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Histoire du GP d’Australie – Des fins de saison dantesques aux rentrées des classes !

Depuis 1985 et le premier grand prix disputé à Adélaïde, l’Australie a été le théâtre de batailles épiques, d’épilogues de championnats dantesques, et de lancements de saisons très attendus. Retour sur les grands prix qui ont permis à l’Australie de marquer de son emprunte l’histoire de la F1

1985 – Première en Australie et la der’ de Niki Lauda

Pour la première fois de son histoire, le cirque de la Formule 1 s’envole vers l’Australie, et Adélaïde, terre d’accueil des premiers grands prix. Les craintes du circuit urbain sont vites balayées grâce à un tracé original qui séduit rapidement les plus grands. Niki Lauda déclare que « c’est potentiellement le meilleur circuit en ville du monde », alors que pour Keke Rosberg, c’est même « le meilleur circuit du monde ! ». Malgré un asphalte très glissant, les pilotes font le spectacle devant un public australien conquis, venu en masse. Auteur d’un tour exceptionnel, Ayrton Senna décroche sa 7e pole de la saison, repoussant Mansell 2e à plus de 7 dixièmes, et Rosberg 3e à plus de 2 secondes. Pour son dernier Grand Prix en F1, Niki Lauda se classe 16e sur la grille. Lui réputé très sérieux et professionnel, dévoile s’être volontairement saoulé le jeudi soir afin de se dégoûter définitivement de la F1 : « Mon crâne éclate et j’ai un malaise lors des premiers essais. Tout doit être sinistre et répugnant pour faciliter au maximum mes adieux. Pas de sentimentalisme, ni de scènes déchirantes ! ».

Dernier grand prix en F1 pour Niki Lauda, triple champion du monde. Crédit photo : Getty Images

En course, Mansell prend l’avantage sur Senna dès le départ, mais le brésilien réplique dans le très serré virage 5. Contact entre les deux hommes, Keke Rosberg en profite pour prendre le lead devant Senna, tandis que Mansell repart dans le milieu de peloton. Ce dernier abandonne finalement le tour suivant à cause d’un différenciel cassé. Remonté contre Senna, il quitte immédiatement le circuit. Le duo Rosberg-Senna s’échappe en tête mais le Brésilien est incapable de rivaliser en ligne droite face à la puissance du moteur Honda de son adversaire. Après avoir perdu un peu de terrain, il revient dans les échappements du Finlandais en enchainant les tours et les sauvetages extraordinaires.

Alors que Rosberg décide de braquer pour entrer au stand, Senna trop proche derrière lui ne peut l’éviter, il est leader mais avec un aileron avant endommagé. Sa lotus devenue inconduisible, il entre au stand et ressort 3e derrière Lauda qui a parfaitement géré ses pneumatiques. L’Autrichien prend même la tête et est en position de remporter son dernier grand prix ! Malheureusement, il perd les freins et brise sa suspension contre le mur, il sort de son baquet sous les acclamations du public. Quelques tours plus tard, une fumée s’échappe du moteur V6 Renault de Senna, le brésilien abandonne et offre la victoire à Rosberg sur un plateau ! Les Ligier de Laffite et Streiff complètent le podium.

1986 – Une finale à 3 pour le titre mondial

A l’aube du 16e et dernier week-end de course de cette saison 1986, trois hommes sont encore mathématiquement capable de devenir champion du monde. Avec 72 points et 7 d’avance sur son premier poursuivant Alain Prost (65 points), Nigel Mansell est en position favorable pour devenir le premier champion du monde britannique depuis James Hunt, sacré dix ans auparavant. Nelson Piquet (63 points), peut lui aussi espérer de grandes choses. Pour s’assurer du titre, Mansell doit terminer dans les trois premiers, ou à n’importe quelle place si ses deux adversaires ne gagnent pas. Prost et Piquet doivent eux impérativement l’emporter pour être sacré, tout en espérant que l’Anglais de Williams n’inscrive pas plus de trois points. Ce dernier se retrouve pour la première fois de sa carrière en posture d’être sacré, et a du mal à gérer la pression. Malgré cela, il parvient à décrocher la pole dans une séance interrompu par la pluie. Il devance Piquet, Senna, et Prost…

Alain Prost en panne sèche après l’arrivée mais champion du monde pour la 2e fois. Crédit photo : Eurosport

Devant un public toujours plus nombreux (120 000 spectateurs), le départ est donné ! Auteur d’un bon envol, Mansell ne prend pas de risques face aux attaques de Senna, Piquet et Rosberg. Piquet prend même la tête face à son compatriote. Bien décidé à aider son équipier Prost à remporter un second titre mondial, Rosberg s’installe en tête et impose un gros rythme afin d’épuiser les adversaires du français. Prost dépasse Mansell pour la 3e place, et voit devant lui Piquet partir en tête à queue au 23e tour ! Les deux McLaren sont désormais en tête mais le français endommage un pneu avant sur la Benetton de Berger au moment de lui prendre un tour. Il craint la crevaison lente et préfère s’arrêter pour chausser des pneus neufs, le pit stop est long (17s). Ressorti 4e derrière son équipier et ses deux adversaires pour le titre, Prost doit espérer un miracle.

Au 63e tour, Rosberg voit son pneu arrière droit éclater et est contraint à l’abandon. Deux tours plus tard, c’est Mansell qui connait le même sort et parvient à éviter le pire en immobilisant sa monoplace, le Britannique vient sans doute de dire adieu au titre. Williams rappelle donc immédiatement Piquet au stand pour éviter la mésaventure de son coéquipier, Prost a désormais un boulevard. Mais son ordinateur de bord lui indique qu’il manquera d’essence pour terminer la course, il essaie tant bien que mal de ménager sa monoplace et rallie finalement l’arrivée en vainqueur. Le Français décroche son deuxième titre et devient le premier pilote depuis Brabham en 1960 à conserver sa couronne.

1991 – Le plus court

La conclusion de ce mondial 1991 se fera sans Alain Prost ! Au soir du grand prix du Japon, le français compare la direction de sa Ferrari 643 à celle d’un camion, cette déclaration devient un bon prétexte pour Maranello, qui licencie le triple championne du monde et recordman de victoires en F1. Côté sportif, Ayrton Senna est dores et déjà champion, et souhaite finir en beauté. Il décroche sa 60e pole en carrière malgré un gros trafic. Il est suivi par son coéquipier Berger et part les deux Williams-Renault de Mansell et Patrese. Dimanche, Adélaïde est menacée par une mini tornade, et le circuit est rapidement est inondé. Mais ni la direction de course, ni les pilotes, ne s’opposent à donner le départ. Dans des conditions apocalyptiques et avec une visibilité nulle, Senna et Mansell tirent leur épingle du jeu et s’échappent en tête.

Senna sort vainqueur de l’apocalypse. Crédit photo : Motorsport

Les incidents s’enchainent et les épaves de monoplaces s’accumulent dans la ligne droite de Brabham Strait, les conditions se dégradent encore. Mansell perd le contrôle et tape le mur sur Flinders Street. Sonné, il reste dans sa voiture. Au 17e tour, Senna fait alors signe à Tim Schenken, directeur de course, qu’il est impossible de continuer. La course est interrompue, et après 1h d’attente, est définitivement arrêtée. Senna est déclaré vainqueur devant Mansell et Berger, la moitié des points est distribuée. Sur le podium, Senna et Berger sont seuls, en effet Mansell est à l’hôpital pour passer des examens qui ne révéleront rien de grave pour le britannique. Avec ses 52,9 km parcourus, le grand prix d’Australie 1991 est resté jusqu’en 2021 le grand prix le plus court de l’histoire !

1993 – Adieux et réconciliation au sommet

Déjà sacré pour la 4e fois avant même son arrivée en Australie, Alain Prost s’apprête à disputer son 199e et dernier grand prix en Formule 1 ! En guise de cadeau de départ, ses mécaniciens Williams-Renault lui offrent un embrayage, en référence à ses nombreux départs manqués cette saison là… Un week-end placé sous le signe des aurevoirs puisque de son côté, Ayrton Senna, revêt pour la dernière fois les couleurs de McLaren. Relégués au second plan, les enjeux sportifs font place à la véritable animation du paddock, la réconciliation tant attendue entre les deux légendes. Une réconciliation qui peine à arriver après le nouvel épisode glacial du Japon, où Senna avait totalement ignoré le français sur le podium.

Senna invite Prost à le rejoindre sur la plus haute marche du podium. Crédit photo : Sutton

En qualifications, Ayrton Senna met fin à l’invincibilité de Williams-Renault (24 poles consécutives), et signe la première de sa saison, devant Prost. Au matin de la course, Roland Bruynseraede, directeur de course et chargé de la sécurité, conclut son briefing par un petit mot à l’adresse de Prost : « Alain, merci pour tout ce que tu as fait et bonne chance dans ta vie. » S’en suit une grande salve d’applaudissements donnée par les 23 autres pilotes. Prost, ému, remarque qu’Ayrton Senna, assis trois rangs derrière lui, se lève pour le saluer. Cette course n’est pas la plus passionnante de la saison et voit triompher le brésilien pour ce qui restera sa dernière victoire en F1, devant le français, et Damon Hill ! Dans l’antichambre du podium, Senna et Prost échangent une première poignée de main, avant que sur le podium, le brésilien invite le tricolore à le rejoindre sur la plus haute marche. Devant une foule aux anges et les yeux du monde entier, la paix est faite entre ces deux immenses champions. En conférence de presse, ils invitent les journalistes à se remémorer les bons souvenirs, c’est une page de l’histoire qui se tourne…

1994 – Fou dénouement d’une saison chaotique

Cette saison 1994 est évidemment marquée par le dramatique week-end du grand prix de Saint-Marin, durant lequel Roland Ratzenberger et Ayrton Senna perdent la vie… Malgré ce drame, la compétition va se poursuivre, aussi pour les honorer, et c’est Michael Schumacher au volant de sa Benetton-Ford qui va tirer son épingle du jeu. Après avoir glaner 6 succès lors des 7 premiers grand prix de la saison, l’allemand cumule 37 points d’avance sur son dauphin Damon Hill au soir du GP de France. Mais la machine va s’enrayer. Lors du week-end suivant à Silverstone, il termine 2e mais est disqualifié pour avoir ignoré les drapeaux noirs (présenté car il aurait volé le départ). Il est même suspendu pour les deux prochaines courses en Allemagne et en Hongrie. Pour Schumacher c’est clair, Max Mosley et Bernie Ecclestone ont truqué la compétition pour relancer la course au titre. Facile vainqueur en Belgique et dès lors reconnu comme digne vainqueur du championnat par Williams et Hill lui-même, l’allemand est une nouvelle fois disqualifié, cette fois pour non-conformité de son fond plat. Un épisode qui rebat définitivement les cartes pour ce championnat du monde.

Alors qu’il a largement dominé cette saison, Schumacher atterrit en Australie avec un seul petit point d’avance sur Damon Hill, qui a su profiter des malheurs de son adversaire. Mansell décroche la pole devant les deux prétendants. Schumacher, placé entre les deux anglais de chez Williams, a peur du subir la stratégie. Au départ, Mansell se loupe complètement et les deux rivaux pour le titre s’envolent en tête. Pendant 35 tours, l’Anglais est blotti dans les échappements de la Benetton, et c’est l’Allemand qui va partir à la faute. Schumacher se loupe en prenant le gauche serré qui amène sur Flinders Street, évite de peu le muret puis revient en piste juste devant Hill. L’Anglais ne peut pas laisser passer sa chance, il se jette à l’intérieur du virage suivant. Mais Schumacher braque en ignorant le britannique, le contact est inévitable, la Benetton se soulève, retombe au sol et atterrit le nez dans la barrière de pneus. Schumacher quitte sa monoplace en pensant avoir perdu le championnat…

L’accident qui scelle l’issu de ce championnat du monde 1994. Crédit photo : Sutton

Mais Hill n’a d’autres choix que de regagner les stands au ralentit. Après une minute d’immobilisation, et plusieurs tentatives désespérées des mécaniciens pour redresser la suspension à mains nues, Damon Hill retire son casque. Michael Schumacher est sacré champion du monde pour la première fois ! C’est un commissaire qui apprend la nouvelle à l’allemand resté en bord de piste. Mansell remporte ce grand prix d’Australie à 41 ans, et cette saison se termine dans la polémique avec cette manœuvre plus que douteuse de Schumacher sur Hill…

1996 – Bienvenue à Melbourne !

5 mois après avoir quitté Adélaïde pour clôturer la saison 1995, la F1 est de retour en Australie, à Melbourne, pour le coup d’envoi de la saison 1996. Les pilotes découvrent un tracé semi urbain dessiné autour du lac de l’Albert Pak, qui est inauguré par trois illustres champions au volant de voitures d’époque, Jack Brabham, Stirling Moss et Alan Jones. Mais c’est bien un jeune homme qui va attirer toute l’attention en ce premier week-end, en la personne de Jacques Villeneuve. Débutant en F1, le canadien va dominer les séances d’essais au volant de sa Williams, c’est la première fois qu’un rookie occupe les avants postes depuis Mario Andretti avec Lotus, au GP des USA 1968 ! Le samedi, Villeneuve confirme en décrochant la pole devant son coéquipier Damon Hill, c’est le début de la domination des Williams-Renault.

Martin Brundle s’envole à l’approche du virage 3. Crédit photo : DR-Australian GP

Pour son premier départ en F1, le fils de Gilles Villeneuve prend l’envol parfait ! Derrière, on assiste à un carnage au virage 3. La monoplace de Martin Brundle s’envole à la verticale après avoir percuté une McLaren et une Sauber devant lui, avant de retomber et de faire plusieurs tonneaux. Heureusement, Brundle s’extirpe indemne de sa Jordan qui ressemble davantage à une épave, un nouveau départ sera donné après l’interruption. Le canadien de 25 ans gère une nouvelle fois parfaitement son départ et s’installe en leader, une position qu’il gardera jusqu’au 53e tour. Moment choisi par son moteur pour lâcher un peu d’huile sur le piste. Prévenu par son équipe, Villeneuve gère les derniers tours pour rallier l’arrivée. Il ne remporte pas son premier grand prix en F1, mais permet à son écurie de commencer cette nouvelle saison par un doublé !

2020 – Faux départ

Comme le veut la tradition, c’est une nouvelle fois en Australie, au mois de mars, sur le circuit d’Albert Park, que doit se tenir la première manche du championnat du monde 2020. Alors que la bonne humeur est souvent de sortie pour cette rentrée des classes, l’ambiance est bien moins joviale cette saison. En effet, c’est dans un contexte sanitaire délicat que les 10 écuries et le monde de la F1 arrive sur le sol australien. La pandémie de Covid-19 pourtant déjà bien répandue, la F1 semble vouloir passer entre les gouttes mais est rapidement rattrapée par la réalité. McLaren, qui déclare en premier des tests positifs au sein de l’équipe, décide de se retirer de l’épreuve d’ouverture. Alors que beaucoup espéraient une décision rapide, les discussions entre les teams principals, le promoteur, la FIA, ainsi que les officiels de l’Etat de Victoria, s’éternisent toute la nuit.

Il faut finalement attendre le vendredi matin 10h, seulement quelques heures avant l’arrivée du public au circuit et le lancement des premiers essais libres, que la nouvelle tombe. Le Grand Prix d’Australie 2020 est annulé. Une première pour la F1 depuis la manche de Bahreïn en 2011, abandonnée en raison d’un soulèvement populaire dans le pays. Cette saison 2020 débutera finalement 4 mois plus tard par deux rendez-vous sur le RedBull Ring, en Autriche !

3e rendez-vous de cette saison 2022, le grand prix d’Australie nous offrira t’il une nouvelle bagarre entre favoris et un scénario digne des courses évoquées précédemment ? Réponse ce week-end !

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