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Christophe Dominici, une histoire de rebonds

Il y a un an jour pour jour disparaissait Christophe Dominici, l’un des joueurs les plus spectaculaires et talentueux de l’histoire du rugby français. Sa disparition tragique et soudaine n’avait laissé personne indifférent. Entre quelques vidéos et anecdotes, retours sur les faits marquants de sa carrière, et de sa vie.

Christophe Dominici vit une adolescence compliquée. Âgé de 14 ans, il perd sa grande soeur Pascale , 24 ans, dans un accident de voiture. Un événement tragique qui va bouleverser le cours de sa vie. Celui qui rêve de percer dans le football à l’époque, se retrouve déboussolé, privé de celle qu’il considérait comme sa seconde maman. Quelques mois avant sa mort, son ami Sylvain Marconnet confiait à nos confrères de Rugbyrama : « Pour moi, Domi, c’est une trajectoire incroyable. Si il n’avait pas eu le rugby, on aurait pu le retrouver avec une nuquette, une super 5 turbo, en train de vendre des barrettes de sheet sur la côte d’Azur (rires). » En 2007, alors qu’il vient de sortir un livre et de terminer sa carrière de rugbyman, Domi aborde justement cette période de l’adolescence, sur le plateau de France 2 avec Laurent Ruquier.

Crédit vidéo : France 2

C’est donc dans le rugby que le Varois trouve son compte. Il démarre dans ce sport à 17 ans du côté de La Valette, avant d’être repéré par Toulon en 1993. Ce petit joueur explosif, parfois méchant, ne cesse de progresser. A 24 ans, après quatre ans passés au RCT, il décide avec ses potes de la Rade Christophe Moni et Franck Comba, de rejoindre le Stade Français, nouvelle attraction du championnat.

Le rêve parisien

Tout s’accélère pour Domi dans la capitale. Dès la première saison, il explose, au point d’être appelé pour disputer le tournoi des V Nations avec le XV de France. C’est le début de la carrière d’un joueur que rien ne peut faire vaciller, plus l’enjeu est important, plus les chances de voir briller l’ailier augmentent. Peu à peu, se crée cette sensation que la pression ne peut pas l’atteindre. Il le prouve dès sa première sélection. A la 19ème minute de jeu, il reçoit un ballon dans les 22 mètres anglais, élimine deux adversaires grâce à ses crochets, et inscrit son premier essai avec le XV de France. Les Bleus font le Grand Chelem cette année-là. Des débuts en fanfare pour l’ailier parisien.

Crédit vidéo : France 2

Pour conclure une année incroyable, deux mois avant le sacre de l’équipe de France de football, le Stade Français étrille l’USAP 34-7 en finale du championnat de France et remporte le Brennus. Bien évidemment, Christophe Dominici participe à la fête en inscrivant le quatrième essai de son équipe. En signant au Stade Français, Domi vient de bénéficier d’un premier rebond favorable dans sa carrière. Mais nul doute que d’autres devraient suivre…

Rebond favorable

En 1999, le Stade Français sort par la petite porte du championnat de France en quarts, et s’incline face à l’Ulster en demi-finale de H-Cup. Le petit ailier de poche ne trouve pas de réconfort en sélection, puisque les Français, tenants du titre, finissent dernier du tournoi. Mais une nouvelle saison débute, et Christophe Dominici se retrouve sélectionné pour participer à sa première Coupe du monde. Bien que poussifs, les Bleus atteignent la demi-finale et doivent affronter la montagne All-Blacks. Personne ne peut prédire que les Français vont vaincre l’équipe de Jonah Lomu… à moins d’un miracle. Le miracle semble se produire dès les premières minutes du match, lorsque Domi transperce le rideau néo-zélandais. Il est repris à cinq mètres, mais le jeu rebondit et Titou Lamaison marque. Malgré cette bonne entame, l’euphorie retombe. Deux essais de Lomu permettent aux Blacks de repasser devant. Jusqu’à cette 56ème minute, et ce ballon de récupération joué au pied par Galthié. Dominici passe par-là, s’empare du ballon au nez et à la barbe de deux adversaires, et file dans l’en-but. C’est un tournant du match, à cet instant les Bleus prennent l’avantage, et finissent par s’imposer.

Des années plus tard, Domi témoigne sur France 2, de l’importance de cet événement dans sa vie.

Épuisés, les Français sont battus en finale par l’Australie. Pour Christophe Dominici, tout a basculé, il vient d’acquérir une notoriété internationale, il devient l’une des premières stars du rugby français. Sur son petit nuage, l’ailier de poche brille avec son club durant les mois suivants. Le Parisien remporte son deuxième Brennus, en inscrivant une nouvelle fois un essai en finale. Il est au sommet de son art. Mais celui qui ne tremble jamais sur le terrain, va craquer. Domi vit une rupture amoureuse difficile. Il se retrouve frappé par une dépression nerveuse en octobre 2000, et hospitalisé. Mais une nouvelle fois, le Varois de naissance va rebondir, et utiliser le rugby comme remède. En mai 2001, avec ses coéquipiers du Stade Français, ils passent proche de remporter la H-Cup, mais échouent en finale face à Leicester.

Les surprises

Après une saison frustrante, le club de Max Guazzini va retrouver le chemin du succès en 2003, les coéquipiers de Fabien Galthié battent le Stade Toulousain en finale. Finie la fête qui a suivi l’obtention de son troisième Brennus, Domi doit filer quelques semaines plus tard avec certains de ses copains parisiens en Australie, pour disputer la Coupe du monde. A son arrivée là-bas, l’ailier va avoir droit à une petite surprise…

La bonne humeur du XV de France à la Coupe du monde 2003. (Crédit vidéo : France 2).

Chambreur, l’ailier des Bleus se retrouve parfois dans la peau du chambré, il participe à la bonne humeur, essentielle dans un groupe, surtout quand on se lance dans une telle aventure. Les Français impressionnent en poule, puis en quarts de finale en passant 40 points aux Irlandais. Dominici est le meilleur marqueur de l’équipe avec quatre essais. Le XV de France rêve d’une première Coupe du monde. Mais tous les espoirs s’envolent face à l’Angleterre de Wilkinson en demi-finale, une machine programmée pour gagner.

Les Bleus se consolent en 2004 avec un nouveau grand chelem, auquel participe évidemment l’ailier. Quand le club de la capitale atteint une nouvelle fois la finale du championnat, quelques mois plus tard, et doit affronter l’USAP, Domi est attendu. Comment va-t-il marquer le coup dans un match important ? Va-t-il encore une fois déclencher une action d’essai avec ses appuis de feu ? L’ailier est comme le ballon de rugby, il ne rebondit pas toujours où on l’attend. A la 33ème minute, alors que le score est de 12-6 en faveur de son équipe, Dominici est servi dans les 40 mètres catalans. Lui qui n’est pas un habitué de l’exercice, se décide alors à faire rebondir le ballon au sol et frapper un drop. Contre toute attente, ça passe. Une heure plus tard, les hommes de Max Guazzini soulèvent le Brennus pour la deuxième année consécutive.

Imprévisible Christophe Dominici. (Crédit vidéo : Canal +)

2005 : double peine

Le Stade Français est à son apogée en 2005, et se retrouve en capacité de jouer sur deux tableaux avec la Coupe d’Europe et le Championnat. En H-Cup, le club de la capitale a rendez-vous avec le BO en demi-finale. Les Parisiens se retrouvent menés de quatre points dans les tous derniers instants de la rencontre. Ils doivent à tout prix marquer un essai pour atteindre la finale. Inutile de faire durer le suspense, vous savez déjà qui décide de faire basculer ce match.

Malheureusement, les Parisiens s’inclinent en finale de cette H-Cup face au Stade Toulousain, après les prolongations. Quelques semaines plus tard, les joueurs de la capitale retrouvent Biarritz en finale du Top 16. Sur une course improbable et une glissade venue d’ailleurs, ce diable de Domi se montre une nouvelle fois décisif, quand on a le plus besoin de lui. C’est malheureusement insuffisant, son équipe s’incline encore une fois après prolongations en finale.

La force de caractère

En 2006, si Christophe Dominici participe à la victoire des Bleus dans le tournoi des 6 Nations, la concurrence est rude. Avec Rougerie, Clerc et Heymans, il s’agit peut-être là du meilleur réservoir d’ailiers de l’histoire du XV de France. A 34 ans, le Varois est plus proche de la fin que du début. Mais il a un objectif en tête, et pas des moindres, participer à la Coupe du monde 2007 à domicile. Pour cela, il doit briller lors du tournoi précédent. Durant le troisième match, alors que les Bleus sont bousculés à domicile par les Gallois, l’ailier sort de sa boîte. Il passe en revue la défense du XV du poireau pour marquer un essai très important. A l’issue de la compétition, il remporte son quatrième tournoi avec la France.

Crédit vidéo : 6 N.ations

En club aussi il continue de remplir son armoire a à trophées, avec le Stade Français, il remporte son cinquième Brennus et devient définitivement une légende du rugby français. Il est logiquement convoqué pour participer à la Coupe du monde 2007 en France.

Le dernier défi

Malgré la concurrence, Dominici se retrouve titulaire pour le match d’ouverture de la Coupe du monde face à l’Argentine. Après la défaite, il fait partie des punis, et se retrouve écarté du groupe. Domi retrouve une place de titulaire dans une équipe remaniée qui affronte la Géorgie, il inscrit les deux derniers essais de sa carrière internationale et gagne sa place en tant que remplaçant pour le fameux quart de finale face aux Blacks à Cardiff. Il fait son entrée à la 70ème minute, dans la foulée de l’essai de Jauzion, et participe à la fête.

Tous les essais de Dominici en Coupe du monde.

Entré à l’heure de jeu face aux Anglais en demi-finale, il ne peut empêcher à l’histoire de se répéter, et aux Français de s’incliner une nouvelle fois face au XV de la Rose à ce stade de la compétition. Il dispute finalement sa dernière rencontre avec le maillot bleu frappé du coq, à l’occasion du match pour la troisième place face à l’Argentine. Sa carrière internationale se termine sur une défaite anecdotique. Il poursuit une saison supplémentaire avec le Stade Français, avant de quitter définitivement les terrains.

Le mauvais rebond

Celui qui semblait imperturbable et intouchable sur les terrains, nous est apparu beaucoup plus fragile en dehors. Il tente des reconversions en tant qu’entraîneur et consultant sans grand succès. Il fait finalement un retour fracassant sur le devant de la scène à l’été 2020. L’ancien ailier présente un projet de rachat avec des investisseurs émiratis pour sauver le mythique club de Béziers. Des grands noms comme Beauden Barrett sont évoqués. La DNACG n’accepte pas le dossier, le projet est abandonné.

Moqué, Christophe Dominici prend du recul. L’ancien ailier a déjà été frappé par le passé par des des soucis de dépression. Il ne dort plus. Et le 24 novembre 2020, il y a un an, il est retrouvé mort dans le parc de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine). Il vient de faire une chute fatale d’une dizaine de mètres. Il laisse derrière lui deux filles de 11 et 14 ans, mais aussi ses parents et sa femme Loretta, qui un an après, ne veulent pas croire à un accident, ou un suicide. Dans la foulée, les hommages nationaux et internationaux se multiplient. Puis l’actualité rebondit. La mort de la légende du XV de France est rapidement éclipsée par la disparition de Diego Maradona le lendemain.

Un personnage atypique

Dans cet article, nous avons abordé en long et en large les exploits sportifs de Christophe Dominici. Il semblait si fort sur un rectangle vert, et si vulnérable à la fois en dehors. Un chose est sûre, il a marqué tous ceux qui ont croisé sa route. La première star du rugby professionnel français a été jury de miss France, il a aussi été l’un des tous premiers rugbymen à participer à des émissions grand public. Son principal fait d’arme en dehors du terrain, reste quand même sa contribution au calendrier des Dieux du Stade. C’est son coéquipier de l’époque, Richard Pool-Jones, qui en parle le mieux sur RMC.

Crédit vidéo : RMC Sport

Pour rester dans le thème, Max Guazzini se souvenait l’an dernier dans les colonnes de Midi Olympique : « Je n’oublierai jamais ce jour de 2005 où l’équipe était regroupée en stage à Bugeat, en Corrèze. Evidemment Domi était arrivé en retard dans une voiture de sport et en passant devant les autres avait lancé : « ça va les trompettes ? » Marconnet et toute la bande s’étaient promis de se venger. Un soir ils l’ont chopé dans sa chambre, où il visionnait un film un peu olé olé, l’ont mis à poil et l’ont lâché dans le seul restaurant de Bugeat qui était plein à craquer. »

Chambrer et être chambré. S’amuser, sur le terrain et à l’extérieur, c’était sans doute une sorte d’échappatoire, pour un homme marqué à jamais par les rebonds tragiques de la vie.

L’hommage de France 2 à Christophe Dominici.
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