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Juan-Martin Del Potro, la révérence d’un géant du tennis

Juan Martin Del Potro disputait mardi soir en terre argentine ce qui ressemblait fortement au dernier match de sa carrière. Crédit Photo : Getty Images.

C’est dans la nuit du 9 février 2022 à Buenos Aires que Juan Martin Del Potro a sans doute joué le dernier match de sa carrière, qui restera gravé dans les mémoires. Salué par le public argentin dans lequel figurait sa maman, plus encore que le seul public sud-américain, c’est toute la communauté tennis avec les joueurs du circuit en ligne de mire qui ont rendu chacun à leur manière un vibrant hommage au joueur argentin. C’est avec une vive émotion, face à son compatriote Frederico Delbonis que la Tour de Tandil comme il était ainsi surnommé, désormais âgé de 33 ans, a tiré sa révérence sur le court de tennis ici à Buenos Aires, sur ses terres et devant plusieurs de ses proches et admirateurs déchirés.

« Aujourd’hui, j’ai donné tout ce que j’avais, jusqu’au dernier point. Je suis heureux parce que mon dernier match, probablement, a eu lieu sur un court et pas en donnant une conférence de presse, a-t-il expliqué au public qui l’a acclamé. A vrai dire, c’est un moment que je n’aurais jamais voulu voir arriver. Ma santé m’amène à devoir prendre une décision. Je n’ai pas autant de force que ce que beaucoup de gens pensent. Je pense avoir réalisé tous mes rêves en matière de tennis. Aujourd’hui, je souhaite pouvoir dormir sans douleur« .

Les multiples blessures à répétition ont finalement eu raison de son abnégation. A 33 ans, l’argentin a eu le courage de renoncer à la passion qui l’anime depuis le plus jeune âge pour préserver son corps, fragilisé depuis ces dernières années. Son genou droit notamment, opéré à quatre reprises ne tenait plus et l’empêchait de jouer avec la pleine possession de ses moyens. C’est même avec la douleur intense que Juan Martin Del Potro jouait au tennis ces dernières années. Son dernier souhait en tant qu’athlète était de prendre sa retraite sur le court, et il se souviendra pour toujours de cet ultime moment vécu sur la terre battue argentine, cette balle de match anecdotique contre lui, mais surtout l’ovation indicible du court Guillermo Villas. Pour le vainqueur de l’US Open 2009, il n’y avait certainement pas de meilleur endroit pour arrêter sa carrière et se retirer avec fierté du chemin parcouru.

Del Potro, un joueur surpuissant marquant de sa génération

C’est peu dire que l’argentin a martyrisé ses adversaires par le passé de par sa puissance phénoménale et ce qui restera probablement comme l’un des plus gros coups droits de l’histoire du tennis. Son grand gabarit (1m98) lui permettait de déployer une grande amplitude pour frapper en coup droit et fracasser littéralement cette balle avec une prise de balle précoce. Doté également d’un énorme service, il était le genre de joueur agressif, offensif que chacun redoutait car puissant et combattif. C’est en 2006 que la Tour de Tandil est révélée aux yeux du grand public, symbolisé par des victoires aux challengers de Ségovie en battant notamment Fernando Verdasco et Benjamin Becker. Sur le circuit professionnel, il atteint ensuite les quarts de finale aux tournois de Bâle et Umag, et parvient également en huitième de finale à Tokyo et Stuttgart. L’Argentin devient alors le plus jeune joueur dans le top 100 ATP fin 2006.

2007 lance sa progression sur le circuit professionnel mais des premières fragilités apparaissent et l’empêchent de pleinement éclore cette année là. C’est l’année suivante en 2008 que Del Potro signe un retour tonitruant avec pas moins de quatre tournois remportés, et ce de manière consécutive (Stuttgart, Kitzbühel, Los Angeles et Washington). Cette performance remarquée lui vaut d’aborder l’US Open 2008 en tant que tête de série numéro 17, édition dans laquelle il se hisse jusqu’en quart de finale, finalement éliminé par un certain Andy Murray lors d’un match pleinement accroché.

Cet élan de progression fulgurant se confirmera dès l’année suivante, qui fut sans doute la plus belle année tennistique de la carrière de Juan-Martin Del Potro. En effet, l’argentin parvient cette année là à battre Roger Federer en finale de l’US Open, avant de céder face à ce dernier en demi-finale de Roland Garros et aller en fin d’année jusqu’en finale du Masters de Londres. Une année sensationnelle pour Del Potro qui atteindra alors ce qui ressemble fortement à l’apogée de sa carrière avec une place de quatrième mondial. La suite, on la connaît malheureusement. Jamais Juan Martin ne parviendra à enchaîner les saisons complètes, minées par des pépins physiques freinant son ascension.

A tout juste 20 ans, Juan Martin Del Potro remporte le premier Grand Chelem de sa carrière à l’US Open 2009 après avoir battu le Suisse Roger Federer. (Photo : AFP)

Un trou de 3 ans entre 2009 et 2012, puis un premier comeback avec un retour au premier plan de l’argentin, caractérisé par sa réapparition dans le top 10 mondial et aussi quatre quarts de finale en Grand Chelem cette année là. Une performance qui démontre toute la polyvalence du type de joueur qu’il était, pas seulement une brute épaisse capable de déborder n’importe quel adversaire par sa force de frappe, mais aussi un joueur intelligent capable de s’adapter à la surface et jouer avec ses armes.

L’année suivante, Del Potro connaît une superbe année tennis avec un retour dans le top 5, symbolisé par deux finales en Masters 1000 (Shanghai et Indian Wells) et une demi-finale à Wimbledon. Pour sa première demi-finale sur le gazon londonien, il réalise un match exceptionnel, finalement perdu au terme d’un combat titanesque de 4h47 (5-7, 6-4, 62-7, 7-66, 3-6) en ayant notamment sauvé deux balles de match durant le deuxième tie-break avant de le remporter. Il délivrera durant cette partie des coups exceptionnels dont il a le secret, comme ces coups droits en bout de course dévastateurs, dont un notamment flashé à une vitesse dépassant les 190 km/h. Nole qualifiera cette partie comme « la plus belle » qu’il ait jouée à Londres.

Jeux Olympiques et Del Potro, une histoire d’amour

Ces Jeux Olympiques de Londres 2012, Juan Martin Del Potro s’en souviendra pour l’éternité. Se hissant jusqu’en demi finale du tournoi olympique défait par Roger Federer, l’argentin parvient dans le match pour la médaille de bronze à vaincre le Serbe Novak Djokovic (7-5, 6-4). Il offrait ainsi à la délégation argentine le premier podium de ces jeux et s’adjugeait l’une des plus belles victoires de sa carrière.

L’argentin figure ici avec sa médaille de bronze, aux côté de Andy Murray qui remporte cette année la médaille d’or face à son rival Roger Federer. (Source photo : Be In Sports).

En 2016, les Jeux Olympiques au Brésil offrent aux spectateurs le retour du véritable Del Potro, lui qui avait à nouveau connu une traversée du désert entre 2014 et 2016 pour cause de blessures. Lors de ces JO, il réussit l’exploit comme il y a quatre ans, de battre dès le premier tour le no 1 mondial Novak Djokovic au terme d’un match dantesque et d’une rare qualité tennistique. L’argentin révéla après coup que cette victoire était « l’un des meilleurs matches de sa carrière, une victoire encore plus importante que celle de Londres ». Par la suite, il confirme avec les deux matchs suivants contre Joao Sousa et Daniel Taro en s’imposant en trois manches. En quart de finale, Juan Martin Del Potro affronte l’Espagnol Roberto Bautista-Agut qui l’avait battu à l’Open d’Australie 2014, mais prend sa revanche et s’impose (7-5, 7-64) pour atteindre le dernier carré. Il affronte ensuite Rafael Nadal dans un match stratosphérique finissant au bout du suspense, l’Argentin s’impose (5-7, 6-4, 7-65) en plus de trois heures de jeu. Il se qualifie alors pour la finale pour le titre olympique contre le no 2 mondial, Andy Murray. Il s’incline (5-7, 6-4, 2-6, 5-7) en plus de quatre heures de jeu dans une finale relevée où il fait douter le Britannique malgré la fatigue accumulée lors du tournoi. Il s’adjuge tout de même la médaille d’argent en concluant une belle semaine, déclarant « le tennis c’est ma vie » et qu’il avait passé la « semaine la plus incroyable de sa carrière ».

L’Argentin Juan Martin Del Potro pose avec sa médaille d’argent obtenue aux Jeux olympiques de Rio, le 14 août 2016.
REUTERS/Marcos Brindicci

Le magnifique sacre en Coupe Davis de 2016

2016 constitue forcément une année symbolique pour le joueur argentin, probablement encore au-delà de ce qu’a représenté son sacre à l’US Open en 2009. Juan Martin Del Potro offrait en 2016 la première Coupe Davis à tout un peuple. L’Albiceleste remportait ainsi la Coupe Davis 2016 face à la Croatie à Zagreb, soit la première de son histoire ! Après quatre échecs en finale (en 1981, 2006, 2008 et 2011), les Argentins parvinrent enfin à décrocher le Saladier d’Argent, le dimanche 27 novembre 2016 au terme d’une finale haletante remportée 3-2. La victoire était symbolisée par un joueur : La Tour de Tandil, qui avait réussi à remettre son pays sur les rails en renversant Marin Cilic en cinq manches dans le match des numéros un (6-7 (4), 2-6, 7-5, 6-4, 6-3). Après sa médaille d’argent aux Jeux Olympiques de Rio, et sa superbe victoire contre Andy Murray en demi-finale de cette Coupe Davis contre la Grande Bretagne, Del Potro avait encore sorti un exploit contre la Croatie. C’était d’ailleurs la première fois de sa carrière qu’il gagnait un match en ayant été mené deux sets à rien. 

L’argentin déclara après ce sacre : « Cette victoire, c’est pour ma famille, pour mes amis, pour ma ville de Tandil, pour l’Argentine, pour tout le monde qui croit en nous. Ce titre, c’est le meilleur, sans hésitation, au-delà de mon titre à l’US Open (en 2009). C’est tellement spécial par rapport à tout ce que ça m’a coûté, tous les efforts que j’ai faits. Nous avons fait l’histoire. Nous n’avons pas seulement des grands joueurs, mais également des grands hommes. Cette victoire, c’est la victoire d’un groupe d’amis« . Des propos fort de sens qui reflètent parfaitement la dimension supérieure que représente ce titre pour toute une nation, et qui retrouvait là son homme providentiel à son meilleur niveau.

Les Argentins fêtent leur victoire face à la Croatie en Coupe Davis et leur qualification en finale, le 18 septembre 2016 à Glasgow.
afp.com/Andy Buchanan

Les deux années suivantes seront encore belles pour Juan-Martin Del Potro avec notamment une demi finale en 2017 à l’US Open, puis de nouveau une finale sur le court Arthur Ashe lors de l’édition 2018 ainsi qu’un premier sacre en Master 1000 à Indian Wells. L’argentin connaît d’ailleurs en 2018 en fin d’année son meilleur classement jamais atteint, avec une place de numéro 3 mondial au classement ATP qui lui vaut d’être de nouveau qualifié pour le tournoi des maîtres après sa première participation en 2013. Mais la faute à un corps fragile, le joueur originaire de la ville de Tandil doit renoncer à prendre part au Masters. Une fois de plus, le génie argentin est trahi par ses failles physiques et commence alors tristement pour lui le début de la fin de sa carrière.

2019 à aujourd’hui, une dernière traversée du désert

Un dernier 1/8ème de finale en Grand Chelem, lors de la quinzaine de Roland Garros puis un forfait pour le tournoi de Wimbledon à cause de son genou. Les examens médicaux révèlent une nouvelle fracture de la rotule qui l’oblige à une opération et une nouvelle absence du circuit. Le cauchemar continue pour l’argentin, quand ce n’était pas le poignet gauche, c’était le droit, et quand ce n’était pas le genou gauche c’était le droit qui montrait ses limites.

Une longue litanie pour un amoureux du tennis, une nouvelle traversée du désert tennistique l’éloignant des courts régulièrement de 2019 jusqu’à ce mardi 8 février 2022. Son abnégation, sa force de caractère ont toujours fait de lui un joueur spécial et lui permirent de revenir à chaque fois quand une minorité y croyait. Mais à 33 ans, son corps n’est indéniablement pas le même, et les multiples opérations qu’il a reçues ont impacté significativement à la fois son physique et son mental.

Il fallait s’armer de courage et de lucidité pour dire stop, et mettre un terme à sa carrière. Surtout quand on s’appelle Juan-Martin Del Potro, héros adulé d’un peuple argentin qui a connu de grandes années de gloire et des moments mythiques sur le circuit. Ces mêmes momentum qui ont fait de lui ce qu’il sera toujours : un homme rempli d’émotions, de sympathie et doté d’un talent incommensurable. Qui sait ce que l’argentin aurait pu faire sur le circuit s’il avait eu un corps plus résilient et moins fragile ? Sans doute encore bien plus de prouesses et d’exploits. Mai qu’importe, Juan-Martin a sagement décidé d’arrêter de lutter, de combattre contre vent et marées, et penser à lui. La Tour de Tandil l’a bien mérité.

Juan-Martin Del Potro, ici à Buenos ce mardi 8 février, suscite une admiration sans faille dans son pays. Juan Mabromata / AFP

Juan Martin Del Potro, voilà un grand nom du tennis qui se retire sans doute définitivement du circuit. 22 titres accumulés sur le circuit, dont un US Open, une Coupe Davis, un Masters 1000 entre autres. Lorsqu’on évoque le joueur argentin, au-delà de son parcours, ses exploits réalisés, c’est avant tout la trace mémorielle que l’on retiendra de Del Potro. Un joueur capable de se galvaniser, de se hisser à un niveau d’une intensité rarissime, et nous offrir un spectacle étourdissant. Sa force de frappe, mais surtout sa combativité et pugnacité auront fait de lui un joueur extraordinaire, attachant et aimé du public. Il est temps de se reposer maintenant Juan Martin et laisser ce corps tranquille. Tu as fait vibrer pendant tous ces années tous les amateurs de sport et incarne sans nul doute un bel exemple de valeurs humaines et sportives. Merci pour tout champion.

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