Bundesliga

Trois décennies après la réunification, où en est le football est-allemand ?

Ce mercredi 19 janvier 2022, le Rasenballsport Leipzig affronte le Hansa Rostock en 8ème de finale de Pokal. Au-delà d’une confrontation entre un club de 1ère et de 2ème division allemande, c’est surtout celle entre 2 clubs d’ex Allemagne de l’Est. Et pourtant, l’avènement du RB Leipzig en Bundesliga en mode quasi-conte de fée est à mettre en opposition avec la chute des autres clubs du secteur. Comment en est-on arrivé là ?

SSV Markanstädt & Sportclub Empor Rostock, destins croisés

Il y a encore quelques années, une rencontre comme celle de ce soir aurait pu se dérouler. Néanmoins, les protagonistes auraient porté d’autres noms. Le RB Leipzig serait rentré sur la pelouse sous le nom de SSV Markanstädt. Quant au FC Hansa Rostock, il aurait pu s’appeler BSG Empor Lauter ou Sportclub Empor Rostock. Ce sont les noms qu’il a portés avant de prendre le nom de FC Hansa Rostock en 1965.

En effet les débuts du club sont compliqués. Il est tout d’abord dissous à l’issue de la seconde guerre mondiale. Par la suite, le FC Hansa Rostock change plusieurs fois de nom, notamment à cause de décisions gouvernementales. L’état commence par le renommer BSG Empor. Comme toutes les associations sportives représentant une industrie du pays, ici le commerce et l’industrie alimentaire.

Mais il est également déplacé en plein milieu de la saison 1954-1955, quittant la Saxe – dans le Sud, pour Rostock tout au Nord du pays. En effet, l’état cherche à mettre en place des centres d’excellence sportive dans chaque région. Rostock étant la plus grande ville du Nord du pays, il est logique qu’elle en ait un.

En RDA, le FC Hansa Rostock appartenait aux clubs jouant régulièrement en première division. En effet, il est classé 14ème du classement éternel de l’Oberliga, équivalent est-Allemand de la Bundesliga. Sur toute la période de l’Allemagne divisée il s’est très régulièrement classé second du classement, notamment lors des débuts du championnat. Entre 1954 et 1964, il finit cinq fois à cette place. Cela lui vaut d’ailleurs le surnom d’éternel second.

Le FC Hansa Rostock lors du match précédent de Pokal remporté face à Heidenheim (Jens Büttner/dpa)

Mais grâce à ses bons résultats, le Hansa Rostock est alors à de rares occasions un club européen. Jamais titré en championnat en RDA alors que l’Allemagne est divisée, il est le dernier champion d’un championnat aujourd’hui disparu. En effet, lors de la saison 1990-1991 alors que l’Oberliga vit ses dernières heures, le Hansa Rostock est sacré pour la seule et unique fois de son histoire en championnat et en coupe nationale. Ce faisant, il obtient automatiquement une place dans la Bundesliga réunifiée.

La suite de l’histoire est moins belle. Après une saison dans l’élite, le Hansa Rostock chute en seconde division. Il remonte rapidement pour mieux chuter en 2ème division en 2005 puis 3ème cinq ans plus tard. Ce n’est qu’à la fin de la saison 2020-2021 qu’il remonte en 2. Bundesliga, et se bat pour l’instant pour y rester.

Le RasenBallsport Leipzig va suivre le chemin inverse. Jusqu’en 2009 le RB Leipzig n’existe pas en tant que tel. Pourtant la firme Red Bull cherche à s’implanter dans le football allemand. Après avoir essuyé plusieurs refus de clubs en première et deuxième divisions, elle s’attaque au SSV Markränstadt. Ce club de 5ème division a alors une histoire moins importante que celles des clubs qui les intéressaient auparavant et dont les supporters s’étaient battus pour sauvegarder l’identité.

Ils vont supprimer toute l’identité de ce club situé dans la banlieue de Leipzig et le renommer RB Leipzig. Ici, RB n’est pas pour Red Bull mais pour RasenBallsport : « sport de balle sur gazon ». En effet, la DFB interdit le naming des noms de clubs. Néanmoins, tout est aux couleurs Red Bull : logo, sponsor maillot, nom du stade et même les couleurs. Et il ne cherche pas à faire briller le secteur. Il est un projet marketing dont la plupart des joueurs viennent de ses clubs satellites ou sont des jeunes pépites d’autres clubs, mais pas de la région. Difficile ainsi pour la population locale de s’intéresser dans un premier temps au club qui en plus ne respecte pas le 50+1.

Le RB Leipzig créé grâce au rachat du SSV Markränstadt en 2009 et bien établi en Bundesliga (IMAGO)

Les deux clubs se rencontrent uniquement à deux reprises dans l’histoire. C’est lors de l’avènement de Leipzig en 3. Liga. Lors de la saison 2013-2014, ils sont en effet tous les deux dans cette division. Au cours de cette saison, ils gagnent chacun une de leurs confrontations.

Pourtant, entre le RB Leipzig et le RC Hansa Rostock, c’est bien le Hansa qui représente le mieux l’état actuel du football d’ex RDA, qui a une absence de représentants en Bundesliga entre la descente de l’Energie Cottbus en 2009 et la montée de l’Union Berlin en 2019. La faute à une organisation bien différente entre le football en RDA et RFA.

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Le football en RDA

En RDA, un championnat voyait s’affronter tous les ans 14 clubs : la DDR-Oberliga. Au sein de celui-ci, le Berliner FC Dynamo, club détenu par le responsable de la Stasi était le plus puissant. Bien aidé par le gouvernement dont il était le symbole, il était leur outil de propagande principal. Il est d’ailleurs le club le plus titré (10) devant le Dynamo Dresden (8).

Mais les dirigeants politiques ne se contentaient pas d’orienter les résultats. Ils organisaient le football au gré de leurs envies. Ainsi, ils pouvaient créer des clubs et les mettre dans les divisions qu’ils souhaitaient. Ils déplaçaient également des clubs comme ce fut le cas pour le Hansa, transféraient les joueurs d’un club à un autre, ou encore changeaient les modèles. Les clubs appartenaient tout d’abord à des entreprises ou des corps de métiers. Par la suite, ils étaient indépendants mais tout de même pilotés par l’Etat. Et à chaque changement de gestion du club, ils changeaient de noms rendant parfois leurs histoires difficiles à suivre.

Les clubs de l’Est étaient présents en compétition européenne, l’occasion de montrer leur niveau à l’Europe. Après des débuts difficiles, les équipes se rendent régulièrement en quart et demi-finales dans les années 1970. Le plus gros succès reste la victoire du 1. FC Magdeburg en coupe des vainqueurs de coupe en 1974. Ils battent à cette occasion l’AC Milan 2-0 en finale.

Le 1. FC Magdeburg vainqueur de la Coupe des Vainqueurs de coupe en 1974

Mais la RDA veut également exister au niveau de l’équipe nationale. Portée par des clubs aux bons résultats, l’équipe de RDA veut montrer qu’elle est capable de concurrencer les autres pays, notamment la RFA, vainqueur imprévu de la coupe du monde 1954 au cours d’une finale qualifiée de Miracle de Berne. L’une des grandes pages de son histoire se déroule également en 1974, lorsqu’elle bat la RFA 1-0 en match de poules lors de la coupe du monde. L’exploit est d’autant plus retentissant que l’organisateur est l’Allemagne de l’Ouest et qu’elle les bat devant son propre public à Hambourg. Ce sera la dernière confrontation entre les deux pays.

Preuve de son bon fonctionnement, elle s’impose 2 ans plus tard, aux Jeux-Olympiques de Montréal en 1976. Pour cela, elle bat la Pologne 3-1 en finale. Néanmoins, son apparition en coupe du monde reste un épiphénomène. L’Allemagne de l’Est ne parvient plus jamais à se qualifier pour l’une d’entre elles, finissant régulièrement 3ème de sa poule. Et plus le temps avance, plus elle doit faire face à la fuite de ses talents et joueurs pour l’Ouest. Entre les passages à l’Ouest, les tentatives et les soupçons sur certains des joueurs, elle compte de nombreuses pertes parmi ceux-ci dans les années 80.

La chute du football Est-Allemand

La chute du mur de Berlin est l’événement qui a conduit à la chute au passage du football est-allemand. Après le dernier championnat (sous un autre nom) en 1990-1991 remporté par le Hansa Rostock, Bundesliga et Oberliga fusionnent. Néanmoins, il ne s’agit pas d’une réelle fusion, mais plutôt d’une absorption de l’Oberliga par la Bundesliga. Et celle-ci a des effets dévastateurs immédiats sur tout un pan du sport allemand.

En effet, seules deux places sont disponibles en Bundesliga pour l’ensemble des clubs de l’ancienne Oberliga, renvoyant automatiquement les autres vers les divisions inférieures. De plus, il n’y a que 6 places en 2. Bundesliga. Les équipes classées 3 à 6 de Bundesliga y sont qualifiées, les 2 places restantes se jouent en barrages entre les équipes 7 à 12 et les 2 champions des deux groupes de l’ex DDR-Liga, la deuxième division de RDA. Ainsi sur la trentaine de clubs en 1ere et 2eme divisions, seuls 8 se retrouvent dans les deux nouvelles divisions. Tous les autres sont relégués en 3ème division voir en dessous. C’est par exemple le sort que subit le 1. FC Magdeburg qui repart de 3ème division.

Le Hansa Rostock champion de RDA en 1991, ce qui lui offre une place en Bundesliga la saison suivante

Mais devoir se battre pour remonter n’est pas l’unique défi auquel font face les clubs d’ex-RDA. En effet, pendant des années, les clubs de football fonctionnaient sur un modèle soviétique. S’ils n’étaient pas financés par des sponsors, l’état les aidait grandement. C’était notamment le cas car en pleine guerre froide, le sport était l’un des nombreux moyens de montrer sa domination sur l’autre bloc. La chute du mur et la réunification va mettre fin à ce modèle dans le sport soviétique.

Les clubs est-allemands face au capitalisme

D’abord financés par des subventions, celles-ci vont peu à peu diminuer. Avec leur arrêt, les clubs d’ancienne Allemagne de l’Est se retrouvent subitement face à une grosse problématique de financement et à un modèle capitaliste qui leur est complètement inconnu. Contrairement aux clubs d’Allemagne de l’Ouest, le concept du sponsoring par des grosses entreprises leur est complétement étranger. De plus, ils sont dans une zone où la plupart des entreprises, également détenues par l’état auparavant, sont désormais peu puissantes, peu modernes et font face aux mêmes problématiques. Les anciennes entreprises du secteur ne peuvent donc leur venir en soutien.

En parallèle, aussitôt le mur tombé, la fuite des talents pour l’Ouest continue et s’accentue. Comme beaucoup de leurs concitoyens, les footballeurs se dirigent vers l’Ouest où tout est plus “moderne”. La puissance des clubs et de leurs sponsors n’aident pas. En effet, les meilleurs joueurs se voient offrir des contrats de sponsoring ou des salaires bien supérieurs à l’Ouest. Cet effet est aggravé par le fait que de nombreux clubs restent sur le carreau du fait de la répartition inéquitable dans la nouvelle Bundesliga. Cela a pour effet de vider les anciens clubs de l’Est.

Matthias Sammer sous les couleurs du Dynamo Dresden en 1990 (Camera 4)

Si les clubs ne décrochent pas immédiatement, grâce notamment aux subventions, les premiers gros impacts arrivent dans les années 2000. En effet, dans les années 90, Matthias Sammer né dans le bloc de l’Est est sacré Ballon d’Or. C’est une consécration de la formation de l’Est. Néanmoins, il est à noter qu’il ne joue plus pour un de ces clubs lors de celui-ci, mais à Dortmund. En 2002, une grande partie de l’équipe nationale est encore constituée de joueurs formés à l’Est bien qu’ils ne jouent souvent plus pour les clubs situés dans cette zone.

Mais leur présence en équipe nationale est une vision biaisée de la réalité du football de l’ex-RDA. En effet, avec l’arrêt des subventions, les premières faillites de clubs ayant voulu suivre le rythme et y étant parvenu pendant quelques années se produisent. C’est par exemple le cas du SV Babelsberg qu’a affronté le RB Leipzig en 1/16ème de finale de Pokal il y a quelques mois et désormais en 5ème division suite à une faillite en 2003. Hansa Rostock ne doit son salut qu’à la ville qui a décidé de l’aider lorsqu’il s’est retrouvé face à de grosses difficultés financières. Mais ils ne sont pas des cas à part. Le 1. FC Magdeburg (2002), 1. FC Lokomotive Leipzig (2003), FC Rot-Weiß Erfurt (2018) et Berliner FC Dynamo (2001) ne sont que quelques exemples de faillites de clubs.

L’état actuel du championnat

La chute du mur de Berlin a provoqué une grande refonte du football allemand. Mais alors que les clubs d’Allemagne de l’Ouest ont su s’élever, cela n’a pas été le cas pour ceux de l’Est. Ainsi, actuellement, il n’y a que le 1. FC Union Berlin en Bundesliga. Le club du quartier Köpenick à Berlin est d’ailleurs l’une des excellentes surprises de Bundesliga depuis sa montée en 2019. La situation n’est pas plus belle en deuxième division, il n’y a là-bas que 3 clubs qui y jouent. Les clubs du top 20 du classement éternel de l’Oberliga sont plutôt dans les divisions régionales (4 à 7) que dans celles jouant à l’échelle nationale (1 à 3).

On ne retrouve pas du tout les mêmes résultats sur la Bundesliga. En effet, si l’on prend son classement éternel, 10 de ses clubs sont en Bundesliga. Et le club le moins bien classé est en 3. Liga, bien loin donc des divisions régionales où l’on peut retrouver ceux de l’ex-Oberliga.

Nombre d’équipes du top 20 du classement éternel de l’Oberliga et de la Bundesliga (daté en 2021) en fonction de la division actuelle

Et les clubs présents dans les deux meilleures divisions ne sont pas forcément ceux qui étaient les mieux classés à l’époque. L’Union Berlin oscillait alors entre première et deuxième division et termine 14ème du classement éternel du championnat. FC Erzgebirge Aue était bien classé dans les années 50 avant de devenir un club de milieu de tableau par la suite. Le Hansa Rostock a été présenté plus tôt dans l’article. Seul le SG Dynamo Dresden était un gros club à l’époque, il finit d’ailleurs 3ème du classement éternel. En effet, il est régulièrement titré d’Oberliga. Quant aux deux clubs les plus réguliers sur la période le FC Carl Zeiss Jena et le Berliner FC Dynamo, ils sont désormais tous les deux en 4ème division.

« Ils n’ont tout simplement pas bien fonctionné. Ils croyaient que c’était une question de tradition. Ils ont oublié de travailler sur les choses importantes. »

Steffen Baumgart à propos des gros clubs d’Oberliga dans une interview à Der Standard
Steffen Baumgart, actuel entraineur du 1. FC Köln (Herbert Bucco)

Pour Steffen Baumgart, actuel entraineur du 1. FC Köln né en RDA, ce phénomène est lié au fait que les anciens ont cru que leur nom et leur tradition suffiraient à se maintenir au niveau d’avant. L’ancien joueur du Hansa Rostock ajoute qu’ils n’ont pas forcément cherché à mettre en place les infrastructures et solutions pour progresser. Pour lui, il ne s’agit pas que d’une question d’Est ou d’Ouest, mais plutôt de choix.

En effet, l’Union Berlin a également été relégué en 3ème puis 4ème division dans les années 2000, mais ils visaient déjà la Bundesliga dans les dix ans immédiatement après cette relégation. Un projet certes ambitieux mais qu’ils ont réussi à mener à bien. Désormais, l’Union a fait son retour sur la scène internationale, est toujours en course en Pokal avant son 1/8ème de finale face au Hertha. Ils sont également cinquièmes du classement, à égalité de points avec Hoffenheim, et donc dans la course à la Ligue des Champions.

« En tant qu’entraîneur est-allemand personne ne vous proposera un poste, vous devez le trouver vous-même. »

Jens Härtel, actuel entraineur du Hansa Rostock

La présence de clubs au plus haut niveau n’est pas la seule problématique. Il y a également très peu d’entraineurs, moins d’une dizaine dans les 3 divisions professionnelles. L’un de ceux officiant en ce moment en Bundesliga est Steffen Baumgart au 1. FC Köln. Pour lui, le manque d’entraineurs originaires d’ex-RDA vient du fait que les clubs de l’Est sont sous-représentés dans le football. Et aussi du fait qu’une part plus importante de la population vit à l’Ouest. Mais également du fait que les présidents n’ont pas idée d’aller chercher un entraineur dans ce secteur. Ainsi, Hans Meyer, pourtant vainqueur de la Pokal en 2007 avec le FC Nuremberg a choisi de faire ses preuves au FC Twente aux Pays-Bas pour ensuite revenir dans un club à l’Ouest. Et Steffen Baumgart a commencé avec le SC Padeborn se battant alors pour se maintenir en 3. Liga.

« Aucune présidence ne songerait à chercher un entraîneur à l’Est. »

Hans Meyer, ancien entraineur de plusieurs clubs de Bundesliga dont le Borussia Mönchengladbach dans une interview à Die Zeit.

Le problème de la formation

En parallèle, les anciens clubs de l’Est font face à une problématique liée à la formation. Un bon exemple de celle-ci reste l’équipe nationale. Par exemple, la coupe du monde 2014 voit l’apogée d’une génération d’Allemands n’ayant que peu vécu l’Allemagne divisée. En effet, le joueur le plus vieux Miroslav Klose, né en 1980 en Pologne, a vécu 10 ans sous le régime soviétique quand le plus jeune Matthias Ginter, né en 1994, ne l’a jamais connu. Parmi les 23 joueurs, 20 avaient 6 ans ou moins lors de la chute du mur de Berlin. On peut donc considérer cette génération comme la 1ère à avoir été formée au football dans une Allemagne réunifiée.

Pourtant sur les 23 joueurs champions du monde, plus de la moitié est née en Rhénanie du Nord-Westfalie ou en Bavière, preuve de la puissance de ces deux zones au niveau du football allemand. Et venant de l’ancienne Allemagne de l’Est ? Un seul joueur : Toni Kroos, qui est d’ailleurs passé par le Hansa Rostock. Ainsi, en 2014, il y avait plus de joueurs nés en Pologne dans l’équipe nationale que venant des 5 anciens Länder de l’Est.

Répartition des lieux de naissance des joueurs de l’équipe d’Allemagne championne du monde 2014

Dans un championnat comptant énormément sur sa jeunesse, la problématique de la formation pas au niveau est donc particulièrement importante. Pourtant, cette problématique est directement liée à la perte des subventions et l’arrêt du modèle soviétique présenté précédemment. Afin de mettre le pays en avant via le sport, les jeunes talents étaient repérés au plus jeune âge pour être formés. Pour cela, certains clubs étaient des centres de performance visant à pousser au maximum l’augmentation du niveau des sportifs.

Mais avec la chute du mur, les clubs font alors face à un réel problème également à ce niveau. En effet, l’arrêt des subventions au fur et à mesure du temps est un problème pour le financement de l’équipe principale. Mais cela l’est également fortement pour tout ce qui est recrutement et formation. Les clubs se retrouvent sans réelle solution très rapidement et en découle une nette baisse de la formation.

Le football en adéquation avec la situation locale

Mais ce qui arrive aux clubs de football n’est qu’un reflet de la situation de l’ex-RDA. Celle-ci a subi de nombreuses fermetures d’usines dès la réunification. Le taux de chômage s’y est alors mis à flamber. En parallèle, l’éducation des jeunes a chuté. En effet, en RDA toute celle-ci était gratuite, y compris les études supérieures, ce qui n’était plus forcément le cas après. Certains métiers ont disparu car ils étaient spécifiques de l’Est. Cela a entrainé une fuite de la population vers l’autre partie du pays. C’est d’ailleurs pour cette raison que Steffen Baumgart s’est retrouvé en Basse-Saxe. L’apprentissage qu’il suivait à l’époque correspondait à un métier qui disparaissait.

Si la situation tend à s’améliorer avec le temps et la redistribution des richesses produites dans d’autres régions, le processus est lent. Ainsi, trente ans après la réunification, l’ex-RDA est encore aujourd’hui sous-développée et le chômage y est bien supérieur à la moyenne nationale. En parallèle, les salaires y sont plus faibles et le taux d’études supérieures également.

De l’autre côté, la Bavière ou le Bade-Wurtenberg par exemple sont des bassins industriels et économiques importants. Rien que sur la Bavière les richesses produites sont supérieures à celle de 22 des 28 pays de l’Union Européenne. La Rhénanie du Nord-Westphalie est également une zone anciennement très industrielle qui a réussi à se reconvertir. Et c’est de plus la région la plus peuplée et à la plus forte densité de population d’Allemagne, malgré des problèmes de chômage dans certains secteurs malgré tout. Les clubs peuvent donc bénéficier de ces différents avantages, tandis qu’à l’Est, même le RB Leipzig subit les conséquences de la situation. En s’installant à l’Est, ils font face à un secteur peu dynamique. Avec une économie en berne, il est très difficile de trouver des sponsors locaux. En 2020, Leipzig devait faire face à un déficit de 100 millions d’euros, le même que celui du club de Schalke, particulièrement mal géré. Si Red-Bull a renfloué les caisses, cela montre qu’il ne s’agit pas que de problèmes structurels au sein des clubs.

Produit Intérieur Brut en fonction des Länder allemands. On peut voir qu’il est bien plus faible dans l’Ex-RDA signe d’une économie moins florissante qu’en ex-RFA

La passion à défaut du résultat

Dans l’ex-RDA, les habitants se retrouvent dans une situation où la réunification n’est pas celle dont ils avaient rêvée. Ainsi, en 2019, soit 30 ans pile après la chute du mur, une étude sur la réunification présentait des résultats avec des avis plutôt négatifs de la situation. 57 % des Allemands de l’Est s’y considéraient comme des « citoyens de seconde zone », seulement 38 % voyaient la réunification comme un succès, et ce chiffre chutait à 20 % chez les moins de 40 ans qui n’ont que peu connu cette époque.

En parallèle se développe un phénomène appelé Ostalgie. Il s’agit de la nostalgie de l’époque de l’Allemagne de l’Est. En effet, avec leur pays c’est aussi toute une culture qui leur a été arrachée du jour au lendemain. Meubles, objets du quotidien, voitures, marques, il ne reste pratiquement rien de cette époque. Les traces de la RDA ont été effacées et sont maintenant regrettées par certains.

« La RDA a disparu sans que nous en fassions le deuil. L’Ostalgie en tient lieu à retardement. »

Thomas Brussig, écrivain Allemand ayant longtemps vécu à Berlin Est.

Et les clubs de foot n’ont pas échappé à ce phénomène. Un grand nombre de clubs changent de nom dans les années post-réunification pour effacer les traces du communisme. Parfois, ils changent même de couleurs. C’est par exemple le cas du Dynamo Dresden dont le bordeaux devient pendant quelques années du vert sur leur logo. Le FC Erzgebirge Aue, club évoluant actuellement en 2. Bundesliga, a changé de nom en 1993 et l’a gardé depuis.

Pourtant, les clubs sont l’une des rares choses qui restent aux habitants de cette époque. Ainsi, les maillots du Dynamo Dresden ont par la suite repris leurs couleurs initiales. Certains clubs ont fait le choix de revenir à leur ancien nom après un passage sous un nouveau post-réunification. C’est par exemple ce qu’il s’est passé pour le 1. FC Lokomotiv Leipzig qui avait pris le nom de VfB Leipzig en 1991. Et pour l’Aue, les supporters continuent de porter les armoiries de l’époque sur leurs écharpes et sur les bannières étendues dans le stade.

Bannière et logo du FC Wismut Aue, prédécesseur du FC Erzgebirge Aue déployée très régulièrement au cours des matchs de leur club (FC Erzgebirge Aue Fans)

Ainsi, malgré leur chute dans les divisions inférieures, la ferveur reste très présente sur ces clubs jouant parfois au niveau régional. Ils sont en effet une part du patrimoine du secteur, peut-être une des seules ayant réellement survécu à la chute du Mur du Berlin. Ainsi, en octobre 2019, les supporters du Dynamo Dresden ont rempli à moitié l’Olympiastadium de Berlin, stade d’un peu plus de 74 000 places un mercredi soir pour un seizième de finale de Pokal. Du côté de l’Union Berlin, tout est fait pour préserver leur stade le Stadion An der Alten Försterei. Dans les années 2000, les supporters ont financé une partie de sa rénovation. Mais ils ont surtout permis au club d’économiser énormément d’argent en donnant beaucoup de leur temps, 140 000 h en tout, pour aider à le remettre à neuf. Mais ce n’était peut-être rien en comparaison des 1,5 millions d’euros collectés en vendant leur sang en 2004 pour permettre au club de garder sa licence professionnelle.

Match du 1. FC Magdeburg, ancien géant de RDA évoluant désormais en 3. Liga

Le football est-allemand est à l’image de la zone. Les clubs ont subi de plein fouet la réunification comme les entreprises et la population ont pu le faire. Mais au fil du temps, ils remontent progressivement la pente. Si les écarts diminuent au niveau des habitants, c’est également le cas pour le football. Le meilleur exemple est actuellement l’Union Berlin qui est dans le haut de tableau de la Bundesliga. Si aucun ne semble sur le point de les rejoindre actuellement, le 1. FC Magdeburg est bien parti pour remonter en 2. Bundesliga à la fin de la saison. Et quelles que soient leurs divisions, ces clubs restent très importants pour la population locale. Car avec eux, c’est une part de l’histoire d’un pays aujourd’hui disparu qui perdure dans le temps. L’opposition entre le Hansa Rostock et le RB Leipzig sera donc avant tout une opposition entre deux modèles, entre respect des traditions et modèle marketing mais surtout entre histoire et nouveauté.

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