de la seule classique flandrienne – mais aussi la plus grande – qui lui manque, alors qu’il a levé les bras sur toute, et un roi slovène qui compte lui aussi continuer d’écrire l’Histoire du Cyclisme. Et si deux français terminent sur le podium, ce fait assez rare pour être signalé passe au second plan puisque David Gaudu et Julian Alaphilippe sont battus par le dernier vainqueur du Tour, le monstre Tadej Pogacar.
Paris-Roubaix, 2 ans après. Quoi de plus logique qu’un après-midi pluvieux pour fêter le retour de la Reine des Classiques. Des chutes, des crevaisons, des abandons. Un véritable enfer dans lequel le néerlandais Mathieu Van der Poel met le feu au poudre à plus de 80 kilomètres du vélodrome de Roubaix. Cette fois-ci, aucun Deceuninck-Quick Step pour venir contrecarrer ses plans comme sur le Ronde. La team Ineos-Grenadier faillit bien réussir ce coup-là en anticipant les premières banderilles des favoris par l’intermédiaire de son italien aussi controversé que talentueux Gianni Moscon, qui aurait pu empocher son premier monument s’il n’avait pas été victime coup sur coup dans les 20 derniers kilomètres d’une crevaison et d’une chute. Mais avec des si, on mettrait Roubaix en bouteille. Or, de la bouteille il fallait en avoir pour arriver à suivre le mutant MVDP en ce dimanche d’automne. Ce qu’ont réussi à faire le prometteur belge de l’équipe Lotto-Soudal Florian Vermeersch, à seulement 22 ans, et le tout frais champion d’Europe transalpin de la Bahrein-Victorious Sonny Colbrelli. Le champion du monde en titre de cyclo-cross en a-t-il finalement trop fait sur cette course ? Pas avare d’efforts comme à son habitude, il termine finalement sur la troisième marche du podium, battu dans un sprint au mental par Vermeersch et Colbrelli qui remporte à 31 ans son premier monument, pour sa première participation à Paris-Roubaix.
Tour de Lombardie, 10 octobre dernier. Arrivé avec le régional de la course pour un sprint à deux après avoir lâché les autres principaux favoris, et bien aidé par un double champion du monde qui fait le jeu de son coéquipier italien présent à l’avant, le slovène Tadej Pogacar remporte son second monument de la saison en dominant logiquement un étonnant et héroïque Fausto Masnada.
La Pogacar mania
Au moins 2 monuments et le Tour la même année. A même pas 23 printemps le Slovène Tadej Pogacar égale déjà ses rares illustres aînées puisqu’il ne sont guère que deux à avoir réalisé pareille performance : Fausto Coppi et Eddy Merckx, excusez du peu. Le mythique italien en 1949 avec Milan-San Remo et le Tour de Lombardie en plus de la Grande Boucle et de son Giro maison. Le plus grand coureur de tous les temps en 1969, 1971 et 1972, avec au moins trois monuments et un grand Tour à chaque fois.

Le phénomène slovène a confirmé ses aptitudes de puncheur et de puissance au sprint déjà décelées les années précédentes. Désormais parmi les plus grands au panthéon du cyclisme mondial, la véritable interrogation concernant la suite de sa carrière n’est pas de savoir s’il va continuer à écraser de son véloce coup de pédale la concurrence ardue qu’il a pourtant en face de lui, mais bel et bien, s’il sera capable au fur et à mesure des années d’étoffer ses compétences pour venir titiller les meilleurs sur d’autres terrains. En effet, s’il en exprime l’envie, le seul objectif qui ne lui paraît pas encore promis reste le très fermé club des 5 monuments. Pour rejoindre Merckx, Van Looy et De Vlaeminck, il faudra montrer des qualités sur les pavés pour le slovène, qui seront d’ailleurs au rendez-vous lors de l’étape 5 du prochain Tour de France entre Lille et Arenberg.
La révélation de l’année
Après Marc Hirschi en 2020, auteur d’une saison 2021 bien moins florissante avec pour seul acte notable une 6ème place sur Liège-Bastogne-Liège, c’est un coureur britannique qui s’est révélé sur les courses d’un jour. Si WVA et MVDP ont été impressionnant sur les courses d’un jour cette saison, même s’ils n’ont pas ramené de monuments supplémentaires dans leurs escarcelles respectives malgré des victoires sur Gand-Wevelgem et l’Amstel pour l’un et sur les Strade Bianche pour l’autre, un troisième larron cyclo-crossman s’est également montré plus qu’à son avantage en la personne de Thomas Pidcock de l’équipe Ineos-Grenadier.
Pour sa première saison dans l’élite du cyclisme mondial, le natif de Leeds a fait plus que de la figuration puisqu’après un podium sur Kuurnes-Bruxelles-Kuurnes et une 6ème place prometteuse sur les Strande Bianche en ouverture de saison ainsi qu’un top 20 sur La Primavera, c’est sur les flandriennes qu’il s’est montré le plus à son aise avec une victoire sur la Flèche Brabançonne au détriment de Matteo Trentin et de Wout Van Aert. Et il s’en est fallu d’un cheveu de Pantani pour que le rookie ne réédite cette performance sur l’Amstel Gold Race face au même Wout Van Aert et à l’allemand Maximilian Schachmann. Le tout avant de lancer sa saison de VTT et de devenir champion olympique. Encore un coureur tout-terrain qui domine partout où il s’engage. Et si cela ne s’est pas vérifié avec le suisse Hirschi cette année, il ne fait aucun doute que la saison du jeune et déjà grand Pidcock annonce un bel avenir au cyclisme outre-Manche.

Deceuninck-Quick Step animateurs et vainqueurs
S’il ne fallait citer qu’une classique cette année, le GP E3 Harelbeke ou E3 Saxo Bank Classic serait dans la discussion. Et pour cause. Un récital de l’équipe qui fait depuis longtemps des classiques sa spécialité. Un collectif bien huilé qui permit à son champion du Danemark Kasper Asgreen d’aller glâner un succès de prestige et de la confiance avant d’aborder le Tour des Flandres.
Parti à plus de 60 kilomètres de l’arrivée, le danois se voyait pourtant repris à une dizaine de kilomètre du but grâce à un travail monstrueux du néerlandais Van der Poel, et ce avec deux coéquipiers de l’homme de tête sur le porte-bagage. Un Zdenek Stybar impressionnant, dernier vainqueur de l’épreuve en 2019, qui répondait à chaque attaque du champion néerlandais dans les différents monts pavés et un Florian Sénéchal fidèle à lui-même dans son rôle d’équipier modèle. Mais à 5 kilomètres du but, le danois repartait en solitaire tandis que ses deux lieutenants sautaient tour à tour dans la roue des coureurs qui tentaient de le poursuivre tels Van der Poel évidemment mais également le désormais ex-champion olympique Greg Van Avermaet. Pour couronner le tout, Sénéchal venait régler le sprint pour la seconde place offrant ainsi un doublé plus que mérité à l’équipe de Patrick Lefévère, en totale démonstration ce jour-là.

L’équipe belge a totalement dominé la saison des classiques. Flandriennes tout d’abord avec les succès de Kasper Asgreen sur le GP E3 et le Ronde ainsi que la victoire de son sprinteur Davide Ballerini sur l’Omploop Het Nieuwsblad. Ardennaises ensuite avec la 3ème victoire de Julian Alaphilippe en haut du Mur de Huy après ses Flèche Wallonne 2018 et 2019. Des performances toujours aussi hors-normes auxquelles viennent s’ajouter deux deuxième place sur les monuments pour purs puncheurs Liège-Bastogne-Liège avec Alaphilippe et Il Lombardia avec Fausto Masnada. Ainsi, Deceuninck-Quick Step sur les monuments en 2021 c’est 1 succès, 2 deuxième place, et un seul non-Top 10 sur Milan-San Remo. Une masterclass, tout simplement.
Astanul jusqu’au bout
S’il est impossible pour toutes les formations d’empocher un monument chaque saison en raison de leur nombre relativement peu élevé, beaucoup arrivent à s’en sortir en allant rafler des victoires dans des classiques plus ou moins huppées. Mais une irréductible formation kazakh a décidé de résister à ce partage des victoires général en ayant pour seul résultat acceptable un top 10 sur Milan-San Remo avec la 7ème place d’Alex Aranburu, qui fera les beaux jours de la Movistar la saison prochaine. Une saison à oublier sur tous les plans pour Astana qui devra montrer un tout autre visage lors du prochain opus pour redorer un blason bien terne cette année. Les travaux ont d’ailleurs déjà commencé avec un festival de départs et d’arrivées, en espérant que cela ne reste pas qu’une agitation de façade.
Des courses de folie et des vainqueurs souvent surprises, voilà qui résumerait bien une saison des Classiques palpitante. Entre un Tadej Pogacar record, un Tom Pidcock impressionnant de maturité, une Deceuninck-Quick Step de tous les records et une Astana-Premier Tech catastrophique, cette année 2021 aura offert une des cuvées les plus alléchantes de ces dernières années. Rendez-vous au printemps prochain pour de nouvelles aventures.
Equipes | Monuments remportés | Classiques remportées° | Podiums sur monuments | Podiums sur classiques° | Top 5 sur monuments | Top 5 sur classiques° | Top 10 sur monuments | Top 10 sur classiques° |
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UAE - Team Emirates | 2 | 2 | 2 | 4 | 2 | 5 | 3 | 8 |
Bahrain - Victorious | 1 | 1 | 1 | 2 | 1 | 3 | 4 | 10 |
Deceuninck - Quick Step | 1 | 3 | 3 | 10 | 4 | 13 | 6 | 18 |
Trek - Ségafredo | 1 | 1 | 1 | 1 | 2 | 3 | 3 | 7 |
AG2R Citroën Team | 0 | 1 | 1 | 2 | 1 | 3 | 1 | 6 |
Alpecin-Fénix | 0 | 1 | 2 | 5 | 3 | 6 | 4 | 11 |
Astana - Premier Tech | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 | 2 |
B&B Hotels p/b KTM* | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 2 |
BORA - Hansgrohe | 0 | 0 | 0 | 1 | 1 | 3 | 2 | 5 |
Cofidis, Solutions Crédit | 0 | 0 | 0 | 1 | 0 | 1 | 1 | 2 |
EF Education - Nippo | 0 | 1 | 0 | 1 | 0 | 1 | 1 | 2 |
Groupama - FDJ | 0 | 0 | 1 | 1 | 1 | 1 | 2 | 5 |
INEOS Grenadiers | 0 | 2 | 1 | 5 | 2 | 8 | 3 | 15 |
Intermarché - Wanty - Gobert Matériaux | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 | 0 | 2 |
Israël Start-Up Nation | 0 | 0 | 0 | 0 | 2 | 3 | 5 | 6 |
Lotto Soudal | 0 | 0 | 2 | 2 | 2 | 3 | 2 | 4 |
Movistar Team | 0 | 0 | 0 | 1 | 2 | 4 | 2 | 4 |
Team Arkéa Samsic* | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 2 | 0 | 2 |
Team BikeExchange | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 2 | 1 | 5 |
Team DSM | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 3 | 4 |
Team Jumbo - Visma | 0 | 2 | 1 | 5 | 2 | 7 | 4 | 11 |
Team Qhubeka NextHash | 0 | 0 | 0 | 1 | 0 | 1 | 0 | 4 |
Team TotalEnergies* | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 2 | 4 |
Bardiani - CSF - Faizané* | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
Uno-X Pro Cycling Team* | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 |
°monuments inclus | *équipes invitées n'ayant pas disputé toutes les courses |
Tableau statistique récapitulatif de la saison des équipes sur les Classiques de la saison 2021