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Quel est le mal qui ronge le Legia Varsovie ?

Depuis le début de saison, le club aux sept titres domestiques remportés depuis 2013 est englué dans les bas-fonds du classement de l’Ekstraklasa (nom du championnat polonais). Actuellement 17e après 13 matchs joués, le Legia est en grande difficulté et le contraste est effrayant avec les saisons précédentes. Pourtant, en Ligue Europa, les résultats sont surprenants. Les Polonais sont dans un groupe très relevé composé du Napoli, de Leicester et du Spartak Moscou, mais parviennent tout de même à rivaliser avec notamment deux victoires en quatre rencontres. Éléments de réponses avec Dariusz, créateur du compte @Legia_fr sur Twitter.

Grâce aux échanges que nous avons pu avoir avec lui, les problèmes de son club de cœur se sont révélés au fur et à mesure de notre conversation, dont nous en restituons l’intégralité ci-dessous. Merci à lui pour le temps qu’il nous a accordé. Mettre en lumière le football polonais est toujours intéressant.

L’actuel entraîneur du Legia Varsovie, Marek Gołębiewski, n’est pour le moment pas très convaincant. (corrieredellosport.it)

CCS : Avant d’évoquer le début de saison catastrophique du Legia, revenons un peu en arrière, car il me semble que les problèmes du club polonais ne sont pas récents, est-ce vrai ?

Dariusz : Oui c’est exact, car depuis que Dariusz Mioduski est devenu propriétaire à 100% du club, on constate que nos résultats se sont dégradés et des choix très douteux ont été fait.

CCS : Pourquoi selon toi ? Par incompétence ?

Dariusz : Parce que cet homme est fort pour faire du business et trouver des sponsors, mais en tant que président d’un club, sur le plan sportif, on ne va pas se mentir, il n’a pas les compétences pour. Ce qui nous le prouve bien, ce sont ses choix de coach et surtout le choix de virer des entraîneurs qui n’ont pas eu le temps de faire leurs preuves. De plus, ces derniers n’ont pas leur mot à dire pour les transferts donc la plupart du temps nous avons des joueurs qui ne rentrent pas dans les plans.

CCS : Donc le Legia fait clairement preuve d’ingérence sportive ?

Dariusz : Exactement. Ce n’est pas tout, puisque notre directeur sportif, Radosław Kucharski (en place depuis 2018, ndlr), a fait venir des joueurs qui n’étaient même pas prêts physiquement ou qui ne jouaient plus au football depuis plusieurs mois.

CCS : Depuis combien de saisons Dariusz Mioduski est aux commandes du Legia Varsovie ? Sa gestion a t-elle toujours été mauvaise ?

Dariusz : Il est seul aux commandes depuis fin 2016, début 2017 et sa gestion est mauvaise depuis le début. Il avait vendu pratiquement tous nos meilleurs joueurs à l’hiver 2017 alors que nous avions l’Europa League à jouer grâce à notre 3e place en phase de poules de Ligue des Champions (le Legia Varsovie avait terminé devant le Sporting Portugal et derrière le Real Madrid et le Borussia Dortmund, ndlr). Petite anecdote, il avait vendu nos deux meilleurs attaquants pour en recruter un qui s’est trompé de stade en venant à l’entraînement pour la première fois et en plus, il n’avait pas de chaussures adaptées à sa pointure…

CCS : On imagine que la gestion actuelle tranche avec celle du passé, l’histoire du Legia est-elle glorieuse ?

Dariusz : Par le passé, nous avons eu trois copropriétaires, dont Dariusz Mioduski. Bogusław Leśnodorski était l’un des propriétaires, mais également président du club (de décembre 2012 à mars 2017, ndlr), avec lui le club s’est pratiquement qualifié chaque année en Europa League et on a même réussi à revenir en Ligue des Champions après 20 ans d’absence (quart de finale perdu face au Panathinaïkos lors de la saison 1995-1996, ndlr). Le choix des joueurs était beaucoup plus cohérent avec la vision du coach en place. L’histoire du Legia dans son ensemble est glorieuse même si l’année 1993 fait tache (corruption et titre de champion retiré). Les signes qui montrent que le club fonctionnait mieux avant sont nos résultats en Europe, notre budget avait atteint 100 millions d’euros alors qu’il est aujourd’hui en négatif, le choix des coachs, une direction qui était plus à l’écoute et évidemment notre classement entre 2011 et 2021, années durant lesquelles nous avons jamais fini plus bas que la troisième place. La seule chose positive à souligner sous la présidence de Dariusz Mioduski est la construction récente du Legia Center Training.

CCS : Penses-tu donc qu’un changement est possible à court ou moyen terme, le Legia peut-il être repris par quelqu’un de plus compétent ?

Dariusz : Disons que Mioduski restera quoiqu’il arrive. Selon moi, un changement à court ou moyen terme n’est pas envisageable. En revanche, ce que je veux en tant que fan, c’est tout simplement qu’il reste propriétaire, mais que le club soit présidé par un gars compétent, car Mioduski ne vendra pas le Legia.

Dariusz Mioduski, le responsable de tous les maux du Legia Varsovie ? (nczas.com)

CCS : Parlons à présent de la réalité du terrain. Sais-tu à quand remonte la dernière fois où le Legia Varsovie s’est retrouvé en position de relégable ?

Dariusz : Ça remonte à plus de 80 ans.

CCS : C’est donc tout simplement historique ?

Dariusz : On a déjà gagné le championnat en perdant 11 matchs dans la saison, mais actuellement ce qu’il se passe est juste inimaginable et historique.

CCS : Sportivement, qu’est-ce qu’il ne va pas dans l’équipe ? L’entraîneur est fautif ? Les joueurs ne sont pas au niveau ?

Dariusz : C’est tragique et ce qui me fait le plus mal ce n’est même pas notre classement, mais surtout les supporters qui se déplacent au stade et qui se donnent toujours à 100 %. Disons que notre saison a commencé très tôt. Début juillet, nous jouions déjà les qualifications pour les compétitions européennes et notre recrutement a été fait tardivement, mais vraiment très tard, à la fin août. Le coach (Czesław Michniewicz, limogé le 25 octobre dernier, ndlr), a tout fait pour avoir les joueurs avant le début de saison, mais encore une fois, Mioduski n’en a fait qu’à sa tête et notre directeur sportif Kucharski a recruté des joueurs que lui estimait bon pour l’équipe. Ce n’est pas la faute des joueurs qui ne sont pas au niveau, c’est juste qu’ils ne rentrent pas dans la composition et la tactique du coach. Et aussi parce qu’ils sont arrivés trop tard au club. La direction a tout fait pour mettre des bâtons dans les roues du coach et finalement, ils l’ont viré pour mettre en lieu et place, l’entraîneur de la réserve…

CCS : Tactiquement, qu’est-ce que cela donne ? Est-ce cohérent ou l’entraîneur fait du mieux qu’il peut ?

Dariusz : Tactiquement, c’était cohérent quand il y avait Michniewicz en place (qui était en poste depuis septembre 2020, ndlr), mais depuis que c’est Gołębiewski, c’est totalement n’importe quoi et les joueurs décident à sa place. Disons aussi que Michniewicz devait parfois placer des joueurs sur le terrain qui n’était pas destiné à jouer à ces postes. Par exemple, Rafa Lopes, qui est attaquant, jouait au milieu, en tant que numéro 6, Jędrzejczyk, qui est défenseur central, jouait piston droit, car Mioduski a eu la bonne idée de vendre Juranovic juste avant le match de qualification pour l’Europa League (vendu le 21 août, barrage contre le Slavia Prague le 26, gagné 2 à 1, ndlr).

CCS : Mais quel était l’intérêt du président de virer son entraîneur, si le suivant est incompétent ? Ils se connaissent et sont amis ?

Dariusz : Justement, on ne sait pas quel était l’intérêt. Non, l’actuel entraîneur n’est pas du tout ami avec lui, car il voulait démissionner, mais Mioduski lui a dit qu’il devait rester en place.

CCS : Il n’y a donc aucune transparence dans les décisions prises ? À te lire, on croirait presque que Mioduski gère le club comme un dictateur ?

Dariusz : On peut clairement le dire. Il gère le club comme un dictateur, car quoiqu’il arrive, c’est lui qui a raison et personne d’autre.

CCS : Dans ce cas, c’est clairement plus grave qu’on ne l’imaginait. Comment va-t-il faire si le Legia descend en deuxième division ? Il serait perdant économiquement puisque l’échec serait gigantesque ?

Dariusz : Honnêtement, je ne sais pas. Et je pense que lui-même ne sait pas. Apparemment, selon lui, on ne descendra pas et il ne prévoit même pas de plan B, au cas où cela arriverait. Économiquement, ça serait terrible. Ce serait peut-être même la fin pour nous, malheureusement. Rien que le fait de ne pas être dans le top 3 est tragique.

CCS : Quel est ton avis à propos de la question ? Tu vois le club descendre, ou penses-tu qu’il peut remonter au classement ?

Dariusz : Son réel problème est qu’il est borné, impatient et malheureusement incompétent (le président Dariusz Mioduski, ndlr). Michniewicz n’a pas eu la chance de pouvoir sortir de la crise, mais tous les entraîneurs sous l’ère Mioduski n’ont pas eu cette chance. Honnêtement, même si je parle en tant que supporter, je ne nous vois pas descendre. Actuellement, je ne nous vois pas être dans le top 5 non plus, surtout pas avec le coach en place. J’aimerais juste que Mioduski reprenne un coach doté d’une bonne vision du jeu et qu’il ait son mot à dire auprès des transferts, qu’il soit écouter et soutenu, qu’il soit clairement le patron de l’équipe. Je pense qu’un changement au sein de la direction du club, à chaque poste, est nécessaire, et je dirais même sur l’ensemble du staff ainsi que chaque entraîneur de chaque catégorie du club, des juniors aux seniors. Plein de personnes travaillent dans ce club seulement parce que ce sont des anciens joueurs, mais ils n’ont pas, ou très peu de connaissances, pour former les jeunes. Les familles des jeunes évitent à tout prix d’envoyer leurs enfants dans notre Académie et ce n’est pas par hasard. Je suis dépité par tout ça et je ne sais même pas comment expliquer ce qui ne va vraiment pas dans le club. Je pense que c’est un ensemble de choses, qui dure depuis bien trop longtemps.

Czeslaw Michniewicz, le seul dernier homme compétent du Legia. (legia.net)

CCS : Comment expliques-tu que le Legia montre un bien meilleur visage en Ligue Europa ? 6 points dans ce groupe, ça semble inespéré non ?

Dariusz : Tout simplement, car nos joueurs savent qu’ils ont plus de chance de se montrer au niveau européen, en jouant l’Europa League, plutôt qu’en Ekstraklasa. Ils sont davantage motivés et Michniewicz était réputé pour créer la surprise face aux gros. Six points dans ce groupe est le total minimum que j’espérais, car deux victoires contre le Spartak étaient, selon moi, une obligation pour espérer une qualification en Conference League. Finalement, ils s’en sortent bien aussi, donc j’espère au minimum un match nul contre Leicester et une victoire à domicile contre Moscou.

CCS : Ne penses-tu pas que le Legia peut finir 2e du groupe ?

Dariusz : Deuxième, non, même si je le souhaite, mais troisième, oui, surtout qu’il nous reste un match à domicile contre le Spartak, à qui on aime bien mettre des buts à la 90e minute ! (rire, ndlr)

CCS : Le Spartak Moscou a gagné face au Napoli, la première place reste donc accessible si le Legia récolte quatre points lors des deux dernières rencontres.

Dariusz : Honnêtement, je veux et dois rester positif pour mon club, mais prendre un point demain et trois contre le Spartak reste du domaine de l’impossible si nous jouons comme nous le faisons en Ekstraklasa.

CCS : Veux-tu rajouter une dernière chose ?

Dariusz : Il ne faut pas perdre espoir, le club rebondira et la saison prochaine sera historique aussi, dans le bon côté cette fois-ci (rire, ndlr) ! Espérons le surtout pour tout les supporters qui vont au stade et qui sont juste incroyable avec leurs chants et tifos. D’ailleurs petite dernière précision, Stanko Svitlica, ancien joueur du Legia, a déclaré dans les médias que Mioduski et les personnes qui travaillaient avec lui ne connaissaient rien au foot.

CCS : Penses-tu que cela va avoir une répercussion ?

Dariusz : Non, aucune.

CCS : Pourquoi ? Parce que Mioduski s’en fiche ?

Dariusz : Parce que rien n’atteint Mioduski et surtout, parce qu’il n’en fait qu’à sa tête.

La joie des Varsoviens sur le but de Mahir Emreli, lors du match aller en Pologne face à Leicester. (dannie-walt.blogspot.com)

Merci à Dariusz, CM du compte français du Legia Varsovie, de nous avoir accordé autant de temps afin de comprendre les graves problèmes que traverse le club le plus titré d’Ekstraklasa. Rendez-vous donc ce soir à 21h00 pour le déplacement du Legia Varsovie à Leicester. L’aller avait été remporté par les Polonais sur le score de 1 à 0, attendons-nous à un match tendu, où les deux équipes auront beaucoup à jouer.

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