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Le ballon rond au pays des Lions Indomptables

Pays hôte de la Coupe d’Afrique des Nations 2022 et quintuple vainqueur de cette compétition, le Cameroun est incontestablement un pays qui compte dans le paysage du football africain. Ce pays a couvé de nombreuses stars en son sein, telles que Samuel Eto’o ou Roger Milla. L’histoire du football camerounais est jonché de hauts et de bas, mais les Lions Indomptables ont toujours su se redresser. Zoom sur la culture football d’un pays précurseur pour le football africain.

Le football, sport omniprésent dans la société camerounaise

En ce début d’année 2022, le Cameroun accueille la CAN pour la deuxième fois de son histoire seulement. Une ironie lorsqu’on connaît la popularité de ce sport dans ce pays. Si la fédération de football camerounaise n’est fondée qu’en 1959, le football est introduit à Yaoundé dès 1920. Le Cameroun est alors, en partie, sous tutelle française. Depuis cette époque, le football camerounais a bien évolué et est désormais présent à tous les niveaux de la société. Le football est le sport favori des Camerounais et participe au rayonnement international de ce pays.

Le Cameroun compte de nombreux pratiquants qui s’essayent au ballon rond, que ce soit sous la tutelle de la fédération ou non. Officiellement, la FECAFOOOT (ou Fédération de Football Camerounaise) comptait 24 000 licenciés en 2018, selon l’ancien joueur et ancien président de la fédération Joseph-Antoine Bell. Cependant, de nombreux tournois et matchs s’organisent en dehors de la fédération. En effet, la pratique du football-loisir est très répandue au Cameroun et participe au développement de nombreux joueurs. Elle concerne ainsi les classes populaires mais aussi les plus riches et présente des différences à certains niveaux.

Un match amateur au pays des Lions Indomptables
Un match amateur organisé par la FECAFOOT entre le Volcan du Noun et le Cask de Bafoussam sur un « billard » (Crédits : Ludovic Amara)

Un football loisir omniprésent et servant les intérêts de tous les Camerounais

Ainsi, nous pouvons retrouver les « championnats de vacances », organisés hors du cadre défini par la fédération. Ces tournois sont des compétitions réservées à de jeunes joueurs, du fait de leur caractère saisonnier. Ils sont organisés durant les périodes de vacances scolaires par « l’élite » de la population camerounaise, les membres des hautes strates culturelles, politiques ou financières.

L’objectif est de mettre en lumière les jeunes joueurs auprès d’une population plus aisée. Les meilleurs joueurs de ces tournois auront de plus grandes chances d’intégrer des académies ou des clubs locaux. De nombreuses personnalités et anciennes légendes camerounaises encouragent l’organisation de ces compétitions, mettant en avant leur caractère ludique et éducateur pour leurs participants. Ils permettent également le développement de la culture locale et d’attirer de nouveaux partenaires commerciaux. Cependant, les organisateurs trouvent également un intérêt à ces compétitions, bien moins basé sur les performances footballistiques. « L’élite » de la population camerounaise y voit notamment l’occasion de montrer sa puissance politique ou financière. Ces tournois se transforment alors en véritable lutte de pouvoir.

Les "championnats de vacances" camerounais sont un moment de vivre-ensemble mais aussi l'occasion pour un peuple de montrer sa puissance (Crédits : Paul Ombiono)
Les « championnats de vacances » camerounais sont un moment de vivre-ensemble mais aussi l’occasion pour un peuple de montrer sa puissance (Crédits : Paul Ombiono)

Ces tournois sont financés par des sponsors qui prennent en charge les frais et obéissent aux règles de jeu du football tel qu’on le connaît. Par opposition, il existe aussi des matchs « deux-zéros », très répandus au Cameroun. Cette pratique, généralisée dans les milieux plus urbains, consiste à faire entrer une nouvelle équipe sur le terrain chaque fois que l’une des deux équipes encaisse deux buts. Elle concerne toutes les classes sociales et s’autofinance grâce aux cotisations des joueurs. Les clubs suivent leurs propres règles du jeu, qui varient en fonction des régions. Au départ sans enjeu, les « deux-zéros » sont devenus, au fur et à mesure, des instruments de politisation. Ils sont des lieux de rencontre pour les hommes politiques et constituent un moyen facile d’atteindre de plus jeunes populations.

Un clivage ethnique qui tend à se résorber

Pays aux multiples facettes culturelles, le Cameroun est toujours sujet aux conflits ethniques. Autrefois, des joueurs provenant de différentes ethnies ne pouvaient évoluer dans le même club. Le recrutement d’un joueur intervenait uniquement après vérification de son appartenance ethnique, pas uniquement grâce à son talent. Les matchs entre rivaux se finissaient souvent en pugilat et mettaient en jeu la fierté de chaque groupe ethnique. Aujourd’hui, le football est devenu un élément fédérateur au Cameroun. On retrouve désormais des joueurs de différentes origines ethniques dans chaque club. Ils cohabitent souvent ensemble depuis le plus jeune âge et sont animés d’une passion commune pour ce sport. Les éléments financiers et les exigences du football moderne ont aussi favorisé ce changement.

Le succès de la sélection nationale, sur lequel nous reviendrons plus tard, a également contribué à cette évolution. Depuis le début des années 1980, des joueurs d’origines ethniques différentes cohabitent ensemble au sein de la sélection des Lions Indomptables. Sous l’impulsion de celle-ci, tout le Cameroun s’unifie pour suivre ses exploits. Lors de la victoire contre l’Argentine durant le premier match de la Coupe du Monde 1990, tout le peuple est descendu ensemble dans la rue afin de célébrer cet exploit. Trois mois plus tôt, le peuple camerounais se déchirait en deux, tiraillé entre deux opposés politiques. Lors de la préparation à la CAN 2004, ce sont les ultras des clubs ennemis du Canon et du Tonnerre de Yaoundé qui décidèrent d’organiser une trêve durant la compétition pour soutenir la sélection nationale. Preuve que le football rassemble plus qu’il ne divise au Cameroun.

Les Lions Indomptables portent bien leur nom en ce jour de victoire face aux coéquipiers de Diego Maradona lors du Mondial 1990 (Crédits : www.camfoot.com)
Les Lions Indomptables portent bien leur nom en ce jour de victoire face aux coéquipiers de Diego Maradona lors du Mondial 1990 (Crédits : http://www.camfoot.com)

Des clubs précurseurs au succès international

Fondé en 1961, le championnat de première division camerounaise et ses clubs connaissent leurs heures de gloire entre 1965 et 1980. Durant cette période, les clubs camerounais remportent pas moins de 5 titres continentaux. L’Oryx Douala remporte même la première édition de la Coupe des clubs champions africains en 1965, ancêtre de la Ligue des Champions de la CAF. Par la suite, ce sont le Canon Yaoundé avec 3 titres (1971, 1977 et 1980) et l’Union Douala (1979) qui viennent compléter ce palmarès continental camerounais en club. Depuis ? Le néant, ou presque. Seul le Coton Sport FC réussit l’exploit d’atteindre la finale de cette compétition en 2008, perdue face au Al Ahly SC.

Le Canon de Yaoundé au sommet du football africain à la fin des années 70 (Crédits : www.football-the-story.com)
Le Canon de Yaoundé au sommet du football africain à la fin des années 70 (Crédits : http://www.football-the-story.com)

Le Coton Sport Football Club domine le championnat national et est le recordman du nombre de titres remportés (16). Mais le club phare camerounais ne parvient plus à tirer son épingle du jeu dans les compétitions continentales. L’engouement autour du championnat national s’est considérablement effrité ces dernières années. Certains clubs historiques peinent à remonter la pente et le championnat est en proie à des difficultés structurelles. Pour cause, les compétitions sont mal organisées (calendrier irrégulier, manque de sponsors) et « manquent d’attractivité pour les joueurs » (versement des salaires irréguliers ou impayés), selon l’ancien joueur du Panthère sportive du Ndé, Joël Ndzana.

Des générations de Lions Indomptables

Si le championnat local et ses équipes n’occupent plus une place significative sur le continent africain, la sélection nationale est souvent bien représentée lors des compétitions internationales. Les Lions Indomptables sont des pionniers et des références sur la scène internationale pour toutes les nations africaines. En effet, ils sont la première sélection africaine à atteindre les quarts de finale de la Coupe du Monde en 1990, après avoir vaincu l’Argentine de Maradona et avoir donné du fil à retordre aux Anglais lors de leur quart de finale perdu. Avec 7 qualifications, ils sont aujourd’hui les recordmans du nombre d’apparitions en Coupe du Monde pour un pays africain. Les Lions Indomptables brillèrent aussi lors des JO 2000, devenant la seconde nation africaine à remporter la médaille d’or.

Au niveau continental, le Cameroun possède également un prestige certain. Avec 5 CAN à leur actif, ils sont la deuxième meilleure nation au niveau du palmarès. Emmenée par Roger Milla, la première génération dorée du Cameroun ouvre la voie à l’exploit du Mondial 90 grâce à ses succès continentaux en 1984 et 1988. S’en suit une période de vaches maigres qui dura 10 ans. Si le niveau de la sélection camerounaise connut des fluctuations, son histoire est remplie de joueurs talentueux qui lui permirent d’obtenir d’excellents résultats. Seule exception, la CAN remportée en 2017 porte le sceau d’une victoire collective. Mais ce sont bien une poignée de joueurs qui permirent aux Lions Indomptables d’acquérir leur notoriété. C’est ainsi qu’après avoir remporté les JO, les Camerounais réalisent un nouveau doublé en remportant la CAN 2000 et 2002. Leur principal atout ? Le jeune Samuel Eto’o qui porta le football camerounais durant de nombreuses années.

Des joueurs mythiques au rôle important dans le développement du football camerounais

Au fil des années, les équipes du Cameroun soulevèrent une passion commune au pays des Lions Indomptables. L’équipe du Mondial 90 éclaboussa le monde entier de son talent grâce à ses joueurs mythiques. A 38 ans, Roger Milla marqua de son empreinte la compétition par ses dribles et ses 4 buts, tous célébrés par des danses fantasques près du poteau de corner ! Le double ballon d’or africain fut le principal détonateur de cette équipe. Mais l’exploit n’aurait pas été possible sans Thomas Nkono. Lui aussi sacré 2 fois meilleur joueur africain, il est l’un des gardiens africains les plus célèbres. Très souple et au style spectaculaire, il devint l’un des premiers gardiens noirs à évoluer pour une équipe européenne.

« Danse comme Roger Milla »

« Cette équipe a commencé à vendre une image de l’Afrique, on l’a regardée avec respect »

Patrick Mboma, ancien attaquant des Lions Indomptables (1995-2004), à propos de la sélection camerounaise au Mondial 1990

En 2000, une nouvelle génération vit le jour et s’apprêta à marcher sur l’Afrique. Parmi celle-ci, Rigobert Song, le défunt Marc-Vivien Foé, ou encore Geremi Njitap participèrent à la conquête de 2 CAN et des JO 2000. Mais un joueur se distingua des autres : Samuel Eto’o. Véritable légende, il remporta 4 fois le prix du Joueur Africain de l’Année. Il porta le Cameroun durant 17 années grâce à son talent et ses 56 réalisations (record en cours). Légende du FC Barcelone et de l’Inter Milan, il devint aussi le premier joueur au monde à réaliser 2 fois de suite le triplé LDC, Coupe et Championnat. Samuel Eto’o fut un ambassadeur du football camerounais durant sa carrière, et l’est encore aujourd’hui, en reprenant la présidence de la FECAFOOT. Il représente un exemple à suivre pour tous les jeunes footballeurs camerounais et a su ressembler le peuple camerounais atour de ses succès.

Samuel Eto’o, un attaquant comme l’on en fait plus

Un football encore trop instrumentalisé et rongé par les conflits

Malgré le succès de sa sélection nationale, le football camerounais connut et connaît encore aujourd’hui des problèmes structurelles. Encore très récemment, la CAF retirera l’organisation de la CAN 2019 au Cameroun suite aux retards de travaux. Le football camerounais manque de structure et d’infrastructures. Il existe peu de centres de formation, peu d’encadrement des jeunes et encore trop d’amateurisme à tous les niveaux. Le niveau du championnat de première division reflète bien ce constat : aucun joueur de la sélection n’y évolue aujourd’hui. Un comble pour une nation si importante dans le paysage footballistique africain.

Le football camerounais est profondément englué dans des problèmes d’argent, de corruption ou autres histoires extra-sportives. De nombreux joueurs dénoncent les pots de vin versés aux arbitres, les présidents calomnieux et ceux qui achètent leur place en sélection. Trop souvent, le football est l’objet d’instrumentalisation politique. En cette année 2022, le gouvernement camerounais se sert du football et de la CAN pour dissimuler le conflit dans l’ouest anglophone du pays, par exemple. Le chantier qui attend l’icône Samuel Eto’o à la tête de la fédération s’avère colossal.

Le Cameroun possède une histoire riche et sinueuse avec le football. Une histoire à la « Je t’aime, moi non plus ». Si ce pays est une place forte du football en Afrique, il ne l’est pas encore au niveau mondial. La faute à trop d’irrégularités, trop d’amateurisme et trop de scandales extra-sportifs. Mais il a tous les outils en main pour le devenir. Avec une population jeune (18 à 20 ans de moyenne d’âge) et passionnée par ce sport, le Cameroun peut construire son avenir dans le football sur une base solide. Cela passera sans doute par une restructuration de son championnat domestique, mais aussi de l’ensemble des structures qui l’entourent. Et nous pouvons sans nulle doute faire confiance aux Lions Indomptables pour accompagner ces évolutions.

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