A l'affiche Sélections nationales

Le grand retour de l’équipe de Bretagne ?

Tout est parti d’un tweet. Un gazouillis signé Pierre-Alain Perennou, journaliste breton. Le 25 septembre 2022, celui-ci promet de remettre en selle l’équipe de Bretagne de football. Plus de mille retweets plus tard, le projet est lancé. Avant de penser aux joueurs sélectionnés, il reste encore pas mal d’étapes à franchir. Mais on rêve tout de même d’un Gonzalo Higuaín en dribbleur de menhirs.

C’est à Plogoff, commune du Finistère, que l’on peut contempler la Pointe du Raz et la Baie des Trépassés. Et c’est dans ce coin de paradis qu’a grandi Pierre-Alain Perennou. Avant de devenir journaliste pour L’Équipe puis pour footpack, Pierre-Alain était adolescent. Comme tous les adolescents, il racontait beaucoup de conneries. « Avec mon pote Yves-Marie, on avait un délire avec l’équipe de Bretagne. C’était un comique de répétition, on se demandait souvent si on avait le niveau pour y jouer. Mais on rêvait qu’elle fasse plus de matchs. »

Le jeudi 21 mai 1998, quelques semaines avant le sacre des Bleus au Stade de France, la Bretagne reçoit le Cameroun à Rennes, dans ce qui s’appelle encore le Stade de la route de Lorient. Un but partout. Pierre-Alain n’est pas encore journaliste. Pas même adolescent. Il a deux ans. Alors même si la rencontre est diffusée en prime time sur Canal+, il ne saurait se souvenir de l’action qui mène à l’égalisation de Lionel Rouxel. C’est pourtant le coup d’envoi de son idylle avec la sélection bretonne. Ce match, c’est la preuve qu’on peut mobiliser toutes les composantes d’une région derrière un événement sportif. C’est la preuve que l’équipe de Bretagne est légitime.

L’histoire de la Skipailh Breizh est pourtant émaillée de contrariétés. En 1972, les organisateurs du Festival interceltique de Lorient prévoient de monter une équipe de Bretagne pour défier l’Écosse. La date du match est fixée au 1er août. Mais les clubs professionnels, qui préparent la reprise du championnat, ne consentent pas à libérer leurs forces vives. Une sélection est finalement formée par Yves Boutet, autour de plusieurs joueurs lorientais. Elle affronte le Falkirk FC, mené par un certain Alex Ferguson, qui s’impose deux buts à un.

Bien des années plus tard, en 2016, quand Raymond Domenech est sélectionneur de la Bretagne, la tournée en Afrique est annulée. Comme quoi, ce continent ne lui réussit pas. Pour l’AFP, citée par Ouest-France, c’est un différend financier qui est en cause. L’équipe bretonne aurait réclamé 30 millions de francs CFA à la fédération togolaise. Claude Le Roy, alors à la tête du Togo – et ancien sélectionneur de la Bretagne – s’emporte : « J’apprends que le match est annulé. On avait toujours parlé de le faire bénévolement, c’était soi-disant un match de bienfaisance. Le foot marche sur la tête. »

Domenech nie en bloc. « Triste et en colère », le tacticien n’a « jamais entendu parler de demande financière ». Il se dit « honoré que l’association en charge de la sélection bretonne ait pensé à lui » et affirme avoir « agi bénévolement ». Sa tentative de « convaincre les joueurs sélectionnables de bien vouloir renoncer à une partie de leurs vacances pour honorer le maillot breton » est infructueuse. Dès lors, « il n’était pas raisonnable de poursuivre cette aventure avec seulement 12 joueurs volontaires », explique-t-il dans un communiqué publié sur Twitter.

Six ans plus tard, l’équipe de Bretagne n’a pas rechaussé les crampons. Pas encore. Car depuis le tweet de Pierre-Alain, tout s’est accéléré : « Je ponds un tweet le dimanche, le lundi il y a déjà 1 000 retweets. Le mardi, la Bretagne Football Association annonce la tenue d’un match amical le 3 juin 2023 à l’issue de la saison de Ligue 1… » Dans l’ombre, le journaliste breton et la BFA avaient, chacun de leur côté, avancé leurs pions pour le retour de la sélection. Les deux parties ont discuté et ont prévu de se rencontrer au mois de novembre.

En bon Breton, Pierre-Alain n’est pas surpris par l’engouement suscité par son tweet : « Je ne m’attendais peut-être pas à autant de réactions aussi vite, mais je ne suis pas plus étonné que ça. C’est dans notre ADN, en Bretagne, d’être fier de nos origines, estime-t-il. À l’image des Basques ou des Corses, on a une identité très forte. »

L’engouement populaire est là, les bonnes volontés ne manquent pas, mais accueillir un tel événement reste un défi organisationnel et logistique. « Pour le moment, on n’a ni joueurs, ni adversaires, ni stade », résume Pierre-Alain. Cela doit se décanter dans les semaines à venir mais l’optimisme est de mise. « Pour la mise à disposition des joueurs et d’un stade, on compte sur les clubs professionnels et les collectivités locales. Tous sont fiers d’être Bretons et on a intérêt à avancer main dans la main. Par ailleurs, de nombreuses marquent sont venues me voir pour me demander comment elles pouvaient nous aider. Tout ça se met en place. »

L’équipe de Bretagne n’étant pas affiliée à la FIFA, la seule façon pour elle d’aligner des joueurs professionnels est de prévoir des rencontres en dehors des dates de compétitions officielles. La date du 3 juin 2023 est ainsi privilégiée. Une affiliation est-elle envisageable à l’avenir ? Peu probable. En 2018, l’Assemblée de Corse avait adopté une motion pour l’adhésion de la Squadra Corsa à la FIFA. Or, ladite motion devait passer entre les mains de la FFF, laquelle avait opposé son veto. Une décision qui fait certainement jurisprudence…

Un derby Bretagne-France n’est donc pas à l’ordre du jour. Mais rien n’empêche la Skipailh Breizh d’affronter des sélections officielles, comme elle l’a déjà fait par le passé en rencontrant le Cameroun, le Congo, la Guinée équatoriale, le Mali, le Togo ou les États-Unis. Un scénario qui a toutes les chances de se reproduire. Alors, dans quel stade ? Avec quels joueurs, sous quel maillot ?

Higuaín-Drogba, ça a de la gueule non ? C’est un peu has been mais on parle d’un peuple qui écoute encore Nolwenn Leroy…

« Le stade, on verra ce qu’il est possible de faire. Pour le maillot, ça dépendra de notre équipementier. On ne pourra pas faire n’importe quoi mais il y a moyen de faire quelque chose de sympa. » Enfin, il pourrait y avoir quelques surprises dans le onze de départ… « Il y a de nombreux joueurs bretons en Ligue 1, Ligue 2, N1 et à l’étranger. Mais pourquoi ne pas rêver d’un Gonzalo Higuaín, qui vient d’annoncer sa retraite ? Il est né à Brest, où jouait son père ! » Rien n’empêcherait non plus Eduardo Camavinga de représenter sa patrie d’adoption. Pas même son statut d’international français. En mai 2022, la Catalogne avait sélectionné Héctor Bellerín et Dani Olmo, membres réguliers de la Roja.

Quel adversaire ? Quel stade ? Quels joueurs ? Quel maillot ? Crêpe ou galette ? Beurre doux ou salé ? Nantes est-elle Bretonne ? Quid du Mont Saint-Michel ? Tant de réponses à apporter… une chose est sûre, on attend avec impatience le retour de la Skipailh Breizh. Après tout, ça peut pas être pire qu’un match de Nantes ou Brest.

Laisser un commentaire

%d blogueurs aiment cette page :