Le 4 avril 1998, le XV de France remportait un second Grand Chelem de suite dans le Tournoi des V Nations, au terme d’une victoire époustouflante 51-0 sur le pays de Galles à Wembley. Retour sur une journée historique.
Le nombre 51 évoque peut-être chez vous un bon potage qui a la cote lors des 3e mi-temps. Les plus nostalgiques pensent quant à eux, à la célèbre victoire 51-0 dans le Tournoi 1998 face aux Gallois. Au terme d’un festival offensif, les Français étaient parvenus à glaner un deuxième Grand Chelem consécutif, pour la première fois de leur histoire. Aucune autre équipe de France n’est parvenue à rééditer cet exploit depuis.
Un contexte particulier
Malgré une éclaircie dans le Tournoi 1994, les Gallois vivaient une période compliquée dans les années 1980 et 1990, après avoir dominé outrageusement dans les années 1970. Le XV du Poireau tentait de se reconstruire. En pleine transition, les diables rouges ont délaissé leur maison de l’Arms Park de Cardiff. En attendant de pouvoir inaugurer le Millenium, ils s’installaient provisoirement en Angleterre. Pour le dernier match du Tournoi, la France avait rendez-vous dans le mythique stade de Wembley pour écrire l’une des plus belles pages de son histoire.
Avant cette rencontre, les Français restaient sur une victoire poussive à domicile face à l’Irlande (18-16) de Keith Wood. Ils étaient exempts lors de la 4e journée (le tournoi ne comptait encore que 5 équipes), tandis que le pays de Galles se rassurait en battant cette même équipe d’Irlande chez elle à Dublin, sur le score de 20-31. En cas de succès, les Gallois pouvaient encore accrocher la 2e place et priver les Français du Grand Chelem. « Pour nous c’était déjà une fierté de jouer à Wembley, on avait les frissons. On était presque passés à côté contre l’Irlande, on s’était remis en question et nous étions très motivés à l’idée d’écrire une page de l’histoire du rugby français », se souvenait Jean-Luc Sadourny, il y a quelques mois chez nos confrères de Mêlée à 5.
Une entame tonitruante
Dès le début de rencontre, les Gallois étaient bousculés et les Français complètement décontractés, maîtres de leur sujet. Sur une première action dans les 22 mètres gallois, Glas transperçait la défense rouge, Jean-Luc Sadourny arrivait à hauteur pour inscrire le premier essai de la partie, après 3 minutes de jeu. Dans la foulée, sur le coup d’envoi, le XV du poireau avait l’occasion de réduire le score mais Neil Jenkins manquait sa tentative. Dix minutes plus tard, l’arrière columérin Sadourny inscrivait déjà un doublé après un joli “une-deux” avec son ailier Philippe Bernat-Salles. Au quart d’heure de jeu, les Français, dominateurs, menaient 12-0.
Les Gallois tentaient de réagir et profitaient de l’indiscipline française pour venir occuper la moitié de terrain adverse. Aucun de leur effort n’était récompensé. On jouait alors la 23e minute de jeu quand Thomas Castaignède décidait d’enflammer la rencontre. Par deux fois, l’ouvreur aux cheveux peroxydés traversait le terrain. Un en-avant de Xavier Garbajosa puis un retour in extremis gallois venaient empêcher les protégés de Jean-Claude Skrela de conclure. Ce n’était que partie remise, sur la mêlée qui suivait, Thomas Lièvremont relevait le ballon pour inscrire le 3e essai des Bleus. Après avoir passé deux transformations, Titou Lamaison inscrivait une pénalité supplémentaire, à la suite d’une cravate à retardement sur Thomas Castaignède. A la 33e minute de jeu, les Français réalisaient le match parfait et menaient 22-0.
Les Gallois craquent complètement
Sur le coup d’envoi suivant, Raphaël Ibanez profitait du laxisme de la défense adverse pour s’échapper. Après des relais de Pelous et Marc Lièvremont, un maul était créé par Tournaire. Le jeu rebondissait sur les trois-quarts, et Titou Lamaison n’avait qu’à servir Stéphane Glas. Tranchant, le centre berjallien terminait sa course entre les pajelles. 29-0 à la pause, la messe est dite.
Ceux qui craignaient une réaction des diables rouges en seconde période étaient rapidement rassurés. A l’image du premier acte, les Bleus investissaient tout de suite les 22 adverses. A la suite d’une touche et d’un tour de passe-passe de Titou Lamaison, Xavier Garbajosa inscrivait le 5e essai français à la 43e minute de jeu. Quelques minutes plus tard, Castaignède traversait à nouveau le terrain, après une percée de 50 mètres, il jouait au pied. Bernat-Salles pensait alors réussir son grand chelem personnel en inscrivant un essai contre toute les nations du tournoi. Mais l’essai était refusé pour un en-avant. Ce diable de Castaignède récidivait quelques minutes plus tard en relançant depuis ses 22, mais l’action était avortée 70 mètres plus loin après un nouvel en-avant.
Les remplaçants participent à la fête
Tandis que Lamaison passait une pénalité qui portait le score à 39-0, les remplaçants faisaient leur apparition sur la pelouse. Fabien Galthié, numéro 16 dans le dos et remplaçant de Carbonneau, profitait du travail de Benetton, Soulette et Aucagne, tous entrés en jeu, pour aller inscrire un essai. Dans la foulée, sur le coup d’envoi, c’est Dal Maso, le talonneur remplaçant qui s’échappait. Le jeu rebondissait sur David Aucagne et Jean-Marc Aué. C’était finalement Galthié qui envoyait Garba inscrire un doublé.
Cette victoire est sans doute la plus belle de l’histoire du XV de France. Tant parce qu’elle offrait un 2e Grand Chelem consécutif, que dans le contenu proposé par les joueurs ce jour-là. “Le message était clair : les joueurs avaient toute liberté pour jouer tous les ballons. Ce fut un match en phase avec mes idées“, se souvenait Pierre Villepreux, il y a quelques années chez nos confrères de Rugbyrama. L’année suivante, en 1999, cette même équipe vivait un tournoi catastrophique en terminant dernière. Avant de se ressaisir en Coupe du monde, et de s’incliner face aux Wallabies en finale.
Cette partition jouée par les Français à Wewbley est entrée dans la légende. En espérant que vendredi soir le XV de France de Fabien Galthié, désormais sélectionneur, puisse imiter les héros de 1998. Ils s’offriraient alors le droit d’aller chercher un Grand Chelem et une victoire finale dans le tournoi, qui nous fuit depuis 2010.