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Ligue Europa Conférence, une première réussie ?

La saison 2021-2022 touche à sa fin avec les barrages de promotions dans les championnats et les finales de coupes d’Europe. Une semaine après la finale de la Ligue Europa et à quelques jours de la finale de la Ligue des Champions, la finale de la C4 ce mercredi permet de faire un premier bilan de cette toute nouvelle compétition. Censée promouvoir le football dans des pays moins représentés qu’en Ligue des Champions, la Ligue Europa Conférence a plutôt bien rempli son rôle, bien qu’il y ait encore des lacunes à gommer.

Prime à la diversité

Pour rappel, le format de la C4 était calqué sur celui de la C3 : après de nombreux tours de qualifications, 32 équipes sont réparties en huit groupes de quatre. A l’issue des six matches de poule (chaque équipe affronte deux fois les autres, à domicile et à l’extérieur), le premier du groupe est qualifié pour les huitièmes de finale, alors que le deuxième est qualifié pour un barrage avec les troisièmes de la phase de groupes de Ligue Europa. Les vainqueurs de ce barrage passent en huitièmes de finale, qui sont suivis de quarts, demis et d’une finale.

Le format des compétitions européennes avec l’arrivée de la C4 (Crédit : nastolatkatakajakty)

Un des objectifs de la compétition était de permettre aux pays moins représentés en coupes d’Europe de participer à une nouvelle compétition, et il a été plutôt bien rempli, illustration avec quelques chiffres.

Tout d’abord 26, comme le nombre de pays représentés en phase de groupes, sur 32 possibles. Seulement cinq pays avaient plus d’un représentant : les Pays-Bas avec trois (AZ, Feyenoord et Vitesse), la République Tchèque (Slavia Prague et FK Jablonec), le Danemark (FC Copenhague et Randers FC), Israël (Maccabi Tel-Aviv et Maccabi Haïfa) et Chypre (Omonia Nicosie et Anorthosis Famagouste).

La composition très variée des groupes de la première C4 de l’histoire (Crédit : Marca)

Ensuite 12, comme le nombre de pays représentés en huitièmes de finale, sur 16 possible. Cette diversité s’est donc également vérifiée lors de la phase finale. En quarts de finale, il y avait 7 pays représentés, puis 4 en demi-finale.

Enfin 3, comme le nombre de pays qui ont découvert la phase de poules d’une compétition européenne. Flora Tallinn a fièrement représenté l’Estonie pour la première fois, obtenant même une victoire et deux matchs nuls, pour finir 4ème du groupe B, à seulement trois points de la qualification. Alashkert FC a représenté l’Arménie dans le groupe A, terminant dernier avec un point. Enfin, la C4 a permis de voir évoluer un club semi-professionnel, représentant de Gibraltar : Lincoln Red Imps FC. Sans surprise, le club gibraltarien termine dernier du groupe F avec aucun point mais deux buts marqués. On espère revoir ce type d’aventures.

Une finale surprenante

Pour une première édition, on pouvait s’attendre à voir une finale entre clubs du top 4 européen (Espagne, Angleterre, Italie, Allemagne). Finalement, on ne retrouve qu’un club du top 4 : l’AS Rome, qui pourrait offrir à José Mourinho un nouveau titre européen, faisant de lui le premier entraîneur vainqueur de la C1, de la C3 et de la C4. Les autres clubs du top 4 engagés ont trébuché précédemment : Leicester, reversé d’Europa League, a été éliminé par l’AS Rome en demi-finale, alors que Tottenham et l’Union Berlin n’ont même pas passé la phase de poules (!). Et il n’y avait pas de club espagnol cette saison puisqu’ils étaient 5 en Ligue des champions cette saison (Villarreal, initialement qualifié pour la C4, s’étant qualifié en Ligue des champions en remportant la Ligue Europa en 2020-2021).

La France n’a pas pu tirer son épingle du jeu puisque Rennes a été éliminé par Leicester en 8ème de finale et Marseille par le Feyenoord en demi-finale. C’est donc l’un des clubs historiques des Pays-Bas, septième à l’indice UEFA, qui participera à la première finale de C4 de l’histoire. Il est à noter que les deux finalistes ont participé dès le début à la compétition : aucun reversé de Ligue Europa n’a atteint la finale, preuve que le niveau en C4 était dense.

Qui de l’AS Rome ou du Feyenoord remportera le premier trophée de la C4 ? (Crédit : UEFA.com)

Enfin, le dernier match de la compétition se jouera en Albanie, à l’Arena Kombëtare de Tirana, une première pour le pays dans l’histoire des coupes d’Europe. Si le choix de ce lieu de phase finale peut être critiqué au vu de la distance que doivent parcourir les fans et de la taille du stade (22 500 places), il colle plutôt bien avec l’identité de la C4, orienté vers les pays moins développés du point de vue footballistique.

Un stade atypique aussi bien par sa localisation que par son design (Crédit : OStadium.com)

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Du jeu vers l’avant et de belles histoires

Hasard du format, la C4 a fait la part belle aux clubs nordiques et néerlandais, qui étaient au nombre de huit et qui sont souvent portés vers l’avant dans leur approche footballistique. En plus des trois clubs néerlandais, des deux clubs danois et du Flora Tallinn, on comptait un club finlandais, HJK, et un club norvégien, le FK Bodo Glimt.

Le parcours de ce dernier est d’ailleurs le coup de cœur de nombreux observateurs en recherche d’histoires atypiques. Le double champion de Norvège, avec son jeu porté vers l’attaque, a tout rasé sur son passage pendant des mois, terminant sa phase de groupes invaincu avec trois victoires et trois nuls. Surtout, le monde du football se souvient de la claque retentissante infligée à la Roma de Mourinho, battue 6-1. S’en sont suivis des exploits en barrages contre le Celtic puis en huitièmes contre l’AZ. C’est finalement cette même AS Rome qui met fin aux rêves norvégiens en quarts de finale. Bodo Glimt termine troisième meilleure attaque de la compétition avec 25 buts.

Le parcours de Bodo Glimt restera gravé dans l’histoire de la compétition (Crédit : talkSPORT)

Ce beau parcours est aussi le symbole d’une compétition qui regroupe de nombreux clubs moins connus mais qui sont portés vers l’avant et qui nous ont permis de découvrir de nombreux joueurs. On compte près de 3 buts par match en moyenne et deux finalistes qui sont les deux meilleures attaques de la compétition : le Feyenoord avec 28 buts et l’AS Rome avec 27 buts.

Du point de vue financier, des progrès à faire…

Passons maintenant aux points plus sombres de cette première édition, à commencer par les dotations financières. C’est une critique qu’on peut étendre à la Ligue Europa, tant les deux compétitions sont à des années lumières de la Ligue des champions en termes de dotations financières. Pour un même nombre d’équipes en phases de groupes (32), la Ligue Europa Conférence a 235 millions d’euros à répartir, contre 465 millions d’euros en Ligue Europa et surtout 2,1 milliards d’euros en Ligue des champions. C’est simple, le vainqueur de la Ligue Europa Conférence ne touchera que 5 millions d’euros (ainsi que 3 millions d’euros communs aux participants de la phase de groupes) alors que tous les clubs qualifiés en Ligue des champions toucheront au moins 15,6 millions d’euros.

Si par principe, la Ligue des champions génère bien plus de revenus que la C3 ou la C4, on peut s’interroger sur cet écart si grand. Quand on sait que 22 des 32 participants à la phase de groupes de Ligue des champions sont automatiquement qualifiés via leur championnat (dont 16 rien que l’Angleterre, l’Espagne, l’Italie et l’Allemagne), on peut s’interroger sur un système qui ne laisse que des miettes aux participants des autres compétitions européennes. Et les dernières annonces sur les dotations financières de la Ligue des Champions à partir de 2024 ne semblent pas en faveur d’une réduction de cet écart.

Cela peut notamment expliquer le manque de compétitivité parfois affiché par les favoris de la compétition. Tottenham n’avait par exemple que peu d’intérêt à aller loin dans une compétition qui lui génère moins de revenus que la Premier League, sans offrir la possibilité de jouer la Ligue des Champions, puisque le vainqueur n’est qualifié que pour la Ligue Europa.

… avec une meilleure programmation ?

Les dotations des compétitions européennes étant étroitement liées aux revenus des droits télés, on peut aisément expliquer une partie de l’écart par la programmation des trois coupes d’Europe. Pendant que la Ligue des champions bénéficie de deux soirées pleines et deux plages horaires (18h45 et surtout 21h00 les mardi et mercredi), la Ligue Europa Conférence est mélangée avec la Ligue Europa le jeudi à 18h45 et 21h. En conséquence, il n’y a que 6 matches maximum en simultané en C1, contre près de 32 pour la C3 et la C4 le jeudi. Forcément, il est difficile de rivaliser en termes de droits télévisés.

Il existe pourtant des solutions à mettre en œuvre. Lors de certaines semaines, des matches de C3 et C4 étaient planifiés sur la plage horaire de 18h45 le mercredi. Cela pourrait se généraliser sur cette plage horaire les mardi et mercredi, sans que l’impact sur la visibilité de Ligue des Champions soit trop important. On peut également envisager la création d’un troisième plage horaire le jeudi, mais difficile d’imaginer les fans disponibles à partir de 17h. On peut enfin jouer la C4 sur des semaines alternées par rapport à la C3 et la C1. Cela permettrait à l’UEFA de proposer du football en milieu de semaine plus souvent.

Un rôle d’arbitre à l’indice UEFA ?

La Ligue Europa Conférence, c’est l’ajout de 16 équipes en phase de groupes par rapport à la saison précédente : la Ligue Europa rassemblait 48 équipes contre 32 aujourd’hui. Parmi ces équipes, il y a très peu de clubs du top 6 européen à l’indice UEFA. C’est ainsi une aubaine pour les pays plus en retrait d’emmagasiner des points UEFA pour combler, au moins en partie, le retard sur les pays de tête. L’une des conséquences est la sublime deuxième place des Pays-Bas au coefficient UEFA de la saison 2021-2022, derrière l’Angleterre, et devant la France, auteure d’une très belle saison.

Les Pays-Bas ont réalisé une très belle saison du point de vue de l’indice UEFA, comme la France (Crédit : eurotopteam)

Néanmoins, ce constat est à nuancer puisque la Ligue Europa Conférence ne bénéficie pas des mêmes bonus que la C1 ou même la C3. Contrairement à la C1, il n’y a pas de bonus de points pour la qualification en phase de groupes. Le bonus pour les deux premiers de chaque groupe est bien là (2 points pour le premier et 1 point pour le deuxième) mais est bien inférieur à celui pour la C3 (4 et 2 points) et pour la C1 (4 points pour les deux premiers). Enfin, il n’y a pas de bonus pour les qualifiés en huitièmes et en quarts de finale, contrairement à la C1 et la C3. Ainsi, il est difficile d’imaginer les meilleurs pays à l’indice UEFA être inquiétés ces prochaines années, d’autant plus avec le nouveau format de la Ligue des Champions en 2024.

Cette première édition de la Ligue Europa Conférence est globalement une réussite sur divers aspects. Entre niveau de jeu intéressant et découvertes d’équipes, la C4 regorge déjà de belles histoires à raconter autour de pays souvent moins exposés lors des compétitions européennes. La diversité des clubs représentés aussi bien en phase de groupes qu’en tours éliminatoires est le principal succès de l’ELC. Il reste néanmoins des progrès à faire, sur la programmation et les dotations financières qui sont liées, pour que cette C4 ressemble plus à la troisième coupe d’Europe de l’UEFA qu’à une compensation face à la fermeture progressive de la Ligue des Champions.

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