Alors que les Jeux Olympiques d’hiver de Pékin se tiendront dans quelques semaines, le tournoi de hockey masculin devra à nouveau se passer des joueurs de la NHL. Pour palier à cette absence, les sélections nationales ont dû se tourner vers d’autres bassins de joueurs, notamment les ligues juniors et universitaires. C’est ainsi que les USA se présenteront en Chine avec pas moins de 15 hockeyeurs, sur 25 retenus, évoluant au niveau universitaire. Un fait inusité qui n’est pas sans rappeler l’un des plus grands évènements de l’histoire de ce sport, le Miracle sur Glace. Mais attention, on ne parle pas ici de celui des JO de 1980, mais bien de celui de 1960.
Éclipsée par le Miracle sur Glace de 1980, la jeune équipe de hockey américaine de 1960 est pourtant la première à avoir réalisé l’exploit de remporter contre toute attente le tournoi olympique. Et bien que 20 ans séparent ces deux évènements, deux éléments communs les unissent : l’équipe des USA se composait uniquement de joueurs universitaires et les Jeux Olympiques avaient lieu en sol américain. Retour et décryptage sur cet exploit qui sera plus tard nommé le “Miracle oublié”.
Contexte autour du tournoi
Les Américains face à quatre grands favoris
À l’aube de ces Jeux Olympiques de 1960 qui ont lieu à Squaw Valley en Californie, un petit groupe de 4 nations semble pouvoir prétendre à la médaille d’or. Loin d’être encore un pays dominant, les États-Unis n’en font pas parti malgré une médaille d’argent lors de l’édition précédente. De son côté, le champion olympique en titre, l’URSS, fait à nouveau office de grand favori. En effet, depuis l’or de 1958, les soviétiques ont participé à chaque finale des Championnats du Monde. De plus, bien qu’ils ne remporteront pas la compétition en 1960, leurs 6 titres olympiques en 8 participations, entre 1958 et 1988, témoignent de leur domination sur le hockey international à cette époque.

Parmi les autres prétendants, les Canadiens sont évidemment au rendez-vous. Double-champion du monde en titre, ils débarquent chez leurs voisins du sud avec la ferme intention de récupérer le titre olympique perdu au dépend des soviétiques, après avoir glané 6 des 8 premières médailles d’or depuis la création de la compétition. Une fois de plus, mais aussi la dernière, le Canada est représenté par l’un des meilleurs clubs amateurs du pays. Habituellement, c’est le vainqueur du championnat national, la Allan Cup, qui a l’honneur de porter l’uniforme canadien. Mais les champions cette année là, les Whitby Dunlop, refusent d’y participer et c’est donc les Kitchener-Waterloo Flying Dutchmen qui sont retenus. Déjà présents lors des JO de 1958, ils possèdent ainsi l’expérience de l’évènement.
Dans une moindre mesure mais tout aussi redoutables, la Suède et la Tchécoslovaquie viennent compléter ce quatuor de favoris. Champion du monde pour la deuxième fois en 1957, les Suédois ont démontré qu’ils pouvaient légitimement prétendre à leur premier titre olympique. De leur côté, les Tchécoslovaques ont décroché deux médailles de bronze lors des Championnats du monde de 1959 et 1957, et méritent leur statu de “outsiders” de luxe.

Parmi les autres participants, on retrouve l’Allemagne, le Finlande, le Japon et l’Australie. Parmi elles, seuls les Allemands sont déjà montés sur un podium international par le passé.
Les neuf équipes sont alors réparties dans trois groupes de trois pour un premier tournoi à la ronde. Les deux premiers de chaque groupe sont ensuite qualifiés pour un ultime tournoi à la ronde dont la meilleure équipe sera désignée championne olympique. Ce format de compétition, qui sera utilisé jusqu’en 1988, rendait d’autant plus difficile pour une équipe comme les USA de pouvoir décrocher une médaille d’or.
Mais au-delà de la configuration du tournoi et de la qualité des adversaires, c’est aussi le préparation au tournoi des américains qui laissait peu d’espoir quant à un possible exploit de leur part.
La formation américaine
Une préparation non sans rebondissement
C’est en 1959 que l’histoire de cette épopée olympique a réellement commencé. Réunis dans les installations de l’Université du Minnesota, le coach Jack Riley et son staff tiennent alors un premier camp de sélection. L’objectif étant de retenir 25 joueurs pour un camp d’entrainement au terme duquel on ne gardera que 17 joueurs (2 gardiens, 4 défenseurs et 11 attaquants) pour le tournoi olympique. Mais bien que le bassin de joueurs en 1960 n’est sans doute pas aussi profond que de nos jours, la sélection des joueurs n’en est pas moins difficile. Si bien que dès le début de la préparation de Team USA, une première “controverse” éclate.
Lorsque Jack Riley dévoile sa liste des joueurs sélectionnés pour participer au camp d’entrainement, le nom du gardien Jack McCartan n’y figure pas. Un choix surprenant pour le principal intéressé mais aussi pour l’entourage de l’équipe. Pur produit du Minnesota, McCartan semblait pourtant être un choix évident puisqu’il avait déjà porté l’uniforme américain lors de rencontres internationales plus tôt dans l’année. Comme le révèlera Riley quelques années plus tard, il avait alors pris cette décision car il n’était pas satisfait des prestations du gardien lors de ces rencontres. Mais ce choix sera finalement de courte durée. Alors que le camp d’entrainement avance, les membres de l’équipe, et notamment les joueurs, s’aperçoivent vite que les gardiens sélectionnées ne sont pas au niveau. Il n’y alors aucun doute, Jake McCartan est l’homme de la situation et est intégré à l’équipe pour ne plus la quitter.

Le reste du camp d’entrainement se déroule par la suite sans trop de problème. Team USA alterne entre séances d’entrainement du côté de West Point, fief de Army (l’académie militaire des États-Unis) où Jack Riley coachait en temps normal, et matchs de préparation face à différentes équipes issues des quatre coins du globe. Au fil du temps, coach Riley est ainsi capable d’établir sa liste de joueurs qui participeront aux Jeux Olympiques. Mais alors que tout semblait seller à l’aube du tournoi, l’entraineur américain prend à nouveau tout le monde à contre pied avec des changements de dernières minutes.
À seulement quelques semaines du début des Jeux, Jack Riley souhaite intégrer le prolifique attaquant de l’université de Harvard, Bill Cleary. Si cette annonce semble bénéfique sur le plan sportif, elle n’est pas forcément bien accueillie par les joueurs. D’autant que Bill Cleary impose une condition pour accepter d’intégrer l’équipe : son frère Bob doit également faire parti de l’aventure. En plus de venir chambouler près d’un an de préparation, cette décision implique la coupe de certains joueurs pour faire de la place aux nouveaux.
Parmi eux, un certain Herb Brooks devra ainsi quitter le groupe. Ce ne sera alors que partie remise pour ce dernier puisqu’il deviendra à son tour coach de Team USA et réalisera le Miracle sur glace de 1980. Finalement, John Mayasich est le dernier à se greffer au groupe. Une décision bien moins controversée puisque Mayasich est considéré cette année là comme le meilleur joueur universitaire au pays.
Ces changements tardifs viennent alors ajouter une incertitude autour d’une équipe américaine dont les chances de remporter semblaient déjà assez faibles.

Le Tournoi
Un parcours sans faute pour un sacre historique
Pour débuter la compétition, les Américains sont situés dans le Groupe C aux côtés de la Tchécoslovaquie et de l’Australie. De par la présences des Australiens, il ne fait pas de doute que les États-Unis obtiendront leur qualification pour la ronde finale. Mais avec un effectif remanié, ces deux premiers matchs font office de vrais tests.
Lors de la première journée du tournoi, le 19 février, coach Riley et ses joueurs affrontent les Tchécoslovaques. Dans un match où les deux équipes s’échangent les buts lors des deux première périodes, les Américains créent la surprise en inscrivant 4 buts en troisième période et en remportant le match 7 à 5. Deux jours plus tard, ils écrasent l’Australie sur le score de 12 à 1. Ces deux victoires prolifiques permettent ainsi au Américains de faire le plein de confiance et de chasser les doutes autour de leur effectif.
La route vers une possible médaille d’or reste cependant encore très longue puisque les favoris du tournoi (URSS, Canada, Tchécoslovaquie et Suède) sont également qualifiés pour la ronde finale, en plus de l’Allemagne. Heureux hasard du calendrier, Team USA commence cette ronde face à la Suède et l’Allemagne, jugés plus faibles que les trois autres adversaires. Ils enchainent ainsi deux victoires solides, sur les scores de 6-3 et 9-1, et font à nouveau le plein de confiance en vue du choc face au Canada.
Pour ce match face à l’ogre canadien, près de 8500 spectateurs se réunissent dans les estrades et des millions de téléspectateurs se postent devant leur télévision avec l’espoir d’assister à un exploit. La tâche est d’autant plus grande que les Canadiens n’ont encaissé que 3 buts en 4 matchs, et en ont marqué pas moins que 40. Pourtant, ceux sont bien les Américains qui inscrivent le premier but par l’intermédiaire de Bob Cleary. Ils doublent ensuite la mise en seconde période pour mener 2-0. Le Canada finit par réduire le score en troisième période (2-1) mais ne sera jamais capable de marquer un but de plus face à un flamboyant Jack McCartan (39 arrêts). Contre tout attente, Team USA vient de réaliser l’un des plus gros exploits de son histoire. Et ce n’est pas fini…

À peine remis de leurs émotions, les Américains doivent affronter l’Union Soviétique deux jours plus tard (27 février). Bien que sur le plan comptable ce match ne peut être considéré comme une finale, tout indique que le vainqueur pourrait bel et bien être le futur champion olympique. À ce moment là, seuls les USA et l’URSS sont invaincus dans le tournoi. Conscients de l’enjeu de l’évènement, 10 000 supporters se ruent cette fois-ci dans le Blyth Arena de Squaw Valley. Plus impressionnants encore, plus de 20 millions de téléspectateurs suivent la rencontres, un record pour l’époque! Loin d’être impressionné, Bill Cleary faire levé les foules dès 4 minutes de jeu pour donner l’avance aux siens. Les champions olympiques soviétiques réagissent néanmoins et inscrivent deux buts pour mener 2-1 après une période. Mais c’est à ce moment là que la troupe de Jack Riley décide de ferme la boutique. Les frères Christian (William et Roger) s’unissent pour égaliser en deuxième période puis pour marquer un but historique en troisième période. 3-2, victoire des États-Unis!
Pour terminer en fanfare, les Américains sont sans pitié face à la Tchécoslovaquie et l’emporte sur un score sans appel de 9 à 4. Les États-Unis décrochent, à surprise générale, le premier titre olympique de l’histoire. Un sacré d’autant plus mérité qu’ils finissent le tournoi avec 7 victoires en 7 matchs. À ce jour, ils restent d’ailleurs les seuls champions olympiques à avoir remporté tous leurs matchs dans le tournoi. Magistral tout le long de la compétition, Jack McCartan est logiquement élu meilleur gardien.
Sans être le plus connu, l’exploit réalisé par l’équipe américaine de 1960 reste l’un des plus beaux de l’histoire du hockey international. Et même si un tel miracle semble plus difficile à réaliser de nos jours, il est à la preuve que tout est possible dans un sport comme le hockey. Avec une majorité de joueurs universitaires, les États-Unis auront la possibilité d’écrire à nouveau l’histoire cette année et ils pourraient bien être la principale raison de suivre le tournoi olympique, malgré l’absence des membres de la LNH.