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Almuth Schult, la porte-parole du football féminin allemand

Que ce soit avec son club ou en sélection, Almuth Schult a déjà marqué de son empreinte l’histoire du football allemand grâce à son parcours victorieux, courageux et engagé.

Cet été, une page s’est tournée du côté de Wolfsburg. Après neuf saisons au sein de la formation de Basse-Saxe, Almuth Schult va traverser l’Atlantique, à l’issue de l’Euro, pour rejoindre la Cité des anges et sa nouvelle équipe de l’Angel City FC. Au cours de sa période passée sous les couleurs vertes et blanches, l’ancien élément d’Hambourg, de Magdebourg, ou du SC 07 Bad Neuenahr n’a cessé de s’illustrer sur le rectangle vert.

Son palmarès parle de lui-même. Avec les Wölfinnen, la gardienne a remporté sept Bundesliga, neuf Coupe d’Allemagne et une Ligue des Champions. Au-delà des trophées, la joueuse a enchaîné les performances de haut rang. En témoigne sa fabuleuse série record de 1051 minutes sans encaisser de but entre la sixième et la dix-septième journée de l’exercice 2014-2015. Par ailleurs, en 2017/2018 puis en 2018/2019, le dernier rempart affiche des taux de clean-sheets impressionnants en championnat (76,2% et 73,7%).

Statistiques impressionnantes de Almuth Schult lors de son passage à Wolfsburg. (Source : FBref.com)

L’athlète de 31 ans brille aussi avec la Nationalmannschaft et décroche l’Euro en 2013 puis les Jeux Olympiques trois ans plus tard. Ces éléments expliquent largement pourquoi l’IFFHS (International Federation of Football History & Statistics) l’a récompensée du titre de gardienne de l’année en 2014. Jasmina Schweimler, spécialiste du ballon rond féminin pour DW Sports ou Sport Buzzer, est catégorique : “Elle est la colonne vertébrale de chaque équipe, en raison de ses capacités sportives et du leadership qu’elle apporte. Elle est très franche, très respectée et possède une connaissance fantastique du football et une grande expérience. C’est quelqu’un qui va de l’avant, qui pousse ses coéquipières à être meilleures.

Un mental de guerrière

En dehors de ses prestations, la portière se signale également par sa détermination. Pour preuve, il y a deux ans, cette dernière a donné naissance à des jumeaux. Or, peu de footballeuses professionnelles deviennent mères au cours de leur carrière. Ainsi, avant Almuth Schult, la Bundesliga ne comportait aucune maman. Une situation qui peut découler d’une perception longtemps négative et d’un certain manque de préparation. En tous cas, les propos de l’Islandaise Sara Björk Gunnarsdóttir dans les colonnes d’Ancré Magazine, vont en ce sens : “Quand vous tombez enceinte et que vous êtes une sportive ce ne sont pas toujours des discussions positives dans un premier temps (…) Les clubs doivent être plus conscients que cela peut arriver. La plupart des clubs ne sont pas préparés à ce que leurs joueuses tombent enceintes.” Ces carences ne sont, malheureusement, pas étonnantes, quand on sait que la FIFA n’avait pas inscrit dans son règlement l’obligation pour les clubs d’accorder un congé maternité de quatorze semaines ou de réintégrer les joueuses au terme de leur grossesse avant 2020.

Sur le site de l’UEFA, la future membre de l’Angel City FC s’est livrée sur son propre vécu et évoque des améliorations : “Au début, c’était difficile pour mon club et l’équipe nationale, ils n’avaient aucune expérience (…) Mais ils s’en souciaient beaucoup, ce qui était une bonne chose. Ils disaient : « Si vous avez besoin de quelque chose, vous devez nous le dire parce que nous ne savons pas comment le gérer. » La première saison, j’ai été autorisé à faire de la musculation à la maison (…) Ils étaient assez ouverts d’esprit pour dire : « Si vous voulez emmener vos enfants au camp d’entraînement, vous pouvez. » C’était un grand pas en Allemagne, que vous puissiez avoir vos enfants avec vous.”

Ce mélange d’entraide et de témérité a permis à Almuth Schult de rapidement effectuer son retour au plus haut niveau. “Cela en dit long sur son caractère et sur son enthousiasme. Elle a toujours dit qu’elle voulait revenir et elle l’a fait. Elle s’est battue contre les nuits blanches pour s’entraîner et retrouver sa meilleure forme. Elle a disputé des matchs avec l’équipe B pour se préparer et s’entraîner, puis elle a réintégré l’équipe première. Elle a joué un rôle important dans la victoire de Wolfsburg en championnat et en coupe d’Allemagne“, souligne Jasmina Schweimler. Ses seize arrêts réalisés lors du quart de finale aller de la Ligue des champions contre Barcelone peuvent aussi le démontrer. Cependant, avec son pays, la gardienne n’a rien pu faire face à l’éclosion de Merle Frohms. Selon la journaliste de DW Sports, cette nouvelle position de numéro 2 n’est pas synonyme de manque d’implication : “Elle soutient son équipe quoi qu’il arrive et pousse, motive et aide partout où elle le peut.”

Un engagement de tous les instants

La native de Dannenberg utilise également ce dévouement en dehors des stades. Depuis des années, elle se bat pour favoriser le développement du ballon rond féminin. En atteste sa présence au sein du collectif “Fußball kann mehr” (le football peut faire plus). Il y a quelques semaines, ce dernier a publié un document dans lequel il énumère plusieurs propositions comme l’instauration de “quota, d’au moins 30% de femmes occupant des postes de direction (par exemple au sein du comité exécutif, du conseil d’administration, de la direction) d’ici 2024“, la mise en place de “programmes ciblés visant à créer l’égalité des chances pour les femmes dans les domaines liés au sport dans les clubs (entraîneurs, scoutisme, centres de performance juniors, licences d’entraîneurs, programmes de gestion, etc” ou l’application de “sanctions cohérentes à l’encontre de toutes les formes de sexisme et de discrimination, même en dehors de la place, et des points de contact appropriés pour les personnes concernées.

Comme l’affirme Jasmina Schweimler, c’est surtout cet engagement de la gardienne qui devrait lui permettre de rester dans les mémoires : “Son nom entrera dans l’histoire pour de nombreuses raisons. Peut-être pas pour avoir remporté le plus de trophées ou avoir eu le plus de sélections en équipe nationale, mais surtout pour ce qu’elle représentait. Pendant des années, elle a été une voix importante pour le football féminin allemand, luttant pour l’égalité, pour obtenir de meilleurs plans pour la maternité, des structures égales, de meilleurs salaires, l’amélioration de la ligue dans son ensemble. Elle est souvent présente à la télévision et dans les talk-shows pour aborder les problèmes et a contribué à les diffuser auprès d’un public plus large afin que celui-ci prenne conscience de la situation.

En effet, Almuth Schult interroge sans relâche les différences de traitement entre les hommes et les femmes dans le monde du ballon rond. Peu avant le lancement de l’Euro, la médaillée d’or olympique 2016 a interpellé les différentes associations footballistiques pour dénoncer les termes employés pour décrire les compétitions organisées par les institutions : “Pourquoi les deux [compétitions, ndlr] ne s’appellent-elles pas simplement la Bundesliga ? Ou la Bundesliga masculine et la Bundesliga féminine ? Pourquoi cela doit-il être signalé en plus ? C’est exactement cette dévaluation dont vous n’avez pas besoin. L’UEFA et la FIFA doivent simplement faire un pas en avant et créer un peu plus d’égalité dès le début.

Almuth Schult avec ses coéquipières lors de la victoire de Wolfsburg en Champions. (Source : coeursdefoot.fr)

Une source d’inspiration, déjà, pour ses contemporaines

Au vu de sa carrière et de ses combats, l’ancienne de Wolfsburg apparaît comme une véritable source d’inspiration pour les générations actuelles et futures. “Elle est déjà un modèle et continuera de l’être pour les jeunes filles à l’avenir”, confirme Jasmina Schweimler, qui la surnomme même la “porte-parole” du football féminin Outre-Rhin. Comme la gardienne le confiait en janvier 2021, certaines collègues lui posent des questions et lui demandent des conseils, notamment sur sa grossesse. : “Peut-être que maintenant, il y a une porte de plus qui s’ouvre pour elles. Il y a plus de joueuses en Europe qui tombent enceintes et qui ne parlent pas de prendre leur retraite. Quand j’ai parlé à Kristine Minde de Norvège et Sara Björk Gunnarsdottir d’Islande, elles m’ont dit qu’elles se sentaient un peu inspirées par moi pour le faire. C’est le meilleur compliment que vous puissiez recevoir.”

À l’occasion de l’Euro 2019, Martina Voss-Tecklenburg, la sélectionneuse allemande, avait mis en avant la science du jeu de sa numéro 1 de l’époque : “Elle apporte énormément à cette équipe, hors du terrain, mais aussi en matière tactique. Elle joue un rôle de stabilisateur. Elle sera une excellente entraîneuse plus tard“. De même, lors de l’Euro masculin l’été dernier, la portière avait exercé en tant que consultante et avait reçu de nombreuses louanges. De quoi lui donner une autre idée pour une potentielle reconversion. Une chose est sûre, le football germanique devrait encore pouvoir compter un moment sur l’engagement et la détermination d’Almuth Schult.

Crédit photo principal : Eurosport

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