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Théâtre de duels historiques et de moments tragiques, le GP du Japon fait son retour !

Après une cure de 3 ans liée à la crise sanitaire, la Formule 1 fait son grand retour au Japon ! Un rendez-vous très attendu par les pilotes, qui ont hâte de se mesurer au très apprécié tracé de Suzuka, qui devrait convenir à ces voitures modernes. Avant cela, on vous propose de replonger dans l’histoire de ce Grand Prix, témoin de mythiques passes d’armes entre Prost et Senna, mais aussi de moments tragiques avec l’accident mortel de Jules Bianchi…

1976 – Pluie sacrée pour James Hunt

Pour la première fois de son histoire, le cirque de la F1 fait escale en Asie, pour la conclusion d’un championnat marqué par le terrible accident de Niki Lauda, au Nürburgring, quelques mois plus tôt. Malgré cela, l’autrichien arrive à Fuji dans le fauteuil de leader du championnat, disposant de 3 points d’avance sur le britannique James Hunt. Auteur de huit poles positions cette saison, Hunt est le grand favori des qualifications. Il est pourtant surpris par Andretti qui lui souffle le meilleur temps pour trois centièmes de seconde. Hunt est 2e, juste devant son rival autrichien, qui réalise sa meilleure qualif’ depuis son retour à la compétition. Le lendemain matin, jour de course, le tracé de Fuji est plongé dans l’apocalypse. Des trombes d’eau s’abattent sur le circuit, le départ est reporté, et de longues minutes de négociations vont commencer. La majorité des pilotes, Niki Lauda en tête, ne veulent pas prendre le départ, jugeant les conditions beaucoup trop dangereuses.

Départ de la course sur une piste détrempée. Crédit :  DR 

Les intérêts divergent entre les organisateurs et l’association des constructeurs, mais après une heure et demi de tractation, les pilotes sont invités à se préparer. Le départ est donné, Hunt réalise l’envol parfait et s’empare de la tête. Dès le 2e tour de course, Lauda rentre en stand, on croit à un problème, il discute avec ses ingénieurs, et décide finalement d’abandonner. Encore marqué par son accident, il estime que le jeu n’en vaut pas la chandelle. Hunt sait ce qu’il doit faire pour décrocher son premier titre. En gestion pendant la majorité de la course, le britannique est contraint de repasser au stand au 69e tour de course, il ressort 5e, Lauda est virtuellement champion. S’engage une course contre la montre à 4 tours de l’arrivée, il parvient à remonter jusqu’à la 3e position, ce qui lui suffit pour être titré. Mais la situation est confuse, et il lui faudra attendre son retour au stand McLaren en ébullition pour comprendre qu’il a réussi ! James Hunt est champion du monde !

1988 – Premier titre pour Senna

Après 10 ans d’absence au calendrier, le GP du Japon fait son retour en 1987, sur le circuit de Suzuka. En 1988, Senna arrive au Japon avec l’objectif d’enfin convertir la balle de match, ce qu’il n’a pas réussi à faire lors des dernières courses. S’il l’emporte, il sera sacré face à son coéquipier français Alain Prost, qui semble déjà résigné. L’ambiance est tendue dans l’écurie, les pilotes s’ignorent, et cela ne s’arrange pas avec la sortie de « l’affaire Honda », qui mêle Jean-Marie Balestre et la Fédération brésilienne. Honda ne s’exprime pas avant Suzuka, la firme japonaise souhaite seulement réparer l’affront de l’an passé, et s’imposer à domicile. Le samedi, Senna décroche sa 28e pole en carrière en devançant Prost de 3 dixièmes. Dimanche, Prost connait de nouveaux problèmes moteurs lors du warm-up.

Senna prend l’avantage sur Prost.

Pourtant, c’est bien lui qui va se voir propulser en tête après le départ, Senna se trompe de rapport, cale, et ne repart qu’en 14e position. Le brésilien entame sa folle remontée, et une petite averse rend la piste humide, des conditions dans lesquelles Senna excelle. Il en profite pour revenir dans la boîte de vitesse de son coéquipier au 21e tour. Sept tours plus tard, le brésilien s’infiltre au premier freinage et s’ouvre la route du titre ! La suite n’est que gestion, et lorsqu’il coupe la ligne pour la 51e fois, Ayrton Senna est sacré champion du monde pour la première fois de sa carrière, à 28 ans, dans le berceau d’Honda !

1989 – Tension extrême chez McLaren

Les deux plus grands rivaux de l’histoire se disputent à nouveau le titre, mais cette année, c’est le français qui s’avance dans une position favorable au championnat. Cependant, le barème en vigueur à cette période ne lui permet plus de glaner beaucoup de points, contrairement à Senna, qui, s’il s’impose à Suzuka et à Adélaïde, sera sacré, le français doit donc jouer la victoire ce week-end. C’est encore dans un climat de tension extrême que l’écurie McLaren s’avance vers un Grand Prix qui entrera dans l’histoire. En conférence de presse, Prost fustige l’agressivité en piste de son équipier, et prévient, qu’il n’ouvrira aucune porte… En qualif’, la marge dont dispose McLaren permet à Prost de se focaliser sur ses réglages de course, et laisse filer la pole au profit de Senna, la 12e de sa saison. Le dimanche, Suzuka réalise un nouveau record d’affluence avec plus de 130.000 personnes venues assister au duel tant attendu entre les deux légendes du moment.

Les deux ennemis sont immobilisés dans l’échappatoire. Crédit : Motorsport

Au départ, Prost s’envole parfaitement tandis que Senna se loupe encore, il parvient cependant à garder sa 2e place de justesse devant Berger. Le français maîtrise la course et conserve une avance de plus ou moins trois secondes sur le brésilien, jusqu’à ce fameux 47e tour. Revenu sur les talons de son coéquipier, Senna plonge à l’intérieur à l’amorce de la chicane, en utilisant la largeur synonyme d’entrée des stands. Au moment du rétrécissement, il est trop tard, il freine sur le béton tandis que Prost, imperturbable, prend le virage sans se soucier du brésilien. Contact entre les deux hommes qui s’immobilisent, Prost sort très rapidement de sa monoplace, tandis que Senna s’agite et demande aux commissaires de le pousser. Il parvient à repartir mais perd rapidement son aileron avant, et malgré une belle remontée, le brésilien est finalement disqualifié par la direction de course, qui donne trois raisons : l’emprunt de la zone de décélération qui ne fait pas partie de la piste, le redémarrage grâce à une aide extérieure ainsi que le court-circuit de la chicane. Écœuré, il accuse aussitôt Jean-Marie Balestre de comploter en faveur de Prost. Le français décroche un troisième titre mondial au goût très amer.

1990 – Triste revanche

Comme lors des deux dernières années, Suzuka pourrait être le théâtre de la lutte finale entre Senna et Prost, désormais chez Ferrari, au championnat. Avantage au brésilien qui compte 9 points d’avance, et qui, s’il devance Prost, décrochera sa deuxième couronne mondiale. Mais Senna est nerveux, il n’arrive pas à effacer le souvenir douloureux de 1989, et entre dans une certaine paranoïa, pensant qu’on veut l’empêcher à nouveau d’être titré. Prost de son côté est plus serein, il n’a pas grand-chose à perdre, et fais confiance aux qualités de sa Ferrari. Comme il est désormais de coutume, Senna prend la pole, devant Prost. Senna considère cependant cette pole comme un cadeau empoisonné, puisque celle-ci se situe sur la partie sale de la piste. Dès le mercredi, le Brésilien demande à Roland Bruynseraede de faire passer la pole de l’autre côté de la piste, comme cela s’est déjà produit lors du GP du Portugal. Il revient à la charge samedi soir, mais nouveau refus de Bruynseraede qui affirme qu’il est trop tard pour changer la configuration de la grille. Pour Senna, les officiels ont pris leurs ordres auprès de Jean-Marie Balestre qui fait tout pour favoriser Alain Prost.

Senna percute Prost et est sacré champion du monde.

Et l’histoire semble à nouveau se répéter, quand, à l’extinction des feux, le français prend encore une fois un meilleur envol. Mais Senna reste à courte distance, presque à hauteur, et à l’approche du premier virage, laisse ses roues droites pour venir percuter le français. Course terminée pour les deux pilotes, le brésilien est champion en se faisant tristement justice. La victoire de Nelson Piquet est reléguée au second plan, on scrute le moindre geste des deux protagonistes. En conférence de presse, chacun défendra ses positions en fustigeant l’autre, passant de l’animosité à la haine.

2014 – Le drame

15e rendez-vous de la saison, le Grand Prix du Japon doit à nouveau offrir une bataille entre les pilotes Mercedes, Lewis Hamilton et Nico Rosberg, en lutte pour le titre. Le britannique reste sur deux succès consécutifs, et à même repris la tête du classement pour 3 petits points. Sans surprise, les flèches d’argent bloque une nouvelle première ligne en qualif’, Rosberg devant Hamilton, reléguant la concurrence à plus de six dixièmes. Mais c’est la météo qui inquiète au Japon, puisqu’un typhon doit s’abattre dans les prochaines heures sur l’archipel. Comme prévu, le dimanche après-midi est pluvieux à Suzuka, et le départ est donné derrière la voiture de sécurité. La course est arrêtée une première fois au deuxième tour, avant de reprendre 20 minutes plus tard, toujours sous le contrôle de la voiture de sécurité. Au 10e tour, l’épreuve est définitivement lancé, et les Mercedes s’envolent.

Jules Bianchi chez Marussia. Crédit : AFP/S.Khan

Au 42e tour, Adrian Sutil part en aquaplaning et percute le mur. Une dépanneuse arrive pour évacuer sa monoplace, les drapeaux jaunes sont agités dans le secteur. Le français Jules Bianchi perd le contrôle de sa Marussia au même endroit que Sutil, et sa voiture glisse jusqu’à s’encastrer sous la dépanneuse. La course est neutralisée, c’est le chaos à Suzuka, aucune image n’est diffusée. Les médecins parviennent à extraire le français de sa monoplace, qui est très sérieusement blessé à la tête, et transféré à l’hôpital de Yokkaichi. La course ne repartira pas, Hamilton est déclaré vainqueur, mais tout le monde pense aux français, l’ambiance est plus que pesante. 9 mois plus tard, Jules Bianchi décèdera des suites de ses blessures, c’est le premier accident mortel depuis celui d’Ayrton Senna en 1994…

Ce lieu chargé d’histoire et d’émotion fait donc son retour ce week-end, et vous donne rendez-vous dimanche matin pour de nouvelles batailles, et qui sait, pour un nouveau sacre en terre nippone.

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