La première affiche des play in NBA opposera donc Brooklyn à Cleveland au Barclays Center. Et elle fait déjà saliver plus d’un fan de basket. D’un côté, les jeunes Cavaliers, plein de hype, entourés de vétérans au chevet des jeunes mais privés de Jarret Allen. Une équipe qu’absolument personne n’attendait si haut en début de saison. De l’autre, les vieux briscards de Nets, à la saison mouvementée par les blessures et les affaires internes, mais qui jouent de mieux en mieux. Ils arrivent sur la pointe des pieds dans ces play-in, autour d’un Kevin Durant en mission. Analyse de cette rencontre primordiale, où un billet direct pour les Playoffs est en jeu.
Contexte : deux dynamiques opposées
Cleveland vs Brooklyn sur l’année, c’est 4 confrontations. Une victoire pour Cleveland et trois pour Brooklyn, dont une dernière le 8 avril dernier. En terme de bilan, ce sont les mêmes : 44 victoires et 38 défaites. Mais quelques jours avant les Playoffs, les deux formations sont dans deux dynamiques bien différentes.
Du côté de l’Ohio, on a bien failli ne pas voir la couleur de cette fin de saison. D’abord, un début de saison en grande pompe, un bilan de 35 victoires pour 23 défaites avant le All-Star Break, et l’étonnement de voir cette jeune génération déferler sur la NBA. Les observateurs s’affolent et voient ces Cavs à qui tout réussi tout en haut du classement. Mais après le match des étoiles, tout se complique, et Cleveland s’effondre. l’équipe enchaîne les contre-performances. D’abord fragilisés par les blessures de Colin Sexton, et Ricky Rubio pour la saison, ils le sont d’autant plus lorsque Darius Garland, Jarrett Allen et Evan Mobley manquent plusieurs matchs entre février et mars.
C’est aussi le résultat de la fatigue accumulée dans un début de saison canon mais sûrement en léger surmenage. Finalement, les Cavs effectuent une fin d’exercice très décevante, battus à Détroit ou à Orlando dans des matchs clés pour le classement final. C’est sur le fil du rasoir que la bande à Mobley, Garland and co. se qualifie pour le premier play-in, un petit match devant les Hawks d’Atlanta. Dans un match, les Cavs peuvent accéder aux playoffs pour la première fois depuis le transfert de Lebron James en 2018.
Chez les Nets, tout est bien différent. Armée d’un big 3 qui devait être infernal, la franchise de New York se voyait rouler sur tout le monde. Mais les péripéties a changé toute la physionomie de la saison des coéquipiers de KD. D’abord, Kyrie Irving a alterné mise à l’écart, problèmes avec son statut de non-vacciné, puis retour sur le parquet début mars, après l’allégement des contraintes sanitaires. Cela n’a pas empêché les Nets d’être plutôt efficaces en début de saison. Avec un bilan en 29/16 en janvier, les Noir et Blanc s’avancent sereinement, sans pour autant proposer un jeu flamboyant. C’est sans compter la blessure de Kevin Durant fin janvier 2022. Un run de 12 défaites plus tard, l’avenir s’assombrit un tout petit après la mi-saison.
D’autant plus que James Harden, qui n’est que l’ombre de lui-même, est transféré le 10 février vers Philadelphie contre Ben Simmons, Andre Drummond et Seth Curry. Cela a fait l’effet d’un déclic chez les Nets. L’autorisation de jouer d’Irving, le retour de Durant mais aussi les bonnes performances d’un Patty Mills en sortie de banc, permettent à l’équipe d’enfin se comprendre. Elle remonte la pente en fin de saison pour conclure par le même bilan que les Cavs, mais avec une confiance bien plus grande. 44 victoires/38 défaites. Les Nets sont en play-in et recommencent à faire peur.
Un point clé : la résistance à la pression
On pourrait prendre plusieurs angles lorsqu’on étudie cette confrontation. L’opposition attaque/défense par exemple, entre une équipe de Brooklyn qui ne jure que par les paniers et des Cavs dont la défense collective impressionne. L’apport des deux bancs, aussi, remplis de jeunes pousses et de vétérans, ou encore le retour possible de Ben Simmons seront importants. Mais c’est bien l’aspect pression, dans un match à enjeux, qu’on a choisi d’étudier ici.
L’expérience face à l’insouciance ? Évidemment, on ne peut pas résumer cette confrontation seulement par ce prisme. Mais il est plutôt cohérent d’amener sur la table cette question, qui plus est dans une confrontation directe ou la pression est forte.
D’un côté, donc, nous avons un savant mélange d’une jeunesse au pouvoir et de vieux briscards dans l’ombre. Les joueurs majeurs et qui ont le plus de minutes dans cette équipe de Cleveland sont des minots. Mais pas question de leur manquer de respect. Car au-delà de la hype, ils montrent depuis le début de la saison qu’ils sont présents dans les gros moments. Darius Garland score plus de 21 points par match à 46% au shoot et lâche plus de 8 passes. Le dragster semble s’améliorer dans tous les points du jeu et se mue en leader naturel de cette équipe.
Dans la raquette, Evan Mobley progresse, prend en assurance et surtout défend dur, très dur. Ajoutez-y Okoro, Markkanen and co, et nous avons une équipe qui impressionne quand elle est au complet ( on y reviendra…). Mais Darius, c’est zéro playoffs au compteur. Mobley et Okoro, même chose. Inutile de dire que malgré leur maturité déconcertante, la marche risque d’être haute.
En saison régulière, Cleveland a le 5e defensive rating de la ligue (1), 108,9. Mais au 4e quart-temps, il descend à 113,1, et une piètre 23e place. Face à des Durant et Irving rois du clutch, on peut se poser la question de la sérénité de cette équipe. Que feront les jeunes Cavaliers si le score se resserre en fin de match, dans un Barclays Center surchauffé ?
L’apport des vétérans sera donc primordial. Rajon Rondo, Kevin Love et les autres devront user de leur expérience des grands matchs entourer ces jeunes comme ils le font à merveille depuis le début de l’année. À l’image d’un bon vieux Udonis Haslem à Miami, ils devront être là pour calmer le jeu, user de malice et jouer un petit peu dur quand les vagues noir et blanches déferleront en fin de match.
Car en face, les Nets auronts les crocs si le score se resserre. Les systèmes ou isolation pour libérer Durant et Irving risquent d’être légion. Et inutile d’expliquer que la pression, ces deux-là, ils ne connaissent pas. Kyrie Irving marque en moyenne 9,2 points au quatrième quart-temps, personne ne fait mieux que lui. Durant lui, 6,5 sur toute la saison, mais beaucoup plus sur les derniers matchs. Si l’Offensive Rating global de l’équipe au 4e quart-temps n’est pas brillante en saison régulière, on fait confiance à Steve Nash pour donner absolument tous les ballons à ses deux stars.
Et si encore ils ne faisaient que shooter… On imagine déjà Seth Curry, positionné dans les corner prêts à dégainer après une prise à deux. Ajoutez à cela des vieux briscards comme Goran Dragic, capables de calmer tout ça dans les moments tendus, et on voit mal Brooklyn craquer dans le quatrième quart.
Le joueur clé : celui qui défendra sur Kevin Durant
C’est la suite logique de notre paragraphe précédent. On l’a dit, les Cavs défendent globalement plutôt bien, mais une question existentielle se pose. Comment stopper Kevin Durant ? C’est bien l’interrogation d’énormément de coachs NBA aujourd’hui. C’est en tous cas celle qui doit remuer les méninges de J.B. Bickerstaff en ce moment. Surtout que dans la dernière confrontation des deux équipes, le 8 avril dernier, on a bien vu que cela posait des vrais problèmes au coach des Rouge et Or. Plusieurs joueurs ont successivement défendus sur le génie offensif. On a vu Evan Mobley, Lauri Markannen, Kevin Love, Lamar Stevens ou Cedi Osman tenter d’arrêter KD.
Tout ça pour une nouvelle mixtape offensive de l’ancien joueur des Warriors. 36 points à 55% au tir, sans forcer le talent. Durant sait tout faire, on le sait. Il est trop vif et rapide pour Love ou Mobley, mais semble trop grand pour Osman ou Stevens ou Okoro. Sa palette offensive qu’on ne présente plus est indéfendable, et aucun joueur de ces Cavs ne semble réunir les armes pour au moins l’arrêter du mieux possible. On peut imaginer une prise à deux continuelle comme vit souvent un Stephen Curry par exemple. Mais comme on l’a précisé dans le paragraphe précédent, on voit déjà les Snipers des Nets aux aguets pour artiller à trois points.
Isaac Okoro, excellent défenseur en devenir, aurait pu être une solution. Mais il sera déjà au four et au moulin face à un Kyrie Irving qu’on voit bien performer pendant ces Play-In. Un retour de Jarrett Allen, tour de contrôle de cette équipe, aurait pu faire respirer le secteur intérieur, apporter au rebond, et permettre à un Evan Mobley de se concentrer plus fortement sur Durant. Malheureusement, Allen ne reviendra sûrement pas, et c’est Lauri Markkanen qui devrait être titulaire aux côtés de Mobley et dans la raquette des Cavs. Malgré son talent et des derniers matchs prometteurs, il est loin d’avoir la capacité défensive d’arrêter un joueur que personne n’arrive déjà à vraiment limiter.
On imagine donc que c’est Mobley qui risque de s’y coller une grande partie du match. Ce qui est déjà magnifique pour le jeune joueur de 20 ans, qu’on présente déjà comme un futur grand de la défense. Ce sera aussi l’occasion de voir si le rookie est capable d’élever son niveau de jeu dans des matchs comme celui-ci.
Bref, cadenasser Kevin Durant devra être la priorité numéro un. Evidemment, on n’est malheureusement jamais à l’abri d’un bon gros match à 60 points de Kyrie dans le même temps, même si la menace Okoro devrait être en mesure d’au moins essayer de le limiter.
Pronostic :
Le duel s’annonce donc féroce entre ces deux équipes aux parcours bien différents. Sur un seul match, tout peut se passer, n’importe qui peut prendre feu, mais il est tout de même temps de s’adonner au traditionnel pronostic.
Difficile de voir ces jeunes Cavs, privés de Jarret Allen et Colin Sexton, battre des Nets de plus en plus en jambes. Match serré mais plié à l’expérience par les Nets : 101-112
(1) Nombre de points encaissés sur 100 possessions
Matthieu Cazalets