Les Raiders vont bien. À la faveur d’un calendrier plutôt aisé, les pirates argentés de Las Vegas ont une vraie opportunité de remonter un début de saison catastrophique sur le plan comptable. Avec déjà 4 défaites au compteur, la tâche sera difficile, mais pas impossible. Dans une NFL décidément immune de toute logique, le ticket pour les playoffs reste accessible. Surtout que les points positifs sont nombreux à Vegas, à commencer par l’irrésistible ascension de Josh Jacobs cette saison.
Sorti de nulle part
Il était difficile d’imaginer la saison des Raiders ainsi. Avec l’arrivée en fanfare de Davante Adams, le public entrevoyait à l’aube de la saison un trio potentiellement dévastateur avec Hunter Renfrow et Darren Waller. Une vraie armada aérienne pilotée par le vétéran Derek Carr et leur nouveau Head Coach, le controversé mais non moins talentueux Josh McDaniels. Un nouvel entraîneur qui semblait prêt à apporter sa patte, au dépend donc de certains anciens joueurs recrutés par le précédent régime.
Un certain running back, notamment, ancien 1er tour du régime Gruden/Mayock, qui avait peiné à justifier cette investissement malgré une première saison prometteuse. Pendant l’été, la cinquième saison optionnel du contrat rookie de Jacobs a donc été déclinée par les nouveaux dirigeants, faute de confiance envers le coureur. S’en suivit une présaison où son usage faisait penser que tout était à refaire pour lui. Bref, la rupture semblait se consommer sous nos yeux entre Las Vegas et Josh Jacobs.
Sous la houlette de McDaniels, il était difficile d’imaginer les Raiders délaisser le jeu de course. Mais avec autant de “bouches à nourrir” chez les receveurs, l’identité offensive semblait claire. Cette équipe était faite pour dominer les airs. Et c’est sur ce plan de bataille que les pirates ont commencé la saison : leur ratio Run/Pass sur les 3 premières semaines s’élève à 0,42. Comprenez que les Raiders passent plus de 2 fois plus qu’ils ne courent en début de saison. Mais le résultat n’est pas celui escompté, et les Raiders entament l’exercice 2022 avec trois défaites.

Les trois matches suivants ? Le ratio gonfle jusqu’à 0.88, plus du double. Un quasi équilibre entre la course et la passe donc. La blessure de Hunter Renfrow ? Les résultats en berne ? Le début de saison frustrant de Darren Waller ? Sûrement un peu de tout ça. Peut-être aussi l’envie de McDaniels de revenir aux fondamentaux qui avaient fait son succès à New England.
Peut-être aussi le simple constat qu’il avait en sa possession une arme de destruction massive sur le jeu de course. On en vient donc, mesdames et messieurs, à Josh Jacobs. Attachez vos ceintures, ça donne le tournis.
Avec Nick Chubb et Saquon Barkley (tous deux candidats au titre d’OPOY), Jacobs est le seul Running Back à fort volume à se placer tout en haut de la pyramide. Et ce, dans une saison extrêmement fructueuse pour le jeu de course en NFL. Pas convaincu ? Et si on s’amusait à comparer les statistiques avancées de Jacobs avec celle du meilleur RB de 2021, Jonathan Taylor ? Vous savez, ce JT qui a fini à plus de 1800 yards à la course, était le choix numéro 1 incontesté en fantasy cet été, et aurait eu le trophée d’OROY sans une saison historique de Cooper Kupp.
Joueur | EPA/course | Yards/Portée | Rushing Yards Over Expected | Yards Après Contact/Portée |
Taylor | 0.07 | 5.58 | 0.93 | 3.83 |
Jacobs | 0.13 | 5.52 | 0.78 | 3.98 |
Si tous ces chiffres vous paraissent flous, faisons simple : Jacobs est sur un rythme infernal, autant sur la productivité brute que sur sa capacité à bonifier à lui seul chaque portée. Comment cela est-il possible ? Où était ce joueur les deux années précédentes ? Nous allons tenter de décrypter cela.
Un mariage forcé, mais qui marche
Josh McDaniels arrive à Las Vegas avec une réputation de génie offensif. En 2021 chez les Patriots, le coordinateur offensif des Patriots avait composé une vraie partition pour tirer le meilleur du rookie Mac Jones. Il avait aussi été l’artisan d’un jeu de course extrêmement efficace, emmené par un duo Damien Harris – Rhamondre Stevenson très bien utilisé. En bref, McDaniels sait coacher une attaque, et il sait surtout organiser un jeu de course.
Première remarque depuis son arrivée à Las Vegas : le niveau de la ligne offensive, bien supérieur à ce que prédisaient les observateurs pendant l’intersaison. Le coach a su importer son talent pour former des bloqueurs, une véritable culture à New England. Lorsqu’il appelle une course, les mouvements de la ligne sont hyper coordonnés et précis, un vrai plaisir pour les yeux, et une excellente chose pour le porteur du ballon.

En réalité, j’aurais pu écrire à peu près la même chose sur Jon Gruden, l’ancien coach en chef des Raiders. Ses équipes étaient également performantes en attaque et se basaient sur un jeu au sol performant, dotées de lignes offensives rugueuses. Une identité similaire donc. Alors pourquoi une telle différence de performance pour le RB1 de ces deux versions des Raiders ? La différence se trouve dans le style de course.
Sous Gruden, en 2020 et 2021, les Raiders courent à 63% en zone, un style de course basé sur le mouvement horizontal. En 2022, McDaniels importe son propre style, beaucoup plus vertical : le pourcentage de courses en zone passe à 17%. Las Vegas utilise désormais des schémas Gap, Power, etc… Tous ayant pour but de faire décrocher un bloqueur pour guider son RB. Et avec Jacobs, ça marche extrêmement bien :
Ou sous un autre angle :
Sur cette action, regardez l’attitude de Jacobs : toujours derrière son Fullback, prêt à le suivre et à se mettre sur orbite au bon moment. Sur le deuxième plan, on voit très bien les yeux du Running Back suivre le LB51 et prendre sa décision une fois que celui-ci s’est positionné par rapport au FB. A partir de là, les appuis de Jacobs brillent. La principale force physique de Jacobs, c’est son changement de direction. Il possède une fréquence d’appuis phénoménale et son coup de rein est dévastateur une fois qu’il a pris l’information.
Ce style de jeu permet aussi à Jacobs de faire valoir sa vision. Dans le style McDaniels, il est très à son aise pour manipuler les LB et jouer de ses blocs. On le voit déjà sur le clip précédent, voici un autre exemple :
Cette course me plaît beaucoup, personnellement, parce qu’elle montre en quoi Jacobs est différent. Je suis prêt à parier que 80% des RB en NFL auraient tenté de virer complètement sur l’extérieur sur cette action. Les blocs sont un peu lents à se développer, le front défensif pénètre bien. Il serait tentant donc de s’échapper vers l’extérieur. Mais c’est aussi exactement ce qu’attend le CB21, très bien positionné pour jouer son rôle de “force player”. Jacobs reste patient, presse l’extérieur au maximum, et force ainsi le LB à venir l’y chercher. Cela permet à son bloqueur de trouver son bloc directement, et Jacobs n’a plus qu’à suivre le tout petit espace qui s’y est creusé.
Des appuis dynamiques, une bonne vision, mais aussi un excellent équilibre font de Jacobs le RB idéal pour les schémas de McDaniels. Car non content de suivre les blocs avec discipline, il reste capable d’apporter sa propre touche une fois lancé. Jacobs pointe à 3.98 Yards après contact par portée, ce qui le place en 7ème position cette année en NFL, et l’aurait même placé au 3ème rang l’année dernière. Cette capacité à résister aux plaquages et à poursuivre son effort, c’est ce qui place Jacobs parmi les meilleurs à son poste. En atteste ce genre d’action :
Enfin, pour finir, il faut rendre à César ce qui est à César. Josh McDaniels sait animer un jeu de courses. Celui des Raiders est tellement varié, c’en est un plaisir pour les yeux. C’est rempli de petits trucs, de mouvements et de belles idées pour amener de la confusion dans la défense. Tenez, ce mouvement de Derek Carr pour donner le ballon par exemple :
Vous le voyez, ce premier pas avant de se retourner ? Les Raiders l’adorent. Plusieurs fois par match, vous verrez Jacobs recevoir des portées retardées. Le but ? Feinter une passe pour revenir rapidement sur une course. Et si vous vous demandez si ça marche, regardez Josey Jewell (LB47) pendant l’action.
En regardant les Raiders cette année, je n’ai jamais vraiment eu l’impression de regarder une mauvaise équipe. Pour être franc, je ne me souviens pas avoir été aussi optimiste concernant une équipe avec un bilan de 2-5. Le talent en attaque reste évident, malgré les absences et les baisses de régime de certains. La défense prend ses marques, et sans briller, remplit sa part du contrat. Leur 4 prochains seront contre les : Saints, Jaguars, Colts, Broncos. Une série de joutes abordables pour une équipe qui doit désormais prendre chaque match comme il vient. L’explosion de Jacobs comme nouveau moteur offensif représente en tout cas une excellente nouvelle. Presque inespérée, cette surprise de début de saison change drastiquement le paradigme des Raiders. Et remet complètement les pirates dans la course aux Playoffs.