Passé par la Masia, acheté par le Real Madrid puis prêté à Majorque, Villarreal, Getafe… Takefusa Kubo évolue aujourd’hui à la Real Sociedad. Au Mondial, le Japonais va affronter sa nation d’adoption. Va-t-il briller pour l’occasion ?
Il fait figure d’exception. Huit de ses coéquipiers jouent en Bundesliga, les autres sont dispersés entre divers championnats européens et la J.League domestique. Kubo, lui, a choisi le soleil de la Liga. Son histoire avec l’Espagne a débuté, il faut dire, il y a un certain temps.
Albert Puig, qui travaillait à la Masia, revenait pour France Football sur la découverte du talent japonais : « Nous avons fait signer Kubo grâce à Oscar Hernandez, qui coordonnait l’un de nos campus au Japon. C’est lui qui a découvert Take. Il m’a dit qu’il y avait ce jeune dont la famille s’apprêtait à rejoindre Barcelone. Je lui ai fait confiance et j’ai accepté que le joueur vienne effectuer une semaine d’essai chez nous. Dès ses premiers ballons, j’ai compris à quel point le talent de cet enfant était énorme. On l’a alors recruté. Il s’agissait d’un garçon très fort mentalement et qui n’hésitait pas à prendre des risques dans le jeu. Il avait beaucoup de personnalité et, évidemment, une grosse technique. Or, quand vous avez le talent, cet état d’esprit compétiteur et cette force mentale, vous ne pouvez que réussir ou presque… », se souvient Puig, qui entraîne aujourd’hui le FC Tokyo.
Le “Messi japonais”, comme il est surnommé, accède vite à la notoriété. Dès les U11, on sait qu’il a inscrit pas moins de 74 buts en 30 rencontres. Son ascension au Barça est programmée mais, en 2015, le club catalan se voit sanctionné pour avoir violé le règlement sur les transferts de mineurs. Kubo, laissé libre, retourne au Japon.
Une fois majeur, en 2019, Take Kubo a gardé sa cote intacte. Barcelone compte sur son retour mais les prétendants sont nombreux, à commencer par le Paris Saint-Germain. C’est finalement le Real Madrid, l’éternel rival, qui rafle la mise. Intégré au stage de préparation des Merengues à Montréal, Kubo suscite l’enthousiasme dès ses premières touches de balle. Mais la concurrence est forte, très forte. Zinedine Zidane souhaite que le milieu offensif aille s’aguerrir en prêt. Promu surprise en Liga, Majorque s’attache les services du jeune Japonais. Il s’impose au fil des semaines dans le onze de départ mais ne peut empêcher le club de faire la bascule vers la Segunda Division.
L’amour est dans le prêt
Grâce à ses performances, Take Kubo a gagné le droit de jouer dans une équipe de meilleur calibre. Il est encore trop court pour bousculer la hiérarchie au Real, qui l’envoie à Villarreal. Une formation qui pratique un style de jeu empreint de verticalité, censé correspondre à ses qualités. Or, le gaucher n’affiche pas le niveau d’un titulaire. Pas dans une équipe qui dispute la C3 et vise une qualification en C1. Unai Emery le cantonne au banc. Le Basque ne s’en cache pas : il n’est pas là pour former des jeunes, encore moins s’ils sont prêtés. Il est là pour gagner.
La situation n’est pas du goût de la Casa Blanca, qui rapatrie son joueur à la mi-saison. Prochaine étape : Getafe. Une équipe qui joue un football minimaliste, sous les ordres de Pepe Bordalás, mais qui voit en Take Kubo et Carles Aleña – prêté par le Barça – des éléments à même d’apporter une touche de fantaisie. Le grand espoir du football nippon retrouve du temps de jeu mais ses prestations en dents de scie ne lui confèrent pas un statut supérieur. À l’été 2021, il retrouve Majorque, une nouvelle fois promu en Liga. Il y réalise un exercice convaincant, au sortir duquel se pose la question de son avenir. À 21 ans, Kubo aspire à la stabilité.
Contraint de respecter le quota de joueurs extracommunautaires (occupé par Éder Militão, Vinícius Júnior et Rodrygo), le club madrilène doit se résoudre à céder son Japonais. Cette fois, pas de nouveau prêt. Le dribbleur file à la Real Sociedad pour 6,5 millions d’euros et un contrat jusqu’en 2027. Selon la presse espagnole, sa clause libératoire atteint 60 M€. Par ailleurs, le Real Madrid aurait inséré une clause de rachat et la possibilité d’égaler toute offre reçue par le club basque. Sur le plan sportif, il s’agit d’une belle opportunité pour Kubo, qui rejoint une équipe qualifiée en Europa League et portée sur l’attaque.
Txuri-Urdinak
Auteur d’un début de saison satisfaisant, Take Kubo a composté son billet pour le Qatar. Dans les colonnes de Marca, il a mis en valeur le rôle de son club dans cette convocation. « J’ai une bonne relation avec l’entraîneur (Imanol Alguacil, ndlr), avec mes coéquipiers aussi. Si je n’étais pas parti à la Sociedad, mon billet pour le Qatar était à moitié perdu. Maintenant, j’ai la chance d’être appelé parmi les 26 et je remercie la famille Real Sociedad. Je ne pense à rien d’autre. »
Au Qatar, Kubo va revoir des visages familiers. Des adversaires réguliers, des anciens coéquipiers. Comme ses amis Eric García et Ansu Fati, côtoyés à la Masia. García faisait d’ailleurs partie de la Rojita, bourreau du Japon en demi-finale des Jeux olympiques de Tokyo (0-1, a.p). Comme Unai Simón, Pau Torres, Pedri, Dani Olmo, Carlos Soler et Marco Asensio, qui retrouveront donc Take Kubo, Hiroki Sakai, Maya Yoshida, Ko Ikatura, Wataru Endō, Ao Tanaka, Ritsu Doan, Ayase Ueda, Yuki Soma, Daizen Maeda… et le sélectionneur Hajime Moriyasu.

Moriyasu, à la tête de l’équipe nationale depuis 2018, présente un bilan statistique éloquent : 39 victoires, 8 nuls et 10 défaites en 57 parties dirigées. Sur le tableau noir, les Japonais ont coutume de s’organiser en 4-2-3-1 (4-4-2 en phase défensive). C’est une formation qui aime mettre le pied sur le ballon et qui peut se le permettre. Outre Kubo, la sélection asiatique dispose de Daichi Kamada, Ritsu Doan, Kaoru Mitoma, ou encore des pensionnaires de Ligue 1 Junya Ito (Reims) et Takumi Minamino (Monaco), des profils techniques intéressants en soutien de l’attaquant.
Kamada étant le n°10 du Japon, Kubo doit batailler avec Ito et Doan pour jouer sur l’aile droite, sa préférée. C’est davantage à gauche qu’il peut s’exprimer, tant les matchs de Soma et Minamino sont en demi-teinte. S’il préfère le côté droit pour rentrer sur son pied fort, Take Kubo est habitué à jouer à gauche avec la Real Sociedad. Il n’est pas un ailier traditionnel qui “mange” la ligne de touche mais il a bien d’autres atouts. Doté d’un gros volume de jeu, très actif au pressing, il est adapté aux exigences du football moderne, à la recherche de verticalité.
Néanmoins, il n’est pas un joueur de profondeur. Kubo, du haut de son mètre 73, possède un centre de gravité très bas. Il aime être servi dans les pieds et placer une accélération en départ arrêté, effectuer des changements de direction brusques. Placé face au jeu, il est un joueur imprévisible, pouvant jouer en première intention. Capable de faire la différence sur une prise de balle, il aime réaliser des ouvertures, des passes en profondeur. Take Kubo sur le terrain, c’est un grain de folie et beaucoup de panache.
Les statistiques avancées de fbref corroborent l’impression visuelle. Son intensité dans les taches défensives n’est pas feinte. Avec 1,77 tacles par 90 minutes, il est dans le 86e centile, c’est-à-dire que seuls 14 % des milieux offensifs font mieux en Europe. Idem au niveau des balles contrées (1,1), où il se place dans le 77e centile. Plus surprenant au vu de sa petite taille, il remporte 0,75 duels aériens, soit le 72e centile. Sans surprise, Take Kubo doit progresser dans le dernier geste. Il n’a marqué que 23 buts en 214 matchs professionnels et, avec 0,17 xG, il se situe seulement dans le 20e centile. Pas de panique : à son âge, rare sont les dribbleurs qui noircissent la feuille de stats.
Buteur à une reprise en 22 capes, Takefusa Kubo va-t-il doubler son total face à son pays d’adoption ?