La déception serait à la hauteur de l’euphorie du mois d’avril pour les supporters amarillos : vingt jours après son élimination en demi-finale de Ligue des Champions, Vila-Real pourrait être absent de la scène européenne à la rentrée prochaine. Actuels septièmes, les protégés d’Unai Emery comptent un petit point d’avance sur l’Athletic et sont, pour l’instant, en Europa Conference League. Reste à savoir désormais si l’épopée européenne permettra au Sous-Marin jaune de relancer la machine dès septembre. Pour s’inscrire durablement comme un grand d’Europe.
Une surprise permanente
Seize ans. Les supporters de Villarreal auront patienté seize ans avant que leur club atteigne de nouveau le dernier carré de la plus prestigieuse des compétitions européennes. Une attente interminable pour des mastodontes du Vieux Continent, mais qui n’est rien pour les vrais suiveurs du club de la province de Castellón. On a tendance à l’oublier, mais le succès des Groguets est relativement récent sur la frise chronologique du ballon rond. Repris en 1997 par Fernando Roig Alfonso (toujours en place aujourd’hui), le club accède à la Liga la saison suivante. À l’instar d’une certaine écurie catalane, il devient rapidement “Més que un club”. Très proche de son peuple de 50 000 âmes, Villarreal joue pleinement son rôle social : abonnements à prix raisonnables, partenariats avec les écoles de la région… Et est en plus très bien géré sportivement.
L’esprit familial propre aux Amarillos attire de plus en plus, et la direction flaire les bons coups, notamment sud-américain : Forlan, Godin, Belletti et le magicien Riquelme ; pour ne citer qu’eux. Une progression linéaire, récompensée par un parcours historique en Ligue des Champions lors de la saison 2005-2006. Après avoir battu l’Inter Milan en quart, Villarreal échoue aux portes de la finale face aux Gunners. Malgré la confirmation d’une montée en puissance lors des saisons suivantes, les hommes de Fernando Roig sont rattrapés par la réalité, et paient un exercice 2011-2012 désastreux par une relégation en Segunda Division.

Qu’importe. L’expression “reculer pour mieux sauter” n’a jamais fait autant sens. De nature pressée, le Sous-Marin jaune ne perd pas de temps et remonte dès la saison suivante. Villarreal retrouve rapidement le doux parfum des soirées européennes, et reconstruit une équipe complète, particulièrement bien pensée. Les recrutements de joueurs expérimentés (Capoue, Albiol, Parejo, Coquelin…) associés aux arrivées de jeunes joueurs (Lo Celso, Danjuma, Foyth, Dia…), ont permis de bâtir un effectif complémentaire, et de confirmer cette saison le sacre en Europa League de l’année passée.
Un mercato agité ?
Et, forcément, un tel parcours en Ligue des Champions attire les regards des plus grandes écuries européennes. Les exemples de clubs dépouillés après une épopée sur la scène continentale ne manquent pas. Récemment, on a vu Monaco perdre de nombreux éléments après sa demi-finale en 2017 : Mbappé, Fabinho, Bernardo Silva… L’Ajax avait subi le même sort, deux ans plus tard : De Jong, De Ligt, Ziyech, Van de Beek… Alors, quid de Villarreal ? Déjà annoncé sur le départ au dernier mercato estival, Pau Torres attire les prétendants du côté de l’Angleterre. Sous contrat jusqu’en 2024, l’Espagnol est particulièrement suivi par Manchester United. Chelsea est également sur le coup, et pourrait casser sa tirelire pour payer la clause libératoire estimée entre 55 et 60 millions d’euros.
Arnaut Danjuma, véritable révélation de la saison, a lui aussi tapé dans l’œil de plusieurs clubs européens. Newcastle, le nouveau riche du Royaume, ou le PSG sont notamment cités pour accueillir le Néerlandais. Enfin, si rien n’est encore décidé, le cas Lo Celso pose question. Indésirable du côté de Tottenham, l’ex-Parisien pourrait poursuivre l’aventure ibérique si les Groguets décident d’entamer les négociations. En attendant, il appartient toujours au club londonien, et ses bonnes performances depuis le mois de janvier devraient naturellement attirer de nombreux prétendants.

Cependant, pour espérer revenir rapidement à ce niveau de la compétition, Villarreal devra combler les départs de certains cadres. Réputés pour leur travail et leurs facultés à dénicher les bons coups, les dirigeants amarillos n’ont pas attendu les rumeurs de départs pour se pencher sur le mercato estival. Amine Harit, qui performe depuis quelque temps du côté de la Canebière, est notamment dans les petits papiers d’Unai Emery. Le Barcelonais Ferran Jutglà (23 ans), qui évolue essentiellement avec la réserve, est lui aussi dans le viseur du Sous-Marin jaune.
Quoi qu’il en soit, ça devrait bouger du côté de Castellón. Même si le club s’appuie sur une stratégie à long terme, le football de haut niveau implique nécessairement une certaine logique économique. Villarreal devra bien négocier ce virage pour revivre très prochainement des émotions semblables à ce printemps 2022.
La formation, pièce maîtresse du projet de Roig
Mais si le club espagnol est plutôt habile dans son recrutement, il peut également compter sur un centre de formation internationalement reconnu. Fort de son puissant ancrage local, les Groguets parviennent régulièrement à retenir les potentiels de la région, et à résister aux sirènes des clubs espagnols plus huppés. Si Rodri fait partie des noms qui se sont exportés à l’étranger pour poursuivre leur ascension, de nombreux autres ont explosé au pays. Aujourd’hui, Villarreal peut s’appuyer sur huit joueurs formés au club (septième de Liga en la matière). Ces huit éléments sont évalués par Transfermarkt à 190 millions d’euros. Seul le FC Barcelone, et ses treize pépites de la Masia estimées à 248,5 millions, font mieux.

Cette réussite ne doit rien au hasard. Le développement des catégories jeunes est au cœur du projet du président Roig. Lui qui a créé la Ciudad Deportiva dès son arrivée, récolte aujourd’hui les fruits d’une semence entamée il y a 25 ans. Les jeunes sont tout de suite imprégnés de l’esprit de Villarreal, de la fierté de vêtir ce maillot jaune, ainsi que de cette grinta propre aux Groguets. Et ce n’est pas prêt de s’arrêter. Le parcours en Ligue des Champions en témoigne : aucun policier n’était présent pour “escorter” les joueurs jusqu’au bus les conduisant à la Ceramica. Seuls les plus jeunes licenciés du club séparaient les professionnels de la horde de supporters amarillos. Une preuve supplémentaire de la place que souhaite accorder la direction à la jeunesse, et de la confiance accordée au savoir-faire local.
Emery : parti pour rester ?
Enfin, tout ce beau monde semble avoir trouvé le chef d’orchestre parfait. Après des passages pour le moins mitigés à Paris puis Arsenal, Unai Emery est rentré en Espagne à l’intersaison 2020. Une destination parfaite pour se relancer, et replacer son nom sur le devant de la scène continentale. Et ça n’a pas loupé. Si Villarreal a livré un exercice plutôt moyen pour la première saison d’Emery, avec notamment une septième place à la clé, la Ceramica est redevenue un point de rendez-vous des grandes soirées européennes. Les Groguets remportent l’Europa League, inscrivant pour la première fois leur nom sur un trophée UEFA. Et, malgré la septième place probable de Villarreal en Liga 2021/22, Emery et son groupe ont fait durer le plaisir depuis septembre. Jouissant d’un effectif équilibré et d’un collectif dévoué à sa cause, l’enfant d’Hondarribia a permis au Sous-Marin de se hisser jusqu’en demi-finale de Ligue des Champions.
“Le titre en Ligue Europa l’a fait changer de dimension. Sa manière de jouer en ressortant le ballon depuis l’arrière lui ouvre les portes de clubs plus prestigieux que Valence, Séville ou Villarreal“
Bruno Alemany, journaliste pour la Cadena SER.
Une nouvelle épopée qui remet un peu plus la lumière sur un entraîneur bien souvent sous-côté. Depuis lors, les rumeurs vont bon train. Déjà annoncé avec insistance du côté de Newcastle en novembre dernier, l’ancien du PSG avait clamé son amour pour Vila-Real, et décidé de décliner l’offre des Saoudiens. Aujourd’hui, après le parcours de ses protégés dans la plus prestigieuse des compétitions européennes, la question de son avenir est remise sur la table. Mais aucun club ne semble en situation d’accueillir le technicien espagnol. Le Real Madrid, champion et finaliste de la LDC, devrait poursuivre un moment avec Ancelotti. Le Barça ne semble pas prêt non plus de se séparer de Xavi. Enfin, la sélection, qui doit naturellement trotter dans un coin de la tête de l’intéressé, ne devrait pas évincer Enrique de si tôt.
Particulièrement bien installé en Espagne, loin de la pression d’un club surexposé médiatiquement, Unai Emery devrait donc poursuivre encore un peu l’aventure avec Fernando Roy. Pour le plus grand bonheur du peuple Amarillo.
Éliminé logiquement par Liverpool en demi de LDC, Villarreal devra capitaliser sur cette performance pour revenir régulièrement à ce niveau. Le temps nous dira si le Sous-Marin jaune deviendra une formation insubmersible sur la scène continentale, ou s’il replongera dans les abysses du football ibérique.