Elle est sans aucun doute l’une des plus grandes stars du hockey féminin mondial. À 30 ans, Marie-Philip Poulin, se présente à Pékin pour ses quatrième olympiades. Son objectif ? Reconquérir le toit de l’Olympe avec le Canada. Portrait d’une championne discrète mais déterminée.
S’accrocher à son rêve
Née à Beauceville, au Québec. Marie-Philip Poulin commence par pratiquer le patinage artistique à l’âge de 4 ans. En fin de compte, l’expérience tourne court, un an pour être précis. En effet, voyant son frère, Pier-Alexandre, jouer au hockey, Marie-Philip veut faire pareil. Elle passe de longues heures dans le sous-sol de la maison familiale, à peaufiner son jeu. Son rêve ? Devenir une joueuse professionnelle. Le hic, c’est qu’à cette époque là, le hockey féminin professionnel n’existe pas encore. Malgré tout, Marie-Philip s’accroche à son rêve et progresse rapidement.
En 2006-2007, Poulin joue pour l’équipe midget espoir AA de Beauce-Amiante. Elle termine deuxième au classement des pointeurs avec 65 points, derrière un certain Jonathan Marchessault (futur joueur des Vegas Golden Knights). Ses performances ne passent pas inaperçues.
Durant l’automne, alors qu’elle n’a que 16 ans, Poulin est sélectionnée dans l’équipe canadienne des moins de 18 ans. Elle dispute 3 rencontres amicales face aux États-Unis. En 2007, elle fait le grand saut, quittant Beauceville pour jouer avec l’équipe féminine des Stars de Montréal. Pour Marie-Philip Poulin, son rêve de jouer au hockey professionnel prend forme.
Une “serial-buteuse”

Poulin fait ses grands débuts dans la toute récente Ligue canadienne de hockey féminin (LCHF). A sa première saison, elle ne dispute que 16 rencontres avec les Stars. Toutefois elle brille, terminant meilleure pointeuse de l’équipe avec 43 points (22 buts et 21 passes). Elle décroche le titre de meilleure recrue de la ligue et termine deuxième des votes pour le titre de MVP. Poulin est également sélectionnée dans l’équipe des étoiles de la saison.
Sur le plan international, elle est sélectionnée pour participer aux championnat du monde féminin U-18. Elle termine meilleure buteuse (8 buts) et meilleure pointeuse (14 points) de la compétition.
Lors de la saison 2008-2009, en plus du championnat de la LCHF avec les Stars, Poulin joue dans la ligue universitaire du Québec. Avec son équipe des Blues de Dawson College, elle affole les compteurs. Terminant la saison avec 58 points (29 buts et 29 assists) en seulement 15 matchs. Malgré cette domination, les Blues perdent en finale face au Lynx du Collège Edouard-Montpetit.
Cette saison 2008-2009 voit également Poulin remporter le titre de la LCHF avec les Stars de Montréal. Cependant, avec le Canada U-18, elle termine à nouveau vice-championne du monde. Poulin fait également ses débuts avec le Canada lors des mondiaux féminin élite. Là encore les joueuses à la feuille d’érable repartent avec la médaille d’argent.
Vancouver 2010 : la consécration et un nouveau départ
Lors des jeux de Vancouver, Marie-Philip Poulin découvre l’atmosphère du tournoi olympique. Jouant aux cotés de légendes, telles que Hayley Wickenheiser, Caroline Ouellette ou encore Tessa Bonhomme, Poulin apprend très vite les rudiments du haut niveau mondial. Lors de son premier match dans le tournoi, elle ouvre son compteur face à la Slovaquie (victoire du Canada 18-0). Son deuxième but du tournoi vient face à la Suisse dans une victoire de 10 à 1. Son troisième but est compté face à la Suède (victoire 13-1 du Canada). Restée muette lors des demi-finale face à la Finlande, son heure de gloire viendra en finale. Face aux éternelles rivales : les États-Unis, Poulin compte les deux buts qui offrent le titre olympique au Canada. Avec ses deux buts, la joueuse de 18 ans change de dimension, elle est entrée dans l’histoire du hockey féminin canadien par la grande porte.

Suite aux Jeux, Marie-Philip décide de continuer ses études aux États-Unis, à Boston College dans la NCAA. Durant ses quatre années dans le Massachussetts, elle y brille, comptant 181 points en 111 matchs, mais les Bulldogs ne parviennent pas à remporter le titre. Avec le team Canada, elle remporte enfin son premier titre mondial en 2012, mais doit se contenter de deux médailles d’argent en 2011 et 2013.
Sochi 2014 : “Clutch” est née

Grandissime favori pour le titre olympique, le Canada arrive pourtant à Sotchi avec des doutes. Ayant perdu 2 finales des championnats du monde face aux USA, les inquiétudes sur les capacités de l’équipe canadienne grandissent. Toujours menée par les vétérans Ouellette et Wickenheiser, l’équipe canadienne est un mélange d’expérience et de jeunesse. Le premier match face à la Suisse rassure un peu les sceptiques. Une victoire de 5-0 dans laquelle Poulin marque son premier but du tournoi et fait une assistance sur le cinquième but. Ensuite, face à la Finlande et aux USA, Poulin ne marquera qu’une assistance.
Lors de la demi-finale, face à la surprenante équipe de Suisse, Poulin reste muette, le Canada bute sur Florence Schelling, la gardienne suissesse en état de grâce, mais arrive quand même à se qualifier pour la finale. Comme souvent, leur adversaire pour la médaille d’or sont les USA. Menées 2-0, les Canadiennes semblent perdues. À tel point que beaucoup se disent que les joueuses à la feuille d’érable vont tomber de l’Olympe. Malgré la réduction du score à moins de 4 minutes de la fin par Brianne Jenner, les espoirs canadiens s’amenuisent. Lorsqu’à 55 secondes de la fin de la partie, Marie-Philip Poulin arrive enfin à tromper la vigilance de la gardienne américaine Jesse Vetter. Une égalisation qui résonne comme un coup de tonnerre. Lors de la prolongation, c’est encore une fois Poulin qui, une fois encore, vient offrir la médaille d’or aux Canadiennes.
Retour en LCHF

Après une dernière année à Boston College, Poulin fait son retour dans la LCHF. L’équipe des Stars de Montréal a changé de nom, désormais ce sont les Canadiennes de Montréal. Pour Marie-Philip Poulin, c’est un autre rêve qui se réalise, elle, qui petite, rêvait de revêtir le mythique chandail bleu-blanc-rouge, elle est comblée. Elle termine meilleure pointeuse de la ligue (46 points en 22 matchs) mais doit s’incliner en finale face à l’Inferno de Calgary.
Poulin et les Canadiennes prennent leur revanche la saison suivante, battant Calgary en finale de la Coupe Clarkson. Ce sera le dernier titre pour les Montréalaises. Après une élimination en demi-finale contre le Thunder de Markham et une défaite en finale face à Calgary, la ligue canadienne ferme ses portes à la surprise générale. Le manque de couverture médiatique et l’avènement d’une ligue concurrente : la NWHL a divisé le nombre de partenaires et les revenus publicitaires. Ainsi fragilisée la LCHF ne pouvait plus continuer, laissant les joueuses “Olympiennes” sans solutions.
Le combat pour le hockey féminin

A la suite de la disparition de la LCHF, Marie-Philip Poulin, avec les autres “olympiennes” se retrouvent sans ligue. Ainsi nait le mouvement “For the Game” qui regroupe 150 joueuses internationales qui rêvent d’une ligue professionnelle unique. Préférant faire grève que de joindre la NWHL. les joueuses créent la PWHPA (Professional Women Hockey Player’s Association). Cette association a pour but de promouvoir le hockey féminin professionnel et milite pour que la LNH crée une ligue à l’image de la WNBA pour le basket ou la NWSL pour le football. Evidemment à condition que les joueuses puissent décemment vivre de leur passion, à l’instar de leur collègues masculins.
De par son statut, Marie-Philip Poulin est évidemment une des figures de proue du mouvement. Rejetant le modèle économique de la NWHL (devenue depuis la Professional Hockey Federation) qui cherche a créer une ligue féminine par ses propres moyens, rejetant l’idée de s’associer à la LNH et qui risque a moyen terme de s’effondrer si les investisseurs privés se retirent. De son coté, la NWHL voit dans la PWHPA, des joueuses qui ne cherchent qu’à s’accaparer le hockey féminin pour leur gloire personnelle et pas pour le développement du jeu.
Résultat, une véritable guerre civile dans le monde du hockey féminin. Chaque camp se rejetant la faute dans une véritable bataille de communication. Un exemple frappant venant de la part de Hilary Knight qui a joué quelques saisons dans la NWHL et qui voit cette ligue comme « une ligue de garage améliorée ». Cependant, les joueuses de la PWHPA ne restent pas là à faire des annonces dans les médias. Elles décident de créer un tournoi de promotion : le Dream Gap Tour, une sorte de tournoi qui regroupe les meilleures joueuses afin de montrer le talent existant et pour inciter la LNH à réagir.
Après un tournoi olympique perdu en Corée du Sud, où le Canada a dû se contenter de la médaille d’argent, et un mondial 2019 où le Canada est défait pour la première fois de son histoire par la Finlande en demi-finale. Marie-Philip Poulin a redonné des couleurs à la sélection canadienne, lors des mondiaux féminin en 2021. Son but en or lors de la finale a ravivé l’espoir de voir le Canada retrouver les sommets. À Pékin, Celle qu’on surnomme “La Crosby du hockey féminin” sera, à nouveau, la capitaine d’une équipe déterminée à rester au sommet.
À la vue de son palmarès, on peut être certains que Marie-Philip Poulin fait partie du Panthéon du hockey féminin. Digne héritière de la regrettée Marian Convey, Angela James, Hailey Wickenheiser, Caroline Ouellette et toutes ces joueuses qui se sont battues pour que leur discipline puisse exister. Il serait fou de penser que le Temple de la Renommée du hockey ne lui ouvre pas ses portes.