À l’Euro 2020, la Nati avait créé la surprise en sortant l’équipe de France dès les huitièmes de finale au bout de la soirée. Un an et demi plus tard, l’équipe suisse est-elle capable de recréer l’exploit ? Que peut-elle envisager dans ce mondial ? En Russie, les Suisses s’étaient inclinés en huitième face à la Suède ne parvenant une nouvelle fois pas à atteindre les quarts de finale. Leur dernier quart de finale date en effet de 1954 alors qu’ils accueillaient le Mondial chez eux. Et si officiellement l’objectif est de sortir des poules, la Suisse a toutes les raisons de croire pouvoir faire mieux.
De l’Euro au Mondial : la Nati sur son nuage
La Suisse aborde le mondial 2022 en confiance. En effet, sa dernière compétition internationale est un succès. Elle y rompt une tradition datant de 67 ans qui voulait qu’elle ne parvienne pas à gagner de match à élimination directe. Au cours de celle-ci, son attaque prolifique (8 buts en 5 matchs, seuls les ½ finalistes font mieux) est portée par Seferović et Shaqiri (3 buts chacun) ainsi que le meilleur passeur du tournoi, Zuber (4 passes) et sa défense par un excellent Yann Sommer. Alors qu’elle est classée 3ème de sa poule, elle réussit à battre la France, championne du monde en titre, et sortante en 1ère position d’une des poules les plus relevée (Allemagne, Portugal, Hongrie). Pour cela, elle renverse complétement le match alors qu’elle était menée 3-1. Elle s’impose aux tirs au but grâce à un arrêt de Yann Sommer sur la tentative de Mbappé.
Elle se retrouve ensuite face à l’Espagne. Une nouvelle fois, le match se décide après prolongations. Avec un mental impressionnant, les Suisses ne craquent pas au cours de celles-ci alors qu’ils sont à 10 contre 11 depuis la 77è minute suite à l’exclusion de Freuler. Face aux Espagnols, ils ne parviennent pas à remporter la séance de tirs au but, avec 3 échecs. Mais leurs adversaires échouent également à 2 reprises avec un raté de Busquets, puis de nouveau un arrêt de Sommer.
Après la compétition, l’équipe suisse reste sur son nuage malgré un changement de sélectionneur. En effet, Petković prend juste après les rênes des Girondins de Bordeaux, cédant sa place à Murat Yakın. Alors qu’elle est dans un groupe de qualifications pour le Mondial qui compte notamment l’Italie, elle parvient à se hisser à la première place, se qualifiant d’office pour celui-ci. Elle finit invaincue dans celui-ci avec uniquement 3 nuls en 10 matchs. Deux d’entre eux sont contre les champions d’Europe en titre. Une nouvelle fois, ces résultats sont le fruit de leur portier, celui-ci sortant le pénalty de Jorginho lors du match aller et celui-ci tirant à côté du but sur celui accordé au match retour.
Leur forme perdure en Ligue des nations. Dans une poule comptant la République Tchèque, le Portugal et l’Espagne, ils commencent par perdre les 3 matchs allers (2-1, 4-0, 0-1). Sur la phase retour, ils battent les trois équipes (Espagne : 1-2 ; Portugal 1-0 et République tchèque 2-1). La victoire face aux Espagnols est alors une première historique, c’est la première fois que la Nati bat la Roja en Espagne.
Un gardien au top
Arrivant en confiance suite à ses derniers résultats, la Suisse arrive également au mondial avec des joueurs au pic de leur niveau. En effet, sur plusieurs postes clés, l’équipe va pouvoir s’appuyer sur un début de saison excellent des titulaires.
Dans les buts, Yann Sommer continue d’être l’un des gardiens les plus fiables de Bundesliga. Il permet régulièrement à son club le Borussia Mönchengladbach de rester dans le jeu, notamment face aux meilleures équipes ou lors des matchs à enjeux. Cette saison ne fait pas exception. C’est certainement grâce à ses nombreux arrêts que Mönchengladbach a pu arracher un point face au Bayern Munich. Au cours de ce match, il avait battu le record d’arrêts de la Bundesliga en empêchant à 19 reprises le ballon de finir au fond des filets. De plus, sa capacité à arrêter régulièrement pénaltys et tirs au but est connue. Elle est un avantage mental qui sera important si la Nati se retrouve dans des situations de séances de tirs au but.
« Il est sensationnellement bon aux pénaltys et je ne me réjouis pas de chaque pénalty que nous obtenons contre nous, mais je n’ai plus peur. »
Christoph Kramer à propos de son coéquipier en club Yann Sommer
Néanmoins, il y a une petite alerte sur le portier suisse. Il s’est blessé lors du 16è de finale de coupe d’Allemagne plus tôt dans la saison. Lorsqu’il a pris les buts face au Ghana en match amical de préparation, c’était son premier match depuis un mois.

Normalement deuxième dans la hiérarchie Jonas Omlin s’est également blessé à la cheville peu de temps avant le mondial. Il est néanmoins de la partie. Le portier de Montpellier âgé de 28 ans peut profiter de son expérience des compétitions internationales avec son équipe nationale donc manque encore un peu Kobel. Ayant rejoué en club, il est normalement apte à remplacer Sommer en sélection nationale. Mais s’il venait à ne pas pouvoir assurer ses buts, l’équipe peut également compter sur le gardien du Borussia Dortmund : Gregor Kobel. Le portier y est performant et permet souvent à son équipe de garder ses scores. Le jeune gardien à qui semble promis le poste dans le futur était en revanche passé à côté de son match face au Portugal (4-0) pour sa deuxième apparition en tant que titulaire en juin dernier.
Une défense qui se connaît parfaitement
La Suisse n’a pas que son gardien sur lequel elle peut compter. En défense, elle profite d’une stabilité construite sur de nombreuses années. En effet, Manuel Akanji, Fabian Schär, Nico Elvedi et Ricardo Rodríguez sont régulièrement titulaires ensemble depuis 2018. Les trois défenseurs centraux ont même évolué à de nombreuses reprises dans des défenses à 3. A gauche, Rodríguez tient son côté gauche depuis 2011 et à droite Silvan Widmer, joueur de Mainz, est titulaire depuis 2020. Ainsi, Yakın peut profiter d’une défense qui se connait et qui est tout sauf expérimentale.
De plus, Manuel Akanji et Fabian Schär sont, comme leur gardien, en bonne forme et confiance. Ils appartiennent en effet à deux des trois meilleures défenses de Premier League. Le premier s’est rapidement imposé comme titulaire dans le système de Pep Guardiola à Manchester City. Ils sont actuellement la 3è meilleure défense avec 14 buts encaissés. Quant à Schär, Newcastle, où il évolue depuis 2018, n’en encaissé que 11 en 15 matchs, faisant d’elle la meilleure défense du championnat au même niveau qu’Arsenal (en 14 matchs).
Xhaka dans la forme de sa vie
Il y a trois ans, Granit Xhaka était proche du départ d’Arsenal. Détesté des fans, il était prêt à faire ses valises et partir voir ailleurs. Insulte envers les supporters, capitanat retiré suite à un maillot retiré après un changement, la situation dans le club londonien était glaciale. Si on avait alors interrogé le public, sur l’avenir, ils n’auraient certainement pas prédit que celui qu’ils détestaient tant allait être voté 2 fois d’affilée joueur du mois, par leurs soins, alors que leur club caracolait en tête du classement de Premier League avec 4 points d’avance après 15 journées.
Mais c’est bien la situation dans laquelle se trouve Granit Xhaka. Après avoir été convaincu par Mikel Arteta de prolonger son contrat alors que plus rien n’allait, il est désormais indispensable à Arsenal. Beaucoup plus constant dans ses prestations, il profite d’un remplacement un peu plus haut sur le terrain. Et s’il reste toujours aussi important dans la stabilité défensive de son équipe, il influe plus sur la création. Il a ainsi 3 buts et 3 passes décisives en 14 matchs cette saison, alors qu’il en avait auparavant 10 et 17 en 188.

C’est donc un capitaine qui a complétement retrouvé le sourire qui est à la disposition du sélectionneur suisse. Il profite d’ailleurs de son expérience avec le club anglais pour le repositionner un peu plus haut sur le terrain également en équipe nationale. Une expérience qui n’avait pas tellement plu au capitaine après la défaite face à la République tchèque en juin dernier. En effet, Xhaka avait critiqué cette décision en fin de match en interview. Mais malgré son « N’importe quel entraîneur qui me connaît sait que je suis mieux plus bas », Yakin l’a remis à ce poste face au Cameroun.
Néanmoins, malgré la connaissance avec son coéquipier du milieu Remo Freuler, à qui il est associé depuis 2019, le joueur londonien n’a été que très peu trouvé lors du match d’ouverture face au Cameroun. Alors qu’il a été l’un des joueurs les plus mobiles et demandant énormément le ballon, les lignes de passes étaient compliquées à trouver. Il a été servi 28 fois sur ses 101 demandes. Mais il a malgré tout été à l’origine de l’attaque menant à l’unique but de la rencontre lors d’une de celles-ci.
Face au Brésil, il est donc probable qu’il revienne à son poste de 6. Le fait que ce soit une équipe très offensive devrait entrer dans la balance. Mais la frustration du joueur à ce poste peut-être également. Il retrouverait alors son binôme jouant désormais à Nottingham Forest après plusieurs années à l’Atalanta Bergame.
Une attaque en confiance
L’attaque titulaire helvétique est constituée de Xherdan Shaqiri, Ruben Vargas et Djibril Söw, épaulant un Breel Embolo positionné à la pointe de l’attaque. Comme pour le reste de la composition, les joueurs se connaissent parfaitement, ceux-ci évoluant depuis l’après Euro ensemble. En effet, le dernier arrivé est Ruben Vargas. Remplaçant à l’Euro 2020 avec du temps de jeu sur plusieurs matchs, il est désormais titulaire.
Shaqiri sort de saisons compliquées en club. Après une longue blessure et des saisons complexes à Liverpool, il a tenté de se relancer à l’Olympique lyonnais sans grand succès. Désormais en MLS à Chicago, il a pu regagner du temps de jeu. Mais même avec ses difficultés en club, les sélectionneurs suisses lui ont toujours fait confiance. Il leur a d’ailleurs bien rendue. Malgré sa saison 2020-2021 avec uniquement 14 apparitions pour Liverpool et seulement 4 en tant que titulaire, Shakiri marque à 3 reprises à l’Euro 2020, et offre une passe décisive. Son Mondial 2022 est parfaitement lancé dès le premier match avec une passe décisive qui a permis à la Suisse de prendre l’ascendant sur le Cameroun. Seferović, titulaire pendant l’Euro, et qui est maintenant plutôt remplaçant profitera également de la confiance qu’il a de l’euro. Il y avait aussi marqué à 3 reprises.
Vargas vit une saison également compliquée. Titulaire à Augsburg la saison dernière, il a perdu sa place suite à une blessure en début de saison. Il a malgré tout régulièrement du temps de jeu, mais a quelques pépins physiques l’empêchant d’enchainer les matchs et d’accumuler du temps de jeu. Il a aussi dû mal à être impliqué sur les buts de son équipe. Alors qu’il avait marqué à 6 reprises pour ses deux premières saisons en Bundesliga, il n’a trouvé qu’à une reprise le chemin des filets la saison dernière (en 29 matchs). Cette saison, il a déjà un but et deux passes décisives, soit seulement une de moins que l’an dernier (3 passes décisives). Contrairement à Shaqiri, il est également peu décisif avec la Nati, avec laquelle il n’a marqué que 4 fois en 28 matchs.

De leurs côtés, Söw et Embolo arrivent en confiance. Söw profite d’un environnement positif en club. En effet, il a été sacré champion d’Europe avec l’Eintracht Frankfurt en fin de saison dernière. Cette année encore, son club est dans les places qualificatives en Ligue des champions et ils affronteront prochainement le Napoli en huitièmes de finale après être sortis des poules de Ligue des champions. Mais dans le système de l’équipe nationale il n’est pas utilisé comme en club. En effet, alors qu’il était auparavant à son poste de formation, il est beaucoup plus offensif dans les dernières compositions. Il passe donc de milieu plutôt défensif en Bundesliga à milieu offensif en ce début de coupe de monde. Mais il pourra donc être repositionné si nécessaire à un autre poste.
Breel Embolo, quant à lui, arrive sur une deuxième partie de mi-saison fructueuse. Alors qu’il est passé du Borussia Mönchengladbach à l’AS Monaco cet été, il a pris un peu de temps à trouver ses marques. Il marque ainsi uniquement 2 buts au cours des 7 premiers matchs. Au cours des 7 suivants, il est impliqué dans 7 buts au cours des 8 matchs suivant (5 buts, 2 passes décisives). Et dans ce mondial, il a pu profiter du 1er pour se lancer, marquant d’entrée.
Ainsi, à l’exception de Vargas un peu en retrait les trois autres titulaires sont en forme. Le doute peut résider dans la capacité des remplaçants à faire des différences. Seferović, titulaire à l’euro 2020 et grandement impliqué dans les succès de la Nati, a des automatismes avec ses coéquipiers. Noah Okafor arrivé en équipe nationale courant 2021 à déjà marqué à plusieurs reprises, notamment au cours des matchs de qualifications. Il avait notamment permis l’égalisation suite à une passe décisive de sa part face à l’Italie, dans une attaque recomposée avec plusieurs absences. Et le joueur du RB Salzburg est prolifique en club. Il a par exemple marqué 3 buts dans la phase de poules de Ligue des champions et a 7 reprises en Bundesliga. Le jeune Fabien Rieder devra de son côté trouver ses marques. Il a pour la première fois porté le maillot suisse face au Cameroun pour quelques minutes
Après une entrée en matière idéale face au Cameroun, la Suisse a son destin entre les mains. Qu’elle réussisse ou non à battre le Brésil, elle pourrait réussir à sortir de sa poule au dernier match face à la Serbie. Elle affrontera alors un des membres du groupe du H qui compte le Portugal, l’Uruguay, la Corée du Sud et le Ghana. Si sur le papier, certaines de ses équipes peuvent paraître au-dessus, elles devront se méfier de la Nati. En effet, après avoir sorti les champions du monde à l’Euro, empêché les champions d’Europe de se qualifier au Mondial et battu les Espagnols, elle est là où on ne l’attend pas. De plus, lors de leur dernière confrontation, elle est sortie vainqueur face aux Portugais. Alors que l’équipe et les joueurs sont en confiance et se connaissent parfaitement grâce à un lent renouvellement, elle pourrait être une des surprises de ce Mondial.
(crédit image titre : Sipa/Hasan Bratic)