L’annonce le mois dernier n’a pas manqué de faire réagir des milliers de fans et d’observateurs. A Roland Garros comme dans les autres tournois du Grand Chelem, un tie-break en 10 points devra désormais être joué si le score arrive à six jeux partout dans le dernier set. Une nouvelle qui vient raviver les débats entre histoire du tennis et volonté de conserver une certaine cohérence.
On s’attendait à une décision depuis quelques années en faveur de l’harmonisation du système de score dans les Majeurs. Dans son communiqué publié le 16 mars dernier, le Comité des tournois du Grand Chelem indique une décision conjointe « afin d’améliorer l’expérience des joueurs et des fans ». C’est finalement le modèle de l’Open d’Australie qui a été retenu, au détriment des trois autres qui fonctionnaient différemment. L’US Open a adopté le tie-break classique à 6-6 depuis 1970. Wimbledon venait tout juste d’implémenter le jeu décisif à 12 partout. Seul Roland Garros permettait encore de longues batailles avec 2 jeux d’écart dans la dernière manche. S’il devenait difficile de ne pas s’y perdre, c’est renoncer à écrire les plus belles pages de l’histoire du tennis. Cette décision fait donc de l’inoubliable Isner-Mahut de Wimbledon 2010 le plus long match pour l’éternité. Et elle emporte avec elle une flopée de rencontres d’anthologie dispersées sur des décennies.

Un bout d’histoire qui s’envole
L’énorme combat de 4h44 entre Francesca Schiavone et Svetlana Kuznetsova à l’Open d’Australie 2011. Ou encore la bataille fratricide entre Fabrice Santoro et Arnaud Clément au premier tour de Roland Garros en 2004, plus long match sur terre battue. Ces rencontres conclues bien après avoir dépassé 6-6 resteront évidemment dans l’histoire du tennis, mais elles n’existeront plus. Bien que, selon le compte Twitter de Jeu, Set et Maths, le pourcentage de matches ayant atteint ce score en Grand Chelem soit très faible, comment passer à côté du plaisir de suivre deux joueurs se battre pendant des heures sur le court ! Et qui dit rare dit précieux…
Roland Garros, dont le tableau principal débute le 22 mai prochain, sera le premier tournoi à adopter cette nouvelle règle. Tous les fans garderont à jamais en mémoire les plus belles rencontres jouées Porte d’Auteuil. À l’image de cette incroyable demi-finale en 2013 entre Nadal et Djokovic gagnée 9-7 par le Majorquin ou encore la victoire au bout du suspense de Paul-Henri Mathieu face à John Isner 18-16 dans la dernière manche. C’est bien pour ces raisons que la nouvelle a suscité de nombreuses réactions de fans sur les réseaux sociaux. Beaucoup témoignent de leur frustration et de leur déception à l’annonce de la suppression de ces grands moments d’émotion.

Les joueurs pas forcément opposés à cette décision ?
On imagine très bien que voir disparaître une partie de l’histoire du tennis contrarie les amoureux du tennis. Mais on ne peut pas dire que les joueurs, en première ligne, sont formellement opposés à cette décision. Le physique est un point essentiel du tennis, les saisons sont très longues et les blessures sont fréquentes. Ainsi, il y a certainement plus de joueurs favorables à ce changement qu’on ne le croit. Interrogé après l’annonce du Comité des tournois du Grand Chelem, Rafael Nadal a fait savoir qu’il n’est « ni pour ni contre ». Stan Wawrinka, vainqueur de Roland Garros en 2015, s’est montré plus réticent : « Ce n’est pas ce que je préfère qu’ils soient tous pareils, mais c’est comme ça. »
De son côté, à l’occasion du Masters de Londres en 2020, le numéro un mondial Novak Djokovic déclarait par exemple qu’il est même « plutôt un partisan des matches en deux sets gagnants, partout ». Il a donc approuvé cette décision en déclarant qu’il est « d’accord pour le tie-break au cinquième set ». Il va même jusqu’à « soutenir cette décision de la part de tous les Grands Chelems ». Après la « consultation étendue de la WTA, l’ATP et l’ITF », on ne peut pas dire que ce verdict soit surprenant. Mais le charme de ce sport, c’est aussi de savoir quand le match commence et pas quand il se termine…