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JO Pékin | Quelles chances de médailles pour la Chine ?

Aux Jeux Olympiques et Paralympiques de Pékin, en 2008, la Chine créait l’exploit. Elle finissait pour la première fois au sommet du classement des médailles. Alors que le sport est un moyen utilisé par beaucoup de pays pour se mettre en avant, il n’y échappe pas non plus pour ces Jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver. Mais quelles sont réellement les chances de médailles du pays hôte, la Chine, pour ces Jeux 2022 ?

Le sport comme outil de pouvoir

Depuis des dizaines d’années, le sport est un outil au service du pouvoir politique. Pendant la Guerre Froide entre le bloc de l’Est et de l’Ouest, il n’était pas rare de voir des boycotts des Jeux Olympiques par les Etats-Unis ou de l’URSS en fonction des pays hôtes. De plus, les deux gros se battaient pour obtenir le plus de médailles, notamment lors des Jeux Olympiques. Si la Russie et les Etats-Unis restent des fortes nations sportives, elles ne sont désormais plus celles qui se servent le plus du sport comme signe de leur pouvoir.

Ainsi, depuis quelques années, on peut voir les pays du globe (Qatar, Emirats Arabes Unis, Arabie Saoudite) investir massivement au sein de celui-ci. Ils cherchent par là à améliorer leur image et montrer leur pouvoir de façon plus légère que par une guerre, c’est le soft-power. Alors qu’on retrouve ceux-ci dans des sports comme le football (PSG, Manchester City et plus récemment Newcastle), ou au sein des équipes de vélo (UEA Emirates par exemple), ils sont aussi les hôtes de grandes compétitions sportives. Ainsi, ils ont des Grands Prix de Formule 1, sont hôtes de compétitions sportives mondiales en tout genre. La prochaine en date est le controversé mondial de football au Qatar fin 2022.

Cérémonie de clôture des Jeux Olympiques de Pékin en 2008
Cérémonie de clôture des Jeux de Pékin en 2008 (AFP)

Mais bien que puissants dans leurs organisations, ces pays n’ont pas la même aura que la Chine. En effet, elle ne se contente pas d’être l’hôte de grands événements sportifs, comme avec les Jeux Olympiques en 2008. La Chine est désormais une nation leader dans le sport en général. Avec le recul de la Russie notamment, elle finit régulièrement deuxième du classement des médailles des Jeux Olympiques depuis une quinzaine d’années. Le point d’orgue de son projet sportif se déroule lorsqu’elle finit première lors de ses Jeux à domicile en 2008. Depuis, elle n’est pas parvenue à rééditer l’exploit. Mais elle finit depuis cette année-là toujours leader du classement des médailles des Jeux Paralympiques d’été.

Pour ses Jeux Olympiques d’hiver, elle rêve de rééditer l’exploit des Jeux 2008. Mais un pays où les sports d’hiver ne sont pas une tradition peut-il y parvenir ?

« Faire des Jeux d’hiver à Pékin, pour la neige, cela paraît étrange. Mais il faut sortir du point de vue du sportif transalpin avec les plus belles stations de ski du monde. Les Jeux d’hiver c’est aussi 50 % des disciplines qui sont issues des sports de glace. Et je ne suis pas beaucoup plus choqué de voir une patinoire à Pékin qu’à Paris ou à Montpellier. »

Martin Fourcade, à propos de choix de lieu pour les Jeux Olympiques et Paralympiques 2022.

La Chine, pays de sport de glace ?

Nul doute que la Chine n’est pas une nation historique des sports d’hiver. En effet, malgré la présence de montagnes sur son territoire, le manque de neige se fait sentir. Ainsi, les premières stations de sports d’hiver sont récentes. Avec les Jeux Olympiques obtenus, le gouvernement a essayé d’amener le pays vers cette discipline, avec plus ou moins de réussites. Le nombre de pratiquants est passé de 10 000 à 12,5 millions entre 1996 et 2015, date d’obtention des Jeux. Ils en visaient 200 millions pour 2022. Mais malgré des moyens mis en place, le gouvernement n’a pas eu les effets voulus.

Les Chinois ne sont pas des férus de la discipline. Ils voient dans le ski ou le snowboard avant tout un moyen de montrer leur statut social. En effet, si une augmentation globale du niveau de vie du pays aurait peut-être pu permettre à tout le monde de pratiquer la discipline, cela reste très cher. Cela reste donc réservé à une petite population suffisamment aisée. De plus, l’éloignement des stations pourtant nombreuses, environ 700, des grandes villes empêchaient les vacances régulières. Ainsi, pour beaucoup, les sports d’hiver était une expérience ponctuelle qui n’était pas renouvelée.

« En Chine, le ski est une affaire de statut social. On vient sur les pistes pour se montrer, pour se faire prendre en photo en haut de la télécabine. Ce n’est pas vu comme un sport, mais plutôt comme une activité sociale. »

Laurent Vannat, un Suisse travaillant comme consultant pour des stations de ski, dans un article du Temps.

La Chine est un pays de sports de glace. Si les sports s’y sont développés sur le tard, elle a déjà remporté de nombreuses médailles olympiques. Mais même au sein de ces disciplines, elle est loin d’être une pionnière. En effet, la première médaille a été obtenue en 1992, soit 68 ans après la première édition des Jeux Olympiques d’hiver à Chamonix en 1924. C’est Li Yan qui l’obtient sur la dernière discipline arrivée, le short-track, sur l’épreuve du 500m. La première médaille d’or arrive en 2002. C’est Yang Yang qui l’obtient également sur l’épreuve du 500 m de la même discipline.

C’est d’ailleurs dans cette discipline qui a fait ses débuts aux Jeux Olympiques d’Albertville en 1992 que la Chine remporte la plupart de ses médailles. Elle en comptabilise 33 dont 10 en or. Wang Meng qui a concouru en 2006 et 2010 a remporté 4 médailles d’or et 6 en tout. Cela est l’un des meilleurs totaux de la discipline. Yang Yang de son côté est double championne olympique et cinq fois médaillée. Les relais sont montés 7 fois sur le podium. Les femmes sont même championnes olympiques en relais lors des Jeux Olympiques de Vancouver en 2010.

Yang Yang, première Chinoise championne olympique, lors des Jeux Olympiques de Salt Lake City en 2002
Yang Yang, première Chinoise championne olympique, lors des Jeux Olympiques de Salt Lake City en 2002 (VCG Photo)

Mais ce n’est pas le seul sport de patinoire où la Chine comptabilise des médailles. En effet, bien que moins nombreuses, elle en a obtenu 8 en patinage de vitesse, pour une unique en or. A Sotchi, Zhang Hong réussit à battre l’une des meilleures patineuses de la discipline la Néerlandaise Ireen Wüst en 1000 m.

De la même façon, elle en obtient 8 en patinage artistique. Dans cette discipline, elles sont toutes en épreuve individuelle féminine ou en patinage de couple. Chen Lu est double médaillée de bronze en 1994 et 1998. Quant au couple composé de Shen Xue et Zhao Hongbo, il comptabilise une médaille de chaque couleur entre 2002 et 2010. C’est d’ailleurs la meilleure performance dans cette discipline. Depuis, Sui Wenjing et Han Cong ont terminé à la seconde place en 2018.

Toujours en discipline en patinoire, l’équipe de Chine remporte la médaille d’or en curling féminin aux Jeux Olympiques de Vancouver. Une nouvelle fois, il s’agissait d’un sport de patinoire, preuve qu’il est plus facile de rattraper le retard sur des disciplines nécessitant des infrastructures plus complexes ou faites de neige et de glace.

Pourtant, plusieurs médailles ont également été obtenues sur neige. La Chine totalise un total de 12 médailles dont 2 d’or. Ainsi, elle a obtenu moins de 20% de ses médailles hivernales sur neige. Et à chaque fois, c’était sur des épreuves acrobatiques. 11 en ski acrobatique sur l’épreuve de saut, et la douzième en snowboard half-pipe. En revanche, aucune médaille sur les disciplines alpines, nordiques ou encore de glace hors patinoire.

La Chine championne olympique de curling-fauteuil à Pyeongchang
L’unique médaille de la Chine aux Jeux Paralympiques est celle en or de l’équipe de curling-fauteuil en 2018

On retrouve le même phénomène aux Jeux Paralympiques où la Chine ne fait pas non plus partie des nations leaders. Alors qu’elle est la meilleure nation lors de ceux d’été, elle ne possède qu’une médaille pour ceux d’hiver. Un résultat très faible au vu de sa population. Il s’agit de la médaille d’or en curling-fauteuil obtenue en 2018 lors des Jeux Paralympiques de Pyeongchang.

Les chances de médailles olympiques et paralympiques

Malgré le fait que la Chine est le pays le plus peuplé et qu’il domine depuis quelques années désormais les Jeux Olympiques d’été, cela ne devrait pas être le cas pour ceux d’hiver. Mais malgré tout, ils devraient monter sur le podium dans plusieurs épreuves, notamment celles où ils sont habitués à en obtenir.

Le couple composé de Sui Wenjing et Han Cong fait partie des favoris pour le titre en patinage artistique de couple. Médaillés d’argent à Pyeongchang, nul doute qu’ils visent désormais l’or olympique. Mais s’ils veulent monter sur la première place, les doubles champions du monde (2017 et 2019) devront faire face aux Russes Anastasia Mishina et Aleksandr Galliamov, qui ont obtenu les meilleures notes cette saison sur les Grands Prix. Mais le second couple russe composé de Evgenia Tarazova et Vladimir Morozov pourrait bien être un sérieux concurrent pour la deuxième place. En effet, les Chinois avaient uniquement 2 points d’avance sur eux sur leurs meilleures notes dans les Grands Prix. Mais les deux couples russes ont grandement augmenté leurs notes lors des Championnats d’Europe, le second ayant le deuxième meilleur total de la saison devant les patineurs locaux des Jeux.

Sui Wenjing et Han Cong aux Jeux Olympiques de Pyeongchang en 2018
Sui Wenjing et Han Cong aux Jeux Olympiques de Pyeongchang en 2018 (Julie Jacobson/AP Photo)

Dans les autres catégories de patinage artistique, il est difficile de voir qui pourrait grimper sur un podium. Celui des femmes semble promis à un triplé russe. La danse sur glace verra certainement se battre les français Guillaume Cizeron et Gabriella Papadakis avec les deux couples de patineurs russes : Victoria Sinitsina et Nikita Katsalapov, ainsi que Alexandra Stepanova et Ivan Bukin. Quant aux hommes, Yuzuru Hanyu et Nathan Chen visent tous deux l’or et le premier Jin Boyang a la 34ème note des Grands Prix, à plus de 50 points du podium.

En short-track, la Chine compte de nombreuses chances de médailles dans sa discipline favorite. Que ce soit relais masculin, féminin ou mixte, les chances sont importantes. En effet, ils ont fait 7 podiums en 12 courses cette saison (4/4 en relais mixte, 2/4 en féminin et 1/4 en masculin). En individuel, la probabilité de victoires masculines est plus importante que chez les féminines. Chez les femmes, seule Fan Kexin a remporté une médaille. Elle s’est parée d’or sur le 500 m de l’étape de Nagoya. Chez les hommes en revanche, ils ont également collecté 7 médailles en 12 courses. C’est notamment Ren Ziwei qui est à suivre. Il a gagné 3 courses pour 5 médailles totales réparties dans les trois distances (500, 1000 et 1500 m). Wu Dajing et Sun Long sont également montés sur le podium, Wu ayant gagné le 500 m à Dordrecht.

En patinage de vitesse, il semble difficile de voir quelles femmes pourraient obtenir une médaille en individuel. Elles n’en ont en effet pas remporté sur cette saison. Néanmoins, tout reste possible sur une course d’un jour, notamment dans les épreuves plutôt courtes. Mais il ne serait pas étonnant de voir le relais féminin s’installer sur le podium. Les Chinoises sont en effet montées plusieurs fois dessus cette année que ce soit en sprint ou poursuite par équipe. Chez les hommes, on peut s’attendre à un scénario équivalent chez les hommes en relais. L’équipe a remporté le sprint par équipe. Mais chez eux, il est également possible d’avoir des médailles dans les distances courtes. Tingyu Gao et Ning Zhongyan ont obtenu tous deux des médailles d’or, respectivement en 500 m pour Tingyu et 1000 et 1500 m pour Ning.

Comme lors des éditions précédentes, les chances de médailles pour la Chine semblent importantes en ski acrobatique. En effet, si l’épreuve de saut masculine est actuellement menée par le Russe Maxim Burov, les Chinois occupent le reste du top 5. Ainsi, s’il n’est pas aisé de savoir qui de Jiaxu Sun, Jia Zongyang, Longxio Yang ou Qi Guangpu montera sur le podium, au moins un d’entre eux devrait y être. En effet, tous ont déjà fait un podium au cours des 6 premières compétitions de la saison. De la même façon, Xu Mengtao et Fanyu Kong mènent actuellement le classement chez les femmes.

Gu Ailing en épreuve  de coupe du monde aux Etats-Unis cette année vise pour médaille pour la Chine à Pékin
Gu Ailing en épreuve de coupe du monde aux Etats-Unis cette année (AFP)

Gu Ailing présente dans la plupart des épreuves de Free Ski Park et Pipe est une autre grande chance de médaille. L’Americano-chinoise a remporté l’intégralité des compétition de half-pipe cette saison. Elle devrait aussi concourir en slope-style et big-air où elle s’est déjà plusieurs fois distinguée par des podiums et victoires. Ses chances de victoires y sont néanmoins plus faibles que dans la première discipline.

La dernière chance de médaille de la Chine pourrait être en hockey sur glace. En effet, si l’équipe masculine constituée en grande partie de joueurs nés en Amérique du Nord, notamment au Canada, ne devrait pas monter sur le podium, les féminines pourraient créer la surprise. Les joueuses jouent pour la plupart dans la Ligue Féminine Russe qu’elles ont remportée la saison dernière. Elles sont normalement à un niveau inférieur au trio Canada, USA, Finlande, mais pourraient bien créer la surprise.

Dans les disciplines paralympiques, au nombre de 6, la Chine ne semble pas pouvoir viser énormément de médailles. Son atout principal devrait rester le curling-fauteuil, comme en 2018. Elle a d’ailleurs remporté les Championnats du monde qui ont eu lieu l’automne dernier. Elle avait alors battu la Suède en finale.

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L’absence des disciplines nordiques et alpines

Il faudrait un exploit pour voir des Chinois sur un podium en ski nordique, combiné nordique, biathlon, ou encore dans les disciplines de ski ou snowboard alpin. Ces disciplines devraient une nouvelle fois être dominées par les pays historiques, laissant peu de place au renouveau. On peut mettre une exception pour les Japonais en saut à ski et les Américains en ski alpin.

La Chine avait pourtant tout fait pour augmenter ses chances de médailles, notamment en biathlon. En effet, elle avait engagé Ole Einar Bjørndalen et Darya Domracheva, couple star du biathlon, en tant qu’entraineurs de son équipe nationale. Ils sont les deux détenteurs du plus grands nombre de médailles olympiques dans la discipline, en totalisant 19 à deux, dont 12 d’or. Ils visaient notamment une médaille sur le relais féminin, épreuve qui était la plus ouverte jusqu’à peu.

« Pour la plupart de nos athlètes, c’est un travail, ce n’est pas quelque chose qu’ils font avec leur cœur. »

Darya Domracheva au média norvégien NRK à propos de ses athlètes

Néanmoins, le programme n’a pas pris autant qu’ils l’auraient souhaité. Leurs récentes interviews montrent le Norvégien et la Biélorusse plutôt déçus des résultats obtenus. Pour eux, en l’état, il n’est pas possible qu’un membre de leur équipe gagne. En effet, ils verraient le biathlon comme un travail et non comme une passion et ne visent qu’à être le meilleur de l’équipe par rapport aux primes. Hors, les biathlètes, fondeurs et skieurs alpins sont avant tout des férus de leurs régions et disciplines. Alors que s’entrainer n’a jamais été une contrainte pour le Norvégien et la Biélorusse qui ne voyaient pas le temps passer à skier au milieu des beaux paysages, ce n’est pas le cas de leurs athlètes.

Accusant un gros retard sur les nations leaders, l’objectif semble presque inatteignable. En effet, le niveau féminin s’est densifié dernièrement. Les Biélorusses, Norvégiennes, Françaises, Allemandes, Suédoises et Russes peuvent toutes viser un podium. En tant que quinzième nation au classement des nations, tout l’espoir de la Chine pour une médaille en biathlon repose sur le fait qu’ils sont les seuls à connaître le site. Car comme le dit Bjørndalen « Si les Jeux Olympiques avaient été en Europe, nous n’aurions aucune occasion. Je pense que notre seule chance est là-bas ».

Gagnante avant même le début des Jeux du concours des plus belles mascottes depuis quelques années grâce à Bing Dwen Dwen et Shuey Rhon Rhon, le pays-hôte ne va certainement pas rééditer l’exploit de ses Jeux en 2008 cet hiver. La Chine devrait néanmoins obtenir un nombre de médailles intéressant dans les disciplines où elle est performante depuis presque 30 ans. Spécialisée dans les sports de glace et les disciplines acrobatiques, ces Jeux à domicile ne lui permettront malgré tout certainement pas de faire une transition vers les sports de neige.

Crédit image titre : Xinhua

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