Ce dimanche 24 avril 2022, Andrey Rublev a confirmé sa belle entame de saison en remportant l’ATP 250 de Belgrade. Après une saison 2020 brillante et une entame de 2021 au même niveau, Andrey Rublev avait marqué le pas. A 24 ans, le joueur russe peinait à confirmer sa formidable ascension dans le classement ATP, jusqu’à s’effacer. Compliqué de penser que le talent de Rublev s’est évaporé en un claquement de doigt. Sa victoire face à Novak Djokovic permet de croire à un retour au premier plan. Toutefois des doutes subsistent quant à sa capacité à progresser encore.
Le 1er mars 2021, Andrey Rublev remportait son 8ème titre ATP à Rotterdam, en dominant Marton Fucsovics en finale (7-6, 6-4). Ce titre, il y a plus d’un an maintenant, marquait la fin d’une incroyable série pour le Moscovite. S’il a su poursuivre un temps ce momentum, se hissant notamment en finale du Masters 1000 de Monte-Carlo, Rublev ne gagnait plus. Pire encore, il décevait régulièrement. Particulièrement en Grand Chelem où il ne cessait de perdre face à des joueurs moins bien classés : Jan-Lennard Struff au premier tour de Roland-Garros, Marton Fucsovics à Wimbledon, Frances Tiafoe à l’US Open et enfin Marin Cilic lors de l’Open d’Australie 2022.
Ces contre-performances interrogent, tant le jeune Russe avait impressionné les suiveurs du tennis mondial. Sa progression fulgurante lors de la saison 2020 semblait répondre à la question que tout le monde se posait. “Peut-il s’imposer comme un nouveau leader ?” Sur le plan mental, qui était jusqu’alors sa principale faiblesse, Rublev avait balayé certaines critiques. En enchaînant les victoires en ATP 500, il affirmait sa position de Top 10 en puissance, se hissant jusqu’à la cinquième place mondiale. Et puis, plus rien. Ou presque. En 2022, le Russe semble repartir de l’avant. En battant Djokovic en trois manches, (6/2, 6/7, 6/0), Andrey Rublev s’est adjugé l’ATP 250 de Belgrade. Il remporte ainsi son troisième titre de l’année. Il semble être revenu à un niveau digne de ce que l’on attend de lui. Mais est-ce réellement suffisant pour le voir se mêler à la lutte pour les premiers rôles ?
Quand le chat n’est pas là…
Alors qu’Andrey Rublev semblait avoir pris le train des Zverev, Tsitsipas et Medvedev, il a finalement été rétrogradé dans la classe inférieure. Tandis que ses compères se hissent en finale de Grand Chelem, titillent les monstres sacrés du tennis mondial et engrangent des points précieux au classement ATP, lui, stagne. Récemment, il a vu le guerrier Matteo Berrettini le devancer au classement. Plus solide, et débarrassé de ses pépins physiques, l’Italien avait clairement passé un cap. Il relègue ainsi Rublev au rang d’outsider parmi les outsiders. Le compatriote de Matteo Berrettini, le jeune Jannik Sinner a lui aussi poursuivi sa progression ces derniers mois. Il semble maintenant pouvoir rivaliser très sérieusement avec Andrey Rublev.
Le principal intéressé se montre rassurant, affirmant qu’il est enthousiaste pour les semaines et mois à venir. Après son élimination à Rotterdam, en demi-finale face à Felix Auger-Aliassime, le Russe se voulait positif. Mais encore une fois, c’est un joueur qui semblait inférieur il y a encore quelques mois qui vient le priver de la possibilité de s’offrir un back-to-back en terre néerlandaise. Derrière lui, FAA, Hurkacz, Ruud et même Alcaraz s’imposent comme de sérieux challengers, et surfent sur des dynamiques encourageantes. Ses victoires à Marseille, Dubaï puis Belgrade sont de bonne augure. Mais quid des échéances majeures ?
Un problème « Majeurs » ?
Si Rublev semble régresser, c’est parce qu’il a bien du mal à limiter la casse. Lorsqu’il ne joue pas bien, il perd, presque systématiquement. Quand d’autres parviennent à assurer l’essentiel en se rattachant à ce qu’ils peuvent, Rublev lui est en proie aux doutes et perd son tennis. Encore hésitant sur certaines phases de jeu, il ne parvient plus à imposer son rythme sur un match et à dompter son adversaire en distribuant ses coups droits ravageurs depuis son fond de court. Sa semaine à Marseille fait figure d’exception : ses trois adversaires français Richard Gasquet, Lucas Pouille et Benjamin Bonzi ont tous réussi à lui prendre une manche, ce qui semblait bien compliqué il y a encore quelques mois. Rublev a su gagner ces matchs-là, et c’est tout à son honneur. Il lui faudra désormais retrouver son niveau, maintenant qu’il a retrouvé le goût de la victoire.
L’autre élément qui interroge, c’est son incapacité à performer en Grand Chelem. Pourquoi diable n’y arrive-t-il pas ? D’accord, Andrey Rublev est encore un jeune joueur. L’avenir est devant lui, et il pourrait être radieux. Mais jusqu’à présent, il a souvent déçu lorsque les plus prestigieuses quinzaines arrivaient. Il est parvenu par quatre fois à se hisser en quart de finale mais jamais plus loin. Outre ces quatre performances notables – il a à chaque fois été sorti par des adversaires mieux classés – il n’est pas rare de le voir perdre des matchs abordables. En cela, il se distingue de ses compères générationnels.
Si dans son jeu, tout semblait indiquer qu’il avait le potentiel pour aller plus haut, c’est peut-être autre part que le déclic doit avoir lieu. La concentration, la motivation, le mental… Les pistes existent, et doivent être creusées pour pouvoir répondre à ce mystère. Si une huitième place à l’ATP n’a rien d’infâmant, bien au contraire, on ne peut s’empêcher d’être plus exigeant avec celui qui était encore cinquième il y a de ça quelques mois.
La victoire de Rublev en terre serbe a tout pour lui faire du bien. Avec ce boost de confiance, on peut légitimement penser qu’il aura à cœur de poursuivre ce début de dynamique. Toutefois, cette victoire ne fait pas oublier les imperfections de son jeu. Depuis la fin de l’année 2020, Rublev cherche à retrouver cette spirale positive indispensable dans tout sport individuel. Battre Djokovic et un signal très positif, et il faut espérer qu’Andrey Rublev pourra se baser sur ce match pour construire une nouvelle série. Le Russe doit retrouver la régularité qui a fait de lui la bête noire de 2020.