Liberty Media est l’acteur qui a permis une américanisation de la Formule 1. Grâce à la nouvelle entité directrice de la F1, on peut aujourd’hui compter plusieurs épreuves se déroulant sur le sol américain avec les circuits de Austin au Texas et le dernier arrivé en date, Miami, circuit urbain tracé au cœur de la mégalopole américaine. Il était même question à une époque de faire un retour sur le mythique tracé de l’Indianapolis Motor Speedway. Seulement, pour Liberty Media, avoir des épreuves aux États-Unis c’est bien mais avoir un pilote américain présent et performant sur le plateau de la Formule 1, c’est encore mieux ! Alors comment se peut-il que les Etats Unis, tant fournis en bons pilotes, n’arrivent pas à sortir un seul homme capable de concourir en F1 ? (À quelques toutes petites exceptions près) Colton Herta, le petit chouchou d’Andretti lui-même et l’une des coqueluches de l’Indycar Series, sera-t-il le prochain américain courir en catégorie reine des sports automobiles depuis Alexander Rossi en 2015 ?
Crédit photo de couverture : Motorsport.com
La F1 et les pilotes américains, pas la plus belle des histoires d’amour
Outre le grand Mario Andretti, champion du monde de Formule 1 au cours de la saison 1978, aucun autre pilote américain n’a remporté le championnat dans la catégorie reine de sports automobiles. De plus, si les seuls pilotes venus d’outre-manche performants ont tous couru au XXème siècle, le XXIème siècle est très loin du même résultat car il ne compte que deux pilotes en Formule 1 : Scott Speed (28 grands prix entre 2006 et 2007 pour Toro Rosso, ex Alpha Tauri) et Alexander Rossi (5 grands prix chez Manor Marussia).
Le siècle précédent, les fans de F1 ont pu assister à de nombreuses prouesses de pilotes américains à l’instar d’Andretti mais aussi des moins connus Phil Hill (49 grands prix, 16 podiums et 3 victoires), Dan Gurney (86 courses, 19 podiums et 4 victoires) ou encore Richie Ginther (52 courses, 14 podiums et 1 victoire).

Et justement, depuis Mario Andretti, on peut affirmer que c’est bel et bien le calme plat pour représenter cette fameuse Bannière Étoilée au sein du plateau des pilotes de Formule 1. Même si l’équipe multiplement couronnée de titres en NASCAR, Haas, a fait son entrée en Formule 1 depuis quelques années, ils n’ont pas non plus réussi à inclure un pilote américain au sein de leur team. Pourquoi ? Simplement parce que Günter Steiner, le directeur d’équipe, et Gene Haas, la patron et propriétaire de l’écurie, pensent que cela reste une chose très compliquée à réaliser :
“Je pense que ce serait fantastique d’avoir un Américain en F1, et notamment pour nous. Mais il y a deux difficultés sur ce sujet. D’abord, si en tant qu’équipe nous ne donnons pas à un pilote américain ce qu’il pense mériter, ce n’est bon pour personne. Et deuxièmement, si le pilote en question n’est pas suffisamment bon, ce n’est pas une bonne chose pour le marché américain. Il faut que ce soit une histoire à succès. Il y a eu selon moi une période où les pilotes américains ne faisaient plus les efforts pour arriver en F1 car c’était trop compliqué. L’Amérique est un endroit fantastique pour vivre, mais pour être sérieux en F1 vous devez déménager en Europe pour un certain temps lorsque vous êtes jeune. Il y a également de très bonnes opportunités pour piloter aux Etats-Unis. Avec l’intérêt grandissant pour la F1, j’espère que cette tendance s’inversera. Ça prendra du temps, mais peut-être qu’un jour un pilote américain très talentueux deviendra la star.”
Mais le directeur de l’écurie américaine reste quand même ouvert à toute proposition : “S’il y avait un bon pilote américain de disponible, alors nous le prendrions. Il faudrait tout de même faire preuve de prudence car selon moi, il ne servirait à rien de prendre quelqu’un qui est amené à échouer. Ce serait égoïste de notre part de mettre un Américain dans la voiture dans l’unique but de servir nos intérêts, je ne pense pas que ce soit la bonne chose à faire. Si nous prenions cette décision, il faudrait tout faire pour que l’histoire soit un succès. C’est le plus important.” – (Propos tirés d’un article paru sur NextGen Auto)

Et qu’en est-il de Zak Brown, le PDG de McLaren Racing Team ? Tout porte à croire que l’homme d’affaires Américain a l’air de comprendre qu’il a une carte à jouer avec la petite coqueluche des fans d’Indycar, le jeune et très talentueux Colton Herta, pilote chez Andretti Autosport (coéquipier de Romain Grosjean). En effet, Herta a eu la chance et le privilège de réaliser les tests pour McLaren au cours de cette saison 2022, le début d’un nouvel espoir américain en F1 ?
Colton Herta en F1, l’américain le plus convainquant à court terme ?
En effet, depuis Alexander Rossi, il est l’un des premiers américains à pouvoir piloter une Formule 1 lors de tests officiels et ce au volant d’une McLaren tout de même. De plus, il est très certainement l’un des pilotes qui reçoit le plus de soutien de l’autre côté de l’Atlantique pour pouvoir enfin porter haut et fort les couleurs américaines sur le plateau de la catégorie reine des sports automobiles.
C’est notamment grâce à ses très grosses performances réalisées en Indycar à son jeune âge, (22 ans tout de même) qu’il a su s’attirer les projecteurs de la F1. Il est d’ailleurs, depuis 2019, le plus jeune pilote de l’histoire à gagner une course en Indycar à 18 ans et 11 mois. Il commence les sports automobiles par le biais du karting dès ses 10 ans jusqu’à intégrer les programmes Road to Indy en 2014 et va même réaliser quelques saisons sur les circuits européens l’année suivante grâce à son engagement en MSA Formula (équivalent de la F4 britannique). En 2016, il court en Euroformula Open, la F3 espagnole, car trop jeune pour s’engager en F3 britannique et termine troisième au classement général, tout comme en MSA Formula.
Herta revient ensuite sur sa terre natale en 2017, les Etats-Unis en entrant dans la catégorie de l’Indylights, antichambre de l’Indycar Series où il termine troisième au classement général avec la palme du rookie de l’année. La saison suivante, le petit prodige devient vice-champion d’Indylights, derrière un autre pilote d’Indycar ayant réalisé des tests chez McLaren, le Mexicain Patricio O’Ward, ce qui lui vaut le privilège de faire sa première apparition en Indycar en fin de saison. Il devient ainsi pilote titulaire pour la saison 2019 pour Harding Steinbrenner Autosport et c’est au cours de cette saison qu’il remporte sa première victoire en Indycar Series.

Grâce à ses grosses performances, l’ex champion du monde de F1 et patron de l’une des écuries de pointes d’Indycar, Mario Andretti, tombe complètement sous le charme du nouveau chouchou Américain et le fait signer dès l’année 2020 dans son Team, Andretti Autosport. Depuis, il ne cesse de charmer le public sur chaque circuit sur lequel il passe.
Alexander Rossi, ex-pilote de F1 et l’un de ses coéquipiers chez Andretti ne fait pas dans la demi-mesure sur les éloges pour Herta et les critiques de la F1 :
“En fin de compte, pour qu’un pilote américain atteigne la Formule 1, il faut qu’il aille en Europe, et c’est comme ça. Cela n’a rien à voir avec la nationalité, mais il n’y a pas de pilote de Formule 1 qui ne soit pas passé par les formules de promotion européennes. Ce n’est jamais vraiment arrivé – ou les fois où c’est arrivé, ça ne s’est pas bien passé. Il y a beaucoup de jeux politiques, il n’y a pas le sens de loyauté et de camaraderie que l’on trouve ici, et on ne pense qu’à soi. Une fois qu’on s’en rend compte, ça va, c’est normal, et on se concentre sur le pilotage. Mais si l’on y va en pensant que l’on va avoir du succès juste grâce à son talent et que ce qui se passe hors-piste n’importe pas… le réveil est rude. Par conséquent, s’ils veulent sérieusement avoir un pilote américain en raison de l’intérêt qui existe aux États-Unis, qui est le plus grand marché pour les ventes de Mercedes-Benz, Ferrari, McLaren, etc., alors ils doivent faire quelque chose de similaire à ce qu’a fait Red Bull. Ils doivent aller chercher des pilotes très jeunes et talentueux et avoir les fonds et le soutien nécessaires pour les déraciner de l’Amérique afin qu’ils aillent courir en Europe.”
“L’autre grand facteur à prendre en compte, c’est l’apprentissage des circuits. Je suis conscient que Colton [Herta] est dans une situation assez unique car il a fait deux ans en Europe et a couru sur beaucoup des circuits, mais pour n’importe quel Américain qui s’y rend, il y a énormément de choses à apprendre. Après tout, on n’attendrait pas de Romain [Grosjean] qu’il soit au top d’emblée quand nous irons à Detroit, face à une bande de pilotes qui y courent depuis 15 ans. Cet avantage ne peut être sous-estimé car il y a des nuances à tous ces circuits, et peu m’importe à quel point l’on est talentueux, si l’on est contre quelqu’un qui roule sur cette piste depuis ses 14 ans en Formule Renault et qui en a désormais 26 en Formule 1, ce pilote aura l’avantage.” (Propos tirés d’un article paru sur fr.motorsport.com)

Il est donc certain que Colton Herta est un pilote à l’avenir fort prometteur, en Amérique pour sûr, mais peut-être aussi en Europe du côté de la F1 qui sait ! En tout cas, McLaren semble avoir une intention de potentiellement miser sur la coqueluche du paddock d’Indycar, surtout qu’elle devrait aussi chercher un replaçant à un Daniel Ricciardo qui n’a jamais semblé être aussi proche de la fin de son aventure en F1.
Andreas Seidl, directeur de l’écurie McLaren F1 Team s’est lui aussi exprimé sur Herta en reconnaissant le talent certain du pilote Andretti Autosport et qu’il puisse s’avérer être intéressant de voir sa progression sur des monoplaces de l’an dernier pour voir ce qu’il vaut réellement. Évidemment, Herta a fait mouche sur les essais en F1 organisés à Portimao comme a pu le confirmer l’ex-ingénieur Allemand :
“Il y avait des objectifs différents, évidemment. D’abord et avant tout, nous voulions donner à Colton la chance de s’habituer à la voiture. Mais nous voulions aussi le faire travailler sur différentes techniques de conduite. Par exemple, s’habituer aux différents aspects opérationnels d’un week-end de course, comme la comparaison de différents pneus, l’utilisation de différentes charges de carburant, les simulations de qualification et de course. Je dois dire que l’équipe a été très impressionnée par la façon dont Colton a relevé tous ces défis et par son approche professionnelle.” – (Propos tirés d’un article paru sur Autohebdo.fr)
Alors se pourrait-il que l’on retrouve Herta au volant de la McLaren après un départ de Daniel Ricciardo ? Il est tout aussi possible de le retrouver lors d’une séance d’essais libres car le règlement impose à chaque écurie de faire courir un pilote débutant au moins deux fois dans la saison lors d’une séance d’essais libres, ce que McLaren n’a pas encore fait cette saison. Enfin, si Colton Herta est l’un des Américains les plus pressentis pour prendre un baquet en Formule 1, il ne faut surtout pas oublier les performances impressionnantes d’un autre de ses compatriotes, qui plus est du même âge et actuellement en Formule 2 à savoir le virevoltant Logan Sargeant, pilote pour Carlin avec déjà deux victoires au compteur dans l’antichambre de la Formule 1.