Dans le groupe Coupe du Monde depuis le début de la saison, la nouvelle pépite du biathlon français, Eric Perrot, 20 ans, a été envoyé comme deuxième remplaçant pour les Jeux Olympiques de Pékin ! Pour le CCS, le jeune peiserot revient sur cette expérience unique, sur son quotidien en Chine, et nous parle du futur…
On va revenir un peu en arrière, tu t’es dès cette saison imposé comme le 6e homme de l’équipe A en Coupe du Monde, avec notamment une belle 8e place en sprint à Ruhpolding. Comment as-tu vécu cette montée précoce ainsi que l’enchainement des courses ?
« C’est un peu spécial, ce n’était pas forcément mon objectif en début de saison ! Les courses que j’ai faites m’ont permis de monter, tout le monde m’a fait confiance et il y avait la volonté que je me développe en Coupe du Monde. J’ai eu le temps de faire mes preuves, et ça a fini par payer à Ruhpolding. Je ne savais pas trop quoi en penser au début parce que je suis jeune, et je voulais prendre le temps de franchir les étapes une par une, elles se sont au final franchies très vite ! J’apprends énormément sur le circuit sénior, alors je me dis que c’est bien d’engranger les courses à ce niveau là, et ça me permet de progresser encore plus vite ».

C’est finalement assez naturellement que tu es choisi comme 6e homme pour les JO, comment as-tu appris ta sélection et quelle a été ta réaction ?
« J’étais le 6e homme mais tout peut évoluer très vite ! Ce n’est pas une place acquise donc j’ai continué de me battre pour accrocher cette sélection, et les Jeux n’ont été que la continuité. Je l’ai appris juste avant les JO à Antholz-Anterselva, c’était vraiment une fierté. Même si mon rêve est de courir aux Jeux et de me battre pour les médailles, pouvoir y être et acquérir une certaine expérience c’est génial. Ça reste un immense honneur de pouvoir représenter la France lors d’un tel événement ! »
Quand tu pars en 6e homme, tu sais que tu n’as que peu de chance de courir à moins que tes coéquipiers soient testés positifs ou se blessent…
« Tout peut arriver comme tu le dis avec le Covid, mais les 4 mecs devant sont des machines ! Je savais qu’ils allaient être en forme, performants, qu’ils n’allaient pas avoir le Covid ni se blesser (rires). J’ai pu me préparer tranquillement pour la suite, c’est l’avantage que j’avais aussi, je n’avais pas vraiment besoin de me préparer pour les épreuves donc j’ai pu anticiper l’après Jeux ».
Raconte-nous quel a été votre périple de l’atterrissage en Chine à l’arrivée au village.
« Déjà on arrive avec pas mal d’heures de vol dans les pâtes, on est un peu cuit ! Et on nous met dans une zone de l’aéroport où tout est isolé, désinfecté, on est tout seuls, comme dans un monde à part, avec des personnes habillées en cosmonautes, c’est assez spécial… Ensuite on est testé, dans le nez, dans la bouche, ils en sont restés là c’est déjà pas mal (rires) ! Il y avait beaucoup d’attente, de papiers, jusqu’à ce qu’on monte dans le bus. On était tout seul dans un bus qui était tout seul sur la route, l’autoroute était coupée et réservée pour amener tout le monde. Mais il roulait à 20km/h pour attendre les résultats des tests pcr donc c’était vraiment bizarre ».

Le village semblait vraiment désert, ce n’est sans doute pas ce que tu imaginais quand tu rêvais des JO…
« Partout où on va, c’est désert ! En plus on est de base dans une région de la Chine qui est plutôt désertique donc ça n’aide pas. Ça reste bien alimenté, le village était très joli, toutes les constructions étaient vraiment bien faites, mais quand il n’y a pas beaucoup d’humains « normaux » autour, c’est un peu comme si on baignait dans un jeu à la Squid Game (rires) ».
Vous ne deviez rester qu’entre vous ou vous pouviez voir d’autres athlètes, d’autres disciplines et d’autres nationalités ?
« On devait rester dans le village, on était séparé des journalistes, des TV, et même des techniciens. Mais à l’intérieur, il y avait tous les athlètes de la zone, donc tout le nordique et tout le freestyle, ainsi que les coachs, donc on pouvait quand même voir pas mal de monde ! »
J’imagine que tu as passé beaucoup de temps avec Antonin Guigonnat, qui était le deuxième remplaçant. Quelle est ta relation avec lui et qu’est-ce qu’il t’a appris pendant cette quinzaine ?
« Ce n’est pas forcément avec Anto’ que j’ai le plus parlé de l’expérience des Jeux, par contre on a vraiment profité de l’événement ensemble. C’était bien d’être deux, on a pu aller voir des épreuves, s’entraîner, faire un peu autre chose car on est forcément séparé des 4 qui courent et on n’a pas le même rythme. C’est plus en regardant les autres, en étant avec ceux qui courent et qui jouent les médailles, car ce sont eux qui sont dans la dynamique des Jeux, que j’ai pu prendre de l’expérience ».
Comment faisiez-vous pour vous tenir en forme physiquement et pour rester concerné mentalement ?
« J’avais peur en venant aux Jeux de ne pas pouvoir m’entraîner, d’être un peu coincé et de perdre mon temps, mais au final on a vraiment bien pu s’entrainer. Il y avait une salle de muscu, pour courir c’était dans le village donc très limité, mais on pouvait aller sur les sites de compétition. Sur celui de biathlon évidement, mais aussi sur celui de ski de fond où il y avait pas mal de bornes, donc on avait de belles infrastructures c’était satisfaisant ! J’étais concentré sur la suite de la saison mais je profitais à fond de ces Jeux. En étant dans cet état d’esprit là, j’étais prêt à courir parce que j’étais focus sur ce que j’avais à faire tout en étant décontracté. Si on avait fait appel à moi, j’aurais pu répondre présent sans problème ! »
Aviez-vous aussi le rôle de ramener de la bonne humeur dans le groupe et de permettre aux titulaires de penser à autre chose ?
« Bien sûr ! Mais je sais aussi que les 4 qui courent sont des grands champions et qu’ils n’ont pas besoin de cette aide-là, je ne voulais pas non plus m’imposer et prendre de la place inutilement. Mais c’est sûr qu’avec Anto’ on apporte pas mal de décontraction et s’ils ont besoin, ils peuvent compter sur nous ! »
Vivre ces belles performances de l’intérieur devait être magique…
« Oui c’est clair ! Quand on est une telle équipe ça fait du bien à tous les étages, même à ceux qui ne courent pas. C’était un régal de regarder et de profiter avec eux, et ça donne aussi envie de courir. Mais c’était leur boulot de ramener des médailles et ils l’ont tellement bien fait que c’est juste génial pour toute l’équipe ».

L’avantage d’être remplaçant c’est que tu as pu te rendre à la cérémonie d’ouverture à Pékin, qu’est-ce qu’on ressent quand on entre dans le stade avec la délégation ?
« J’ai pu profiter de toutes les choses que je n’aurai peut-être pas l’occasion de revivre si je suis plus compétitif, donc j’ai joué le jeu à fond ! Pouvoir défiler dans pour la France, dans le stade des JO de 2008 qui a vu les perfs d’Usain Bolt et d’autres grands champions, ça fait rêver, c’était grandiose, et je suis vraiment content d’avoir pu vivre ça ! Avec Anto’ on est aussi allé voir le ski de bosses, le ski de fond, et c’était vraiment sympa de voir d’autres épreuves ».
Même si c’était dans des conditions particulière, c’est forcément une expérience incroyable qui va te servir pour la suite et pourquoi pas te permettre d’arriver à Milan en terrain plus connu…
« C’est évident, par exemple sur la gestion du décalage horaire même si cela ne me servira pas directement à Milan. De voir l’intensité des courses, le relâchement que les athlètes apportaient, la distance qu’ils mettent par rapport au résultat. Quand Quentin arrive au dernier tir, qu’il joue la médaille, et que presque à chaque fois il sort le plein, c’est top de pouvoir voir ça de près et ça fait partie des choses que je vais pouvoir emmener avec moi. C’est aussi la gestion des médias autour, du voyage, et de tout ce qui se passe pendant les Jeux, ça change vraiment de ce qu’on rencontre d’habitude. Que ce soient les habits, l’organisation dans le village, la nourriture, c’est plein de petits détails que je connais déjà et qui me permettront d’arriver davantage préparé en 2026 ! »
En quelques mots, que retiens-tu de cette quinzaine olympique, forcément beaucoup de positif ?
« Il y a toujours une petite part de négatif si je peux l’appeler comme ça. Avec des contraintes liées au Covid qui gâchent une fête qui aurait pu être bien plus belle, avec des points environnementaux sur lesquels on peut grandement progresser… Mais c’était quand même énorme, côté sportif c’était juste exceptionnel ce que le biathlon a donné, donc je retiens une belle fête du sport et j’espère en revivre d’autres ! »

En parlant d’environnement, le fait que la neige soit 100% artificiel vous a-t-il perturbé ?
« Ce qui change concrètement, c’est la sensation de glisse, elle est vraiment diminuée puisque la neige est très froide, donc on est un peu collé au parquet ! Mais sinon la piste était super bien préparée, donc on s’est adapté. En arrivant, je ne me sentais pas bien parce que je ne glissais pas, les sensations n’étaient pas bonnes, mais on s’y fait vite ».
Après un mois et demi sans course pour toi, c’est reparti pour la fin de saison, as-tu des objectifs ou simplement l’envie de continuer à apprendre ?
« Je repars pour le prochain week-end à Kontiolahti, ensuite ça dépendra de mes performances. Et tant mieux, ça m’oblige à tout mettre en place pour faire du bon biathlon et essayer d’aller chercher le plus haut possible. Je n’ai pas vraiment d’objectifs chiffrés parce qu’en réalité à chaque fois que je prends un départ, c’est pour gagner. Je veux jouer devant, j’ai vu que je pouvais faire des Top 10, donc j’ai vraiment envie de faire des courses pleines pour y retourner et pourquoi pas mieux. Mais la priorité comme tu l’as dis c’est de faire du bon biathlon ! ».
Eric et le reste de l’équipe de France seront de retour à Kontiolahti le week-end prochain. Alors que Quentin Fillon-Maillet tentera de descendre de son nuage olympique pour aller conforter son avance en tête du classement général, Eric va poursuivre son apprentissage au plus haut niveau !