Dans le sport féminin comme dans le monde du travail, il existe nombre de sujets tabous, la maternité en est un des principaux. Il se dit qu’avoir un enfant est souvent synonyme de retraite sportive. Pourtant, bon nombre de contre-exemples fleurissent ces dernières années, avec en tête la superbe saison de biathlon post-maternité d’Anaïs Chevalier-Bouchet. En football, c’est l’islandaise Sara Björk Gunnarsdóttir qui casse le cliché. La jeune femme de 31 ans est capitaine de sa sélection, un an après avoir donné la vie. Retour sur un parcours hors norme alors qu’il devrait l’être.
Une très belle ascension…
Sara Björk Gunnarsdóttir est née le 29 septembre 1990 en Islande. Petite par la taille (1 mètre 70), elle est grande par sa vision de jeu, qui la place très rapidement dans le coeur du jeu, en milieu de terrain axial. Elle fait ses débuts en équipe première dès l’âge de 14 ans avec le club islandais amateur de Haukar Hafnarfjörður.
Après quatre années à s’aguerrir, Sara signe à Breiðablik Kopavogur en 2008, plus gros palmarès du championnat islandais (18 titres) mais qui traverse alors une période plus difficile (pas de titre entre 2005 et 2015). En deux saisons, Sara Björk Gunnarsdóttir joue 41 matches pour 17 buts et emmène son club à la deuxième place du championnat en 2009.

C’est une période où Sara se forge un mental d’acier. A 15 ans puis 17 ans, elle est gravement blessée au genou et au fémur. Il lui a fallu deux années de rééducation avant de revenir sur un terrain de football. Elle a donc mis les bouchées doubles ensuite, avec un train de vie infernal entre entraînements individuel et collectif, école et un job étudiant. Nul doute que cette période a joué dans la vie d’une fille considérée comme une “guerrière” par ses coéquipières.
Sara attire les regards étrangers et se décide à quitter son Islande natale à l’orée de la saison 2011, puisque le pays n’a pas de championnat professionnel. Elle rejoint le club phare de Suède, le FC Rosengård. A Malmö, Sara va découvrir la culture de la gagne pendant 6 ans : quatre titres en six saisons mais également une coupe de Suède et quatre Supercoupes, plus de 100 matches pour 33 buts. Surtout, elle découvre les printemps européens, en disputant les quarts de finale de la Ligue des Champions en 2012, 2013, 2015 et 2016.

L’un de ses bourreaux en 2015 se nomme le VfL Wolfsburg, qui jette son dévolu sur la jeune suédoise, recrutée en 2016 dans l’un des meilleurs championnats d’Europe. En quatre saisons, c’est un bilan similaire pour Sarah avec 106 matches, 24 buts et des titres à la pelle : quatre doublés championnat-coupe de 2017 à 2020. Il ne lui manque que la graal qu’elle effleure lors de la finale de Ligue des Champions en 2018, où Wolfsburg s’incline en prolongations face à l’Olympique Lyonnais.

Ce dernier n’est pas resté insensible à la qualité de Sara Björk Gunnarsdóttir, qui est recrutée à l’été 2020. Quelques mois plus tard, Sarah remporte sa première Ligue des Champions en marquant face à son ancien club en finale. En deux saisons, Sara ajoutera une coupe de France et une autre Ligue des Champions (en 2022) à son palmarès. Elle rejoint l’un des clubs montants du football européen à l’été 2022 : la Juventus Turin.

… pour une taulière de sa sélection
Le parcours en sélection de Sara est au moins aussi précoce que son parcours en club. Sélectionnée chez les U17 alors qu’elle a 14 ans, elle appelée pour la première fois en équipe senior en août 2007 et participe, à 16 ans, à un match de qualification pour l’Euro 2009 face à la Slovénie. Elle inscrit son premier but en sélection en 2009.
Depuis, Sara n’a cessé de monter les échelons de sa sélection, prenant le brassard de capitaine en 2014 pour ne plus le lâcher. Elle compte aujourd’hui 138 sélections pour déjà 22 buts, ce qui en fait la joueuse la plus capée de l’histoire de sa sélection. L’islandaise est une joueuse complète qui marque beaucoup, aussi bien en club qu’en sélection. Le palmarès de Sara Björk Gunnarsdóttir est également individuel, puisqu’elle devient en 2020 la première femme à remporter deux fois le prix de sportive de l’année en Islande, après sa première nomination en 2018.

Un heureux évènement qui ne plombe en rien sa carrière
En avril 2021, alors âgée de 30 ans et dans sa deuxième saison lyonnaise, Sara annonce qu’elle attend son premier enfant. Pour l’Olympique Lyonnais, c’est une première également, qui demande des aménagements. Après un accouchement réussie en novembre 2021, Sara se met en quête de revenir sur les terrains le plus vite possible et de créer un précédent à Lyon pour “montrer l’exemple”, comme le confiait sa coach Sonia Bompastor. Le club a d’ailleurs très vite enregistré une seconde grossesse avec celle d’Amel Majri.
Le club a donc mis en place tout l’environnement nécessaire pour accompagner ses jeunes mamans sur la voie d’un retour sur les terrains. Sara a même fait l’objet d’un reportage réalisé par Copa90, afin de sensibiliser un maximum de personnes sur la problématique de la grossesse dans le foot féminin, et même le sport féminin en général. Le nom du documentaire est très bien trouvé : “Do both”.
Le travail de reprise de Sara a commencé avant même son accouchement, le travail pendant la grossesse étant au moins aussi important qu’après. Pendant cette période en Islande, elle s’est attachée les services de Mark Johnson, qui a accompagné de nombreuses joueuses internationales pendant leur grossesse et après. L’idée est de conserver la meilleure condition physiquement avant l’accouchement pour gagner du temps sur la récupération de ses capacités ensuite.
L’inconnue étant que chaque femme réagit différemment à un accouchement. La programmation sportive doit donc s’adapter. Le travail de Sara s’articulait principalement sur du renforcement musculaire en salle et de la course à pied.
Après son accouchement et quelques semaines de repos, Sara a poursuivi son travail de récupération à Lyon en janvier 2022. Le club a mis en place un programme individualisé à base de musculation et de course à pied, sans lésiner sur un suivi psychologise adapté. En effet, en plus de devoir redécouvrir son corps, Sara doit aussi gérer les nuits difficiles dues à sa nouvelle vie de maman.

A force de travail et de courage, l’islandaise va refouler les terrains pour un match officiel moins de 6 mois après son accouchement ! Elle participe à la seconde mi-temps du match de l’OL à Dijon le 18 mars 2022, avant de faire son retour en sélection face à la Biélorussie le 7 avril.
En Angleterre, Sara Björk Gunnarsdóttir sera bien capitaine et l’une des principales menaces de la sélection islandaise, seulement 9 mois après avoir accouché de son premier enfant. Au sommet de sa carrière, Sara a pris le risque de devenir maman, un risque que beaucoup trop de femmes hésitent encore à prendre. Son parcours depuis novembre 2021 est très inspirant, bien aidé par un environnement sain, et qui montre que dans le football comme ailleurs, les femmes peuvent donner la vie pendant leur carrière et revenir à un niveau sportif équivalent, si ce n’est mieux.