Site icon Café Crème Sport

Tine de Caigny, la flamme de l’équipe belge

A vingt-cing ans, Tine de Caigny est l’une des valeurs sûres des Reds Flames, surnom des joueuses de l’équipe féminin de Belgique. Avec 37 buts en 77 apparitions (au 12/07), elle est à son jeune âge dans le top 3 des meilleures buteuses du pays, de quoi être une sacrée prétendante à tous les records d’ici quelques années. Et pourtant, c’est en défense centrale que la meilleure buteuse des phases de qualifications à l’Euro a fait ses débuts.

Comme beaucoup de joueuses, Tine de Caigny a joué pendant longtemps dans une équipe masculine. C’est uniquement à 16 ans qu’elle quitte le FC Herleving Vrasene pour le Club Bruges où elle débute sa carrière en 2013. Le club joue alors le bas de tableau de la BeNeLigue qui existe depuis l’année précédente. Malgré les résultats de son club, son ascension est alors fulgurante. Moins d’un an plus tard, alors qu’elle a 17 ans, elle réalise ses débuts en équipe nationale. A l’époque, elle joue en défense centrale ou en milieu de terrain dans son club. Après deux ans, elle quitte le club de la capitale pour Lierse SK pour la saison 2015-2016. Cette saison marque le retour la ligue de football belge après trois ans de BeNeLigue.

Avec ce club, elle remporte la coupe de Belgique. Et ses performances lui permettent d’être nommée meilleure espoir belge de l’année 2016. Malheureusement, après une deuxième victoire en coupe et une deuxième seconde place au classement de la Super League en deux ans, le club décide de supprimer son équipe féminine. Il arrête également par la suite son équipe réserve qui évolue alors en 2ème division pour ne garder que ses équipes jeunes. Le club fait faillite deux ans plus tard et son équipe masculine évoluant à l’époque en Pro League disparait.

« Je n’ai que 19 ans, je veux encore apprendre. Je voulais donc aller dans un club qui savait exactement comment me faire jouer sur le terrain. De plus je voulais avoir des chances de jouer. »

Tine de Caigny à propos de son choix de transfert au Vålerenga IF en Norvège

Après cette deuxième expérience au haut-niveau, elle quitte la Belgique en direction de la Norvège. Son choix se porte sur le club de Vålerenga IF dans la banlieue d’Oslo. Ce club vient alors de monter en Eliteserien deux ans plus tôt. Après avoir joué les hauts de tableaux, Tine de Caigny se retrouve à jouer le milieu de tableau et à batailler pour ne pas redescendre. Malgré des offres de différents pays et d’autres clubs belges, elle choisit cette expérience à l’étranger. En effet, elle souhaite avoir un poste au milieu de terrain, ce que David Brocken, l’entraîneur belge le club scandinave, lui promet. Mais l’aventure nordique ne se déroule pas aussi bien que prévu. La meilleure espoir du championnat belge ne participe qu’à 6 matchs, pour 516 minutes sur le terrain et 1 but marqué.

L’ascension au Sporting Anderlecht

C’est donc au Sporting Anderlecht que la jeune joueuse repose ses valises quelques mois plus tard. Au sein d’un des plus grands clubs du pays, elle continue de se développer. Là-bas, elle retrouve ses coéquipières en équipe nationale. Repositionnée en milieu plus offensive comme elle y jouait depuis quelques mois et en équipe nationale, puis à la pointe de l’attaque, elle empile les buts. En 58 matchs, elle trouve le fond des filets à 46 reprises. Elle est sacrée à quatre reprises championne de Belgique avec son club en 2018, 2019, 2020 et 2021. Dans le club dominant du championnat belge, cette joueuse de grande taille (1m80), voit sa carrière pleinement décoller. Ainsi, en 2020, elle remporte le soulier d’or, trophée récompensant la meilleure joueuse du championnat belge.

C’est à Anderlecht que Tine de Caigny prend son envol, notamment suite à un repositionnement à la pointe de l’attaque (PhotoNews)

C’est au cours de cette période qu’elle découvre les compétitions européennes, son club y participant chaque saison. Malheureusement, Anderlecht ne rivalise pas avec certaines nations européennes. Elles ne se qualifient qu’une fois en seizième de finale et perdent face au club kazakh  BIIK Kazygurt. Une situation pas si étonnante aux vues des écarts de situations entre les différents championnats et clubs, que ce soit au niveau de la professionnalisation ou des moyens mis à disposition des équipes féminines. A Anderlecht, la situation n’est pas facile. Changement de vestiaires à chaque entrainement, séances uniquement le soir, joueuses travaillant en parallèle, etc, n’aident pas à rayonner dans la plus grande des compétitions.

« Il y a 3 ans à Anderlecht, on jouait sur des petits terrains de l’académie des jeunes et c’étaient des synthétiques très mauvais. Aujourd’hui, on utilise le beau complexe des hommes, on utilise leur salle de fitness, on a de beaux équipements, on a aussi droit aux kinés et aux médecins des hommes. Il y a 3 ans, s’il fallait aller voir le médecin pour une échographie en cas de blessure, c’était très compliqué. Tout ça, c’est fini aujourd’hui »

Charlotte Tison, joueuse d’Anderlecht, en 2019

Malgré tout, Tine de Caigny prend la lumière pendant de cette compétition. En effet, au cours de celle-ci, elle inscrit un quintuplé en 2018. C’est lors d’un match de poules face au FC Martve. Un an plus tard, elle met un triplé face aux Grecques du PAOK Salonique. Elle doit ses exploits à son replacement à la pointe de l’attaque. Très mobile, elle est désormais à l’aise dans différents postes de l’attaque et du milieu de terrain. Droitière, elle est également capable de marquer du pied gauche. Mais avec sa grande taille (1m80), elle est également particulièrement efficace de la tête. Elle marque d’ailleurs 4 de ses 5 buts de Bundesliga cette façon. La Belgique a pu profiter de son nouveau positionnement sur le terrain et de son efficacité pour sa qualification à l’Euro. Avec 12 buts, elle est la meilleure buteuse de la phase de qualification.

La professionnalisation au TSG Hoffenheim

Après quatre saisons et demie passées chez les Mauves, elle prend en 2021 la direction de l’Allemagne et du TSG Hoffenheim. Lors de sa première saison dans le club, elle participe à 21 matchs et marque à 5 reprises en championnat. Elle s’adapte rapidement à la Bundesliga et à l’équipe, marquant un doublé et délivrant une passe décisive dès la première journée de Ligue des Champions. Une bonne première saison dans un environnement complètement différent de celui auquel elle était habituée. En effet, comme un grand nombre de ses coéquipières évoluant en Belgique, elle devait travailler en parallèle des entrainements. Dans son cas, c’était dans un magasin de vêtements de sport. Elle rejoignait son club pour l’entrainement du soir, souvent après 20h pour coller avec les emplois du temps de l’ensemble des joueuses.

« A Hoffenheim, je peux me concentrer pleinement sur le football. Pendant mon séjour à Anderlecht, j’ai également travaillé à côté. Nous nous entraînons aussi beaucoup plus ici. Je pense que nous n’avons qu’un jour de repos par semaine et certains jours, nous nous entraînons deux fois. Mon physique et ma force se sont améliorés grâce à cela. »

Tine de Caigny évoque les différences entre Hoffenheim et ses précédentes expériences

Le championnat belge n’est pas professionnel et par conséquent l’équipe nationale ne l’est que peu aussi. S’il est difficile de savoir qui vit de quoi, certaines joueuses actuelles ou ayant récemment pris leur retraite étaient connus pour leurs activités hors football.

Ainsi, Lenie Onzia qui vient tout juste de prendre sa retraite était l’entraineuse des Yellow Flames. Il s’agit des U15 féminines de Belgique. Elle s’investissait donc dans l’avenir de la sélection nationale. Remplaçante en cas de blessure pour l’Euro, elle vient d’intégrer le staff technique des Flames, avant de s’occuper prochainement des U23. Un grand nombre fait également leurs études en parallèle. C’est le cas de la milieu de terrain d’Anderlecht Charlotte Tison. Sara Yüceil qui a un temps joué professionnelle à l’Olympique de Marseille et au PSV travaillait dans le social en parallèle quand elle était en Belgique.

Tine de Caigny sous les couleurs du TSG Hoffenheim qu’elle a rejoint en 2021 (BELGAIMAGE)

L’ancienne capitaine Aline Zeler (111 sélections en équipe nationale) cumulait deux mi-temps en parallèle. Comme Lenie Onzia, elle avait fait le choix de développer le football féminin dans son pays. Ainsi, elle était responsable sport auprès de l’Association des Clubs Francophones de Football. Cette mission avait pour but de développer le foot féminin en Wallonie. En parallèle, elle donnait quatre fois par semaines des cours de football au sein d’une école de sport de haut-niveau. Celle qui considérait que « Le fait qu’elle puisse offrir des opportunités à d’autres filles en valait la peine » a depuis continué dans le football. Après avoir entrainé une saison les espoirs féminines du PSV, elle entraine désormais les féminines du Sporting de Charleroi.

Le choix entre carrière sportive et vie future peut également entrainer des retraites. En 2017 à 29 ans, Imke Courtois, une joueuse du Standard, choisit de se consacrer pleinement à ses études et à son doctorat. A l’époque, raconte-elle, ses dirigeants n’y croyaient pas vraiment : « Je suis toujours en grande forme, mais je devais faire un choix. Je sens que je dois rattraper le temps pour mon doctorat. J’ai dit au club que j’allais partir, mais je pense qu’ils ne me croient pas vraiment. Mais il est temps que j’annonce officiellement mes adieux ! Ma vie ne s’arrête pas avec le foot ! Je vais continuer l’Université, voir le monde, peut-être fonder une famille. »

« Nos adversaires sont toutes pros depuis des années. On doit trouver les solutions pour être capables de s’entraîner encore plus, mais ce n’est pas toujours possible, car les joueuses ont un job à côté. »

Tessa Wullaert après des défaites 1-6 face aux Pays-Bas et 2-0 face à l’Allemagne, où seules 3 joueuses sur les 11 titulaires étaient professionnelles.

Ainsi, en signant à Hoffenheim, la soulier d’or 2020 fait partie des rares Belges à être professionnelles. En effet, elles ne sont que huit à évoluer hors de leur championnat national. Un nombre bien trop faible pour avoir des performances optimisées.

La professionnalisation des Reds Flames : Un combat ambitieux pris très au sérieux

Si la lente évolution de la Super League est un réel frein à l’évolution de l’équipe nationale, nombreux sont ceux à tout mettre en œuvre pour avoir malgré tout l’équipe la plus compétitive possible. Que ce soit chez les Yellow Flames ou les Reds Flames, pour beaucoup, c’est en sélection que les Belges ont le cadre le plus professionnel. C’était l’une des envies principales de Lenie Onzia pour ses jeunes joueuses, comme elle l’explique : « Je souhaite offrir un cadre professionnel aux jeunes filles talentueuses parce qu’en Belgique ce n’est pas encore tellement bien développé ». C’est ce que réalise également le staff en sélection, où tout est mieux développé et où les joueuses ont accès au mêmes équipements que les hommes.

« En sélection, on est chouchouté. L’encadrement a évolué plus rapidement qu’en club. On s’entraîne sur les mêmes terrains que les Diables Rouges et on a nos propres médecins, kinés, etc. C’est vraiment un pas important vers la professionnalisation quand on joue pour son pays. Et puis, on a droit aussi au public belge, quel régal ! »

Sara Yüceil, ex Red Flame, à propos des apports de la sélection belge dans l’évolution des joueuses

Mais les dirigeants de la sélection voient plus loin. Pour eux, il est indispensable d’avoir une meilleure homogénéité de la sélection, et cela passe par la professionnalisation du championnat et des accès à des entrainements, équipements et staffs équivalents. C’est le cas du sélectionneur des Diables Rouges Roberto Martinez. Celui-ci n’est pas impliqué que dans la sélection masculine. En effet, il est également directeur technique national. Et à ce titre, il s’assure qu’elles et leur staff ont tout ce dont elles ont besoin, celles-ci étant « très importantes pour la Fédération ».

Pour beaucoup de joueuses, la sélection belge est ce qui se rapproche le plus du niveau professionnel

La professionnalisation de la Super League est une chose dont il a fait le souhait au cours d’une interview en marge de l’Euro en se basant sur un constat simple qui est que « certaines sont très expérimentées et ont joué la Ligue des Champions, d’autres viennent d’un environnement beaucoup moins professionnel ». Et d’ajouter que la prochaine étape « c’est la professionnalisation de la Ligue. C’est possible, si nous travaillons tous ensemble. Nous avons besoin du soutien des clubs, de la Pro League. La Ligue peut alors jouer un rôle de coordination. » Une envie partagée par l’entraineur, qui fait face à des joueuses très disparates.

« Mon rêve est d’avoir 100 % de joueuses professionnelles en équipe nationale d’ici quatre ou cinq ans. Maintenant, je n’en compte pas dix. Je crois que nous sommes le seul participant à l’Euro avec moins de 50 % de joueuses professionnelles. »

Ives Serneels, l’entraineur des Reds Flames, rêve également de professionnalisation pour son équipe

Ce soir, les Belges affronteront les Italiennes et leur championnat professionnel. Là-bas, ce sont les principales concernées qui se sont battues pour faire avancer les choses. Malgré leur actuelle 3ème place, rien n’est joué. En effet, si Tine de Caigny et son équipe parviennent à gagner face à l’Italie et que l’Islande ne parvient pas à battre la France, elles se qualifieront pour les quarts de finale. Un nul pourrait même être suffisant en cas de défaite de ces dernières. Un quart serait alors une première dans l’histoire des Reds Flames. Si depuis le début de l’Euro 2022, la numéro six de la Belgique n’a pas marqué, cela ne l’inquiète pas. En effet, elle ne joue plus à la pointe de l’attaque. Mais nul doute que la meilleure buteuse des qualifications essayera une nouvelle fois de trouver le chemin des buts.

crédits image titre : photonews

Quitter la version mobile