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Ireen Wüst & Sven Kramer, Adieux aux Roi et Reine des glaces

Au pays où les patins à glace sont rois, règnent une reine et un roi depuis plus d’une décennie. Ireen Wüst et Sven Kramer vont tous les deux faire leurs adieux aux patins cette année, devant leur public à domicile, sur la piste mythique d’Heerenveen. Retour sur leurs incroyables carrières, à toute vitesse.

Une fois de plus, à Pékin, les Pays-Bas ont dominé le patinage de vitesse mondial avec 12 médailles sur les 42 possibles dont 6 en or. Ce n’est pas une nouveauté, ce phénomène existe depuis des décennies. Sur les 204 médailles d’or de la discipline, ils en remportent 48. Au total des médailles, ils en détiennent 22 % avec leur 133 médailles gagnées. Leur domination est totale, à l’exception des épreuves plus rapides, comme le 500 m où ils s’imposent plus rarement. Aux Jeux Olympiques de Pékin cette année encore, ils en amassent 12 médailles en 14 épreuves, dont 6 d’or.

Les Pays-Bas, paradis des patineurs

Il faut dire que le patinage est un sport national aux Pays-Bas. Ils profitent des canaux gelés l’hiver pour se précipiter et patiner dessus. Cette pratique remonte au XIIIème siècle. Ils étaient alors utilisés pour se déplacer. Puis les premières compétitions officielles ont eu lieu.

La compétition la plus connue, la Elfstedentocht, ou Tour des Onze Villes se déroule uniquement lorsque la météo le permet. Ainsi, elle n’a eu lieu que 15 fois dans l’histoire. Elle se déroule entre 11 villes dans la région de la Frise lorsqu’il y a plus de 15 cm de glace d’épaisseur et environ 15 000 patineurs s’y affrontent. Longue d’environ 200 km, les gagnants de celle-ci sont élevés au rang de star dans tout le pays.

La dernière course en date a attiré plus de 2 millions de spectateurs et 2000 journalistes. Elle s’est déroulée en 1997 pour la dernière fois et chaque année, la probabilité de voir une nouvelle édition s’éloigne à cause du réchauffement climatique. Ou bien chaque année rapproche de la suivante comme ils aiment le dire dans leur communication ! Elle a bien failli avoir de nouveau lieu en 2021. En effet, pour la première fois depuis plus de 20 ans, il y avait suffisamment de glace. Mais le covid est passé par là. Avec les restrictions gouvernementales, seuls 120 patineurs professionnels auraient pu participer et sans public. Il a donc été décidé de l’annuler.

« C’est un truc de folie. L’ambiance est incomparable. À Heerenveen, les patineurs sont des dieux. »

Alexis Contin, ancien patineur de l’Equipe de France, à l’AFP en 2018

Avec un peuple aussi uni derrière le patinage, tous les éléments étaient réunis pour dominer la scène internationale. Le pays compte 16 anneaux de patinage, bien plus que les Etats-Unis qui n’en comptent que 4. En France de notre côté, il n’y en a aucun. Lors des étapes locales, les supporters viennent en masse, notamment à Heerenveen, anneau pouvant accueillir 12 500 personnes. Et avec leurs résultats, les patineurs sont autant mis en avant dans les médias que les footballeurs, provoquant de nouvelles vocations en nombre. On estime d’ailleurs à 1 personne sur 3 le nombre de pratiquants, réguliers ou non, de patinage aux Pays-Bas.

Aidés par les médias et les sponsorings, les patineurs sont également pour la plupart professionnels. En effet, il existe des équipes de patinage professionnelles aux Pays-Bas comme cela peut être le cas en cyclisme par exemple. Parmi elles, la Jumbo Visma compte dans ses rangs 4 patineurs présents à Pékin. Et ces dernières années, le départ d’Ireen Wüst de son équipe et sa future destination ont défrayé les chroniques dans tous les journaux du pays.

Wüst & Kramer : Deux noms gravés pour l’éternité

Au pays où le patin est roi, deux d’entre eux ont régné sur la discipline pendant des années. Nés à quelques semaines d’intervalle, les deux patineurs de 35 ans participaient certainement tous deux à leurs derniers Jeux. Sven Kramer et Ireen Wüst sont les roi et reine incontestés de la discipline aux Jeux Olympiques. L’un comme l’autre dominent le classement de médailles chez les hommes et les femmes.

Kramer commence le patinage enfant. Il est en effet le fils d’un patineur de vitesse spécialiste des longues distances : Yep Kramer. Il choisit le patinage de vitesse et non le cyclisme dans lequel il performe à côté. En effet, il est vice-champion des Pays-Bas en contre-la-montre dans cet autre sport. Mais c’est dans le patinage qu’il écrit son histoire au même rythme que sa compatriote Ireen Wüst.

Tous deux se font un nom en 2004 lorsqu’ils sont vice-champions du monde junior. Les premières victoires internationales de leurs immenses carrières. Deux ans plus tard, ils remportent leurs premières médailles olympiques d’une immense série aux Jeux Olympiques de Turin. Ireen devient à cette occasion la plus jeune championne olympique néerlandaise en remportant l’or sur le 3000 m à 19 ans.

La première victoire olympique d'Ireen Wüst
La première victoire olympique d’Ireen Wüst, première d’une très longue série (ANP)

5 victoires olympiques et 22 mondiales plus tard, elle devient l’unique athlète titrée sur 5 éditions des Jeux Olympiques. Entre temps, elle était devenue dès les Jeux de Sotchi la meilleure patineuse des Jeux Olympiques en termes de médailles. A Pékin, elle remporte l’or sur 1 000 m et devient à cette occasion la plus vieille championne olympique de patinage de vitesse.

« Les mots ne peuvent décrire sa classe. Elle est la plus grande de tous les temps, comme le montrent ses performances. […] Je suis honorée d’avoir concouru contre elle pendant tant d’années et encore plus de l’appeler une amie. »

Brittany Bowe après le 1 500 m à Pékin

La patineuse a tout fait pour avoir cette carrière notamment grâce à son professionnalisme à l’entraînement. Elle a d’ailleurs déclaré que ce serait ce qui lui manquerait le plus à la fin de sa carrière : essayer de patiner le plus parfaitement possible et pour cela améliorer sa technique mais aussi jouer sur d’autres paramètres. Amoureuse de sa discipline, c’est également les sensations sur la piste qui vont lui manquer comme elle le disait lorsqu’elle évoquait son futur loin des patins : « Aller, à 55 km/h, sur une si petite lame, c’est une sensation incroyable. Vous sentez le vent dans vos cheveux, à travers vos mains ».

Ireen Wüst doit sa carrière à certains des choix complexes qu’elle a pu faire. En 2016, elle quitte son équipe. En effet, elle désirait s’entraîner avec des patineurs masculins pour progresser au maximum et il n’y en avait pas dans la précédente. Elle décide donc d’en créer une, un sponsor lui faisant confiance dans son projet, preuve de l’impact du sport dans le pays. Cela lui a plutôt réussi. A Pékin, elle est encore au sommet de son art, cette nouvelle victoire olympique en étant la preuve.

Ireen Wüst après sa nouvelle médaille d’or olympique à Pékin

De son côté, Sven Kramer est le patineur le plus médaillé de l’histoire des Jeux Olympiques avec 9 médailles. Un peu en retrait cette saison, il n’a pas gagné de médaille aux Jeux pour la première fois depuis sa première participation. On peut avoir un regret sur la gestion des poursuites par équipes, que ce soit chez les hommes comme les femmes. Avec une telle densité dans le pays, il parait incroyable qu’ils ne s’imposent pas. Le manque d’entraînement en équipe a été mis en avant chez les hommes passés à côté en demi-finale, puis en petite finale, comme les femmes qui finissent 3ème. En effet, chez les femmes, l’équipe comptait dans ses rangs la triple championne olympique Ireen Shouten et Ireen Wüst.

« C’est l’un des plus grands sportifs que nous ayons eu aux Pays-Bas, non seulement en patinage de vitesse mais aussi en sport. »

Le Néerlandais est aussi détenteur du plus grand nombre de victoires aux championnats du monde avec 30 médailles d’or. Néanmoins, son immense palmarès est entaché d’une case vide : la médaille d’or olympique au 10 000 m. Spécialiste des grandes distances, Sven Kramer passe à côté à Vancouver en 2010. A l’époque, lorsqu’il entre dans la patinoire, il est sur sa 18ème victoire d’affilée et la 19ème lui tend les bras. D’abord vainqueur avec un temps surpassant toute concurrence, le natif d’Heerenveen se fait disqualifier suite à une erreur de piste sur indication de son entraîneur.

Sven Kramer pour sa première médaille d'or olympique, lors du 5000 m à Vancouver
Sven Kramer pour sa première médaille d’or olympique, lors du 5000 m à Vancouver (Kevork Djansezian/Getty Images)

Il ne monte jamais sur le podium olympique de la distance à la suite de ça. En 2014, il finit 2ème et il passe complétement à côté à Pyeongchang, ne montant même pas sur le podium. Une fin tragique sur cette épreuve que tout le monde voulait qu’il remporte, mais qui ne ternira certainement pas son image dans son pays tant il y est une véritable star.

Il pourra alors se consacrer à la formation des jeunes patineurs, comme il a déjà commencé à le faire avec son académie. En effet, avec le réchauffement climatique, il est de plus en plus difficile de pouvoir patiner en extérieur comme il le faisait enfant. Conscient de la problématique, il veut amener tous les enfants de moins de 12 ans à avoir au moins patiné une fois et les amener vers l’un des sports nationaux.

Sven Kramer a patiné ses derniers kilomètres à Pékin. Il raccroche les crampons et va pouvoir retrouver sa famille, dont sa fille de trois ans. Ireen Wüst de son côté va finir la saison avec un final à domicile. A 35 ans, l’une des plus grandes sportives de l’histoire veut fonder une famille et compte donc raccrocher les patins après une dernière tournée à domicile devant le public qui la soutient depuis des années. Ils laisseront une trace indélébile dans le patinage de vitesse mondial. Mais nul doute que les Pays-Bas trouveront la relève parmi tous ceux qu’ils ont un jour inspirés.

Crédits images titre : BELGA & iStock

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