Dans une intersaison qui restera gravé dans la mémoire collective, le marché des receveurs notamment s’est emballé. Alors que la valeur du Quarterback ne cesse de s’envoler, les équipes ont décidé de valoriser leur meilleurs amis de l’autre côté de la passe. Plus particulièrement, 4 équipes ont été cherché des joueurs reconnus via des échanges suivis d’une prolongation de contrat. A l’aide de statistiques avancées fournies par Pro Football Focus et Next Gen Stats ainsi que d’analyse vidéo, le CCS revient sur les nouvelles associations qui seront particulièrement scrutées lors de la saison 2022.
Tyreek, Tua et Mike : Quelle est la recette ?
Tua, le facteur limitant ?
Avec ses demandes salariales, ses envies d’ailleurs et la possibilité de récupérer quelques choix de draft, il est aisé de comprendre pourquoi Kansas City s’est séparé de Tyreek Hill. Avec une attaque pour le moins moribonde en 2021, il est tout aussi facile de justifier ce trade du côté de Miami.
En effet, avec une moyenne de 4.8 yards/action (28ème de la ligue), les Dolphins ont fait face à de nombreuses limitations au sein de leur effectifs. Une ligne offensive parmi les pires du pays, un jeu au sol quasi inexistant et un duo de playcallers souvent incohérents, voilà ce qui a entouré le jeune Quarterback Tua Tagovailoa. Un environnement propice aux déceptions donc, mais qui n’explique pas tout. Si le 5ème choix de la draft 2020 peine à justifier son statut de franchise Quarterback jusqu’ici, c’est aussi dû à ses propres restrictions.
Sa réputation de bras faible n’est plus à faire, et il est encore difficile de savoir si sa vieille blessure à la cuisse le gêne toujours. Les stats, elles, sont assez équivoques : avec un pourcentage de Big Time Throw (comprenez les passes sur lesquelles le QB fait la différence) de 2.4%, Tua se classe 27ème sur 33 QB. Pire encore : son ADOT (distance moyenne de lancer) de 7.4 yards pointe en 29ème position en NFL. Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ? Tout simplement que Tagovailoa ne prend pas de risque. Ses passes sont courtes et stéréotypées, mais en contrepartie peu prolifiques.
Une bonne nouvelle pour son nouveau receveur cependant, Tua possède la même profondeur de lancer sur l’année 2021 que… Patrick Mahomes. L’ex passeur de Tyreek Hill, bien connu pour son style fantasque et son bras étiqueté NASA, a en effet su se réinventer en 2021. La montée en puissance des défenses à 2 safeties a permis (volontairement ou pas) de limiter les passes en profondeur entre le canonnier des Chiefs et sa fusée. Ce tracé, par exemple, que vous avez déjà dû voir 30 fois :
En réponse, Mahomes et Hill se sont trouvés sur des tracés beaucoup plus courts en 2021, avec une attaque mettant en avant la Run Pass Option, toujours plus importante chez les Chiefs. En résulte une heatmap finalement très ressemblante à celle de Tagovailoa :
A l’heure actuelle, Tagovailoa est un passeur spécialisé dans le quick game, les passes courtes et rapides, très favorisées dans l’attaque floridienne. Au final, que ce soit par adaptation aux défenses adverses ou aux attributs de son lanceur, les attaques de Kansas City et Miami ont doucement convergé au fil de la saison. En revanche, on note chez Mahomes une meilleure capacité à attaquer le milieu du terrain, faisant écho aux différence de puissance de bras chez les deux hommes.
Et c’est certainement là que les limites de l’association Tua – Tyreek risquent de pointer le bout de leur nez. Cette fameuse “Over Route” (celle qui est juste en haut) avec laquelle Tyreek et Patrick Mahomes ont terrorisé les défenses NFL risque d’être moins utilisée lorsque le passeur change. Pourtant, cette arme (dévastatrice face aux Cover 1 et Cover 3) a forcé les coordinateurs défensifs à ajuster leur plan et s’habituer à jouer à 2 Safeties en profondeur face aux Chiefs.
Tua connaît ses limites et se montre donc souvent timide dans ses décisions. En conséquence, les équipes adverses ont peu de scrupules à ne lui opposer qu’un Safety en profondeur. Saura-t-il faire profit de ces schémas pour mettre Hill sur orbite au milieu du terrain ? Le succès de l’opération risque de passer par là…
Tyreek Hill et Jaylen Waddle, quelles attentes ?
A l’orée de la draft 2021, Jaylen Waddle faisait partie d’un Big 3 au poste de receveur avec Ja’marr Chase et Devonta Smith. Son profil ? Une cible d’1m77 montée sur des ressorts et équipée d’accélérateurs à rendre jaloux certaines écuries Formule 1. Une véritable dynamo avec juste ce qu’il faut de raffinement technique pour exploiter ses outils physiques et terrifier les CB. Vous voyez où je veux en venir ? Et oui, la comparaison était toute trouvée pour le prodige d’Alabama : Tyreek Hill, alors receveur star de Kansas City.
Choisi en 6ème position de sa cuvée pour apporter une menace profonde chez les Dolphins, Waddle a connu une première saison pour le moins surprenante sur le point de vue statistique. 1015 yards et 6 TD, rien d’étonnant. En revanche, arriver à ce total en 104 réceptions, soit le 8e plus haut total de la ligue ? Difficile à croire pour un profil qui ne pourrait pas être plus éloigné du receveur de possession. Et c’est une preuve du talent de Jaylen Waddle que d’avoir su adapter son jeu afin de bonifier l’attaque dans laquelle il évoluait. Il a su montré sa vivacité, ses qualités de coureur de tracés et de création après réception pour justifier un usage fréquent et régulier.
Un usage, finalement, très similaire à celui de Hill en 2021. Mais qui rappelle également l’utilisation du Cheetah en… 2016. Une époque oubliée de trop, où l’attaque de Kansas City était menée par Alex Smith. Les Chiefs n’étaient alors pas le bastion de l’AFC qu’ils sont aujourd’hui, mais leur attaque dirigée par un QB ultra gestionnaire était suffisante pour participer chaque année aux playoffs. Le Tyreek Hill de 2016, encore un peu immature dans son jeu et avec un QB beaucoup moins agressif, rappelle beaucoup le Waddle de 2021. Avec pour commencer une Average Depth of Target de 7.5 pour le guépard contre 7.0 pour son junior. Mais également une valorisation du YAC : 4.6 YAC/Rec pour Hill, 4.4 pour Waddle. Un usage très fréquent sur passes écrans également puisque Hill est le réceptacle de 21 screens en 2016 quand Waddle en prend 18 en 2022. En bref, deux dynamiteurs dans des attaques plus ternes autrement.
Il n’est par ailleurs pas difficile de faire cohabiter ces deux profils sur le terrain en même temps. A partir du moment où le style quick game et distribution de la gonfle est adopté par les Dolphins, autant jouer la carte à fond. Et pour ce faire, multiplier les matchups problématiques pour la défense semble être la meilleure formule. Waddle et Hill, de par leur profil, peuvent transformer une passe de 5 yards en un gain de 30. Et garantissent par la menace qu’ils représentent chacun un étirement horizontal maximal de la défense.
Le génie Mike McDaniel
Que les choses soient claires : il est très, mais alors très difficile de ne pas voir Tyreek Hill performer à Miami, quelles que soient les différences d’environnement. Hill est, en effet, un joueur transcendant. Un joueur capable de trouver l’ouverture seul et sans l’aide de personne. Ainsi, je pense que l’association avec Tua finira par fonctionner, et que la présence de Waddle complémentera parfaitement celle de Hill. Ce qui peut faire le plus d’étincelles, à mes yeux, sera la relation tactique entre le style Mike McDaniel et son nouveau receveur.
Pour rappel, Mike McDaniel est l’ancien OC des 49ers, arrivé cette intersaison à Miami. Il a avant cela suivi Kyle Shanahan partout où ce dernier a été, de Washington jusqu’à San Francisco. Pur adepte du style Shanahan donc, il a pu participer à l’évolution de ce schéma très en vogue en NFL. En 2021, il a également dû construire une attaque autour d’un QB limité et qui brillait surtout par la rapidité à dégainer : Jimmy Garropolo. Et c’est d’ailleurs l’une des grosses forces du style Shanahan : pouvoir proposer un jeu léché et explosif malgré un jeu médiocre au poste pourtant omnipotent de passeur.
La clé de ce succès réside dans un jeu au sol dévastateur et une capacité à mettre le ballon dans les mains de ses playmakers dans l’espace. Après George Kittle, Deebo Samuel et Brandon Ayuk, Mike McDaniel devra réitérer ce succès autour de Mike Gesicki, Jaylen Waddle et donc Tyreek Hill. Miami risque de ne pas pouvoir offrir un jeu de course fringant, la faute à une ligne offensive encore trop frêle, mais McDaniel saura mettre ses joueurs dans de bonnes conditions. Ce n’est pas un hasard si Samuel (1er), Aiyuk (11ème) et Kittle (12ème) ont fini tous les trois dans le top 12 de la ligue en Yards Après Réception : c’est ce que recherche McDaniel.
Parmi les 38 Quarterbacks ayant lancé le plus de passes en NFL, Tagovailoa et Garropolo se placent 3ème et 4ème en Temps Moyen avant de Lancer (Average Time to Throw : ATT). Cependant, malgré une Distance moyenne de Lancer (ADoT) et un Pourcentage de Complétion légèrement supérieurs pour Tagovailoa, le passeur des 49ers le devance largement en Yards/Tentative. De quoi parfaitement témoigner de la capacité de McDaniel à utiliser son QB non pas comme la clé de voute de son attaque, mais comme une roue confortablement installée dans un engrenage parfaitement huilé.
Cet engrenage trouve d’ailleurs en Tyreek Hill son principal moteur. Comme Deebo Samuel a pu terroriser la ligue en 2021, Hill sera valorisé au maximum par l’esprit offensif de McDaniel et influencera le jeu de manière à faciliter le reste de l’attaque. Et là se trouve l’association la plus alléchante.
Beaucoup cherchent à savoir comment Tua Tagovailoa et Tyreek Hill peuvent former une paire efficace pour mener l’attaque des Dolphins. La réalité est plus complexe, car l’offense de Miami passera plus par la capacité de Mike McDaniel à valoriser sa nébuleuse de playmakers. Miami devrait présenter un système très horizontal, où le QB est réduit à un rôle de distributeur plutôt que vrai meneur de jeu. Sans parler de l’adaptation du Cheetah, très simple à imaginer, il est difficile de savoir si le plafond de l’attaque en sortira grandi. Les Dauphins pourront compter sur un système éprouvé et qui saura mettre beaucoup de points dans un bon jour, mais si l’engrenage venait à rouiller, le plan B serait-il viable, surtout en playoffs ?