Dans une intersaison qui restera gravé dans la mémoire collective, le marché des receveurs notamment s’est emballé. Alors que la valeur du Quarterback ne cesse de s’envoler, les équipes ont décidé de valoriser leur meilleurs amis de l’autre côté de la passe. Plus particulièrement, 4 équipes ont été cherché des joueurs reconnus via des échanges suivis d’une prolongation de contrat. A l’aide de statistiques avancées fournies par Pro Football Focus et Next Gen Stats ainsi que d’analyse vidéo, le CCS revient sur les nouvelles associations qui seront particulièrement scrutées lors de la saison 2022.

AJ Brown, ou la pièce manquante
Ahhh la draft NFL 2022… Ce doux soir de printemps où, depuis nos écrans français allumés en pleine nuit silencieuse, nous allions vivre la folie qui gagnait l’autre côté de l’Atlantique. Un évènement qu’on annonçait imprévisible et qui aura, effectivement, amené son enchaînement de rebondissements. Avec en point d’orgue en milieu de la soirée, sans crier gare, le trade de l’un des meilleurs jeune receveurs de la ligue : AJ Brown. 24 ans, plus de 3000 yards en 3 saisons, le genre de joueurs qu’on pense indéboulonnable. Et ainsi le visage de la franchise de Nashville s’en alla vers Philadelphie.
Passé la surprise et les compliments au Front Office des Eagles, il convient de se demander ce que Brown pourra amener en Pennsylvanie, et notamment comment son duo avec Devonta Smith, 10e choix de la draft 2021, pourrait fonctionner. En épiant les statistiques avancées de Brown, et en les comparant à celles de Smith, le moins qu’on puisse dire est qu’ils sont… complémentaires. Pour ne pas dire presque opposés.


Que ce soit par volonté de leur entraîneur, par le style de leur Quarterback ou tout simplement par leur profil respectif, Smith et Brown ont opéré dans des zones complètement différentes du terrain. Il est encore difficile de dresser un profil complet de Jalen Hurts après une seule saison en tant que titulaire. Le premier échantillon révèle cependant un refus quasi catégorique de viser le milieu du terrain.

Pour preuve, Brown a réceptionné plus de passes entre les “hash marks” à 10-19 yards de profondeur que Hurts en a lancé sur toute la saison. Il a aussi joué 2 matches de moins… Malgré cette identité affirmée de l’attaque de Philly, Devonta Smith arrive à confirmer sa réputation de joueur très complet en affichant des stats plutôt équilibrées :

Dans un contexte assez unidimensionnel, Smith s’est montré à son avantage sur chaque zone du terrain. On le savait mature dans son jeu avant sa draft, on en a eu la confirmation. A côté, AJ Brown est plus spécialisé sur certains types de lancers. Les slants et les digs au milieu du terrain, notamment :
Play-action, tracé derrière les LB et gain balle en main, c’est ça le AJ Brown qu’on connaît depuis 3 ans en NFL. Un joueur que Philly ne possédait (ou n’utilisait) pas jusqu’ici. Reste à savoir comment Nick Sirianni pourra adapter son offense afin d’accueillir le Yin à son Yang… Avec un jeu au sol omnipotent et une utilisation déjà appuyée des RPOs, le mélange semble être possible. Et si c’est le cas, l’attaque des Eagles pourrait atteindre une nouvelle sphère.
Un jeu à (re)définir
L’élément qui complique le plus la projection d’AJ Brown à Philadelphie est en réalité… AJ Brown. Un passage rapide sur ses stats avancées montre qu’en trois saisons, le receveur a vu son jeu évoluer. On pense notamment à son placement plus fréquent dans le slot avec l’arrivée de Julio Jones à Nashville en 2021. 12% en 2019 puis 16 en 2020 et enfin 33% en 2021, Brown est progressivement revenu à son rôle d’Ole Miss. Pour donner un ordre de grandeur, c’est un pourcentage quasi similaire à Davante Adams ou Justin Jefferson. On retrouve récemment en NFL une tendance à replacer les receveurs stars dans le slot. Le but est de les impliquer sur plus de tracés et de leur trouver des matchups favorables. AJ Brown est le dernier à prendre cette direction.
Il est possible que le coaching staff veuille continuer sur cette lancée, et donner à Brown un pur rôle de receveur de possession. Et profiter également de la présence de Dallas Goedert pour poser un dilemme aux défenseurs de zone adverses.

Une évolution plus inquiétante de sa carrière est surtout sa qualité en Yards Après Réception. Réputé comme un démon à plaquer depuis son année rookie, la tendance commence à sérieusement s’inverser pour Brown. En 2019, parmi les 41 receveurs visés +100 fois, le rookie se plaçait alors 1er avec un stratosphérique 8.7 YAC/rec. Ce score a chuté à 3.6 en 2021, le plaçant 27ème sur 36 joueurs éligibles. Plus d’attention ? Mauvaise utilisation ? Peut-être un peu des deux.
A Tennessee, en effet, A.J. Brown a été à la réception de seulement 3 passes écran en 2021. Avec 5 tentatives de screens de son côté, les passes écrans ne représentent que 4.5% de son “target percentage”. Les screens sont pourtant un excellent moyen de fournir le ballon aux meilleurs playmakers offensifs… Et sont d’ailleurs très appréciés à Philadelphie. C’est donc un élément à prévoir pour la prochaine version d’AJ Brown. Pour preuve : là où 3,4 % des passes de Tanehill sont des screens dirigées vers ses receveurs, ce total grimpe à 6,8% chez Hurts. Plus du double donc ! En début de saison particulièrement, les Eagles ont centré leur attaques autour de ce style de jeu. Pour faciliter la vie de leur jeune QB, mais aussi parce que Nick Sirianni les affectionne.
Sirianni vient en effet de l’arbre Doug Pederson, et a été coordinateur offensif sous Frank Reich avec les Colts. Emmenés par Philip Rivers en 2020, Indy avait utilisé les screens sur 12.1% de leurs passes (4e pourcentage NFL). Pas étonnant donc de retrouver ses Eagles, un an plus tard, en haut de la pyramide. La mise en valeur des skill players, c’est dans l’ADN de cette branche de coaching, et Sirianni en fait partie. Dans ce contexte plus propice, les Eagles auront donc besoin d’un AJ Brown retrouvé pour rappeler sa dangerosité balle en main. Nul doute que les capacités de Brown à transformer les passes courtes en gros gains seront un des facteurs X de la saison de Philly.
Avant toute chose, l’environnement de Philly veut laisser les receveurs s’exprimer. Leur coach, Nick Sirianni, affectionne tous les moyens de distribuer la gonfle et laisser les porteurs de balles créer. Leur QB, Jalen Hurts, aime leur laisser une chance lorsqu’ils sont en un contre un, même couverts. Difficile d’imaginer un meilleur appairage pour un receveur porté sur la domination physique et les big plays. Tout porte à croire qu’en plus d’avoir fait une bonne affaire, les Eagles ont misé sur un talent qui correspondait à leur philosophie.