« J’ai joué au hockey non pas par revanche, mais pour gagner du respect. Ca me rendrait très heureux d’être remémoré avec du respect. » Gordie Howe
Contemporain des Jean Béliveau, Maurice Richard, Stan Mikita ou bien Bobby Hull, il y a des joueurs qui, durant leur carrière, parviennent à marquer le jeu sur une ou deux décennies. Gordie Howe était fait d’un autre bois et a marqué la Ligue Nationale de Hockey sur pas moins de cinq décennies ! « Quand on est jeune tout le monde a une idole et Gordie Howe fut la mienne. Par bonheur, j’ai eu la chance de le rencontrer et je ne fus pas déçu. Il était comme je l’avais rêvé ! » Ces paroles sont d’un certain Wayne Gretzky, à l’époque jeune supporter des Red Wings de Detroit. Surnommé « Mr Hockey », Howe était un mélange de toutes les catégories nécessaires pour un hockeyeur, un « Gordie Howe hat trick » pour exemple est le fait de réussir de nos jours, dans un seul match, à marquer un but, réaliser une assistance et de jeter les gants pour mettre les choses au clair avec un membre de l’équipe adverse. Retour sur la carrière d’une force de la nature souvent citée dans la discussion du meilleur de tous les temps.
1928 – Floral (Saskatchewan) 🇨🇦
Gordie Howe né le 31 mars 1928 dans la province du Saskatchewan à Floral une petite commune rurale au sud-est de Saskatoon. Enfant de famille très modeste de neuf enfants, les parents déménagent très vite après sa naissance à Saskatoon afin d’essayer d’améliorer leur niveau de vie, son père devenant agent communal. Malgré les efforts de ses parents pour nourrir la famille, Gordie présente des carences en calcium et doit travailler son corps additionné à des prises de vitamines. Sa première paire de patin est un fruit du hasard. Un jour une femme frappe à la porte des parents de Gordie et propose de vendre des patins pour 2$, affaire conclue. L’histoire est en marche.
1943 – Saskatoon Lions (Ligue Junior du Saskatchewan) 🇨🇦 et Omaha Knights (USHL) 🇺🇸
Comme la plupart des jeunes de son âge Gordie Howe développe sa passion du hockey en passant son temps à jouer sur les terrains glacés proches de chez lui et s’inscrit dans le club école de sa ville. Invité par les Rangers de New York à l’âge de 15 ans à un camp d’entraînement situé à Winnipeg, Howe ne convainc pas, retourne à Saskatoon et rejoint les Saskatoon Lions dans la ligue junior de la province. Désireux de rejoindre le monde professionnel il retourne à un camp d’entraînement organisé par les Red Wings de Detroit à la fin de sa première saison chez les Lions et, ayant tapé dans l’oeil de Jack Adams, président des Wings, s’en va signé chez les Galt Red Wings en AHO (Association de Hockey de l’Ontario). Agé de 16 ans à peine en 1944 il est trop jeune pour évoluer au sein des matchs officiels de son équipe et doit attendre 1945 pour signer enfin son premier contrat pro avec les Omaha Knights en USHL (United States Hockey League), franchise affiliée aux Red Wings de Detroit. Il enregistre 48 points dont 22 buts en 51 matchs et démontre toute l’étendue de son talent. Jack Adams ne reste pas à l’affût longtemps et décide de le signer au sein des Red Wings de Detroit, tout fraîchement éliminé par les Bruins de Boston en demi-finale de Coupe Stanley.

1946 – Detroit Red Wings, les début dans la Ligue Nationale de Hockey 🇺🇸
C’est lors de la saison 1946/1947 que Gordie Howe fait ses débuts à 18 ans face aux Maple Leafs de Toronto, inscrit un but et se bagarre deux fois. Belle production ! Etant un des joueurs les plus physiques de la Ligue, Howe ne s’impose pas lors de sa première saison et ne récolte que 22 points dont 7 buts en 58 matchs. Un de ses faits marquants reste son K.O. donné à Maurice Richard lors d’une altercation en un seul coup de poing. Sa réputation de bagarreur commence à monter dans la Ligue. Dès sa deuxième saison Gordie Howe passe à un niveau supérieur et forme aux côtés de Sid Abel et Ted Lindsay un trio létal surnommé la « Production Line ». Malgré tout ce sont les Toronto Maple Leafs de Turk Broda et Ted Kennedy qui les empêchent de soulever le Coupe Stanley en 1948 et 1949. Nerveux et caractériel, Howe jette les gants pour un oui ou pour un non ce qui fait réagir son président Jack Adams : « […] tu as prouvé que tu pouvais battre les joueurs les plus coriaces de la Ligue Nationale. Maintenant est tu capable de jouer au hockey ? ». Un mal pour un bien, cette déclaration fait réagir positivement l’ailier canadien et ce dernier prendra sur lui le reste de sa carrière (pas tout le temps non plus, faut pas déconner).

1950 – Première Coupe Stanley sans jouer, premier trophée Art Ross
La « Production Line » domine la Ligue lors de la saison 1949/1950, les trois joueurs finissent aux trois premières places des meilleurs pointeurs avec Lindsay à 78 points, Abel à 69 et Howe à 68. Le tout en 70 matchs et non 82 à l’époque. Voulant mettre en échec Ted Kennedy des Maple Leafs au premier tour des séries, Howe percute la bande avec la tête, reste inconscient et doit rester hors de la glace pour le reste de la saison, son séjour à l’hôpital lui évite la mort, une hémorragie cérébrale ayant été détectée, ajoutez à cela un nez cassé, une pommette brisée et un œil droit endommagé, rien que ça ! Les Red Wings remportent néanmoins la Coupe Stanley face aux Rangers de New York de Chuck Rayner et son nom figure parmi les vainqueurs. Une première au goût amer pour le natif du Saskatchewan, mais une première Coupe quand même !

Revenu au jeu la saison suivante les Red Wings se font éliminer par les Canadiens de Montréal de son rival Maurice Richard mais Howe réussi l’exploit de battre le record de points inscrits sur une saison de Herb Cain en l’améliorant de quatre points le passant de 82 à 86 points (toujours en 70 matchs rappelons le) et remporte de fait son premier trophée Art Ross et, spoiler alert, remportera ce dernier les trois saisons suivantes. Detroit brise également le record du nombre de victoires en régulière avec 44 et totalise 101 points.
1952 – Deuxième Coupe Stanley et premier trophée Hart
Une future légende des Red Wings fait ses débuts à Detroit lors de la saison 1951/1952 en la personne d’Alex Delvecchio. Les Wings réalisent une saison parfaite lors de cette saison en finissant premier de la Ligue et en balayant les Maple Leafs et les Canadiens en séries. Howe remporte son premier trophée Hart de meilleur joueur de la saison et prend sa revanche sur le duo Béliveau/Richard de Montréal qui les avait éliminé la saison précédente au premier tour et soulève enfin la Coupe Stanley en ayant joué. Terry Sawchuk quant à lui remporte le trophée Vézina. Une véritable razzia. La saison suivante Sid Abel quitte Detroit pour les Black Hawks de Chicago et c’est Alex Delvecchio qui le remplace aux côtés de Linsay et Howe. Ce dernier bat son propre record de points lors de la saison 1953/1954 avec 95 points dont 49 buts mais Detroit chute face aux Bruins de Boston de Milt Schmidt au premier tour.

1954 et 1955 – Le doublé, la troisième et quatrième Coupes Stanley
La saison 1953/1954 est une nouvelle razzia pour les Red Wings de Detroit, premiers de la ligue pour la sixième année consécutive, le trophée Hart et Art Ross pour Howe, le trophée Vézina pour Sawchuk et le tout premier trophée Norris de l’histoire pour Leonard « Red » Kelly. Les séries se terminent au bout du suspense par un but salvateur de Tony Leswick lors de la prolongation du septième match qui permet aux Red Wings de remporter un troisième succès en cinq ans. La saison suivante c’est un doublé qui est réalisé par Detroit qui remporte une nouvelle victoire en finale face à des Canadiens amputés de Maurice Richard suspendu jusqu’à la fin de saison à cause d’une altercation avec le défenseur Hal Laycoe des Bruins de Boston qui engendrera par ailleurs des émeutes au Québec en contestation de la décision de Clarence Campbell, commissaire de l’époque, de suspendre l’idole québécoise, mais ça, c’est une autre histoire.

1957 – Des records en pagaille malgré l’hégémonie du Canadien de Montréal
De la saison 1955/1956 jusqu’à la saison 1970/1971, c’est à dire seize saisons, les Canadiens de Montréal des Jean Béliveau, Maurice Richard, Henri Richard, Jacques Plante ou bien Claude Provost remportent dix titres sur cette période ne laissant que des miettes à leurs concurrents. Néanmoins c’est au niveau individuel que Gordie Howe fait parler de lui. C’est à la fin 1957 qu’il délivre sa 409ème assistance lui permettant de battre le record de la Ligue Nationale. Le 3 mars 1959 est un jour spécial, le « plus beau cadeau de sa vie », lorsqu’il reçoit une voiture lors d’une soirée spéciale pendant un match. Rien d’extraordinaire me diriez-vous jusque là sauf que ses parents s’y trouvent à l’intérieur. C’est la toute première fois qu’ils viennent à voir un match de leur fils prodige, treize ans après ses débuts chez les Red Wings. Gordie Howe est ému, une image rare.

Lors de la saison 1959/1960, au mois de janvier, « Mr Hockey » devient le meilleur pointeur de l’histoire en enregistrant son 967ème point lui permettant de dépasser les 966 points de Maurice Richard, éternel rival, et remporte par la même occasion un nouveau trophée Hart, son cinquième, nouveau record. La saison suivante c’est un 27 novembre 1960 dans une victoire face aux Leafs que Gordie Howe dépasse la symbolique barre des 1000 points. Trois ans plus tard il bat un nouveau record, celui des 544 buts marqués par Maurice Richard (décidément) en novembre 1963, à 35 ans. Cette même saison, lors des séries, il marque un doublé lui permettant d’inscrire son 127ème point (en 122 matchs) et devient le meilleur pointeur de l’histoire des séries éliminatoires. Des records en pagaille vous dit-on !

1971 – L’heure de la retraite a sonné… ou pas !
Depuis sa dernière victoire en Coupe Stanley en 1955, Gordie Howe et ses Red Wings échouent cinq fois en finale en 1956 (Canadiens), 1961 (Black Hawks), 1963 (Maple Leafs), 1964 (Maple Leafs) et 1966 (Canadiens) mais depuis la saison 1966/1967 les qualifications en séries sont aux abonnées absentes et « Mr Hockey » vieilli. C’est lors de la saison 1968/1969 qu’il réalise sa meilleure performance statistique tout du moins avec un total de 103 points dont dont 44 buts en 76 matchs, à 40 ans ! Oui, Gordie Howe est infatigable et reste toujours dans les discussions à la course au trophée Hart. Malgré tout il annonce sa retraite à la fin de la saison 1970/1971 dû à des problèmes d’arthrite aux poignets et profite lors de cette dernière saison de dépasser la barre des 1000 assistances en carrière. L’histoire retient qu’il compose, à 43 ans, la « Production Line II » en compagnie d’Alex Delvecchio et Frank Mahovlich, ancien adversaire au Leafs.

A ce moment là de sa carrière Gordie Howe est détenteur des records de points (1809), de buts (786), d’assistances (1023) et de matchs joués (1687). En 1971 il est élu Officier de l’Ordre du Canada puis un an plus tard en 1972 les Red Wings retirent son numéro 9 et il est intronisé au Temple de la Renommée. Une légende quitte le monde du hockey, mais rien n’est moins sûr…
1973 – Houston Aeros et New England Whalers (AMH) 🇺🇸
Créée en 1971 l’AMH (Association Mondiale du Hockey) ou WHA en anglais, se présente en tant que concurrente à la LNH. En 1973 Gordie Howe décide de sortir de sa retraite et de s’engager, à 45 ans chez les Houston Aeros en compagnie de Mark et Marty, ses deux fils. Cette saison est un succès pour les Aeros qui remportent le titre AMH. Howe « père » n’est pas en reste et inscrit 100 points dont 31 buts et remporte le trophée Gary L. Davidson qui récompense le meilleur joueur de la ligue. D’ailleurs ce trophée est renommé dès la saison suivante le trophée Gordie Howe. Les deux saisons suivantes il inscrit encore 99 points et réalise le doublé avec les Aeros puis 102 points mais ne remporte pas de trophée en 1976. Il rejoint ensuite les New England Whalers en 1977 à 49 ans. Ce sont les Jets de Winnipeg et les Nordiques de Québec qui se partagent les titres AMH entre 1976 et 1979.

« Ils avaient jouer genre quatre matchs en sept jours et Neale dirigeait un entraînement optionnel. Gordie s’est pointé sur la patinoire et Neale lui a dit : « Qu’est ce que tu fais là ?? » et Howe de lui répondre « Non, non, je dois m’entraîner ». Harry Neale devait cacher ses patins à 50 ans pour qu’il prenne un jour de repos. » Wayne Gretzky racontant une anecdote de Harry Neale, entraîneur de Howe aux Whalers

1979 – Hartford Whalers, the Last Dance 🇺🇸
Les New England Whalers devenus Hartford Whalers sont intégrés à la Ligue Nationale de Hockey en 1979 en compagnie des Oilers, Jets et Nordiques ce qui permet à Howe de revenir jouer dans la meilleure ligue au monde à 50 ans ! Neuf années après sa retraite annoncée chez les Red Wings de Detroit. En dépit de son âge avancé il réalise néanmoins une saison correcte en compilant 41 points dont 15 buts en 80 matchs.

« Howe m’a fait un jour une passe aveugle car il avait vu ma réflexion sur la vitre » Nick Fotiu, coéquipier aux Whalers
Gordie Howe c’est un total de quatre Coupes Stanley, six trophées Hart, six trophées Art Ross, 32 saisons professionnelles dont 25 chez les Red Wings de Detroit et 1850 points inscrits en carrière dont 801 buts, 22 Matchs des Etoiles, 12 NHL First Team et 9 NHL Second Team. Des chiffres mirobolants et des records. Une véritable légende qui impressionnait ses adversaires par son QI hockey mais aussi par sa capacité à s’imposer le long de la bande. Son record de matchs joués a été récemment battu par Patrick Marleau mais celui de 26 saisons jouées en LNH sera difficile à battre. Buteur, passeur, bagarreur, Gordie Howe est le hockeyeur complet par excellence, un ailier intelligent, une force de la nature, un physique qui défia le temps. Il rejoue en 1997, à 69 ans, pour un match officiel de Ligue Internationale de Hockey avec les Detroit Vipers et établit un nouveau record d’avoir joué sur six décennies différentes. Il nous a quitté en 2016 à l’âge de 88 ans en perdant une rare bataille contre la maladie. En mémoire de sa personne un pont reliant la ville de Windsor dans province de l’Ontario au Canada et la ville de Detroit dans l’état du Michigan aux Etats-Unis fût construit et nommé le « Gordie Howe International Bridge », tout un symbole.
Palmarès de Gordie Howe
Ligue Nationale de Hockey
- 🏆🏆🏆🏆 Coupes Stanley (1950, 1952, 1954, 1955)
- 🥈🥈🥈🥈🥈🥈🥈Finales de Coupes Stanley (1948, 1949, 1956, 1961, 1963, 1964, 1966)
- 🏆🏆🏆🏆🏆🏆 Trophées Hart (1952, 1953, 1957, 1958, 1960, 1963)
- 🏆🏆🏆🏆🏆🏆 Trophées Art Ross (1951, 1952, 1953, 1954, 1957, 1963)
- 🌟🌟🌟🌟🌟🌟🌟🌟🌟🌟🌟🌟 NHL First-Team
Association Mondiale de Hockey
- 🏆🏆 Trophée Mondial Avco (1974, 1975)
- 🏆 Trophée Gary L. Davidson (1974)
