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Le Jour Parfait – Carole Montillet : « J’étais dans un état de bien-être le jour de la course »

Alors que les Jeux Olympiques se tiennent actuellement à Pékin, je vous propose de revenir quelques années arrière, pour revivre avec une championne olympique française, la journée de son sacre. Aujourd’hui, j’accueille Carole Montillet, championne olympique de descente lors des JO de Salt Lake City en 2002

« Mon histoire s’est déroulée en 2002, je fête les 20 ans en ce mois de février. On a tous des histoires particulières, mais moi je n’arrivais pas en super forme sur ces Jeux, ni en grande favorite. On venait de vivre un terrible accident et le décès de Régine Cavagnoud, une équipière en équipe de France, une amie, qui était ma coloc’ de chambre au moment de son accident sur le glacier en Autriche. Les médecins ont débranché les machines le 31 octobre, c’était vraiment le début de saison pour nous… Donc du 31 octobre au 12 février (jour de la descente olympique), ce n’était pas la joie. Ça a un peu été la descente aux enfers, je ne dormais plus, j’avais peur de skier, c’était une situation très compliquée mais compréhensible.

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Carole Montillet porte drapeau de la délégation française lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Salt Lake

J’ai finalement été désignée porte-drapeau, en hommage à Régine, et à partir de ce moment-là, je me suis retrouvée au milieu des athlètes qui étaient ultra positifs, performants, enjoués, dans une ambiance qu’on ne peut trouver qu’aux Jeux. Je pense que cela m’a un peu redonné goût à la vie, j’étais heureuse d’être là, et j’ai réussi à faire un peu abstraction grâce à la protection que l’on a au moment des JO, vis-à-vis des journalistes et du monde extérieur. On était comme dans une sous cloche, ce qui m’a permis de me reconcentrer sur ce que j’aimais. Je me suis faite la réflexion lors des entrainements descente, que j’ai terminé loin aux alentours des 3s, j’avais retrouvé le plaisir de skier, dans ma tête l’envie d’aller vite, mais comme me l’ont dit mes entraineurs, on sentait que le corps ne suivait pas. Il y avait encore une sorte de blocage.

La course était à l’origine programmée le 11 février, donc on avait fait tous les préparatifs : échauffement, préparation des affaires, reconnaissance, et on était parti se mettre au chaud au restaurant avant le départ. Et là, le vent s’était levé, et la course est finalement reportée au lendemain. Je croise alors une personne de chez Rossignol qui me dit « En fait c’est super cool Carole t’étais prête aujourd’hui ? », je lui réponds que oui, et il me dit « Et bien tu imagines demain, tu n’auras qu’à penser à aller vite ! » Alors des fois les gens font des réflexions qui leur paraissent anodines, mais là c’était vrai. C’était une répétition générale, et je ne pensais plus à toutes ces petites choses, « est-ce que j’ai oublié ma combinaison ? Combien de temps il me faut après l’échauffement … ? », qui peuvent perturber. Cela a été un déclic supplémentaire.

Photo Carole Montillet, 2002 Ski alpin L'équipe de France Olympique aux JO  de Vancouver 2010
Carole Montillet lors de la descente des JO de Salt Lake City

J’étais hyper détendue. On logeait dans des petits appartements parce que le village olympique était assez loin, et on avait un cuisto avec nous. Quand je l’ai croisé je lui ai dit « On ne se ferait pas des crêpes ? » Il me répond « Allez, si tu veux ! ». Donc on est parti faire des courses tous les deux, alors que personne ne mange des crêpes la veille d’une course, surtout des JO (rires), on a quand même deux ou trois bases alimentaires à respecter. J’étais simplement fraîche, heureuse d’être là, donc on s’est mangé des crêpes ! Et le lendemain matin j’ai fait la reco’ en me disant « bon, je me la suis remémorée 20 fois hier, je la connais ! » En plus je m’étais fait la réflexion que souvent en ski alpin, il est difficile pour les gens de notre entourage de se rendre compte de ce qu’on fait. Les caméras écrasent la pente, on ne réalise pas la vitesse, la longueur des sauts… Et sur cette course, c’était super bien filmé ! J’étais contente que les gens puissent se rendre compte du spectacle, dont je faisais partie.

Je m’étais enlevé toutes formes de pression, vu que j’étais à la ramasse lors des entrainements, et j’étais dans un état de bien être le jour de la course. J’ai pris le départ, il faisait grand beau, et en l’espace de trois portes je me suis dit « mais c’est hyper facile aujourd’hui ! ». En fait pas du tout, j’avais simplement les bonnes intentions. En ski alpin, quand tu as une bonne flexion de cheville, que tu veux aller vite, que ton corps est penché sur l’avant, tu arrives beaucoup plus facilement à diriger tes skis. Plus les portes passaient, plus je mettais d’intentions, et plus c’était facile. Les sensations n’étaient plus du tout les mêmes qu’aux entrainements, je n’avais plus le pied qui dérapait, je ne me relevais plus 20 mètres avant les bosses histoire de ralentir un peu… Je me régalais à aller vite et en l’espace de deux portes où j’ai pris un maximum de plaisir, ça m’a mis dans une excellente spirale. Quand j’arrive en bas, je prends la tête avec 1,52s d’avance sur la Norvégienne Marken, qui avait fait de bons entrainements, donc c’était une vraie référence et je réalise que j’ai fait quelque chose !

Revivez la descente parfaite de Carole Montillet.

C’était assez personnel et égoïste, mais je me disais qu’enfin j’avais réussi à faire une belle course. Je n’ai rien inventé ce jour-là, j’ai juste retrouvé des sensations et c’est tombé au bon moment. J’ai aussi eu un petit peu de chance parce que si cela avait couru la veille ça n’aurait pas été la même histoire. Dans l’aire d’arrivée, je comprends assez vite parce que les favorites Kostner et Goetschl partaient 14 et 15, et elles passent derrière ! Après il y a eu une grosse attente jusqu’à l’Américaine Picabo Street, qui avait gagné plusieurs fois le globe de la descente et qui allait prendre sa retraite après les JO. Elle n’avait pas fait une grande saison, mais on connaît la faculté qu’ont les Américains à se transcender lors des grands événements, surtout chez eux, et elle avait prévenu qu’elle serait championne olympique. Elle l’avait déjà dit à Nagano, et elle avait réussi (remportant le super-G), donc on était tous dans l’attente dans l’aire d’arrivée. Ça reste des moments magiques, on était tous ensemble, avec Mélanie Suchet, ma copine qui était dans l’équipe aussi, tous les gens de la fédé…

Sur le moment, on partage avec les gens présents, avec les filles, après avoir vécu un moment tragique. Les regards échangés sont forts. On profite parce qu’on sait que ces moments sont très courts, on est vite rattrapé par les conférences de presse et on s’échappe un peu les uns des autres. Ensuite, on se rend compte qu’on succède à Marielle Goitschel au palmarès des françaises sacrées en ski alpin au JO, cela rajoute de la fierté.

Carole Montillet, Championne Olympique de ski Alpin - Ambassadrice de  Make-A-Wish France (Pour en savoir plus : https:/… | Champion olympique,  Ski alpin, Olympique
Carole Montillet championne olympique 2002 de la descente

Comme je n’étais pas toute jeune, j’avais déjà vu tous les scénarios : des athlètes attendus qui ont réussi, d’autres qui ont échoué, des outsiders qui ont réussi à claquer le résultat le jour J avant de retomber aux oubliettes… Ce jour-là, je me suis dis que je ne voulais surtout pas être la femme d’un jour ! Je connaissais mon potentiel, et ça a été beaucoup plus facile de retourner à l’entrainement, j’avais une médaille, mais je ne voulais pas m’arrêter là. Je ne voulais pas que les gens retiennent que j’ai été bonne un seul jour. Ça m’a vraiment aidé dans ma préparation physique, sur les skis aussi parce que d’un coup on vous écoute un peu différemment. La saison suivante je remporte le classement général du super-G, qui récompense ma régularité, ce qui est recherché par tous skieurs.

Quand on me parle de ce titre encore aujourd’hui, d’abord ça me fait marrer ! Je me dis « tiens les gens s’en souviennent encore ». Il ne faut jamais avoir honte de ce que l’on a fait, ce n’était pas une course volée, celle-là je l’ai bien méritée ! Quand j’en parle avec des gens de mon âge, c’est une grande fierté, et quand c’est avec des jeunes qui étaient à peine nés, qui ont revu les images, je suis encore plus fière ! »

Crédit image titre : L’Equipe

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