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Bust en NBA N°3 : Ellison ou le chemin vers l’oubli

Pour bien démarrer l’année, le CCS vous propose la suite de votre mini-série favorite sur les busts en NBA. Au menu d’aujourd’hui, l’histoire énigmatique de Pervis “Never Nervous” Ellison. Après avoir survolé la NCAA, il n’a jamais pu imposer sa loi sur les parquets NBA. Un récit classique de bust de draft qui révèle une nouvelle fois la difficulté à parier sur l’avenir et à anticiper le potentiel d’un joueur pour les franchises NBA. Un début de carrière en boulet de canon qui n’a finalement abouti qu’à une fin de carrière dans l’anonymat. Une étoile qui brillait de mille feux et qui s’est éteinte plus vite que l’on espérait. Pire choix de l’histoire ou simplement potentiel inexploité ?

Le rêve éveillé

La domination lycéenne

Natif de Savannah en Géorgie, le jeune Pervis éclabousse de son talent les parquets lycéens devenant à l’occasion un « McDonalds All-American ». Avec son physique de mante religieuse, Ellison règne sur les raquettes lycéennes. Il attire inévitablement l’œil des recruteurs universitaires. Lors du premier match lycéen de la saison 1984-1985, Wade Houston, adjoint aux Cardinals de Louisville, raconte : « Le préposé à la porte n’a laissé personne d’autre entrer. J’ai donc brandi ma carte de visite qui disait « Université de Louisville ». Quand il a vu cette carte de visite, il a ouvert la porte. Il y avait d’autres personnes qui essayaient d’entrer derrière moi, mais il a fermé la porte. »

Comme tout le monde dans la salle pleine à craquer, il était venu admirer les exploits du jeune joueur en ce début de saison. Avec plus de 40 points et plus de 10 contres, le senior a fait parler son talent. Wade Houston, incrédule face à ce qu’il venait de voir, décida de garder le silence. Il ne veut pas ébruiter la pépite qui l’avait devant les yeux. « J’ai juste essayé de minimiser autant que possible et de ne pas faire savoir à beaucoup de gens que j’allais à Savannah. »

Pervis Ellison sous le maillot des Cardinals – Pinterest

En effet, stratégie payante, Pervis signe avec les Cardinals à l’été 1985. Pour Houston, il était le profil idoine, qui collait parfaitement à la stratégie du coach Crum. Longiligne (2 mètres 06), habile et contreur, il n’a aucun mal à s’adapter au niveau supérieur dès sa première année universitaire. Le programme universitaire est, à l’époque, un des plus réputés du pays.

Décollage universitaire

Après un titre en 1980, deux « Final Four » en 1982 et 1983, Louisville a assis sa réputation dans le monde universitaire. Pervis Ellison rejoint la « Camden connection » constitué de trois anciens élus du « McDonalds All-American ». Cette armada, à en faire pâlir de l’armée de Xerxès face aux Spartiates, entame la saison universitaire avec l’intention de remporter le championnat national. « J’ai vu ce que nous avions l’année précédente et la meilleure classe de recrutement dans laquelle nous étions. J’avais l’impression que nous avions la chance de gagner un championnat national. » témoigne Wagner, membre de la « Camden Connection ».

Ce sentiment devenant réalité, l’équipe de Louisville remporte le championnat NCAA en 1986. Avec en prime, un titre de meilleur joueur du tournoi pour Ellison. Il devient le premier étudiant de première année depuis 1944 à obtenir cette distinction. Les Cardinals connaissent un parcours sans embûche avec un bilan de 26-7 pour arriver en playoffs et un titre de « Metro Conference ».

« Nous avions à peu près l’impression de pouvoir jouer avec n’importe qui »

Wade Houston

« Never Nervous Pervis »

Lors de la finale mythique contre le Duke de « Coach K », Ellison noircit la feuille de statistiques avec 25 points, 11 rebonds et des contres en pagaille. Pourtant, les Blues Devils arrivent en conquérant dans cette finale, forts de leur 33-2 et d’une équipe rodée aux joutes des matchs couperets. Mais, après un match serré tout le long, c’est le jeune rookie de Géorgie qui va faire pencher la balance en faveur de son équipe avec des lancers décisifs. Les Cardinals s’imposent finalement 72-69, les lancers marqués par Ellison confirmant ainsi son surnom « Never Nervous Pervis ».

Il entre alors dans la cour des grands. Il s’assoit désormais à la table des monstres qui peuplent le basket NCAA en cette période (Ewing, Jordan, Drexler, etc.).

Les trois années suivantes, Pervis continue sa moisson et obtient d’autres titres individuels. Il confirme ainsi son statut d’un des tous meilleurs joueurs de NCAA. Cependant, les Cardinals ne participent pas au tournoi final en 1987. Ils atteignent péniblement le « Sweet 16 » les deux années suivantes. Mais la réputation du gamin de Savannah ne désemplit pas et il s’approche de la Draft 1989 avec ambition.

Entre déceptions et étincelles

Une fois les paillettes du titre de 1986 retombées, les années suivantes sont plus compliquées pour le jeune Pervis. Néanmoins, il garde une côte importante à l’approche de la Draft 1989. Les observateurs sont plus sceptiques sur le niveau du joueur de Louisville. Malgré des saisons respectables, il n’arrive pas à reproduire la domination de la saison victorieuse. Plus que son niveau intrinsèque, la concurrence, surtout celle venue d’Europe, semble plus mature. Leur bagage technique plus complet « fit » mieux avec le jeu NBA. Pour Maty Blake, patron du scouting NBA, des joueurs comme Vlade Divac ou Arvydas Sabonis s’annoncent plus à même de rivaliser en NBA que le gamin de Savannah.

Faux-départ

Au soir du 27 juin 1989, les Kings de Sacramento choisissent Pervis « Never Nervous » Ellison en première position. Le début de la fin pour le jeune Pervis. Lors de son année rookie, il ne joue que trente-quatre matchs. Il ne laisse qu’un festival de dunks manqués et de « briques » à la postérité. Pire que Stars Wars « Next Génération », le jeune joueur est une véritable déception. Certains scouts NBA avaient prévenu bien en amont. Lors de cette saison, il obtient des moyennes de 8 points à 44 % aux tirs, 5,8 rebonds, 1,9 passes et 1,7 contres par match, bien loin des standards attendus par un choix numéro un de draft.

Pervis face aux Bulls dans son année de rookie – The Sports Drop

En comparaison, le 26ème choix, Vlade Divac réalise les mêmes statistiques avec beaucoup moins de temps de jeu. Limité par les blessures, il ne réussit pas à assumer son statut. Facétieux, Danny Ainge le surnomme même « out of service Pervis ». Peu flatteur, le tir sans sommation de l’arrière des Celtics sonnait comme une prémonition.

Un rebond miraculeux

Après cette année médiocre, l’ancien des Cardinals, Wes Unseld, va lui donner une seconde chance. Il l’enrôle avec les Washington Bullets, il croit encore à ses qualités brutes, son envergure, sa mobilité, son sens du contre et son sang-froid à toute épreuves. S’ouvrent alors les portes d’un nouveau départ, sa brève aventure aux Kings oubliée, il va renaître avec l’équipe de la capitale. La saison 1990-1991 est la saison de l’acclimatation. Pervis se fond dans la rotation des Kings et commencent à prendre des responsabilités au côté de Bernard King, la machine à scorer locale. Soixante-seize matchs plus tard, plus grosse saison en carrière, le sophomore finit l’année avec une moyenne en progression (10,4 points, 11,2 rebonds et 2,1 contres par match). Surtout, le jeune joueur s’épanouit dans le collectif de cette équipe, au point de sentir que sa carrière NBA venait (enfin) de démarrer.

Ellison avec la tunique des Bullets – Fan of mediocrity

A l’aube de la saison 1991-1992, la star des Bullets, Bernard King, est blessé au genou. Il sera absent l’ensemble de la saison. L’occasion rêvée pour le coach Unseld de donner des responsabilités à son nouveau poulain. En effet, il tourne le jeu de son équipe autour d’Ellison, reposant son attaque et sa défense autour de l’ancien pivot des Cardinals. Pervis saisit l’occasion. Il réalise sa meilleure saison NBA avec une ligne de stats digne d’un first pick de draft. Un costaud, 20 points, 11,2 rebonds et 2,7 contres par match lui donne un nouveau crédit au sein de la grande ligue. La machine est lancée. Il récolte de nombreux votes pour le match des étoiles. Ellison termine troisième pour le poste de pivot. Mieux encore, la reconnaissance tombe à la fin de l’année avec le titre de MIP (Most Improved Player) pour la saison 1991-1992.

Un long désert

Point d’orgue de sa carrière, ce titre et cette magnifique saison ne retrouveront pas d’équivalent tout au long de son expérience NBA. Des genoux récalcitrants viennent casser toute dynamique positive. La perte de confiance progressive de Wes Unseld marque la fin de cette belle idylle avec le club des Bullets. Durant les deux saisons qui suivent son titre individuel, l’ex-King connaît une baisse statistique monumentale. Il passe de 20 points par match à 7,2 points à la fin de la saison 1993-1994. Cette dernière croisade signe la fin de la relation avec la franchise de la capitale.

En guise de rebond, l’ancien étudiant de Louisville traîne son talent mais surtout ses blessures vers le Massachusetts et les Boston Celtics. Il y poursuit sa carrière en tant que role player se limitant à un second rôle bien loin des projecteurs de sa carrière universitaire. Utile quand il joue, ses apparitions se font de plus en plus rares. Il ne dispute que soixante-neuf matchs sur les deux cent quarante-huit possibles. Finissant sa carrière dans un anonymat glacial, il est la preuve vivante qu’un first pick n’est jamais une assurance. Le plus souvent, c’est un coup de poker.

ÉPILOGUE

Après avoir péniblement terminé au Seattle Supersonics, Ellison ne peut quitter le basket, ce sport qui lui a tant donné. Les genoux fatigués, il entame alors sa nouvelle vie. Désormais, il coach pour le Life Center Academy du New Jersey. Pervis veut rendre un peu à ce sport qui lui a tout apporté. Il accompagne alors des jeunes joueurs, dont ses enfants, pour leur permettre d’atteindre un niveau que lui ne connaîtra jamais.

Pire choix de l’histoire ? Malgré un plancher assez faible, Pervis a quand même réussi à faire une carrière NBA. Potentiel inexploité ? Ses blessures récurrentes, la difficulté à enchaîner les matchs ont sans doute biaisé l’analyse post-carrière. Aux Bullets, lorsqu’il a évolué en confiance (celle de Wes Unseld) avec des responsabilités en attaque, il nous a, malgré tout, gratifié de belles saisons. Cependant, le bilan global reste famélique. Obligé de constater que son plafond de verre avait été franchi beaucoup trop tôt. Une carrière NBA ne peut reposer trop longtemps sur un écran de fumée, si beau soit-il. Erreur de casting, blessures et le côté first pick en font incontestablement un des pires choix de draft de l’histoire.

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