Le dernier baquet disponible pour la saison prochaine a enfin trouvé preneur. Afin d’épauler Valtteri Bottas, Alfa Romeo a fait le choix de se séparer d’Antonio Giovinazzi et de faire confiance à Guanyu Zhou, actuellement deuxième du championnat de F2. Si Guanyu Zhou est un pilote confirmé, cette annonce est aussi vue d’un très bon œil par Liberty Media et la F1, notamment dans sa quête de popularité en Chine.
Guanyu Zhou, un parcours atypique jusqu’à l’élite
Guanyu Zhou va devenir le premier pilote chinois en Formule 1 la saison prochaine. Cependant, il a dû rejoindre l’Europe dès ses 12 ans pour pouvoir espérer avoir une carrière en sport automobile. Comme de nombreux pilotes, il est passé par la case Karting de 2008 à 2011 en Chine puis de 2012 à 2014 en Angleterre. En 2015 il participe au Championnat d’Italie de Formule 4 où il termine second, devant Robert Shwartzman ou encore Lando Norris. 2016 signe son arrivée en FIA Formule 3 chez Motopark.
Bien qu’il monte deux fois sur le podium pour ses deux premiers weekends de course, la suite de la saison sera plus compliquée pour Zhou. Finalement, le chinois termine à la 13e place du Championnat. Prema décide tout de même de le signer pour deux saisons. En 2017, malgré 5 podiums et une 8e place au championnat, son équipe le maintient en Formule 3 pour 2018, où il termine aussi à la 8e place.

Trois ans en Formule 3 est considérable, d’autant plus que les coéquipiers de Zhou l’ont toujours surpassé. Cela ne va pas empêcher l’écurie anglaise UNI-Virtuosi de le signer en F2 pour la saison 2019. Dans le même temps, Renault annonce sa signature dans son Académie de jeunes pilotes. Pour sa première saison en F2, Zhou finit 7e derrière son coéquipier Luca Ghiotto mais parvient à monter cinq fois sur le podium. L’année suivante, il remporte sa première victoire lors de la course sprint de Sotchi. Malgré ses 6 podiums, il termine 6e du championnat et encore une fois derrière son coéquipier (Callum Ilott, 2e). Alors qu’il s’apprête à débuter sa troisième saison de F2 chez UNI-Virtuosi, Guanyu Zhou fait partie des pilotes les plus expérimentés du plateau mais n’est pas cité comme favori pour le titre.
Alors qu’il ne reste que deux weekends de Grand-Prix à disputer, Guanyu Zhou s’est déjà imposé à trois reprises et est monté 7 fois sur le podium. Avec 142 points, il est deuxième du championnat alors que son principal concurrent pour le titre Oscar Piastri compte 36 points d’avance sur lui. Cette saison, le chinois est un exemple de régularité. Hormis le weekend écourté de Sotchi et celui de Bakou, il a toujours inscrit au moins 25 points. Mieux encore, il est monté sur le podium à chaque Grand-Prix (sauf Sotchi). À noter que son coéquipier cette saison, Felipe Drugovich, se classe derrière lui (neuvième). Ces bonnes performances ont évidemment attiré l’œil des équipes de F1, mais ce n’est pas le seul argument en faveur du pilote chinois.
La F1 en pleine croissance en Chine
La Formule 1 est en pleine expansion dans l’empire du milieu. Depuis l’arrivée du Grand-Prix de Chine au calendrier en 2004, sa popularité n’a cessé d’augmenter. Il faut dire que la F1 part de très loin. De manière générale, l’automobile et la société chinoise ne cohabitent que depuis une trentaine d’années. Selon le Guardian, en 2000, quatre millions d’automobiles se sont vendues, soit une voiture pour 325 habitants. Difficile donc pour le sport automobile de se développer dans un pays où l’automobile elle-même est aussi peu présente.

En 2020, le parc automobile chinois s’élève à 281 millions de véhicules et les ventes annuelles avoisinent les 25 millions d’unités vendues. De nombreux événement de sport auto voient le voir et les derniers tickets pour le Grand-Prix de Shanghai en 2019 se vendent 2 mois avant la course. Malgré l’absence du Grand-Prix de Chine en 2020, le rayonnement de la F1 n’a jamais été aussi important dans le pays. Les audiences entre 2019 et 2020 ont augmenté de 43%. De même, sur les réseaux sociaux chinois (Weibo, WeChat, Toutiao and Douyin), le nombre de followers de la F1 a augmenté de 133%.
Attention aussi à ne pas négliger l’expansion de la scène e-sportive de la F1. Le F1 eSports China Championship est le seul championnat régional de la F1 eSports Series. Malgré un niveau compétitif inférieur à celui européen, la popularité du championnat chinois ne cesse de croître. En 2020, il a réuni environ 50 millions de viewers (sur toute l’année) et a généré environ 65 millions de dollars selon l’entreprise Nielsen.
L’apport de Guanyu Zhou pour la F1
Plus que n’importe où dans le monde la Formule 1 se développe en Chine, et les décideurs de la F1 l’ont bien compris. Il est clair que l’arrivée d’un pilote chinois dans le championnat représente une opportunité extraordinaire pour eux, même s’il est peu probable de le voir jouer les premiers rôles la saison prochaine. La réaction de Stefano Domenicali, patron de la F1, est assez univoque à ce sujet : “L’ annonce de la signature de Guanyu Zhou pour la saison prochaine est une nouvelle fantastique pour le sport et les millions de passionnés Chinois qui ont maintenant un héros local à acclamer toute la saison » . Malgré l’absence du Grand-prix de Chine pour la troisième année consécutive en 2022, difficile d’imaginer autre chose qu’une croissance exponentielle de la discipline l’an prochain dans le pays.

La Formule 1 n’est pas la seule à se frotter les mains suite à ce recrutement. Alfa Romeo, en signant un pilote chinois, s’assure un coup marketing de grande envergure dans le plus grand marché automobile du monde. Ils n’ont d’ailleurs pas attendu l’annonce officielle pour en faire la promotion sur leur devanture à Shanghai. Renault savait l’enjeu que cela représentait d’avoir un pilote chinois en F1 dans son écurie. Zhou est par ailleurs le troisième chinois à faire partie de la Renault Sport Academy depuis 2016. Malheureusement pour la firme française, elle n’a pas su trouver l’opportunité de le signer en F1 malgré quelques essais. De plus, Fred Vasseur a indiqué chez Motorsport.com que Zhou n’était plus sous contrat chez Alpine. Difficile donc de l’imaginer rejoindre Alpine en 2023 ou dans un avenir plus lointain.
En ce qui concerne l’écurie, elle s’assure un très joli chèque via les sponsors chinois qui accompagnent Zhou. Si les rumeurs d’un montant de 30 millions de dollars ont été démenties par Alfa, il est évident que le choix de prendre Guanyu Zhou comme deuxième pilote n’a pas été un choix purement sportif. L’écurie (et la F1 de manière générale) espère même attirer à l’avenir plus de sponsors chinois sur le long terme. L’opération séduction des fans chinois par Alfa Romeo n’a elle non plus pas tardé à débuter.
« Nous sommes fiers de notre line-up pour 2022 et sommes confiants sur le fait que le duo Zhou-Bottas fonctionnera. Nous sommes aussi ravis d’accueillir tous les nouveaux fans chinois qui rejoignent l’écurie : Alfa Romeo est une marque historique et qui incarne l’esprit de la Formule 1 et nous allons faire notre maximum pour vous faire vivre une formidable expérience de notre sport en Chine. »
Fred Vasseur dans un communiqué de presse, exprimant son bonheur d’accueillir Zhou.
Un choix qui fait naturellement des déçus
Evidemment, Antonio Giovinazzi a été le principal contrarié par le choix de son écurie. Ses résultats n’ont pas suffisamment convaincu malgré quelques belles performances en qualifications. « La F1 c’est le talent, la voiture, le risque, la vitesse. Mais elle sait aussi être impitoyable, quand l’argent dicte les règles » déclarait-il suite à l’officialisation de son départ. Ensuite, les jeunes sensations de la F2 cette année Théo Pourchaire et surtout Oscar Piastri seront également déçus. Si une promotion du français dès l’an prochain semblait prématurée, l’australien en revanche est condamné a un rôle de troisième pilote chez Alpine en attendant un départ éventuel d’Alonso en fin 2022. Le rachat avorté de Sauber par Andretti est probablement ce qui a retardé l’annonce de Zhou pour 2022. Les américains auraient probablement opté pour un pilote américain comme Colton Herta pour faire partie de l’équipe la saison prochaine.
Vous l’aurez compris, ce choix qui peut difficilement s’expliquer sportivement est avant tout financier. Pour une écurie manquant de fonds vis-à-vis de ses concurrents et à la veille d’une révolution technique, l’apport de Zhou était indispensable. On peut aussi facilement imaginer que les dirigeants de la maison mère Alfa Romeo ont poussé pour ce choix au vu des potentielles retombées économiques pour l’entreprise.
On a parfois tendance à l’oublier mais Alfa Romeo, comme tous les constructeurs de voitures présents en F1, participent au championnat avant tout pour vendre des voitures. La hausse de la popularité de la F1 en Chine cumulée à l’arrivée d’un pilote chinois dans ses rangs est une aubaine pour Alfa Romeo. Peut-être moins pour Alfa Romeo Sauber F1 Team, en tout cas sportivement à première vue. Car si Zhou a toujours eu besoin de temps pour s’imposer dans sa catégorie, en Formule 1, le temps s’écoule très vite si vous ne répondez pas aux exigences (à moins de posséder quelques milliards).