Peu médiatisés et souvent oubliés, cette année Roland-Garros a mis les ramasseurs de balles à l’honneur en leur offrant une place de choix, sur l’affiche du tournoi. Le CCS est allé à la rencontre de l’un de ces jeunes bénévoles et passionnés, indispensables aux tournois de tennis. Aujourd’hui retiré des courts, celui qui a servi avec bravoure pendant 3 années à Roland et à Bercy a connu une expérience incroyable de ramassage en Chine. Confidences et anecdotes plus croustillantes les unes que les autres, d’un ancien ramasseur qui a consacré trois de ses années au ramassage.

Raconte-nous, ton lancement dans l’aventure du ramassage…
J’ai découvert ça après une discussion avec mon père quand je regardais Roland-Garros. Je lui avais dit que ce serait dingue d’être ramasseur pour ce tournoi. Quelques années plus tard, un ami me fait la confession qu’il s’inscrit pour les sélections de ramasseurs. Directement, je choisis de m’entraîner avec l’un de mes cousins pour y participer moi aussi en tant que licencié à la FFT. C’est comme ça que l’aventure a débuté pour moi.
*l’expérience de ramasseur peut-être vécu de 12 à 16 ans, donc de la cinquième à la seconde.
Comment s’est déroulée ta sélection ?
Il faut savoir avant toute chose qu’il y a deux types de sélections, l’une pour les Parisiens et l’autre pour les provinciaux que j’ai faite. Lors de cette journée, il y a des exercices à faire et nous sommes jugés sur la technique, l’endurance et l’esprit d’équipe. Nous sommes 4 500 et seulement 450 jeunes seront retenus pour participer au stage qui se déroule pendant une semaine.
Au stage, on nous apprend toutes les techniques du ramassage et du placement sur le court, mais un atout essentiel doit être mis en avant, c’est l’esprit d’équipe. Les évaluateurs gardent les 250 plus aptes à devenir ramasseur. Durant cette semaine, les encadrants font monter le mythe en insistant bien sur la portée mythique de ce tournoi. On parle de l’un des quatre Grand Chelem au monde, c’est vrai que c’est quelque chose.
Chaque année, ils prennent environ 220 nouveaux pour les sélections, et les anciens doivent faire une lettre de motivation pour être repris. Le petit bonus, c’est quand tu participes à la finale, tu es automatiquement repris dans la majorité des cas sauf si le comportement n’était pas bon.
Qu’entends-tu par cette notion de comportement ?
Je parle surtout du comportement sur le court, celui-ci rentre dans le cadre de la qualité de ramassage. Et après, c’est plus à l’extérieur, dans la façon d’être, l’esprit d’équipe, car c’est un vrai travail collectif. La qualité de ramassage ne fait pas tout. Le comportement est l’un des critères les plus importants pour être pris.
On évoque Roland-Garros, mais toi justement, tu ne t’es pas arrêté là, tu as fait d’autres tournois…

Exactement, ce sont les mêmes organisateurs qui organisent le ramassage de balle à Bercy. Donc ils prennent environ les 50 meilleurs de ceux qui ont fait Roland-Garros et leur proposent d’être ramasseur pour le Masters de Paris-Bercy, tournoi qui a lieu durant les vacances de la Toussaint. J’ai eu de la chance, j’ai été pris.
Tu as une autre particularité, il me semble, tu as été ramasseur en Chine…
Oui, grâce à un système d’échange. Il y a un partenariat avec la Chine : ils envoient certains ramasseurs pour Roland-Garros et la France leur envoie en retour des ramasseurs. En Chine, on fait deux tournois, Wuhan et Pékin. Pour nous, la sélection se fait par tirage au sort. Ce sont les 18 ramasseurs qui ont été sélectionnés pour la finale de Roland-Garros qui sont tirés au sort et j’ai encore été désigné.
J’étais encore au lycée et c’est lors de mon dernier Roland que j’avais été sélectionné pour voyager en Chine au début de l’année scolaire suivante, c’était grandiose. On est porté par leur organisation qui était très bien faite. Nous logions à l’hôtel et sur notre temps libre, on a pu visiter Pékin. Parfois, on avait la chance de rencontrer des joueurs. C’était extraordinaire.
Aujourd’hui, tu en retiens quoi de ces expériences ?

J’étais chanceux d’être à Roland-Garros pendant trois semaines où l’ambiance est si festive. J’ai pu être au plus proche des joueurs, j’ai assisté à des matchs magnifiques. Il faut savoir qu’en tant que ramasseur nous étions très choyés, les conditions étaient géniales. Si nous n’étions pas sur le terrain, on avait un foyer pour nous où l’on faisait du baby-foot ou d’autres activités…
Quelque chose que j’aimerais partager, c’est qu’en fonction de notre qualité de ramassage on était plus ou moins exposé. Savoir que tu finis par ramasser la finale, c’est quelque chose, car il y a seulement 18 ramasseurs. Mais du coup cela a aussi un impact négatif, car pendant la quinzaine, tous les ramasseurs sont pris par cet enjeu de finir sur un bon court et le plaisir passe en seconde position. Chacun veut sa place et le stress prend le dessus, mais ça fait partie du jeu !
J’ai cru t’apercevoir sur une vidéo YouTube avec une raquette à la main Porte d’Auteuil…
C’était au tournoi des légendes. Souvent, ils s’amusent à faire jouer quelqu’un du public ou un ramasseur. C’était un double avec Michaël Llodra et Sébastien Grosjean. Llodra était parti dans le public et Grosjean m’a fait jouer à sa place. Je rentre sur le court pour servir, mais là, catastrophe… J’envoie mes 5 balles de service dans le filet, impossible d’en mettre une dans le carré de service. Mais je peux dire que j’ai servi sur le Suzanne Lenglen. Après la vidéo a fait le buzz et s’est retrouvé sur YouTube.(rires). Mais je m’en suis sortie, j’ai fini par faire un service à la cuillère, c’était vraiment drôle. D’ailleurs, je me suis bien fait chambrer par tout le monde.
Tu pourrais nous dresser la journée-type du ramasseur ?
Chaque jour, on est affilié à un terrain : on ne ramasse pas un match, mais un terrain. Le matin, on arrive, on regarde sur quel terrain on sera, après on rejoint le terrain, on le prépare en mettant les balles et les serviettes pour les joueurs. Ensuite, on retrouve l’évaluateur qui nous donne les consignes du jour. Après chaque match, les ramasseurs remettent tout en ordre en changeant serviettes, bouteilles…
Les journées commencent en règle générale à huit ou neuf heures pour Roland-Garros. Alors que la semaine à Bercy est plus intense au niveau des horaires, on se lève tôt, à 5 ou 6 heures puis on se couche-tard si on terminait sur une session de nuit. Il y a un risque de se coucher tard, vers 2 ou 3 h du matin. Mais après, tu ne seras pas mis sur les premiers matchs le lendemain. C’est un rythme exigeant, mais avec de la motivation, c’est génial et on n’y fait pas attention.
Ce poste de ramasseur paraît tout bête de l’autre côté de l’écran, mais il faut savoir que c’est physique. Cela dure trois semaines donc sur la durée ça fatigue, car on est tout le temps concentré. On court, on s’arrête à répétitions. À Roland-Garros il faisait souvent très chaud donc cela joue encore plus. Les rotations sont comprises entre 20 et 40 minutes en fonction du temps. Il y a trois équipes composées de 6 ramasseurs.
À la fin de chaque journée, l’évaluateur fait un débrief de la journée puis on peut rester un peu au foyer pour être avec les autres ramasseurs où l’on quitte l’enceinte pour rentrer chez nous.
Et comment s’occupe-t-on lors des rotations ?

On peut avoir des quartiers libres selon les tournois, à Bercy, on peut retourner aux vestiaires où on a à disposition des consoles vidéo, des baby-foot, des jeux d’arcades et de société. Mais à Roland, on devait rester sur le terrain à regarder le match la majorité du temps.
Pour revenir sur tes débuts dans le ramassage, quelles étaient tes attentes ?
J’avais envie de vivre ça de l’intérieur, être à Roland, près des joueurs, c’était ça l’envie que j’avais. Puis après ce qui m’a fait revenir, c’était l’atmosphère qui régnait au sein de ces tournois, c’était juste magique. Puis au fil des années, tu retrouves toujours des anciens qui sont devenus des amis.
T’imaginais-tu pouvoir être proche de certains joueurs ?
Pas vraiment, car c’est difficile de les côtoyer. Après, je me souviens d’une ramasseuse qui était fan de Caroline Garcia, qui avait eu la chance de la côtoyer, car cela s’était su et elle avait pu passer un petit moment avec elle. C’était assez exceptionnel pour elle. Mais il faut savoir que le contact avec les joueurs est très limité et qu’on peut les voir juste sur le court et pas en dehors. Nous n’avions rien en commun en dehors des terrains que ce soit le restaurant ou les vestiaires.
Raconte-nous tes souvenirs de ta première journée…
De mémoire, j’étais sur le court numéro 6, c’était génial, mais j’étais très stressé pour mes débuts. J’avais hâte, car après tous les entraînements, l’envie de mettre en pratique m’animait. J’avais la tenue, l’équipe, c’était parti pour 3 semaines et ça a duré 4 ans. Mais j’ai été impressionné de voir le jeu de si près, c’était bluffant. Puis le deuxième jour, j’étais sur le 18 et en faisant un roulé, j’étais tombé par terre, mais encore une fois peu de monde m’avait vu.
Moi, j’étais petit donc j’avais la place à côté du filet. Ce qui est bien, c’est qu’à cette place, c’est toi qui fais le plus de choses, tu es un peu le coordinateur de l’équipe. Celui qui est au filet fait passer les balles d’un côté à l’autre, c’est lui qui opère les changements de balles. Il donne les nouvelles balles et les nouvelles serviettes aux joueurs donc dans ce rôle, on est plus sollicité. Alors qu’au fond, le ramasseur gérait la serviette pendant le jeu (plus maintenant avec le contexte sanitaire) et la distribution des balles pendant les matchs. Ça paraît bête comme ça de distribuer les balles au fond, mais il y a des joueurs qui sont très exigeants et qui veulent une distribution d’une certaine manière et pas d’une autre.
Tu as un exemple de joueur à nous citer ?
Oui, Jo-Wilfried Tsonga. Une fois, il avait même repris un ramasseur pour lui dire qu’il fallait lui donner la balle de cette manière-là et pas d’une autre. Ça met une pression en plus.
As-tu un moment de ces 4 années qui te vient en tête sur cette aventure ?

C’était avec Rafa ! Les ramasseurs qui ramassent la finale ont le droit à une photo avec le vainqueur. Donc j’en ai fait deux avec Nadal et pour le coup l’Espagnol, c’est lui le plus sympa ! On a fait une photo tous ensemble sur le court, c’était un sacré souvenir.
Mais j’ai aussi un autre moment fort de mes Roland… Durant ma première année, c’est moi qui ai emmené la Coupe Suzanne-Lenglen sur le Central pour la finale féminine rempli de 15 000 personnes. J’étais tout seul, j’avais qu’une peur, c’était de la faire tomber. J’ai quand même été celui choisi pour apporter la Coupe à Garbiñe Muguruza, j’étais content.
Pour terminer sur une bonne note, qu’elle est ton anecdote la plus folle ?
C’était à Bercy ! J’ai joué avec Novak Djokovic sur le Central, malheureusement, je n’ai pas retrouvé la vidéo. Ça, c’était passé à la fin d’un match et c’était assez sympa.
Le Café Crème Sport remercie Louis pour ce témoignage sur son expérience de ramasseur de balles.