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Mikkel Damsgaard, du rêve au cauchemar ?

Véritable révélation de l’Euro 2021, Mikkel Damsgaard devait prendre son envol, à l’issue de sa magnifique échéance continentale, venue ponctuer une saison pleine de promesses. Dix-huit mois plus tard, il n’en est rien. Pire, le prodige a (presque) disparu des radars.

Mercredi 7 juillet 2021, demi-finale de l’Euro. L’Angleterre défie le Danemark, l’équipe frisson de la compétition. À la 30e minute, les Rød-Hvide ouvrent le score. Le buteur ? Mikkel Damsgaard. Inconnu du grand public quelques jours auparavant, le numéro 14 climatise Wembley d’un maître coup-franc. Or, cette pépite n’en est pas à son premier coup d’éclat. Avant son boulet de canon face aux Three Lions, celui qui est surnommé Damsinho pour son aisance technique, a déjà fait trembler les filets à une reprise et délivré une passe décisive au cours de ce championnat d’Europe. L’événement apparaît comme le premier tournant de sa carrière. Cette dernière débute au Nordsjaelland FC en 2018. Ses dispositions attirent tout de suite l’attention : « Il a presque instantanément été titulaire, il était considéré comme un grand talent. Puis, il a été critiqué parce qu’il ne marquait pas assez. À mes yeux, c’était presque un compliment. On le jugeait comme un joueur adulte, alors qu’il était jeune, parce qu’il était très bon », témoigne, pour le Café Crème Sport, Sebastian Stanbury, journaliste à Mediano.

Dès la saison suivante, Damsgaard étoffe ses stats (11 buts et 7 assists en 37 matchs). D’après ce reporter, le prodige s’appuie sur « son intelligence et la vitesse à laquelle il voit le jeu. Il réfléchit vite, ce qui le place dans de bonnes positions. Et il a la technique pour le soutenir. » Ces aptitudes lui valent des comparaisons flatteuses. « Son entraîneur à Nordsjælland, Flemming Pedersen, l’a qualifié de plus grand talent depuis Michael Laudrup, détaille Sebastian Stanbury, avant d’avouer que, cela a fait froncer quelques sourcils ».

Pourtant, cette association est aussi osée par Lorenzo Mangini, journaliste italien qui a beaucoup parlé de Damsgaard dans la Repubblica, lors de son passage à la Sampdoria. En effet, ses prestations en terre danoise séduisent les scouts les plus avertis. Le natif de Jyllinge tape dans l’œil du célèbre Riccardo Pecini, alors recruteur pour les Blucerchiati. Ce dernier a déjà déniché Joachim Andersen, Milan Skriniar, Lucas Torreira ou Patrick Schick pour la Samp’. Rapidement convaincu, Damsinho s’envole à l’été 2020 pour Gênes.

Un choix surprenant … qui se révèle payant

Ce choix peut paraître surprenant au vu de certaines caractéristiques de la Serie A. « C’est un championnat important et difficile pour commencer à l’étranger. Mais il a impressionné, tant les Danois que les Italiens », assure Sebastian Stanbury. Pour le CCS, Lorenzo Mangini abonde : « Après quatre ou cinq matches, il était intégré et il marque un but d’artiste contre la Lazio. » Le joueur d’1m80 confirme sur la durée. En 1 805 minutes (37 matchs, 18 titularisations), il inscrit deux buts et délivre quatre assists. « Sa première saison en Italie est très bonne. C’était une grande révélation. Il faut souligner qu’il venait du Danemark, il n’avait jamais joué à l’étranger. Tout le monde a été très satisfait », résume le reporter transalpin.

Ainsi, dans l’édition du 6 avril 2021 de la Repubblica, on peut lire : « Parmi les dribbleurs de notre ligue, Damsgaard semble un intrus. Il est léger mais ne se contente pas de dribbler dans les grands espaces et ne se repose pas sur sa vitesse comme Gervinho. Il n’a pas la force dans les jambes et la fréquence de touches de Boga, ni la classe et l’expérience de Ribéry. Il ne semble pas non plus maîtriser son corps comme Ilicic. Pourtant, il n’a rien à envier à aucun d’entre eux. » Cependant, comme lors de sa première saison au Danemark, les observateurs évoquent ses difficultés dans les 30 derniers mètres : « Ses limites apparaissent lorsqu’il doit passer ou tirer. Face au Milan, il a brillé, par son application défensive et ses dribbles, par sa façon de conserver le ballon et de briser le rythme lorsque Milan a essayé d’écraser la Sampdoria dans sa moitié de terrain. Damsgaard était parmi les meilleurs mais n’a jamais tiré au but, n’a pas créé la moindre occasion. »

Deux tableaux statistiques qui peuvent illustrer les propos de la Repubblica. Damsgaard présente des statistiques avancées de dribbles intéressantes. Source : fbref

Cette découverte de la Serie A lui fait tout de même franchir un cap. Comme le note Lorenzo Mangini, c’est juste après son arrivée à Gênes que la jeune promesse honore sa première cap avec l’équipe nationale. Il y retrouve Kasper Hjulmand, croisé à Nordsjaelland, et nommé sélectionneur en août 2020. Damsinho est logiquement appelé pour l’Euro. La compétition débute de la pire des manières pour les Rød-Hvide avec le malaise cardiaque de Christian Eriksen face à la Finlande. La rencontre suivante, Damsgaard remplace l’ancien de Tottenham dans le onze et assume son nouveau rôle. Pour preuve, c’est le numéro 14 qui guide ses partenaires contre la Russie, lors du dernier match de poule. Obligé de gagner pour se qualifier, le Danemark prend l’avantage grâce à une frappe lointaine de son prodige. Puis, en huitième, le milieu de la Sampdoria délivre une passe décisive face au pays de Galles, avant de briller en demie.

2021/22, la saison de l’explosion ?

Ces prestations ont marqué les supporters de son pays, comme le révèle Sebastian Stanbury : « Il a été capable de jouer rapidement et de combiner avec ses coéquipiers à un très haut niveau. Ses buts resteront dans les mémoires. » Lorenzo Mangini se souvient également de ces formidables performances : « Pendant l’Euro, il a très bien joué parce que l’entraîneur a trouvé une position parfaite pour lui. Il pouvait penser à la phase offensive. Il ne doit pas aussi penser à la phase défensive ». En effet, le journaliste transalpin émet des réserves sur les capacités physiques du Danois : « Il n’est pas un super athlète. Il joue avec sa technique et son intelligence ».

À l’issue de cet exercice encourageant, Damsgaard est sur le départ. « Je pensais  qu’il franchirait un palier dans son développement. Peut-être même qu’il changerait de club », avance Sebastian Stanbury. Or, l’été 2021 intervient après plusieurs mois de Covid. Résultat, les formations susceptibles de se positionner n’ont pas les fonds nécessaires. D’autant que le président de la Samp’ demande environ 40 millions. Certains attendent peut-être aussi une confirmation des promesses aperçues. Résultat, le Danois reste à Gênes une saison de plus. Mais rien ne va se passer comme prévu.

En octobre 2021, Mikkel Damsgaard se blesse à la cuisse droite. Le problème physique, en apparence banal, va se transformer en un véritable calvaire pour le numéro 38 blucerchiati. Ce pépin musculaire dégénère et une bactérie se propage dans son genou. S’ensuivent des mois de douleurs et d’interrogations. Les médecins sont d’abord incapables de déterminer la nature de la blessure. « Ici, au Danemark, nous n’avons pas su pendant longtemps quel était le problème. Je pense que les gens étaient un peu inquiets de son absence longue et incertaine », décrit Sebastian Stanbury. Au plus bas moralement, l’ailier est rapatrié dans son pays natal où le staff médical de l’équipe nationale le prend en charge. L’ancien du Nordsjaelland FC doit passer par la case hôpital. Selon Lorenzo Mangini, le problème est tel que la carrière du joueur est remise en cause. Évidemment, cette indisponibilité fait mal à la Sampdoria. « Il n’y a pas deux Damsgaard », soutient le journaliste italien.

Une longue récupération et un retour à la compétition difficile

Finalement, après cette interminable période de doutes, la source du problème est détectée. Damsgaard est opéré et se voit prescrire un traitement. En juin 2021, il se confie : « Je ne me sentais plus capable de le bouger (son genou), mes articulations se sont mises à enfler. Je ne sais pas combien de temps je dois prendre le médicament. Des médecins disent que cela pourrait être pour le restant de ma vie. Je vais bien maintenant et je vais continuer à le prendre pendant un certain temps au moins. »

L’ailier peut désormais revenir sur le rectangle vert. Cependant, avec cette longue absence,  son retour doit se faire en douceur. Sur la fin de saison 2021/22, le joueur dispute des bouts de matchs (61 minutes en 6 apparitions entre mi-avril et fin mai) sans réussir à se montrer décisif. « Il a joué quelques minutes, mais il était trop loin d’une condition suffisante », atteste Lorenzo Mangini. Ces difficultés étaient encore présentes cet été selon le journaliste de la Repubblica : « Durant la préparation, il était en retard physiquement par rapport au reste de l’équipe. »

Mais le Danois ne disputera pas l’exercice 2022/23 sous les couleurs blucerchiati. En août, la Samp, en proie à des difficultés financières, accepte une offre de Brentford. Cette destination ne convainc pas Lorenzo Mangini : « Pour moi, la Premier League n’est pas le bon championnat. Il devait rester en Italie ou aller en Espagne. L’aspect physique, c’est trop pour lui et particulièrement en ce moment. Il va fatiguer et je ne l’ai pas suivi beaucoup mais il me semble qu’il va peu jouer. »

Le Mondial pour se relancer ?

Pour l’instant, les statistiques lui donnent raison. Damsgaard a disputé 11 rencontres et une seule en tant que titulaire. En 415 minutes, il a été décisif une fois, en délivrant une passe décisive en Carabao Cup contre Gillingham (D3). Malheureusement, plus tard dans le match, la recrue estivale manquait son tir au but, précipitant l’élimination des siens. Sebastian Stanbury partage cette nécessité de (re)prendre du coffre physiquement : « Il n’est toujours pas à 100 % après sa blessure. Il a besoin de temps pour se muscler. Il est très mince, et lorsqu’il jouait au FC Nordsjælland, ses entraîneurs et le service de santé essayaient de le faire manger pour qu’il prenne du poids. Tout cela combiné à l’adaptation à la Premier League, très physique, signifie que le début de saison a été difficile. »

Si sa situation en club est compliquée, le Danois peut compter sur l’équipe nationale pour se relancer. Kasper Hjulmand semble beaucoup l’estimer. À peine revenu de sa blessure en avril 2021, l’ailier avait pourtant été convoqué par le sélectionneur. Le joueur lui-même avait paru surpris : « Je ne suis que sur le chemin du retour, donc il se pouvait très bien qu’il (Hjulmand) ne m’emmène pas même si j’espérais revenir, bien sûr ». En septembre 2022, Damsihno est de nouveau appelé. Une persévérance récompensée, puisqu’il a délivré une passe décisive face à la France. Logiquement, Damsgaard était donc dans la liste des 26 sélectionnés pour la Coupe du monde. Lorenzo Mangini veut croire en sa résurrection à l’occasion de l’événement qatarien : « Je pense que le mondial peut devenir une grande vitrine pour lui, parce qu’avec le Danemark, il a donné son meilleur. » Le monde du football n’attend que ça.

Crédit image principale : Goal.com

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