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Percy Montgomery, une étoile au pays de l’arc-en-ciel

Qu’est ce qui peut vous pousser à aimer un joueur plus qu’un autre ? Un geste ? Le cadrage-débordement de Takudzwa Ngwenya sur Bryan Habana l’a fait rentrer dans le cœur de milliers de fans de rugby. Un trait de personnalité ? Le pilier anglais Joe Marler est adoré par une partie du public pour sa bonne humeur et son exubérance. Dans le cas du sud-africain Percy Montgomery, c’est une autre histoire. Sur Rugby 08, considéré par beaucoup comme le meilleur jeu de l’histoire de ce sport, son nom  était suivi d’une étoile. Comme pour l’élever au-dessus des autres joueurs, au côté de Richie McCaw ou du regretté Christophe Dominici.

Dans le jeu, comme dans sa carrière, Percy Montgomery était injouable. Au pied comme à la main, le grand blond illuminait toutes les parties de sa classe naturelle. Pas question aujourd’hui de réaliser un résumé complet et linéaire la carrière de Percy Montgomery. Mais davantage un hommage à un magicien du rugby. Un joueur sûrement trop souvent sous-estimé lorsqu’on parle des plus grands buteurs de l’histoire.

Reconnaissable entre 1 000

Du haut de son mètre 85, l’arrière de 47 ans est parfaitement identifiable, toujours dans son 3e rideau fétiche. Car Percival Colin Montgomery, c’est d’abord une gueule reconnaissable entre 1 000. Un petit mix entre Jean-Pierre Rives et Kurt Cobain, diront les plus audacieux. Un style qui correspond parfaitement à ce qu’on lui demande de faire sur un terrain : étirer les défenses, relancer, mais surtout scorer. Marquer inlassablement drops, pénalités et transformations. Percy Montgomery est arrière. Il peut jouer centre, à quelques occasions. Avec l’équipe nationale d’Afrique du Sud, lors de la tournée contre les Lions, perdue de 1997 par exemple, André Joubert le devançait au poste d’arrière. Mais c’est bien avec le numéro 15 dans le dos que l’imaginaire collectif se souvient de ce génial kicker.

Percy Montgomery sait tout faire quand il s’agit de frapper dans la balle avec le pied. Une pénalité à 40 mètres ? C’est pour Monty, 148  pénalités dans sa carrière internationale. Un drop ? Il s’arrête au milieu du terrain et après un énorme coup de pompe, donne trois points à son équipe. Il en plantera deux contre les All Blacks en 1999, dans un Millenium Stadium bouillant, pour la 3e place en Coupe du monde. Pour les transformations, même histoire. Un essai, c’est très souvent sept points quand il est face aux perches.

Percy Montgomery est gaucher, comme Jonny Wilkinson ou Dan Carter. Sa routine est facilement reconnaissable, comme Jonny Wilkinson ou Dan Carter. Et quand il botte, ça passe tout le temps, comme Jonny Wilkinson ou Dan Carter. Belle comparaison pour un joueur qui fait partie de la catégorie des botteurs magnifiques mais énervants. Car tout passe, malgré une routine simple et un élan minuscule. Les ballons sont millimétrés. Le résultat d’heures de travail à botter encore et encore.

Petit aperçu des capacités de Monty (crédit : EliottJackRussel1)

Les rêves d’un enfant de la Namibie

Percival est né en actuelle Namibie, à Walvis Bay, anciennement territoire sud-sfricain, jusqu’à son transfert sur le territoire namibien en 1994. Dans une interview pour Rugby Legend South Africa, en 2021, il explique avoir eu deux rêves : jouer pour les Springboks et posséder une maison face à la mer. Cent deux sélections plus tard, il donne cette interview dans sa maison de Cape Town, face aux vagues de l’océan Atlantique.

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Pas le plus impressionnant physiquement, pas le plus rapide, Percy Montgomery travaille dur et il intègre la prestigieuse South African College School à Cape Town. Son rêve se rapproche de plus en plus. En observant la liste des anciens élèves de l’école, on comprend assez rapidement ce choix. Sebastien Rousseau, trois fois nageur olympique et vainqueur des jeux du Commonwealth, Ryan Sandes, quatre fois vainqueur de l’ultra marathon du désert, mais aussi Abdullah Abdurahman, premier Sud-Africain de couleur à gagner une élection à un poste public. Tout ça, en 1902. Tous étaient élèves de cette école. À force de travail, Percy Montgomery réussi à se lancer dans une carrière de rugbyman professionnel. Il garde encore dans sa maison, qui ressemble à un musée de sa carrière, énormément de souvenirs de ces années scolaires, dans ce qu’il surnomme la SACS.

En club, Percy Montgomery, c’est d’abord l’Afrique du Sud. Dans un format double, où les  joueurs jouent à la fois le Super 12 continental et la Currie Cup nationale. Entre 1996 et 2002, Monty sera fidèle à ses deux clubs de cœur. Pour ce qui est de la Currie Cup, c’est avec la Western Province que le joueur s’illustre. Soixante-quatre apparitions dans le XV, 341 points : Percy Montgomery ramène, au cours de son séjour à Cape Town, 3 des 34 titres de la franchise. Battant par deux fois les Sharks, sa future équipe, en 2000 et 2001. En Super 12, échelon supérieur des compétitions de l’hémisphère sud, Percy Montgomery impressionne mais ne gagne pas. Aucun titre avec la Western Force mais encore des points, du pied, du Percy. Il marque 217 points en 52 apparitions, jusqu’à 2002.

Un avenir en vert et or 

Revenons le 28 juin 1997, deux ans après la victoire dans ce qui reste comme la plus célèbre Coupe du monde de l’histoire du rugby au King’s Park Stadium de Durban. Les Springboks affrontent les Lions britanniques, pour le 2e match d’une série de test en territoire sud-africain. Cette nation doit se remettre de la défaite 16-25 lors du premier test, une semaine plus tôt. Au milieu du terrain débarque un jeune numéro 13.

Le cuissard en dessous du short, les cheveux encore courts, Percy Montgomery réalise son rêve : Jouer pour l’équipe de son pays. Malgré la défaite, l’arrière de métier n’attend pas. Il score le deuxième des trois essais sud-africains. Dans le box score, il est entouré par le regretté Joost van der Westhuizen, et André Joubert, rien que ça. Deuxième match, rebelote, encore un essai, toujours le numéro 13 flanqué dans le dos. Montgomery marquera 25 essais lors de sa carrière internationale. Il ne le sait pas, mais le monde du rugby vient de voir éclore l’un de ses plus grands.

Les début de Montgomery chez les Boks en 1997 (crédit : RugbyDebuts)

Le passage européen 

S’il est surtout connu au pays arc-en-ciel, Percy Montgomery, à l’image d’un grand nombre d’autres légendes du ballon ovale, a fait un passage en Europe. C’est au pays de Galles que Monty décide de poser ses valises. Newport est sa destination. Même s’il explique dans une interview pour le site sarugby.co, ne pas forcément apprécier la pluie et le prix du café chez nos amis du Poireau, Montgomery semble plutôt bien s’adapter au pays. Toujours la même histoire : des points, du placement et des coups de pieds millimétrés.

Mais c’est bien pour une bêtise sur le terrain qu’on retiendra le passage de Percy chez les Gallois. Le 13 mai 2003, les Newport Dragons jouent contre Swansea. Après s’être fait expulser par l’immense Nigel Owens, Percy ne trouve rien de mieux que de bousculer l’arbitre de touche du match. Six mois de suspension, 15 000 livres d’amende. Il ratera la Coupe du monde 2003. L’équipe d’Afrique du Sud s’éloigne pour le joueur, sentence renforcée par la politique de la South African Rugby Union (SARU) qui a longtemps préféré sélectionner les joueurs évoluant au pays. Dans une interview pour Sport 24, Percy Montgomery racontera les bénéfices de cette longue pause internationale : « Mon déménagement à Newport pour trois ans a fini par prolonger ma carrière internationale plutôt que d’y mettre fin. À ce stade, j’avais joué 50 tests et j’avais besoin d’une pause. »

Cap à l’est

C’est donc après une longue pause que l’enfant prodige revient au pays, prêt à botter de nouveau sur les terrains sud-africains. Cette fois-ci, direction l’est du pays où il rejoint les Sharks de Durban, en juin 2005. Il y fait ses premiers pas seulement en août, retenu par l’Afrique du Sud pour le Tri-Nations 2005. Après trois ans sans sélection, l’artilleur est bel est bien de retour. Il termine meilleur réalisateur (54 points) d’un tournoi remporté sans grande surprise par la Nouvelle Zélande. Percy Montgomery jouera une trentaine de match pour le club de Durban, alternant Currie Cup et Super 14. Il accumule pénalités, transformations ou drop et il emmène les Sharks en finale du Super 14 en 2007.

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Première de la saison régulière, l’équipe est emmenée par des noms bien connus de la scène rugby. Brad Barritt, Ruan Pienaar ou François Steyn partagent l’affiche avec Montgomery, dont les cheveux commencent à pousser sérieusement. La demi-finale est survolée par le numéro 15 contre le Auckland Blues avec 16 points sur les 34 de son équipe. Cette victoire laisse entrevoir la première finale 100 % sud-africaine de l’histoire de la compétition. Mais devant 54 000 spectateurs, à domicile, le rêve se transforme en un thriller à la conclusion terrible. L’ABSA Stadium accueille, ce jour, les Bulls de Pretoria. Victor Matfield, Bakkies Botha, Bryan Habana : les taureaux alignent eux aussi une équipe de galactiques.

Le match est tendu, fermé. À la 70e minute, le score est de 14-13 pour les Sharks, qui touchent d’un petit doigt le trophée de la compétition la plus prestigieuse de l’hémisphère sud. Albert Van Den Bergh marque un essai à la 78e minute. Six points d’avance, sans un essai transformé des Bulls, le Sharks sont champions et peuvent s‘apprêter à soulever le premier trophée de l’histoire de la franchise. L’histoire aurait été magnifique si une fusée n’était pas passée sur le sol de Durban à la toute fin de la partie. Après une action interminable où les Bulls enchaînent temps de jeu sur temps de jeu, Bryan Habana trouve la brèche. La légende sud-africaine transperce la défense et vient marquer au centre de l’en-but. 20-19. Les Sharks sont défaits, la déception est immense. Et vu ce qu’il va se passer par la suite, on se dit que ce titre aurait pu rendre l’année de Percy Montgomery légendaire…

Dieu s’était transformé en Percy Montgomery

Mais c’est bien la fin de l’année 2007 qui va forger pour de bon la légende de Percy Montgomery. Lorsqu’avec ses compères de la sélection nationale, il décide de rouler sur la Coupe du monde 2007. La puissance de feu de l’équipe d’Afrique du Sud sur ce tournoi était considérable. En poule, c’est quatre victoires. Les Samoa, c’est 59-7, avec deux essais de Percy. Même tarif pour les États-Unis, avec un succès 64 à 15 pour les Vert et Or. Le match face aux Tonga, dans lequel une partie des cadres sont au repos, est plus difficile. Il se solde par une victoire serrée, 30 à 25, au stade Bollaert, à la suite, entre autres, de l’entrée en jeu des cadres en seconde mi-temps. 

Le match contre les Anglais entérine l’incroyable domination sud-africaine. Au Stade de France et face à 77 000 supporters, l’Angleterre est défaite 36 à 0 par cette génération dorée du rugby sud-africain. JP Pietersen, François Steyn et consort semblent intouchables. Percy Montgomery est déjà bouillant, il marque 29 points contre les Tonga et il est extrêmement précieux dans la victoire face aux Anglais. Comme d’habitude, il est froid, lucide, efficace. Percy Montgomery a 33 ans, et semble être à son meilleur niveau. Il est le parfait métronome d’une équipe d’Afrique du Sud qu’on connaît pour son jeu un poil « rugueux ». Et lorsque les phases finales arrivent, le joueur survole, de sa classe, les matchs à enjeux. Une pâte, posée sur une Coupe du monde déjà bien entamée, qui va faire de lui ce fameux joueur étoilé sur Rugby 08.

Percy MONTGOMERY – 20.10.2007 – Angleterre / Afrique du Sud – Finale de la Coupe du Monde 2007 – Stade de France – Paris – Photo : Philippe Perusseau / Icon Sport

Le quart de finale se profile donc pour des Springboks en pleine confiance. L’ambiance est idéale. Le Vélodrome de Marseille est l’écrin de la rencontre. Face aux Vert et Or, les Fidji s’avancent avec quelques noms bien connus dans nos contrées. Avec Sireli Bobo ou Sisa Koyamaibole, un petit vent de Top 14 souffle sur le match. L’Afrique du Sud semble prendre le match de haut et est très proche de se faire piéger par des Fidjiens qui jouent crânement leurs chances. Finalement, c’est une victoire 37-20 des Boks qui n’illustre en rien la physionomie du match. Plusieurs fois, les Fidji menacent de passer devant au score alors qu’ils sont à 14. Il faut un cadeau du ciel offert par JP Pietersen pour sauver l’équipe d’un naufrage. Dans le match, Percy est comme d’habitude présent. Trois transformations, deux pénalités, le tarif habituel. Il partage la botte avec François Steyn et son coup de patte de mammouth. Le piège est évité et c’est à nouveau une équipe surprenante qui se dresse pour les demi-finales. 

Comment appréhender cette rencontre ? Des Argentins surprenants et invaincus, qui n’ont jamais gagné un seul match contre les Sud-Africains, s’avancent en ce 14 octobre 2007. Patricio Albacete, Augustín Pichot, à nouveau, un petit vent de Brennus souffle sur le pré du Stade de France. Ce match est la définition du jeu prôné par les Sud-Africains. L’efficacité la plus totale. Si le score  final n’est pas déshonorant pour des Pumas héroïques (37-13), l’Afrique du Sud semble avoir la mainmise sur le jeu pendant 80 minutes. Ils se jouent parfaitement des erreurs argentines puis gèrent. Et le meilleur à ce jeu là, c’est Percy Montgomery. Evidemment, l’égalisation du record d’essai de Jonah Lomu (8) par Bryan Habana fait parler dans tous les médias, et c’est bien normal. Mais pour Monty, c’est trois pénalités et quatre transformations. Dix-sept points en plus, discrètement. Des chandelles, des passes sur le pas, Percy Montgomery est pénible d’efficacité, et c’est ce qui le rend si unique. L’obstacle passé, ce sont des Anglais revanchards qui se dressent face aux Boks en finale

Sur le papier, le duel est immense. Un Stade de France surchauffé d’abord, 80 000 spectateurs prêts pour un combat titanesque. Des Anglais de retour, après l’humiliation marseillaise. Mais surtout, deux des meilleurs buteurs de l’histoire face à face. Face à Percy Montgomery se dresse Sir Jonny Wilkinson, quatre ans après son drop dévastateur contre l’Australie dans les prolongations de la finale de Coupe du monde. Difficile de décrire la qualité de cette confrontation à distance qui oppose deux des plus grandes légendes du rugby. Vous me direz qu’ils ne jouent pas au même poste et vous aurez raison. Mais la physionomie du match va vous convaincre de l’importance de ce duel. L’excitation est à son comble, le public s’attend à des étincelles de tous les côtés. Il n’en est rien.

Résumé de la performance de Percy Montgomery en finale de coupe du monde (crédit : SARugbymag.co.sa)

Le choc tant attendu s’avère être un des matchs les plus fermés du tournoi. Des défenses rugueuses, du jeu au pied, personne ne prend le dessus. La rencontre se transforme en duel de buteur. Et quoi de mieux que deux des plus grands de l’histoire pour cela. Quoi de plus parfait pour parler de Percy Montgomery qu’une rencontre dans laquelle seuls le pied, l’intelligence stratégique et la lucidité comptent. Finalement, ce seront deux pénalités de Wilkinson, face à trois pénalités de Percy et une de François Steyn. 15 à 6. Bien triste score pour une rencontre qui aurait du être exceptionnelle.

Un héritage immense

Mais l’important ici n’est pas le score. Percy Montgomery a réussi son coup. Il est revenu en équipe nationale pour gagner la Coupe du monde. Et il l’a fait. Cent cinq points, vingt-deux transformations, dix-sept pénalités et deux essais. Tout ça à 94 % de réussite. Les statistiques sont absolument stratosphériques pour le numéro 15. Rappelez-vous la finale de Super Rugby, et dites vous que l’année de Percy aurait pu être inoubliable.

Si on souhaitait aller plus loin, on pourrait parler de la fin de carrière de Percy Montgomery. D’abord, un passage à Perpignan, à l’image de celui de Dan Carter, peu concluant. Puis six petits matchs pour les Stormers. Comme un dernier baroud d’honneur sur la terre qui l’a vu démarrer…

C’est bien à la fin de la Coupe du monde 2007 que Percy a brillé au maximum. Le joueur mettra un terme à sa carrière internationale, un jour de 2008, contre l’Australie. Monty est sobre mais génial. Il est prévisible mais tellement précis. Finalement, ce seront 102 capes et 893 points avec l’Afrique du Sud (le second est un record toujours en cours). Il ne s’agissait pas, dans ces quelques lignes, d’être exhaustif. Il manque forcément des informations sur sa carrière. Le but était surtout de retranscrire l’aura d’un joueur génial… Et de s’apercevoir combien l’étoile au-dessus de sa tête dans Rugby 2008 était méritée. Percy… à jamais une légende du pays arc-en-ciel !

Crédit photo de couverture : Percy MONTGOMERY – 20.10.2007 – Angleterre / Afrique du Sud – Finale Coupe du Monde 2007 – Paris/ Icon Sport

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